Les édits d'Ashoka sont l'expression de sa vision impériale, façonnée par ses réflexions personnelles, sa conviction bouddhiste, ainsi que les défis liés à la gouvernance d'un vaste empire indien du IIIe siècle avant notre ère, culturellement et économiquement diversifié. Alors que l'accent sur la cultivation des vertus et de l'auto-discipline se retrouve dans de nombreuses traditions indiennes anciennes, Ashoka en a fait le fondement de sa philosophie politique, qu'il a diffusée avec passion tout au long de son long règne. Bien que la légende bouddhiste le présente comme un roi bouddhiste exemplaire, ses inscriptions racontent une histoire plus complexe. Ashoka ne cherchait pas à créer un état bouddhiste, mais un état dhammique, moral.

Les découvertes archéologiques à Dholavira révèlent que les origines de la sculpture et de l'architecture monumentales en Inde remontent à la civilisation harappéenne. Cependant, après la chute de cette civilisation, il y a une longue période de vide, et ce n'est qu'à l'époque Maurya que ces formes artistiques réapparaissent. Cette résurgence peut être liée à la montée de la complexité politique avec l'émergence de l'empire, à la concentration de richesse entre les mains des élites urbaines et à une institutionnalisation accrue de l'activité religieuse. L'art de la période Maurya, dans sa forme la plus imposante, est directement lié à l'idéologie politique et à la pratique religieuse. Cela se manifeste à travers la forme et le patronage de l'art, où de nombreuses œuvres architecturales et sculpturales ont été réalisées sous le patronage des rois Maurya, notamment Ashoka, et appartiennent à la catégorie de l'art de cour.

Cependant, il existe également des sculptures en pierre et des figurines en terre cuite, des pierres en anneau et des disques en pierre, qui représentent ce que l'on pourrait appeler "l'art populaire", lié à la vie, aux activités et au mécénat des gens ordinaires. Plusieurs questions se posent concernant l'activité artistique de la période Maurya : comment comprendre les origines de la sculpture en pierre et de l'architecture à cette époque ? L'influence occidentale, notamment perse, a-t-elle joué un rôle clé ? Et comment expliquer la nature éphémère et l'absence d'héritage visible de l'art de cour Maurya ?

Les inscriptions d'Ashoka offrent également un aperçu précieux sur les artisans de l'époque. Par exemple, l'artisan Chapada a laissé sa signature sur des pierres à Brahmagiri, Jatinga Ramesvara et Siddapur, ce qui montre que les artistes étaient parfois eux-mêmes visibles dans le processus de création. Les fouilles menées à Patna ont permis de découvrir des vestiges d'un mur en bois, qui pourrait avoir joué un rôle important dans la défense de la ville. Ces découvertes, notamment les fortifications en bois et les drains en bois, témoignent d'une infrastructure avancée et d'une conception soignée des espaces publics et privés sous le règne d'Ashoka.

Au-delà des édifices et des sculptures monumentales, le rôle symbolique de certaines structures, comme les célèbres piliers d'Ashoka, ne saurait être sous-estimé. Ces piliers, souvent ornés de capitaux animaliers, sont considérés comme des axes du monde, séparant le ciel de la terre, et soulignent l'importance de la souveraineté divine dans la politique d'Ashoka. Ces édifices, malgré leur simplicité par rapport à certaines structures perses contemporaines, comme le Palais de Darius à Persépolis, constituent un témoignage de la grandeur de l'empire Maurya et de son idéologie.

Les piliers de pierre, souvent réalisés en grès provenant des carrières de Chunar, sont caractérisés par leur surface lustrée et leur forme monolithique, sculptée dans un seul bloc de pierre. Ces sculptures ont une fonction à la fois politique et religieuse, véhiculant les décrets impériaux d'Ashoka à travers le territoire. Certaines de ces colonnes sont également associées à des inscriptions sur la moralité et le dharma, ce qui montre que la propagation des enseignements bouddhistes n'était pas simplement une question religieuse, mais également une stratégie politique visant à établir un ordre moral et unifié au sein de l'empire.

En plus des sculptures monumentales, les fouilles à Kumrahar ont révélé les vestiges d'une grande salle à colonnes en bois, qui pourrait avoir été une structure associée à la cour impériale. Cette salle, bien que moins élaborée que certaines structures perses de l'époque, témoigne d'une réflexion poussée sur l'architecture comme symbole de pouvoir. La comparaison avec le Hall de l'Audience publique de Darius à Persépolis est frappante, mais la simplicité de la construction Maurya reflète une esthétique différente, plus en harmonie avec les principes d'humilité bouddhiste qu'avec l'extravagance de la royauté perse.

Les vestiges archéologiques qui nous parviennent de cette époque, qu'il s'agisse de piliers, de sculptures ou d'infrastructures comme les drains et les fortifications en bois, offrent une image vivante de l’empire d’Ashoka. Ils témoignent non seulement de la puissance de l'empire, mais aussi de l'importance de la moralité et de la structure sociale dans la construction de l'ordre politique.

