L'approche de Jabotinsky en matière de colonisation repose sur une vision où l’histoire est réécrite pour justifier la conquête. Sa vision des États-Unis et de leur expansion vers l’Ouest, où les colons se sont installés en dépit de la résistance des populations autochtones, illustre son usage de mythes pour créer une légitimité à une violence systématique. Les figures des Indiens, selon lui, sont purement archétypales, réduites à une résistance aveugle et irrationnelle à une destinée coloniale qu’il voit comme inéluctable. Selon cette conception, les peuples indigènes, loin d’être des acteurs rationnels de l’histoire, sont dépeints comme soumis à des instincts primitifs et à des réactions ataviques. Cela permet à Jabotinsky de faire de la colonisation un processus "naturel", dans lequel la résistance des colonisés devient presque un accident de l’histoire, une résistance qui ne mérite pas de véritable compréhension historique.

Jabotinsky va jusqu'à affirmer que les Indiens n’ont pas résisté par crainte d’être expropriés, mais simplement parce que la colonisation "arrive", comme une fatalité. Cette conception le conduit à effacer toute nuance dans les rapports de force, reléguant ainsi la résistance indigène à un phénomène irrationnel, au lieu de la reconnaître comme une réaction à une oppression violente. En affirmant que cette résistance s’exprime dans une sorte d’instinct tribal, il place la résistance à la colonisation sur un plan irrationnel, non fondé sur des raisons légitimes liées à la justice ou à l’identité. Cette simplification de la réalité historique sert à maintenir la légitimité des actions coloniales, en effaçant la véritable complexité des motivations des colonisés.

En transposant ce cadre à la Palestine, Jabotinsky reprend une rhétorique similaire. Il compare la résistance des Palestiniens à celle des Indiens américains, en suggérant que, comme les Indiens, les Palestiniens ressentent un attachement irrationnel à leur terre, sans que cette résistance ne repose sur une véritable logique historique ou politique. Il décrit l’opposition palestinienne à la colonisation sioniste comme un rejet instinctif, une réaction purement émotionnelle et préhistorique à un changement qu’ils ne peuvent comprendre, et dont ils ne peuvent accepter l’inévitabilité. Cette approche est une forme de révisionnisme qui transforme les colons en victimes d’une résistance aveugle et indifférente à leurs "bonnes intentions". L’argument central de Jabotinsky devient alors que la résistance est non seulement inévitable mais qu’elle ne peut être surmontée que par la force.

Derrière ce discours se cache une vision déterministe de l’histoire, où le colonisateur se voit dans une lutte quasi divine pour imposer sa présence, indépendamment des aspirations légitimes des peuples colonisés. En d’autres termes, Jabotinsky fonde sa vision de la colonisation sur un principe de supériorité, qui n’est pas seulement militaire ou stratégique, mais aussi "culturelle" et "spirituelle". En qualifiant les Arabes de "500 ans en retard" par rapport aux Européens et aux Juifs, il place les Palestiniens dans une sorte de monde pré-moderne, totalement déconnecté des réalités du monde moderne et des enjeux de leur époque.

Il est crucial de comprendre que cette vision n’a pas seulement pour but de justifier la colonisation, mais aussi de la rendre "naturelle", inévitable, et même "morale" dans l’esprit de ceux qui la pratiquent. Jabotinsky ne parle pas des Palestiniens comme de véritables sujets historiques, mais comme de figures mythologiques qui résistent de manière irrationnelle à une progression qu’il juge inévitable. Sa vision s’ancre ainsi dans un projet colonial qui veut reproduire le modèle de l’expansion américaine, tout en écartant la question de l’éthique ou de la légitimité du droit à l’existence des peuples indigènes.

