Dans la narration à la troisième personne, l’omniscient narrateur joue un rôle crucial en offrant une vue d’ensemble de l’histoire, tout en permettant d’entrer dans l’esprit des personnages. Ce point de vue, caractérisé par sa capacité à rendre compte de plusieurs perspectives, est souvent utilisé pour capturer les nuances d’une situation ou d’une époque. Cependant, il comporte aussi des risques qui peuvent limiter la connexion du lecteur avec les personnages.

Prenons, par exemple, le récit de Della, une femme qui compte cent-huitante-sept cents et qui se trouve dans une situation de grande pauvreté juste avant Noël. L’omniscient narrateur nous révèle ses émotions de manière subtile, sans jamais plonger directement dans ses pensées. Ce type de narration crée une distance, une sorte de voile qui empêche une immersion totale dans l’expérience de Della. On comprend sa situation par ce qu’on voit, par l’environnement décrit, mais on ne ressent pas directement ses désespoirs ou ses luttes internes. Le narrateur omniscient, bien que omniprésent, demeure un témoin extérieur. Il a la capacité de décrire les détails physiques, comme le mobilier usé dans l'appartement de Della, tout en conservant un ton presque clinique qui empêche la subjectivité de se déployer pleinement.

Le narrateur omniscient est souvent vu comme un observateur détaché, mais il peut aussi jouer avec les attentes du lecteur. Parfois, il introduit des éléments d’intimité, comme lorsque le narrateur, avec un ton complice, dit : « Il n’y a pas grand-chose à ajouter à ce sujet. » Ce type de phrase ouvre une brèche dans le récit, invitant le lecteur à considérer l’histoire sous un angle plus personnel, comme si le narrateur était un ami chuchotant à l’oreille du lecteur. Toutefois, ce type de complice est paradoxal : il sait tout, et en sachant tout, il maintient une forme de distance presque inhumaine, ce qui empêche une compréhension totale du vécu des personnages. Cette capacité à dévoiler des vérités ou à introduire des jugements fait de l’omniscient narrateur un double-edged sword, capable de susciter à la fois l’empathie et l’éloignement.

Lorsque l’on passe à une narration à la troisième personne limitée, comme celle qu’on pourrait appliquer à l’histoire de Sadie Pfeifer, une ouvrière dans un moulin à coton en 1908, la distance entre le lecteur et le personnage se resserre. Un narrateur à la troisième personne limité offre un accès privilégié aux pensées et aux sentiments d’un personnage sans le laisser pénétrer dans l’esprit d’autres personnages. Ce type de narration est un compromis : il permet de capturer l’intimité d’une situation, tout en maintenant la distance nécessaire pour permettre une analyse objective. Cependant, même dans ce cas, le narrateur n’est jamais totalement transparent. Il reste un intermédiaire entre le lecteur et le personnage, et ce filtre peut souvent atténuer la portée émotionnelle du récit.

Un autre danger de la narration à la troisième personne est sa tendance à parfois rendre les personnages moins accessibles. Si le narrateur omniscient connaît tous les détails de l’histoire, il peut, sans le vouloir, extraire de l’histoire une partie de sa force émotionnelle. En montrant tout, le narrateur à la troisième personne omnisciente peut faire en sorte que le lecteur ne soit plus incité à combler les vides ou à interpréter les actions des personnages. L’effet de surprise ou la découverte progressive de l’intérieur des personnages se trouve ainsi compromis.

Il est aussi important de souligner que la narration à la troisième personne est intrinsèquement liée à la capacité du narrateur à manipuler le temps et l’espace de manière dynamique. Ce type de narration permet de sauter d’une scène à l’autre, d’un point de vue à un autre, souvent avec une fluidité que d’autres perspectives, comme la première personne, ne peuvent pas offrir. Cela permet de construire un univers riche et complexe, où l’intrigue et les motivations des personnages se dévoilent peu à peu, mais dans un espace vaste, parfois excessivement étendu.

Dans des récits comme celui de Della, où la situation personnelle du personnage semble désespérée, mais où chaque geste est minutieusement décrit, l’omniscient narrateur nous amène à comprendre l’ampleur du sacrifice fait par Della. Cependant, sans la possibilité d’accéder à ses pensées les plus profondes, nous restons à la périphérie de son univers émotionnel. Ce sentiment de distance nous pousse à réfléchir sur la nature de l’empathie et de l’intimité dans la narration. Parfois, il est nécessaire que les narrateurs laissent les lecteurs s’impliquer plus directement avec les personnages, afin de capter l’intensité de leurs luttes intérieures.

