Le Parti républicain, fondé en 1854, est d'abord né dans le but de renverser les siècles de culture de l'esclavage dans les États du Sud. Cependant, au fil du temps, il a évolué, passant d'un défenseur du changement culturel à un promoteur de la défense de la culture traditionnelle contre les évolutions de la société contemporaine. Ce changement de perspective s'est accéléré après la Seconde Guerre mondiale, alors que la culture dominante s'est vue menacée par de nouvelles valeurs et des transformations sociales rapides.

À l’origine, le républicanisme se faisait l'écho de principes progressistes, se concentrant sur la justice et l’égalité des droits pour tous les citoyens, y compris les immigrants et les Afro-Américains. Au fil du XXe siècle, cependant, les républicains ont adopté une position plus conservatrice face aux évolutions sociales, en particulier sur des questions comme le contrôle des armes à feu, l’avortement et l'immigration.

L'un des changements les plus notables concerne la question des armes à feu. Initialement, le contrôle des armes ne constituait pas un sujet politique central. Ce n'est qu'après l'assassinat du président Kennedy que le contrôle des armes est devenu une préoccupation, bien que, sous l'influence de puissants lobbies comme la NRA, la position du Parti ait évolué pour devenir une défense intransigeante du droit de posséder des armes. Le Parti, tout en se réclamant d’une position conservatrice sur la culture, a rejeté tout renforcement des régulations sur les armes, même après des événements tragiques comme l'attentat contre Ronald Reagan.

Un autre domaine où cette évolution est évidente est celui de l'avortement. Depuis les années 1970, le Parti républicain a pris une position ferme en faveur de l’interdiction de l’avortement, tout en étant également un défenseur du droit à la peine de mort. Cette incohérence semble découler d'une tentative de maintenir une culture de préservation de la vie, mais à la fois de justifier la mort dans le cadre de la peine capitale. Le paradoxe entre ces deux positions, qui à première vue semblent opposées, traduit une défense d'un ordre social rigide, où les valeurs culturelles sont maintenues coûte que coûte.

La notion de « défense culturelle » est cruciale dans cette évolution. Ce qui était initialement un parti politique luttant pour la fin de l’esclavage et l'extension des droits civiques aux Afro-Américains s’est transformé en une force de résistance contre les changements culturels des décennies suivantes. La question de l'avortement et des droits des femmes est l'un des plus grands points de friction, où le parti, plutôt que de soutenir l’autonomie individuelle des femmes, a cherché à imposer un ordre moral dicté par des principes religieux.

Dans cette dynamique de résistance au changement, l'immigration a également pris une place centrale. Au début, les républicains soutenaient l’immigration, considérée comme une richesse pour la nation. Cependant, après la Première Guerre mondiale, les politiques ont commencé à se durcir, et le contrôle des frontières est devenu un sujet récurrent dans les plateformes républicaines. Le discours sur l’immigration a progressivement évolué vers une position de plus en plus restrictive, avec des propositions visant à ériger des barrières physiques, comme la construction d’un mur à la frontière sud des États-Unis, et à imposer des lois plus sévères concernant l’immigration illégale.

Ce tournant a été particulièrement marqué dans les années 1980 et au-delà, lorsque le Parti a progressivement renoncé à toute approche libérale de l'immigration. Les républicains ont commencé à faire de l'immigration illégale une menace pour l'ordre social, avec des propositions visant à réduire drastiquement le nombre d'immigrants et à instaurer des politiques de dissuasion et de punition sévères à leur encontre. Le virage vers une position plus conservatrice sur l'immigration reflète une plus grande méfiance à l'égard des changements démographiques et des influences extérieures sur la culture nationale.

Les évolutions de la position républicaine sur ces questions sont marquées par une volonté de maintenir un ordre social stable, voire figé, face à des mutations culturelles jugées menaçantes. Le soutien croissant du Parti à des politiques conservatrices a entraîné une défense stricte de certaines valeurs culturelles, souvent au détriment de la flexibilité et de l’adaptation aux réalités sociétales contemporaines.

Enfin, il est important de comprendre que l’opposition à l’évolution des normes culturelles ne se limite pas à des aspects comme l’immigration ou l’avortement. Elle englobe une vision plus large de la société, où les changements rapides et parfois déstabilisants sont perçus comme des menaces à l’héritage moral et culturel du pays. Les républicains ont donc, au fil du temps, transformé une position de changement progressiste en une défense acharnée de l’ordre établi, dans un contexte où la mondialisation, les transformations technologiques et les luttes pour l’égalité modifient constamment les rapports sociaux et politiques.