Il faut aussi noter que Jabotinsky s’appuie sur l’image du "mur de fer", une métaphore de la force brute comme solution à la résistance des Palestiniens. Ce concept, bien que pragmatique dans son approche de la politique coloniale, repose sur un mythe de la conquête irréversible et de la déshumanisation de l'ennemi. En ce sens, il se distingue des penseurs qui abordent la colonisation sous l’angle de la réconciliation et de la justice historique. Pour Jabotinsky, la politique n'est pas un terrain d’éthique mais un jeu de rapports de forces, où seule la domination assure la stabilité.

La colonisation et ses justifications reposent donc sur une série de mythes et de récits qui transforment l’histoire en une légende manipulée pour servir des fins idéologiques. La narration de Jabotinsky, en ce sens, révèle un processus plus large, où la violence est naturalisée, où la résistance est niée, et où l’identité des colonisés est réduite à un ensemble de stéréotypes historiques et culturels. Cependant, cette vision repose sur une déformation profonde de la réalité historique, en supprimant toute réflexion sur les rapports réels de pouvoir, de culture, et d’identité.

Dans ce contexte, il est important de ne pas réduire les récits de résistance des peuples colonisés à des représentations figées ou mythifiées. La résistance, qu’elle soit en Amérique, en Palestine ou ailleurs, est un phénomène complexe qui ne peut être compris à travers le prisme des "lois naturelles" de la colonisation. Au contraire, elle est le produit d’un processus historique d’oppression, de lutte pour la dignité, et de préservation de l’identité. Cette résistance est loin d’être irrationnelle ; elle est, au

Comment comprendre la guerre éternelle et la violence structurelle : une analyse poétique et géopolitique

La formulation d’une « guerre éternelle » par Trudell déstabilise les conventions habituelles du discours en utilisant l’expression « blessures saignantes ». Dans sa forme adjectivale, le terme « saignant » souligne la profondeur des blessures au sein des communautés opprimées. Comme verbe, « saignant » évoque leur caractère constant et inévitable. Ensemble, ces deux versions déplorent une forme de violence immanente qui est au cœur de la guerre menée par les puissants. L’expression « pareil à la Palestine » fait référence non seulement aux conséquences de cette guerre, mais aussi à son processus, en particulier dans le cadre des dynamiques internationales. Il existe une connexion spécifique entre le Salvador et la Palestine. Bien que de nombreux Salvadoriens aient des origines palestiniennes, cette connexion est avant tout politique. L’implication d’Israël en Amérique centrale, au profit des juntes répressives durant une période de conflits internes, est bien documentée. En évoquant la souffrance partagée de la Palestine et du Salvador, Trudell condamne Israël sans même le nommer. Une analyse géopolitique sophistiquée se cache dans ces allusions, qui éclairent la guerre des classes, aussi bien au sens littéral que métaphorique.

Trudell relie la politique à des états d’être, connectant les conditions de la modernité au nihilisme et à la folie. Il se demande si l’humanité d’aujourd’hui est réellement vivante, suggérant que, si telle est la situation, c’est une vie fondée sur des mensonges. Le poème se termine par une évaluation sombre de la société industrielle, l’accusant d’être responsable de la colère et de l’existence superficielle. Selon Trudell, la société industrielle engendre la colère et l’ennui. La civilité présuppose le nihilisme et la folie. Trudell décrit des sujets robotiques piégés par la violence hypnotique du capitalisme tardif. Cette condition nous empêche d’exercer la mémoire, c’est-à-dire d’effacer des histoires et des identités au profit du mouvement anonyme du capital. Nous n’avons pas d’agency, car nos imaginations ont été prédestinées par la logique de l’élimination. Cette logique est indissociable de la fondation des États-Unis et de l’aliénation industrielle qui imprègne son paysage actuel. Nous naissons dans un ensemble de conditions qui reproduisent sans cesse la violence des colons, même lorsqu’elle est absente du discours, du langage et de la conscience.

