Les rendements quantiques des fluorophores sont des paramètres essentiels dans le domaine de la fluorescence, car ils décrivent l'efficacité avec laquelle un fluorophore convertit l'énergie absorbée en lumière émise. Une méthode courante pour déterminer ces rendements est l'analyse calorimétrique, où l'on observe l'augmentation du volume d'une solution sous illumination. Par exemple, lorsqu'on place un colorant non émetteur comme le bleu d'aniline dans un capillaire, on note une augmentation rapide du volume, contrairement aux dérivés de fluorescéine, où une grande partie de l'énergie absorbée est émise sous forme de lumière. Cela permet de calculer les rendements quantiques en comparant ces variations de volume, et ces valeurs sont souvent en accord avec celles obtenues par des mesures photométriques.

Une autre méthode pour déterminer les rendements quantiques implique l'actinométrie chimique. Dans ce cas, un fluorophore est entouré d'une solution actinométrique appropriée, comme le ferrioxalate de potassium en solution acide. Après une période d'illumination, la réaction chimique est mesurée, permettant de calculer le nombre de photons émis par le fluorophore en comparaison avec ceux absorbés. C'est cette approche que John Herschel, connu pour ses travaux sur la fluorescence de la quinine, a développée initialement dans un contexte météorologique pour mesurer l'intensité solaire. Ce type de mesure a même conduit à l'invention de la méthode de reproduction photographique, les premiers "blueprints" datant de 1842.

L'étude des rendements quantiques ne s'arrête pas là, car des chercheurs modernes, comme Morshedi et ses collaborateurs, ont exploré des fluorophores à faible rendement quantique, comme la thymidine dans l'eau ou le malachite green chloride, et ont suggéré de nouveaux composés pouvant servir de référence pour la détermination des faibles rendements. Ces travaux, en élargissant la gamme des fluorophores étudiés, ouvrent de nouvelles perspectives pour l'évaluation précise des rendements quantiques.

L'une des lois les plus fondamentales dans le domaine de la fluorescence est la règle de Kasha-Vavilov, formulée en 1950. Elle stipule que l'émission de photon dans un système moléculaire provient toujours de l'état excité le plus bas, ce qui implique que le rendement quantique d'un fluorophore est indépendant de la longueur d'onde d'excitation. Cependant, des exceptions existent. Par exemple, les rendements quantiques de l'indole et du tryptophane varient en fonction du niveau d'excitation, ce qui montre l'importance de la gestion des états électroniques dans l'étude des rendements quantiques.

Une autre caractéristique importante à comprendre dans l'étude de la fluorescence est l'extinction, qui fait référence à une diminution de l'intensité de fluorescence due à des processus chimiques ou physiques. Cette extinction peut être réversible, souvent causée par une interaction moléculaire, où le fluorophore entre en contact avec une autre molécule, qu'elle soit dans son état fondamental ou excité. Il existe plusieurs mécanismes d'extinction, comme le transfert d'énergie, les réactions de transfert de charges ou la photolyse. Cependant, les types les plus courants d'extinction sont le quenching dynamique et le quenching statique.

Le quenching dynamique, aussi appelé quenching de collision, se produit lorsque le fluorophore excité entre en contact avec une autre molécule capable de faciliter des transitions non radiatives vers l'état fondamental. Par exemple, l'oxygène (O2), l'ion iodure (I−) et l’acrylamide sont des quenchers typiques. Un exemple classique de quenching dynamique est l’étude de la fluorescence de l’iode, où on a observé que l’augmentation de la pression de gaz iodé dans un tube provoquait une diminution de l’intensité de fluorescence en raison des collisions entre les molécules iodées.

Le quenching statique, quant à lui, résulte de la formation d’un complexe entre le fluorophore et un autre agent chimique, ce qui empêche l’émission de lumière par le fluorophore. Ces deux processus de quenching, bien que distincts, sont essentiels pour comprendre la manière dont un fluorophore interagit avec son environnement et comment ces interactions peuvent affecter la quantité de lumière émise, ce qui est crucial dans les applications pratiques de la fluorescence.

Il est également important de comprendre que la dynamique des quenchers peut fournir des informations précieuses sur la structure et l'environnement d'un fluorophore. Par exemple, la présence de solvant ou la charge environnementale peut influencer la probabilité d'interaction avec un quenching, offrant ainsi des informations sur la mobilité du fluorophore et ses interactions locales. En examinant les relations entre l'intensité de fluorescence et la concentration des quenchers, on peut obtenir des indices sur l'accessibilité du fluorophore et ses propriétés physico-chimiques.

En résumé, l’étude des rendements quantiques et des mécanismes de quenching ne se limite pas à une simple mesure d'efficacité de fluorescence. Ces phénomènes sont intimement liés à la structure moléculaire et à l'environnement du fluorophore. Une compréhension approfondie de ces concepts permet d'optimiser l'utilisation des fluorophores dans une variété d'applications scientifiques, allant de l'imagerie biologique à la détection de molécules spécifiques.