L'évolution de la religion et des droits des femmes dans les plateformes républicaines

Au cours des premières décennies de l'existence du Parti républicain, la religion n'était pratiquement jamais mentionnée dans ses plateformes. En 1880, lorsque la question religieuse fut abordée, ce fut principalement pour interdire le financement des écoles religieuses. Ce passage montre bien la prudence du Parti quant à l'interférence religieuse dans les affaires publiques : « La Constitution interdit judicieusement au Congrès de faire toute loi concernant l'établissement d'une religion, mais il est illusoire de penser que la Nation puisse être protégée contre l'influence du sectarisme secret tandis que chaque État est exposé à sa domination. Nous recommandons donc que la Constitution soit modifiée de manière à imposer la même interdiction à chaque législature des États et à interdire l'utilisation de fonds publics pour soutenir les écoles sectaires. » Cette position reflète un souci de préserver l'intégrité laïque des institutions publiques.

Cependant, à partir de 1912, la question religieuse refait surface dans les plateformes républicaines, bien que de manière sporadique. Ce n’est qu'après 1936 que presque chaque plateforme républicaine mettra en avant la liberté religieuse, avec une mention notable dans les années 1940. Plus surprenant encore, le mot « Dieu » n'apparut dans la plateforme du Parti républicain qu'en 1908, et son usage ne se multiplia véritablement qu’à partir de 1964. Dès lors, les mentions de Dieu deviendront récurrentes, culminant avec des dizaines de références dans les plateformes de 2012 et 2016. Ce tournant marqué par des déclarations telles que « La Déclaration énonce les préceptes fondamentaux du gouvernement américain : Dieu confère certains droits inaliénables à chaque individu, produisant ainsi l'égalité humaine » démontre un changement important dans la perception de la relation entre la politique et la religion. Ces références ont continué à se multiplier, jusqu’à devenir un élément central dans la rhétorique politique du Parti républicain. Il est essentiel de noter que, au fur et à mesure que les années passaient, le Parti républicain se rapprochait de plus en plus des électeurs chrétiens blancs, notamment des évangéliques, qui ont commencé à jouer un rôle déterminant dans les élections présidentielles, avec un soutien massif à Donald Trump en 2016 et 2020.

Ce phénomène n’est pas sans conséquence pour la structure sociale et politique des États-Unis. La transformation de l’électorat républicain a été marquée par l’évolution des liens entre les groupes religieux et politiques, avec un afflux progressif des catholiques blancs vers le Parti républicain à la fin du XXe siècle, tandis que le Parti démocrate attirait des électeurs non-chrétiens. Ce glissement peut être vu comme un reflet de l’évolution plus large de la société américaine, où les identités religieuses et politiques se sont de plus en plus entremêlées, au détriment d’une séparation plus nette entre l’Église et l’État.

En parallèle, les droits des femmes, bien que parfois abordés différemment, ont également connu une évolution notable au sein du Parti républicain. Jusqu’en 1920, les femmes n'avaient pas le droit de vote, et leurs opportunités professionnelles étaient largement limitées. Pourtant, les premières plateformes républicaines se sont montrées plutôt progressistes sur la question des droits des femmes, affirmant leur soutien à l'égalité politique, à l’égal accès aux opportunités et à l'égalité salariale. Des déclarations de 1872, 1876 et 1896 soutiennent l'idée d'une reconnaissance croissante des droits des femmes : « Le Parti républicain reconnaît les avancées substantielles récentes vers l'établissement des droits égaux pour les femmes » ou encore « Nous croyons que les femmes devraient bénéficier d'opportunités égales et d’une protection de leur foyer. »

Cependant, la question des droits des femmes a pris une tournure différente à partir des années 1970, lorsqu’un mouvement de plus en plus puissant a réclamé l'égalité sociale, notamment par le biais de l'Equal Rights Amendment (ERA). Bien que la plateforme républicaine ait soutenu à plusieurs reprises ce projet de loi entre 1923 et 1972, l’activation du débat contre l’ERA par des figures comme Phyllis Schlafly a radicalement changé la position du Parti républicain. En 1980, la plateforme du Parti s’est opposée à l’adoption de l’ERA, invoquant des préoccupations sur l'impact de ce texte sur les rôles traditionnels des femmes dans la société.