Pourtant, je ne considère pas le poème « Rich Man’s War » comme une œuvre désespérée. Il porte des moments de présage, mais au fond, il s’affirme comme un chant de résilience face à l’industrie nihiliste. Le poème et sa musique associée ne perdent jamais espoir dans les espaces du monde endommagés par la marche du progrès capitaliste. L’inclusion de la Palestine dans la liste des géographies opprimées met en lumière son importance métonymique dans les vocabulaires de la libération mondiale. Dans son rôle de site multiple de métonymie, il n’est pas exact de dire que la Palestine incarne l’inter/nationalisme dans « Rich Man’s War », mais il est juste de suggérer que les Palestiniens influencent profondément les articulations de l’inter/national.

Si le riche homme pense constamment à une « guerre éternelle », alors les victimes de cette pensée survivent toujours pour narrer les mémoires qu’elles n’étaient pas censées avoir. À travers ce processus, Trudell met en lumière les souffrances communes et les résiliences qui se manifestent malgré la violence systémique et la domination impérialiste.

Carter Revard, dans son poème « A Response to Terrorists », offre une contrepartie plus tempérée à l’énergie effervescente de Trudell. Le poème de Revard présente des similitudes thématiques cruciales avec « Rich Man’s War », bien qu’il soit stylistiquement différent. Il adopte un ton conversationnel, déployant une narration à la deuxième personne qui prend la forme d’une discussion privée ou d’une conférence publique. Comme Trudell, Revard place la Palestine dans un cadre inter/national, en posant une série de questions rhétoriques, parmi lesquelles se trouvent des interrogations chargées d’histoires de dépossession.

Ainsi, il dépeint un paysage où les cultures indigènes ne peuvent échapper à la colonisation, car même dans le cas d’un succès apparent, elles risquent de reproduire les conditions de leur disparition. Revard ne rejette pas la décolonisation ; au contraire, il critique la domination systématique du capitalisme et de l’impérialisme, tout en réaffirmant la survie des nations indigènes à l’intérieur de l’hégémonie. Pour Revard, l’Ordre Impérial, symbolisé par des entités telles que la banque Chase Manhattan ou Rupert Murdoch, est un lieu impersonnel où tous les individus ne sont pas nécessaires, un espace qui génère un excédent humain semblable à la stratosphère des riches dans le poème de Trudell. Il juxtapose cet Ordre Impérial grandiloquent à la petitesse et à la fragilité des peuples autochtones, des qualificatifs qui servent à valider leur résilience.

La fragilité de l’indigène, telle que la décrit Revard, devient une sorte de dynamisme nécessaire à la survie, qui ne se produira pas par la violence ordonnée du progrès linéaire. Dans cette réflexion, il remet en question les mythologies du capitalisme tardif, dévoilant les mentalités qui alimentent la violence impérialiste et militaire. Il défend un idéal moral en soulignant que la combinaison de la peur et du pouvoir mène à la violence impérialiste, tandis que la faiblesse et le courage représentent une forme de résistance authentique.

Revard va plus loin, en interrogent l’idée de « pouvoir » dans le contexte des luttes de décolonisation, soulevant l’idée que la réponse à l’oppression n’est pas simplement une inversion du pouvoir colonial, mais plutôt un rejet des logiques mêmes qui perpétuent la violence et l’effacement des identités autochtones. Ce rejet se traduit dans une affirmation de la dignité humaine, indépendamment des forces impérialistes et capitalistes.

Comment la solidarité palestinienne peut-elle se nourrir des études sur les peuples autochtones américains ?

