Les techniques modernes d'imagerie médicale ont considérablement amélioré la capacité à évaluer les pathologies complexes du pied et de la cheville. L'un des principaux défis dans ce domaine a toujours été la gestion des artefacts métalliques, dus notamment aux implants chirurgicaux. Cependant, des progrès significatifs ont été réalisés, notamment avec l'intégration de logiciels et de méthodes permettant de réduire ces artefacts de manière remarquable. Cela est particulièrement utile lors de l'évaluation des matériaux d'ostéosynthèse, où la qualité de la reconstruction tridimensionnelle (VRT) permet d'améliorer l'examen des structures osseuses et des composants métalliques [11].

Une autre avancée importante concerne les scanners à double énergie. Ces appareils utilisent deux tubes à rayons X de tension différente, permettant d'acquérir simultanément des données provenant de tissus ayant des comportements d'atténuation distincts. Cela permet de différencier des types de cristaux déposés, tels que ceux de l’acide urique et du pyrophosphate de calcium, ce qui est essentiel pour les diagnostics de goutte et d'autres pathologies métaboliques [12]. Le scanner à double énergie se révèle également particulièrement efficace pour évaluer les lésions osseuses traumatiques, notamment les œdèmes médullaires qui échappent aux scanners classiques. De plus, ces appareils ont été adaptés pour imager des zones spécifiques telles que la cheville ou le pied en charge, une évolution rendue possible par les conceptions compactes des scanners modernes.

L'utilisation de la tomodensitométrie (CT) a permis de dépasser les limites de la radiographie conventionnelle, particulièrement dans l’évaluation des fractures complexes. L'acquisition rapide d'images en 3D permet une planification chirurgicale précise, tandis que la réduction des doses de radiation et des artefacts métalliques grâce à de nouveaux logiciels et équipements augmente la sensibilité du diagnostic. Le scanner est désormais un outil indispensable dans la pratique clinique, en particulier pour l’analyse des fractures difficiles à détecter par radiographie [13].

La tomographie par émission de positons et la tomodensitométrie (SPECT-CT) a également gagné en importance dans l’évaluation des pathologies du pied et de la cheville. Cette technique permet de détecter les zones de turnover osseux élevé, notamment grâce à l’utilisation de traceurs radiopharmaceutiques. Lorsqu'elle est combinée à la tomodensitométrie, elle fournit des images hybrides qui allient informations fonctionnelles et localisation anatomique précise des lésions. La SPECT-CT s'avère particulièrement utile dans le diagnostic de l'arthrose active, des fractures de stress occultes, des tendinites et d’autres affections où les symptômes cliniques et les résultats des examens traditionnels ne permettent pas de poser un diagnostic clair [14, 15]. Cependant, l'utilisation de radiations ionisantes et de traceurs gamma demeure un inconvénient de cette méthode, en raison de l'exposition corporelle et de la complexité des équipements nécessaires.

La résonance magnétique (IRM) représente l'un des plus grands progrès dans l'imagerie musculosquelettique. En n’utilisant pas de radiations ionisantes, l’IRM permet d’obtenir une excellente résolution spatiale et de contraste, rendant possible la visualisation des structures superficielles et profondes du pied et de la cheville. L'IRM utilise des séquences multiples pour différencier les tissus en fonction de leur densité en protons. Ces séquences sont particulièrement utiles pour l’évaluation des pathologies osseuses, tendineuses, ligamentaires et cartilagineuses. Les séquences pondérées en T1, T2 et les séquences à saturation de la graisse permettent de détecter les œdèmes osseux, les inflammations et les anomalies des tissus mous, essentielles dans le cadre d'une évaluation complète [16]. Bien que l'IRM soit très sensible, elle n'est pas toujours spécifique, et certaines altérations peuvent être confondues avec des variations physiologiques, comme chez les jeunes enfants ou les athlètes où des modifications du signal de la moelle osseuse peuvent apparaître sans être pathologiques [17, 18].

L’un des défis majeurs de l'IRM reste la durée de l'examen, qui peut durer jusqu’à 30 minutes, ce qui est relativement long comparé à d'autres techniques comme la radiographie ou la tomodensitométrie. De plus, la nécessité d'équipements spécifiques, tels que des bobines adaptées à l’imagerie de la cheville et du pied, ainsi que des champs magnétiques puissants, limite son accessibilité dans certaines structures. De plus, les patients porteurs de dispositifs médicaux, tels que des pacemakers, peuvent être exclus de ces examens en raison des risques liés au champ magnétique.

Il est important de noter que, bien que les technologies modernes permettent d’obtenir des images de haute qualité, elles ne sont que des outils au service du clinicien. Leur utilisation doit être toujours interprétée dans le contexte clinique du patient. Par exemple, l’interprétation des images de l'IRM chez un sportif ou chez un enfant nécessite une prise en compte des spécificités physiopathologiques de ces groupes. Les techniques d’imagerie, aussi avancées soient-elles, ne remplacent pas l’expertise clinique et doivent être utilisées de manière complémentaire pour un diagnostic précis et une prise en charge optimale des pathologies du pied et de la cheville.