Il est important de noter que les positions républicaines sur les droits des femmes ont été évolutives, suivant les changements sociaux et les bouleversements politiques. De la défense initiale de l'égalité politique à une opposition plus marquée face aux changements sociaux des années 1970 et 1980, le Parti républicain a montré une flexibilité qui reflète les tensions plus larges au sein de la société américaine. Ces tensions sont particulièrement visibles dans la façon dont les femmes ont été perçues, d’abord comme des gardiennes de la culture dominante, puis comme des porteuses d'une nouvelle vision de l'égalité sociale.

La question des droits des femmes, tout comme celle de la religion, reste profondément liée aux débats actuels sur la place de l'individu face aux structures politiques et religieuses. Si le Parti républicain a, à plusieurs moments de son histoire, mis l'accent sur la défense des droits des femmes, les tensions actuelles autour de l'ERA et des rôles traditionnels des femmes montrent que cette question est loin d'être résolue. Les débats contemporains, notamment autour de la liberté religieuse et des droits des femmes, continuent à façonner la politique américaine et la relation complexe entre la foi, la loi et les droits individuels.

La politique tribale et le déclin du gouvernement républicain : Une réflexion sur l’évolution du Parti républicain

La politique tribale, comme l’ont souligné Patir, Dreyfuss et Shayo, repose sur l’existence d’un groupe de votants dont la principale préoccupation est de savoir « qui est avec nous et qui est contre nous », soutenant des candidats représentant leur groupe ethnique, religieux ou national, indépendamment des politiques qu’ils promeuvent. Cette dynamique se manifeste particulièrement dans les groupes sociaux « moyens » ou « inférieurs » du spectre socio-économique. Contrairement aux régimes non tribaux, qui tendent à adopter des politiques centrées visant à satisfaire l’électorat moyen, les régimes tribaux privilégient des politiques plus extrêmes, souvent en phase avec les intérêts de leurs partisans plutôt que ceux des électeurs modérés. Ce phénomène peut être observé dans le Parti républicain, qui semble avoir cessé de se concentrer sur l'électorat américain dans son ensemble, en s'adressant plutôt à un groupe de partisans spécifiques, en particulier ceux qui adhèrent à des principes plus radicaux.

Historiquement, le Parti républicain a été fondé en 1854 pour lutter contre l'expansion de l'esclavage et, sous la direction d'Abraham Lincoln, a incarné l'idée d'un gouvernement « du peuple, par le peuple, pour le peuple ». Pendant plus d'un siècle, les républicains ont pratiqué une forme de gouvernance populaire, soutenant des initiatives comme l'abolition de l'esclavage, la création des collèges fonciers et la construction du chemin de fer transcontinental. Ils ont mis en place des lois de régulation économiques, telles que la loi Sherman Antitrust et la loi sur les aliments et médicaments purs, et ont introduit des mesures sociales importantes comme l'impôt national sur le revenu, la régulation du travail des enfants et la mise en place de la journée de travail de huit heures. Tout ceci incarnait un modèle de gouvernance pragmatique visant à favoriser l'ordre social, l’égalité et les biens publics.

Cependant, un changement radical a eu lieu dans les décennies suivantes. À partir des années 1960, le Parti républicain a progressivement adopté une approche antitotalitaire, opposée à l’intervention de l’État dans la vie des citoyens. Des figures telles que Barry Goldwater et Ronald Reagan ont mis en avant une idéologie prônant la liberté individuelle et la limitation du rôle du gouvernement, soulignant que l'État ne devait être qu'une entrave à l'épanouissement des citoyens. Reagan, en particulier, a exprimé dans son discours inaugural de 1981 que « le gouvernement n'est pas la solution à nos problèmes, il est le problème », une vision qui se poursuivra à travers les décennies.

Malgré cette rhétorique de limitation du gouvernement, le Parti républicain a adopté des positions paradoxales. Par exemple, tout en prônant l’absence d'intervention gouvernementale dans des domaines comme l'éducation, la santé et l'économie, il a aussi soutenu des politiques sévères de « loi et d'ordre », plaidant pour des peines de prison sévères, l’exécution de criminels et des mesures restrictives sur l'immigration. Ce décalage entre la position anti-gouvernementale et l’utilisation du gouvernement pour imposer des décisions culturelles et sociales témoigne de l’absurdité d'une politique qui prône la liberté tout en maintenant un contrôle autoritaire sur certaines sphères de la société.