La question de l'art sous le règne d'Ashoka, comme de toute époque, ne se limite pas à une simple étude esthétique. Les objets, monuments et sculptures créés sous son règne sont indissociables de la vision impériale qu'il a cherché à imposer à travers tout le sous-continent indien. Au-delà de la splendeur des édifices, c’est la volonté d’instaurer une société fondée sur des principes moraux, un dharma universel, qui guide son action.

Comment l'Arthashastra façonne le pouvoir et la gouvernance

L'Arthashastra, un traité fondamental de la pensée politique et économique, est un texte qui met en lumière la manière dont un roi peut acquérir, maintenir et étendre son pouvoir. Composé de quinze livres divisés en 150 sections, ce texte, attribué à Kautilya, est un guide pragmatique destiné aux dirigeants et membres de l'élite politique. Bien que sa structure soit complexe, il aborde trois domaines principaux : l'administration interne (tantra), les relations inter-étatiques (avapa) et divers autres sujets. À travers une analyse profonde des enjeux politiques et économiques, l'Arthashastra présente une vision d'un état régulé par des stratégies sophistiquées de contrôle et d'influence.

L'Artha, dans l'enseignement de Kautilya, est avant tout la quête de gain matériel, fondée sur l'acquisition et la protection de la terre, qui est la source de subsistance des peuples. Cette notion dépasse celle du dharma et du kama, considérés comme dépendants de l'arhta. Ainsi, le roi, selon Kautilya, est non seulement responsable de la gestion des ressources matérielles mais doit aussi veiller à l'ordre moral et à l'accomplissement des devoirs de chacun selon leur varna et ashrama. Cette conception de la gouvernance est marquée par une approche réaliste et pragmatique de la politique : le roi doit avant tout préserver et accroître sa propre position tout en répondant aux attentes sociales et économiques.

Kautilya présente l'état comme un système organique composé de sept éléments essentiels : le roi, le ministre, le territoire, la forteresse, le trésor, la force (ou la justice) et l'allié. Cette structuration repose sur une vision systémique où chaque composant joue un rôle déterminant pour la stabilité et la prospérité du royaume. L'Arthashastra n'exprime pas explicitement une théorie de l'origine de l'État, mais il propose une réflexion complète sur les dynamiques internes de gouvernance et d'administration. L'ouvrage insiste sur l'importance du conseil, affirmant que la réflexion stratégique et la consultation des sages doivent précéder toute action politique importante.

Le rôle du roi est central dans ce système, et Kautilya souligne qu'il doit être éduqué, formé et vertueux, mais également habile dans l'art du conseil, de l'usage de la force, et dans la manipulation des alliances. Le roi idéal, dans cette perspective, est celui qui pèse soigneusement toutes ses options avant d'agir. Cependant, l'Arthashastra va au-delà des théories de gouvernance classiques en montrant que l'utilisation de la violence et de la tromperie peut être justifiée si elle sert à maintenir l'ordre et à consolider le pouvoir. Ce pragmatisme a conduit à l'association de Kautilya avec une approche réaliste de la politique, où les moyens sont souvent aussi variés que les fins.

Dans ce contexte, l'espionnage joue un rôle crucial. L'État est perçu comme une entité régulatrice omniprésente, scrutant et surveillant la société. Des espions, déguisés et infiltrés, sont envoyés pour surveiller les officiers, les sujets et détecter toute forme de rébellion. Cette idée de surveillance étatique se retrouve dans la gestion de la terre, où l'État intervient pour établir des colonies et réguler l'usage des ressources. Le roi, par le biais de son administration et de ses espions, devient l'architecte d'une surveillance systématique et rigoureuse, reflet d'un état autoritaire, où la sécurité et la stabilité sont des priorités absolues.

Les relations internationales sont également une composante clé de l'Arthashastra. Kautilya introduit la théorie du raja-mandala, ou cercle des rois, qui repose sur l'idée d'ennemis et d'alliés naturels. Le cercle des rois se divise en quatre types d'États : le roi ambitieux (vijigishu), l'ennemi (ari), le roi intermédiaire (madhyama) et le roi neutre (udasina). Cette hiérarchie politique illustre comment les relations inter-étatiques doivent être gérées dans un contexte de compétition pour le pouvoir et l'expansion. Kautilya décrit le rôle du vijigishu comme celui d'un souverain dont les ambitions vont au-delà des frontières, visant la création d'un empire s'étendant jusqu'aux montagnes de l'Himavat et à la mer. Cette vision impériale est renforcée par l'idéalisme stratégique du texte, où la conquête est présentée non seulement comme un moyen d'accroître le pouvoir, mais aussi comme un objectif légitime pour un roi ambitieux.

Un autre aspect clé de l'Arthashastra est son approche du droit. Bien que l'ouvrage ne soit pas explicitement structuré autour de la question de la légalité, il contient le premier code juridique détaillé de l'Inde. Ce code est fondé sur l'idée d'inégalité naturelle, notamment selon les varnas. Le texte traite des peines corporelles, de la torture et de la peine capitale, tout en prévoyant des possibilités de commutation des peines en amendes. Cela reflète une vision du droit où la hiérarchie sociale et politique conditionne le traitement des individus. Bien que la légalité semble rigide, le texte fait également état de stratégies politiques flexibles pour la gestion des conflits et des rébellions.