La narration à la troisième personne, dans ses diverses formes, sert donc de miroir pour explorer la subjectivité et l’objectivité, les désirs et les obstacles des personnages. Mais ce miroir reste parfois flou, offrant au lecteur une réflexion incomplète qu’il doit, lui-même, combler avec ses propres interprétations et émotions.

Comment surmonter les faux départs dans l'écriture de fiction et trouver une maison d'édition

L'écriture, en particulier dans le domaine de la fiction courte, est souvent un voyage semé d'embûches. Même après avoir franchi les étapes initiales, telles que les faux départs, l'écrivain peut se heurter à une autre difficulté majeure : la recherche d'un éditeur prêt à publier son travail. Dans ce contexte, la persévérance se révèle être un atout précieux. Un exemple concret de cette lutte est celui de l'instructeur de ce cours, qui a vu une de ses histoires rester sur le circuit des refus pendant six longues années avant d'être enfin publiée. Cette longue période de réjections témoigne de la réalité du processus de publication, mais elle souligne également l'importance de la persistance.

Un aspect crucial dans cette quête est de savoir où envoyer son travail. L'écrivain doit s'efforcer de comprendre le paysage éditorial et les goûts des différents éditeurs. Le marché littéraire est vaste et varié. Par exemple, des revues comme Virginia Quarterly Review, One Story, Juked et Zoetrope: All-Story publient des récits qui couvrent une gamme impressionnante de genres, de styles et de sujets. Les écrivains peuvent également se tourner vers des bases de données en ligne, comme celle de Poets & Writers, pour découvrir les journaux les plus récents et pertinents.

Pour naviguer dans ce dédale de possibilités, il est conseillé de commencer par une revue de marché. L'écrivain doit prendre le temps de parcourir les sites de 20 revues littéraires, en lisant attentivement les échantillons d'histoires publiées. Cette recherche permet non seulement de mieux comprendre les préférences esthétiques des éditeurs, mais aussi de détecter ceux qui pourraient être plus enclins à accepter un texte donné. Il est important de se rappeler que les goûts des éditeurs varient considérablement. Ce qui plaît à l'un peut ne pas convenir du tout à un autre. De plus, les préférences éditoriales évoluent lorsque des éditeurs changent de poste. Il devient donc essentiel pour l'écrivain de s'adapter à ces fluctuations pour maximiser ses chances de publication.

Le rejet fait partie intégrante du processus. Cependant, il est crucial de réagir rapidement à la déception. Lorsqu'un manuscrit est rejeté, l'écrivain doit faire en sorte de le renvoyer dans la même journée. Cela permet de réduire la douleur du rejet en l'éliminant rapidement de l'esprit de l'auteur et de garder son énergie tournée vers la prochaine soumission. Il est également conseillé de rechercher des journaux qui acceptent les soumissions simultanées. Cela permet de soumettre le même texte à plusieurs éditeurs en même temps, augmentant ainsi les chances de publication sans attendre une réponse exclusive de chaque revue.

L'approche stratégique de l'écrivain ne doit pas se limiter à la sélection de revues adaptées. La croissance d'une "peau épaisse" est tout aussi nécessaire. Chaque refus peut sembler personnel, mais l'écrivain doit comprendre que ces décisions sont souvent dues à des critères subjectifs, des préférences éditoriales qui n'ont rien à voir avec la qualité intrinsèque de l'œuvre. Un rejet ne signifie pas la fin de l'histoire, mais plutôt une étape vers la publication.

Il est également utile de se concentrer sur les revues qui ont un large éventail de genres et de formats, y compris les revues en ligne et imprimées. Les éditeurs de fiction courte recherchent souvent une diversité d'approches narratives et de voix originales. Dans un monde où les goûts littéraires sont de plus en plus diversifiés, il existe une place pour une multitude de styles et de sujets. L'écrivain doit rester attentif aux changements dans l'industrie et aux nouvelles tendances éditoriales. Il est également important de maintenir une discipline constante et une éthique de travail assidue. L'attente peut être longue, mais chaque soumission représente une chance de faire une percée.

La recherche d'une maison d'édition ne se limite pas à envoyer son texte à une ou deux revues. Cela nécessite une approche méthodique, combinée à une ouverture à la critique et au rejet. L'écrivain doit comprendre que chaque publication, même si elle semble une victoire personnelle, est le fruit d'une longue succession de tentatives et d'erreurs. Dans ce parcours, la capacité à apprendre des échecs et à persister est peut-être l'élément le plus important pour réussir dans le monde de l'écriture.