Est-ce que l'ostéotomie valgus calcanéenne est efficace pour traiter la maladie de Müller-Weiss ?

Dans le cadre du traitement de la maladie de Müller-Weiss (MWD), de nombreuses stratégies chirurgicales ont été explorées pour pallier les difficultés fonctionnelles et les douleurs persistantes dues aux déformations du pied. L'arthrodèse a longtemps été considérée comme une solution, souvent avec l'utilisation d'un greffon de crête iliaque tricomplexe pour relier les segments à fusionner. Cependant, cette approche n'a pas toujours donné des résultats satisfaisants, avec des taux non négligeables de non-unions et de malunions, et un retour à la fonctionnalité souvent lent et compliqué par des périodes prolongées de décharge post-opératoire. L'arthrodèse a ainsi révélé certaines limites, ce qui a poussé les chercheurs à rechercher des alternatives moins invasives, et surtout plus efficaces à long terme.

À partir des années 2000, une évolution importante dans la compréhension des mécanismes de la MWD a modifié l’approche thérapeutique. Ce n'est plus l'arthrose comme telle, mais la déformation en varus du pied qui est devenue le principal coupable des douleurs et de la perte fonctionnelle. Une ostéonécrose asymétrique de l'os naviculaire amène à la conclusion que, si les moments agissant sur la région latérale de l'articulation pouvaient être modifiés pour orienter les forces vers la région médiale, un soulagement significatif des symptômes pourrait être obtenu. Un traitement qui, à l’instar de certaines chirurgies du genou, consiste à réorienter les forces de charge, pourrait théoriquement offrir une amélioration, tout comme l’utilisation d’orthèses de pronation, qui ont donné de bons résultats chez la plupart des patients.

À ce stade, l’ostéotomie valgus calcanéenne, notamment l’ostéotomie de type Dwyer, s’est révélée être une alternative simple et efficace dans le cadre de la MWD. L’objectif principal était de modifier les moments de force exercés sur le pied en favorisant des forces en valgus, plutôt qu’en varus, afin de restaurer une fonction plus naturelle du pied. L’ostéotomie de Dwyer classique permet un rechargement précoce et améliore les résultats dans la majorité des cas, en particulier ceux présentant un varus modéré. Néanmoins, cette technique montre ses limites lorsque la déformation en varus est plus prononcée. C’est dans ces cas que des modifications chirurgicales supplémentaires ont permis d’améliorer les résultats.

L'une de ces modifications a consisté à déplacer l'ostéotomie plus en avant sur la partie antérieure du calcanéum. Cette position stratégique accroît l'effet valgus, car elle augmente le bras de levier, ce qui permet de maximiser l’effet de correction. Par ailleurs, une autre modification notable a été l’ajout d’une translation latérale dans l’ostéotomie de Dwyer, une approche connue sous le nom d’effet inverse de Koutsogiannis. Ce décalage latéral du calcanéum, combiné à une mobilisation contrôlée des tissus mous médiaux, a permis d’obtenir des corrections de varus plus prononcées et a montré des résultats considérablement améliorés par rapport à l’ostéotomie classique.

Dans cette approche modifiée, l’ostéotomie calcanéenne a permis de réaliser un ajustement plus important de l'axe de chargement, ce qui a donné des résultats plus satisfaisants, notamment en réduisant la nécessité d’une arthrodèse secondaire après l'ostéotomie initiale. Le recours à des vis cannulées de 6,5 mm ou 7,0 mm pour fixer l'ostéotomie a favorisé une guérison rapide et une réhabilitation fonctionnelle plus précoce. Le suivi post-opératoire a montré une amélioration significative de la douleur, avec une échelle visuelle analogique (EVA) de la douleur qui est passée de 8 à 2 après la chirurgie, et une amélioration de l’échelle hindfoot AOFAS de 29 à 79.

Cela étant dit, il est essentiel de souligner que le succès de cette approche repose non seulement sur la chirurgie elle-même, mais également sur le processus de réadaptation post-opératoire. Un délai d’au moins six mois est nécessaire pour que le cortex cérébral "s'habitue" aux nouveaux stimuli mécaniques, afin que le patient puisse développer une stratégie motrice fonctionnelle et retrouver une démarche fluide.

Il est également important de noter que, même si une ostéotomie valgus peut offrir une solution efficace à la MWD dans de nombreux cas, certains patients peuvent présenter une détérioration progressive du résultat à moyen ou long terme, nécessitant une intervention secondaire sous forme d'arthrodèse. Cependant, l'arthrodèse sur un pied déjà opéré d’une ostéotomie valgus s'avère souvent plus rapide, moins complexe et potentiellement plus réussie que l'arthrodèse primaire sur une déformation d'origine.