Le virage néolibéral du Parti républicain a également conduit à une désaffection pour les programmes publics qui avaient pourtant été populaires dans le passé. Dans la période de l’ère du nationalisme républicain, les partis soutenaient des projets de loi favorisant le bien-être collectif. Cependant, avec l'avènement du néolibéralisme, le Parti républicain a abandonné l'idée de soutenir des biens publics au profit de politiques favorisant le marché libre et la réduction de l’intervention de l'État. Les démocrates ont su capitaliser sur cette évolution en promouvant des programmes comme la sécurité sociale, Medicare, l'extension des droits à la santé et d’autres protections sociales, captant ainsi l’adhésion populaire.

À l’approche du XXIe siècle, le Parti républicain a tenté de se réinventer comme un bastion de la classe ouvrière, mais plutôt que de se concentrer sur des politiques économiques visant à améliorer les conditions de travail, il a exploité des enjeux culturels pour mobiliser un électorat de plus en plus isolé. Le soutien de figures comme Donald Trump, qui a profité des angoisses économiques et culturelles pour alimenter une rhétorique anti-immigration et de protectionnisme, a exacerbé cette tendance à se détourner des politiques économiques de régulation en faveur de politiques symboliques.

Le paradoxe de ce positionnement est évident. Le Parti républicain, tout en se présentant comme un défenseur des valeurs libérales et de la liberté individuelle, recourt souvent à des mesures autoritaires et utilise l'État pour réguler certains aspects de la vie des citoyens. Ce phénomène a culminé avec la gestion de la crise de la pandémie de COVID-19, où les républicains ont opposé une résistance farouche aux mesures gouvernementales comme la vaccination obligatoire, tout en soutenant des politiques de confinement et de restriction de l'immigration. Ce contraste illustre la profonde contradiction au sein du Parti, qui a souvent été perçu comme un champion de la liberté individuelle, mais qui, dans la pratique, maintient un contrôle autoritaire dans certains domaines de la vie publique.

L’évolution du Parti républicain montre ainsi comment une organisation politique peut évoluer, dénaturer ses principes fondamentaux et se transformer en un instrument de mobilisation tribale, plus préoccupé par la consolidation d'un groupe restreint de partisans que par la défense des intérêts de l'ensemble de la société. Ce processus a transformé le GOP, jadis un parti gouvernant et réformateur, en un parti marqué par une réticence croissante à l'égard de l’État et une inclination vers des politiques de plus en plus radicales et conservatrices, souvent au détriment de l'unité nationale et du bien-être commun.

Quel avenir pour le Parti républicain : Une métamorphose nécessaire?

Le Parti républicain, autrefois considéré comme le champion des droits civiques et de l'égalité politique, a évolué au fil des décennies vers une posture anti-gouvernementale et souvent réactionnaire. Cette transformation n’a pas été accidentelle, mais plutôt le fruit de choix délibérés qui ont échangé des principes fondamentaux contre des gains électoraux. L’histoire récente du Parti révèle comment il a progressivement abandonné son engagement envers la justice sociale et l’égalité pour se concentrer sur des stratégies électorales visant à capturer les voix des groupes conservateurs et des électeurs du Sud.

Dans les années 1960, après la victoire de Barry Goldwater, le Parti républicain a amorcé un tournant décisif. Goldwater, qui prônait les droits des États et s'opposait à l'égalité raciale imposée par le gouvernement fédéral, a marqué un virage idéologique profond. En se distançant de l’intervention gouvernementale et en soutenant des politiques qui favorisaient les inégalités raciales, le Parti républicain a cherché à gagner l’appui des électeurs blancs du Sud, un soutien qu’il a consolidé au fil des décennies. Au tournant des années 1980, cette démarche s’est intensifiée avec l’intégration des voix évangéliques dans le paysage républicain, échappant davantage à ses valeurs originelles.

Ce changement de cap, amorcé par Goldwater, a continué avec l’ascension de figures comme Ronald Reagan, qui a redéfini le Parti comme un bastion du conservatisme économique et social, tout en renforçant son soutien auprès des électeurs blancs et chrétiens. Cependant, cette évolution a un prix. Le Parti républicain, en se lançant dans une croisade contre les droits civiques et l’égalité raciale, a perdu une grande partie de ses racines originelles, ce qui a laissé place à une politique plus centrée sur la division que sur l’unité.