Comment éviter les effets parasites dans les mesures de fluorescence : les pics Raman et les effets de filtre interne

Les spectres Raman, bien que puissants pour l'analyse moléculaire, peuvent représenter un défi lorsqu'ils se superposent aux signaux de fluorescence. Un cas fréquent est celui des molécules d'eau, qui génèrent un pic Raman notable, particulièrement autour de 3400 cm−1. Ce pic est dû aux vibrations caractéristiques des liaisons O-H dans l'eau, incluant les modes de stretch symétriques et asymétriques, ainsi qu'un mode de flexion symétrique. Dans les applications pratiques de fluorescence, l'accent est souvent mis sur ces modes de stretch, notamment parce qu'ils fournissent des informations spécifiques sur les interactions moléculaires dans des solutions complexes.

L'un des défis majeurs pour les chercheurs est de dissocier les pics Raman des signaux de fluorescence de manière fiable. La communauté Raman a consacré des efforts considérables pour résoudre les diverses modalités actives cachées sous le pic principal de l'eau. Un moyen simple de vérifier si un pic suspect est effectivement un pic Raman est de changer l'excitation de quelques nanomètres, et de voir si ce pic se déplace de manière proportionnelle à l'excitation. Par exemple, lorsqu'une solution diluée d'albumine de sérum bovin est excitée à 270, 280 et 290 nm, un pic autour de 310 nm peut être observé à 280 nm, ce qui suggère une émission de tyrosine. Cependant, lorsque l'excitation change, ce pic se déplace, ce qui indique qu'il s'agit en réalité d'un effet de diffusion Raman de l'eau.

Les pics Raman peuvent s'avérer particulièrement problématiques lorsqu'il s'agit de mesurer la polarisation ou l'anisotropie des échantillons en fonction de leur concentration. Un exemple typique est celui de la dissociation d'une protéine marquée à la fluorescéine, suivie par la mesure de la polarisation/anisotropie de la fluorescence. À des concentrations faibles, il n'est pas rare que l'augmentation de la polarisation soit en fait due à l'accumulation de l'effet Raman de l'eau, et non à une dissociation réelle de la protéine. Cela est particulièrement vrai si la fluorescence est mesurée à travers un filtre passe-bas, permettant ainsi au pic Raman, qui est fortement polarisé, de passer sans être filtré.

Dans un scénario expérimental, à des concentrations de fluorescéine très faibles (par exemple 10−13 M), on peut observer que la polarisation augmente soudainement, ce qui est un signe révélateur que la contribution du pic Raman devient significative. En effet, les pics Raman sont très polarisés, ce qui entraîne une augmentation apparente de la polarisation/anisotropie du signal global. Par exemple, un pic Raman de l'eau, observé à 532 nm d'excitation, peut avoir une polarisation d'environ 0,72, ce qui influence directement les mesures de polarisation de la fluorescéine dans des solutions diluées. Si l'on ne tient pas compte de cette contribution, il devient difficile de faire une distinction claire entre la fluorescence réelle et le signal parasite.

Un autre aspect souvent négligé est la présence d'autres contaminants fluorescents dans les solutions, tels que les molécules d'absorption UV dans l'eau. Ces contaminants deviennent plus importants lorsque l'excitation se fait à des longueurs d'onde plus courtes (par exemple, en UV), et leur présence peut interférer avec les mesures de fluorescence. Il est donc crucial de prendre en compte ces contaminants dans l'analyse des signaux, surtout lorsque des filtrations ou des ajustements de polarisation sont effectués.

Le phénomène des filtres internes est également un aspect essentiel à prendre en compte. Lors de mesures de fluorescence, il est recommandé d'éviter d'utiliser des échantillons ayant une densité optique trop élevée (supérieure à 0,05) à la longueur d'onde d'excitation ou d'émission. Cela est particulièrement important pour les mesures d'intensité, mais moins pour les mesures de polarisation/anisotropie. Les densités optiques élevées peuvent entraîner des effets de filtre interne, qui distordent les spectres d'émission et faussent les résultats des expériences, notamment lors de titrations ou des mesures d'absorption. Ces distorsions peuvent rendre l'interprétation des données non linéaire et difficile, et il est courant que des chercheurs débutants négligent cette règle, utilisant par erreur des échantillons avec des densités optiques beaucoup trop élevées.

Lors de la dilution d'un échantillon, par exemple une solution de fluorescéine, et en mesurant la polarisation/anisotropie, il est essentiel de tenir compte de la contribution croissante des pics Raman à mesure que la concentration diminue. Lorsque la concentration de fluorescéine atteint des niveaux très bas, la polarisation augmente en raison de l'influence accrue du pic Raman. Ce phénomène peut facilement conduire à des conclusions erronées si l'effet de filtre interne n'est pas corrigé, particulièrement dans des solutions à très faible concentration.

En résumé, les pics Raman et les effets de filtre interne sont des facteurs souvent sous-estimés, mais ils peuvent avoir un impact considérable sur la précision des mesures de fluorescence. Il est impératif de bien comprendre ces effets, d'adopter des pratiques expérimentales rigoureuses, telles que l'utilisation de concentrations appropriées et l'ajustement des paramètres instrumentaux, pour éviter des interprétations erronées des données.