Il n’est pas facile de démêler ce mythe, mais l’effort en vaut la peine. Lorsque Regev et d’autres utilisent la dépossession des peuples autochtones pour justifier la colonisation de la Palestine, ils placent le colonisateur comme l’unique acteur historique pertinent dans la dialectique de la violence géopolitique. Cependant, ils négligent l’impossibilité d’une victoire totale, car ils sont incapables d’attribuer aux natifs les impulsions humaines les plus élémentaires, malgré une multitude de preuves allant dans ce sens. (Il suffit de comparer, par exemple, la vision fantaisiste de Regev concernant l’indigène jetable avec le réalisme de Ze’ev Jabotinsky.) En retour, ils se piègent dans les mêmes limites structurelles qui les constituent. L'invocation des Natives pour justifier la dépossession palestinienne agit en réalité comme un soutien à la résistance palestinienne continue. Regev et ses pairs ethnonationalistes ne sont pas les seuls à juxtaposer un passé autochtone avec un futur palestinien dans une optique de persuasion rhétorique. Ce phénomène se rencontre parfois au sein de la communauté de solidarité avec la Palestine.

Bien que la tentation soit grande de positionner une Palestine mal comprise au sein d’une histoire tragique, avec laquelle de nombreux Américains sont au moins vaguement familiers, cette familiarité relève davantage du domaine de la mythologie que de la réalité historique. En ce sens, elle ravive la mort du sujet indigène. Les militants de la solidarité palestinienne, même avec les meilleures intentions, devraient éviter soigneusement cette formulation. Par exemple, l’activiste Moe Diab, qui mène un travail précieux et inestimable, a noté en 2013, alors qu’Israël envisageait le tristement célèbre Plan Prawer, destiné à déplacer de nombreux Bédouins de leurs terres ancestrales : « La communauté internationale doit augmenter la pression sur le gouvernement israélien pour qu’il annule ce plan discriminatoire racialement, qui viole le droit international humanitaire et les droits de l’homme, avant qu’il ne soit trop tard et que cela ne devienne une autre tragédie semblable à celle des Amérindiens dans l’histoire. » En termes de contenu, la déclaration de Diab est comparable à celle de Regev. Leur désir est similaire, mais leurs évaluations diffèrent. Je n’éprouve pas le besoin de proposer une critique morale de ces désirs, car cela détournerait l’attention de possibilités analytiques plus subtiles mais plus importantes.

Il est parfaitement compréhensible que Diab s’inquiète du sort des tribus palestiniennes face au déplacement sanctionné par l’État. La destruction de nombreuses nations autochtones, à ce titre, apparaît comme une conséquence évidente et attrayante. Que Diab la mentionne n’a rien de surprenant ; c’est le contexte de la logique qu’il emploie qui pose problème. Si l’on se souvient que dans de nombreux cas, les nations autochtones ont été victorieuses dans leurs conflits avec les colons et que ce type de conflit reste un aspect crucial des gouvernances indigènes et américaines, l'analogie ne fonctionne pas pour deux raisons principales : d’une part, elle déforme l’interaction existante entre la gouvernance américaine et le nationalisme autochtone ; d’autre part, elle implique que le déplacement des Bédouins palestiniens serait permanent, ce qui repose sur une acceptation tacite de l’induction linéaire du colonisateur. Accepter la permanence de la violence législative ou idéologique de l’État colonisateur renforce, même implicitement, l’autorité auto-proclamée de l’État colonisateur.

Afin de résoudre ce problème, il convient de dissiper les disjonctions temporelles de toute comparaison entre les peuples autochtones et les Palestiniens : les peuples autochtones ne sont pas les précurseurs vaincus de la dépossession palestinienne à venir, mais des agents contemporains qui informent directement les conditions de la Palestine, tout comme les Palestiniens informent directement les conditions des territoires autochtones. La solidarité avec la Palestine ne rend pas service aux peuples autochtones en figeant l’histoire des États-Unis comme la base pétrifiée d’une résurrection israélienne. Nos conceptions de la colonisation et de la décolonisation devraient être plus dynamiques et mieux adaptées aux possibilités d'une sagesse non conventionnelle.