La nécessité d'une "épiphanie" pour le Parti républicain est désormais plus évidente que jamais. Il ne s’agit pas seulement de restaurer la confiance dans l’ordre et la loi, comme le stipule la plateforme de 2020, mais de réconcilier les valeurs fondamentales du Parti avec les exigences de la société contemporaine. John Boehner, ancien président de la Chambre des représentants, a exprimé son réveil face à une faction républicaine qui, à ses yeux, s’était détournée de ses idéaux pour adopter une approche populiste, voire insurrectionniste. Pour que le Parti républicain retrouve sa place historique en tant que « Parti de Lincoln », il devra faire face à une révolution interne qui pourra redéfinir son rôle et ses engagements envers la démocratie et la justice sociale.

L'exemple du Parti démocrate, qui a réussi à adopter la question des droits civiques en 1948, malgré les résistances internes, illustre que des changements radicaux peuvent être réalisés au sein des partis. Le courage de Hubert Humphrey et de nombreux autres leaders démocrates a permis au Parti de prendre une direction plus inclusive, en dépit des pertes électorales dans le Sud. De la même manière, le Parti républicain pourrait, par une série de réformes internes courageuses, restaurer son image et regagner la confiance de ceux qu'il a marginalisés au fil des ans.

En dépit des coûts électoraux et des divisions internes que cela pourrait entraîner, le Parti républicain devra opérer une métamorphose pour redevenir un acteur sérieux dans la gouvernance nationale. La solution ne réside pas dans un rejet pur et simple des changements sociaux, mais dans un retour à une forme de conservatisme authentique, qui privilégie une gouvernance plus responsable et plus juste. Pour que le Parti retrouve sa place dans un système bipartite fonctionnel, il doit cesser d’être un simple instrument de réaction contre les changements sociaux, et redevenir un défenseur des principes démocratiques.

Une telle métamorphose n’est pas uniquement politique, mais aussi idéologique. Le Parti républicain devra renoncer à ses attachements à l’ethnocentrisme et à ses alliances avec les groupes réactionnaires, pour se recentrer sur une vision conservatrice qui prône la responsabilité gouvernementale, la liberté individuelle et l’égalité de droits pour tous ses citoyens. Cela passera par un réexamen de ses propres principes et une révision de ses stratégies électorales. C’est un pari audacieux, mais nécessaire pour que le Parti républicain puisse jouer à nouveau un rôle central dans la politique américaine.

Il est également crucial de comprendre que la compétition électorale entre les partis doit servir les intérêts du bien public et non des idéologies radicales ou des intérêts partisans étroits. Le rétablissement d’un équilibre entre les partis nécessite que chacun d'eux accepte les résultats électoraux de manière responsable et qu’ils participent activement au processus démocratique, en abandonnant les stratégies de division et en encourageant une participation plus large à la vie politique. Dans cette optique, une réconciliation des valeurs républicaines avec la réalité socio-politique actuelle est un impératif pour assurer la pérennité du système démocratique américain.

Le paradoxe du gouvernement dans la pensée républicaine américaine : de Reagan à Trump

Ronald Reagan, dans son célèbre discours où il affirmait que « le gouvernement est le problème », se faisait néanmoins un devoir de préciser que son intention n'était pas de supprimer l'État. Au contraire, il voulait que le gouvernement « travaille avec nous, et non contre nous ; qu’il se tienne à nos côtés, et non sur notre dos ». Ce message, prononcé avec vigueur dans un contexte de crise, allait profondément marquer la politique républicaine de l'époque. Mais, au-delà de cette nuance, c’est l’idée que le gouvernement, loin d’être une entité malfaisante, devait jouer un rôle actif dans la création d'opportunités économiques et dans la promotion de la productivité qui allait imprégner la politique républicaine des décennies à venir.

Cependant, cette aspiration à un gouvernement efficient a progressivement été éclipsée par une vision plus radicale, où le gouvernement est perçu comme l'ennemi à combattre, une entité systématiquement incompétente et oppressante. Cette transformation du discours républicain a été alimentée par un sentiment croissant de méfiance envers les institutions étatiques, favorisé par des figures comme Barry Goldwater et amplifié par des présidents tels que Donald Trump. Le message de Reagan, qui appelait à une collaboration avec l’État pour promouvoir l’économie, a lentement cédé la place à un slogan plus agressif et plus populiste : celui de Trump qui faisait du gouvernement l’incarnation du « swamp » à assécher.

Ce renversement idéologique a été accompagné par un changement dans la manière dont les électeurs républicains perçoivent le rôle du gouvernement. L’idée d’un État minimal qui intervient uniquement pour assurer la sécurité et la libre entreprise a évolué vers une vision plus hostile de l’État, qui ne doit plus seulement se limiter à réduire ses pouvoirs, mais à carrément démanteler ce qu