L’utilisation de l’ostéotomie valgus, avec ses modifications techniques et ses résultats positifs dans la majorité des cas, s’affirme comme une approche privilégiée pour les patients présentant la maladie de Müller-Weiss, et ce indépendamment du stade radiologique au moment de la chirurgie. Cette chirurgie de préservation articulaire, bien qu’efficace, doit cependant être choisie avec soin, et le suivi postopératoire revêt une importance capitale pour garantir un bon résultat à long terme.

Quelle est la physiopathologie de l'arthropathie neurogène de Charcot et son impact clinique ?

L'arthropathie neurogène de Charcot (ANC), également connue sous le nom d'ostéoarthropathie neurogène de Charcot, est une pathologie articulaire et osseuse qui touche plusieurs segments corporels, tels que le genou, la colonne vertébrale, l'épaule, la hanche et le poignet. Cependant, les pieds et les chevilles sont les zones les plus fréquemment affectées. Cette maladie chronique engendre une détérioration progressive des structures osseuses et articulaires, avec des conséquences graves sur la mobilité des patients, en particulier lorsqu'elle touche les membres inférieurs. Elle est souvent associée à une neuropathie, en particulier chez les patients souffrant de diabète de type 1 ou 2, ce qui accentue les risques d'amputation et de mortalité précoce.

L'arthropathie neurogène de Charcot est une pathologie dévastatrice qui touche le système musculo-squelettique, mais elle est particulièrement insidieuse car ses symptômes cliniques peuvent passer inaperçus pendant une période prolongée en raison de la perte de sensibilité chez les patients. Cela rend le diagnostic difficile, et l'ANC est souvent sous-diagnostiquée. Les personnes atteintes de diabète, particulièrement celles ayant une neuropathie périphérique, sont les plus vulnérables, ce qui a conduit à une forte prévalence de cette condition parmi cette population. La prise en charge de cette pathologie nécessite une approche multidisciplinaire, incluant des chirurgiens orthopédistes, des endocrinologues, des chirurgiens vasculaires, et d'autres spécialistes en fonction des comorbidités du patient, afin d'optimiser les résultats thérapeutiques.

L'ANC est souvent mal comprise et ses mécanismes physiopathologiques demeurent partiellement élucidés, bien que plusieurs théories aient été avancées pour expliquer son apparition et son évolution. Ces théories incluent la théorie neurovasculaire, la théorie inflammatoire et la théorie neurotraumatique. Chacune de ces hypothèses offre une perspective différente sur les mécanismes sous-jacents de la pathologie.

La théorie neurovasculaire suggère que l'altération des os et des articulations dans l'ANC est causée par une hypervascularisation due à une neuropathie autonome. Ce dysfonctionnement du système sympathique entraînerait une augmentation du flux sanguin, perturbant ainsi les réflexes vasculaires et favorisant la formation de fistules artério-veineuses. L'hypervascularisation qui en découle conduirait à une fragilité osseuse accrue et à des fractures multiples.

D'autre part, la théorie inflammatoire postule qu'une réponse inflammatoire exacerbée dans les phases aiguës de l'ANC favorise l'activité ostéoclastique, ce qui conduit à une absorption excessive de l'os et à une fragilité accrue. Des cytokines pro-inflammatoires telles que le TNF-α, l'IL-6 et l'IL-1β seraient impliquées dans cette réaction, renforçant l'inflammation et la destruction osseuse. Des études récentes ont révélé que la balance entre les cytokines RANKL et OPG, impliquées dans le métabolisme osseux, pourrait jouer un rôle clé dans l'aggravation de la pathologie.

La théorie neurotraumatique, quant à elle, repose sur l'idée que la perte de sensibilité protectrice, souvent due à la neuropathie, expose les patients à des traumatismes répétitifs, voire à des traumatismes aigus, qui passent inaperçus. Ces microtraumatismes accumulés provoquent des lésions mécaniques aux os et aux articulations, entraînant des fractures et des subluxations.

Ces théories ne sont pas exclusives et pourraient, en réalité, se compléter pour expliquer la complexité de l'ANC. Il est probable que les lésions causées par des traumatismes minimes, dans un environnement de neuropathie et d'inflammation, génèrent un cercle vicieux où les lésions osseuses entraînent plus d'inflammation, ce qui fragilise davantage les structures osseuses et articulaires.

L'arthropathie neurogène de Charcot est une condition clinique complexe, dont les effets dévastateurs peuvent être atténués par une détection précoce et un traitement approprié. Bien que la pathophysiologie reste en partie floue, il est clair que la gestion de cette maladie nécessite une compréhension approfondie des mécanismes physiopathologiques sous-jacents. Il est essentiel que les professionnels de santé soient conscients de la possibilité de cette pathologie, en particulier chez les patients diabétiques présentant des signes de neuropathie périphérique.

Il convient également de souligner que la détection précoce et la prise en charge rapide de l'ANC sont cruciales pour prévenir les complications graves, telles que les fractures multiples, la déformation des pieds, et, dans les cas extrêmes, les amputations. Une prise en charge rapide et adéquate permet non seulement de préserver la fonction des membres inférieurs, mais aussi d'améliorer la qualité de vie des patients.