Les alliances de plus en plus fréquentes entre les chercheurs, activistes et groupes civiques autochtones et palestiniens montrent clairement l’impossibilité de la défaite des peuples autochtones. Reconnaître l’existence des peuples autochtones, c’est accepter qu’ils n’ont pas été vaincus. Les Palestiniens connaissent trop bien la douleur de l’existence non reconnue pour jamais consciemment refuser cette forme de reconnaissance.

Enfin, nous arrivons à la question des études sur les peuples autochtones américains et de la solidarité avec la Palestine. Une citation de l’ancien chef algonquin d'Ardoch, Robert Lovelace, nous aide à avancer dans la bonne direction : « Le colonialisme est un fléau mondial. Il existe depuis des centaines d’années. Et les conséquences sont maintenant vécues de plein fouet : la pauvreté, les populations déplacées, les migrants. Il est temps que tous les peuples autochtones se lèvent et reconnaissent que notre libération, notre liberté et notre justice sont liées à tous les peuples du monde qui sont opprimés, qu’ils vivent au Mexique, en Amérique latine, aux États-Unis, en Afrique, au Moyen-Orient ou en Extrême-Orient. » Cette citation est forte, voire percutante. Le cadre dans lequel Lovelace a prononcé ces mots accentue leur puissance : Messine, un port de Sicile, juste avant qu’il ne monte à bord d’une flottille en direction de Gaza en juin 2015, pour briser le long et écrasant siège israélien. La localisation de cette déclaration importe, car Lovelace l’a déployée comme une mission, et non comme une simple proposition. En décrivant sa motivation pour rejoindre la Flottille de la liberté, un voyage comportant des risques de souffrance voire de mort, Lovelace a choisi de mettre en avant une politique mondiale, plutôt que de se concentrer uniquement sur la Palestine. Il a ainsi vu son acte de résistance comme ayant des répercussions pour les peuples autochtones de nombreux continents, ce qui ne pourrait être le cas si l’évolution ou la résolution du conflit palestinien n’avait pas des conséquences mondiales, un point sur lequel peu de gens s’accorderaient à contester.

Les études sur les peuples autochtones américains devraient être importantes pour la solidarité palestinienne, car elles englobent un monde profondément préoccupé par le bien-être des Palestiniens et éclairent les géographies vers lesquelles nos idées et nos actions doivent se diriger afin que nos corps et nos esprits puissent atteindre la libération. De plus, les articulations de la solidarité palestinienne qui se produisent en Amérique sont déjà imbriquées dans des politiques locales, même si cela se fait souvent inconsciemment. C’est pourquoi elles ont l’obligation, sur le plan éthique et de l’efficacité, d’analyser les conditions du pouvoir de l’État en relation avec les nations autochtones sur les terres desquelles cette solidarité se déploie. Finalement, le tournant vers des paradigmes internationaux dans diverses théories de la décolonisation nécessite une internationalisation correspondante de ce qu’on appelle la Terre Sainte, une reconnaissance qui devient de plus en plus évidente dans les espaces matériels et intellectuels de la solidarité palestinienne.

Comment la solidarité palestinienne façonne les luttes indigènes à travers le monde

La question palestinienne, au-delà des frontières géographiques de la Palestine, est une problématique qui touche profondément les luttes indigènes dans le monde entier. En effet, la solidarité envers la Palestine ne se limite pas seulement à un soutien politique ou idéologique, mais elle s’inscrit dans un mouvement global de résistance contre le colonialisme, la dépossession des terres et les violences systématiques imposées aux peuples autochtones. À travers cette solidarité, il s'agit non seulement de dénoncer les violences israéliennes, mais aussi de souligner les parallèles avec les expériences vécues par les peuples indigènes ailleurs, notamment en Amérique, en Afrique et en Asie.

L'occupation israélienne, en tant que forme moderne de colonialisme, n'est pas un phénomène isolé. Elle fait écho à des siècles d'oppressions coloniales subies par de nombreux peuples autochtones à travers le monde. L’analogie entre l’histoire des Palestiniens et celle des peuples indigènes de l’Amérique du Nord, de l'Australie, ou même des populations maories en Nouvelle-Zélande, est frappante. Dans chaque cas, une identité autochtone, un mode de vie ancestral et un territoire ont été subis à des processus violents d’éradication ou de marginalisation. La colonisation israélienne de la Palestine n'est donc pas simplement un conflit territorial, mais un combat contre l'extinction d'un peuple, contre l'effacement de sa culture et de son histoire.

Le rôle des intellectuels et des activistes palestiniens dans la formulation d’un discours post-colonial a également été crucial. Leur engagement s’inscrit dans une dynamique plus large de résistance aux formes de néocolonialisme et de globalisation néolibérale. La critique de la politique israélienne est intrinsèquement liée à la dénonciation des pratiques néolibérales mondiales, qui favorisent la concentration des richesses, l'exploitation des terres et l’injustice sociale au détriment des peuples indigènes et colonisés. L'isolement politique et économique imposé à la Palestine par les accords d'Oslo et la complicité des puissances mondiales avec Israël font partie d'un système international qui perpétue les inégalités.

En ce sens, les mouvements de solidarité palestinienne sont devenus des points de convergence pour de nombreuses luttes indigènes. Par exemple, le Boycott, Désinvestissement, Sanctions (BDS), lancé par des militants palestiniens, a inspiré des actions similaires dans le monde entier, y compris des boycotts contre les entreprises qui soutiennent des régimes oppressifs ou qui exploitent les ressources naturelles des peuples autochtones. Cette stratégie est une extension des formes de résistance non violentes utilisées par des mouvements comme celui de la désobéissance civile en Afrique du Sud pendant l'apartheid.

L'art et la culture jouent également un rôle majeur dans cette solidarité. Les poètes palestiniens, tout comme les poètes autochtones, utilisent leur écriture pour témoigner des souffrances passées et présentes, tout en tissant des liens entre les luttes. Par exemple, l'œuvre de Mahmoud Darwish, figure emblématique de la poésie palestinienne, a une résonance particulière parmi les peuples autochtones, car elle exprime à la fois la douleur de la perte d'une terre ancestrale et la quête de dignité humaine. L’oralité, la transmission de la mémoire et la poésie comme forme de résistance sont des aspects fondamentaux qui unissent ces luttes.

De plus, il est crucial de noter que la solidarité ne doit pas être perçue uniquement comme un soutien extérieur, mais comme une construction mutuelle de résistances. La prise en compte des réalités locales des peuples indigènes dans les discussions internationales sur la Palestine permet de tisser une toile de solidarités globales qui renforcent le pouvoir de chaque lutte. C'est à travers cette reconnaissance de luttes communes que l'on peut espérer renverser les structures d’oppression globales, et non par une solidarité unidirectionnelle ou stéréotypée.

Les résistances indigènes, comme celles des Palestiniens, se heurtent souvent à des structures de pouvoir qui cherchent à minimiser la voix de ceux qui réclament justice. Dans ce contexte, il est essentiel de comprendre que la solidarité n’est pas seulement un acte politique ou moral, mais un impératif stratégique dans la construction de futurs possibles. La lutte pour la liberté, la souveraineté et la reconnaissance des droits humains fondamentaux ne se limite pas à un territoire ou à un peuple, mais traverse les frontières de toutes les luttes coloniales.

Il faut aussi comprendre que la lutte pour la Palestine ne peut être isolée des dynamiques de décolonisation plus larges. Ce n’est qu’à travers une approche intersectionnelle, prenant en compte les questions de classe, de genre et de race, que l’on peut espérer une libération véritable et complète pour tous les peuples. La solidarité envers la Palestine est ainsi intrinsèquement liée à l’aspiration à un monde où la justice sociale et les droits humains ne sont pas une simple idéologie, mais une réalité vivante et partagée.