En somme, l'Arthashastra est bien plus qu'un simple manuel politique ; il s'agit d'un recueil de réflexions sur la nature du pouvoir et de la gouvernance. Il présente un roi qui, bien qu'armé de stratégies violentes et de manipulation, doit également être sage, réfléchi et capable de discerner les intérêts de ses sujets. Cette vision du pouvoir et de la politique reste pertinente aujourd'hui, dans un monde où la stabilité et la sécurité des États continuent de dépendre de la capacité des dirigeants à équilibrer pragmatisme et idéalisme.

La domestication des plantes et des animaux : Comment reconnaître la transition vers la production alimentaire dans le sous-continent indien

L'analyse des vestiges archéologiques peut parfois permettre de cerner les premiers signes de la domestication des plantes et des animaux. Les preuves indirectes, telles que les représentations d'animaux capturés ou soignés, de la récolte de céréales ou de la transformation des aliments, sont souvent utilisées pour soutenir l'idée de la domestication. Cependant, ces représentations restent ambiguës et insuffisantes pour constituer une preuve définitive. La capture d'animaux pourrait simplement illustrer des pratiques de chasse, et l'élevage pourrait encore être dans une phase précoce de gestion des animaux. La récolte des grains et la transformation des aliments, quant à elles, sont parfaitement compatibles avec des modes de vie encore fondés sur la collecte des ressources naturelles. Certains outils, comme les meules de broyage ou les faucilles, sont parfois interprétés comme des signes de la domestication des plantes, mais là encore, cette interprétation est sujette à caution. En effet, les meules peuvent être utilisées pour broyer des céréales sauvages et les faucilles pour récolter des plantes non domestiquées.

Les preuves directes proviennent parfois des sciences naturelles. L'analyse des grains de pollen, des restes de mollusques, d'insectes ou d'autres microfossiles peut indiquer des changements dans l'utilisation du sol et, de manière indirecte, l'émergence de pratiques agricoles. Toutefois, déterminer avec certitude si une communauté était effectivement dédiée à la production alimentaire reste un défi complexe. Certains sites fournissent des indices clairs quant à l'importance de l'élevage ou de la culture dans les stratégies de subsistance, mais dans de nombreux cas, il est difficile de faire une évaluation précise. Dans le sous-continent indien, il est fréquent de désigner un site comme « néolithique » simplement en raison de la présence d'outils en pierre polie, sans tenir compte de la réalité complexe des pratiques alimentaires.

Le domaine de l'archéobotanique, ou paléobotanique, offre des pistes intéressantes grâce à l'analyse des restes végétaux anciens. Ces restes incluent généralement des éléments macro-botanique comme des graines ou des céréales, qui se conservent bien grâce à la dessiccation, l'enlisement ou la carbonisation. L'une des méthodes les plus efficaces pour récupérer ces fragments consiste à utiliser la technique de la flottation. Cette technique permet de séparer les graines carbonisées du sol environnant en les faisant flotter dans un liquide, facilitant ainsi leur collecte. Une fois récupérées, ces graines peuvent être étudiées au microscope pour déterminer si elles proviennent de plantes sauvages ou domestiquées.

Les restes micro-botaniques, comme les phytolithes, peuvent également fournir des informations cruciales. Ces minuscules particules de silice présentes dans certaines parties des plantes permettent de distinguer les espèces domestiquées de leurs ancêtres sauvages. De plus, l'analyse des pollens, une discipline appelée la palynologie, permet d'étudier les grains de pollen bien conservés dans les couches sédimentaires. Ces grains de pollen, grâce à leur coque externe robuste, peuvent survivre pendant des milliers d'années. En étudiant les changements dans les profils de pollen dans différentes couches archéologiques, on peut inférer des transitions climatiques, des déforestations ou, parfois, des pratiques agricoles.

Avec l'avancée de la technologie, des techniques plus récentes, comme la datation au radiocarbone de petites graines de courge ou des épis de maïs, ont permis d'affiner notre compréhension des périodes et des zones où la domestication des plantes a eu lieu. L'étude de l'ADN des plantes permet également de tracer les liens entre les espèces domestiquées et sauvages, offrant ainsi des informations précieuses sur les origines géographiques des premières formes de domestication.

La transition vers la production alimentaire dans le sous-continent indien reste un sujet de grande complexité. Le Néolithique, souvent associé à la production alimentaire, la poterie et la vie sédentaire, ne peut être réduit à ces seuls critères. Dans le sous-continent indien, certains éléments liés au Néolithique remontent déjà au Mésolithique. Par exemple, certaines communautés mésolithiques ont laissé des traces de poterie et de domestication animale, tandis que d'autres sites néolithiques ne montrent pas de vestiges de poterie. Le concept de sédentarité (ou mode de vie sédentaire) est également difficile à cerner. Certaines communautés de chasseurs-cueilleurs du Mésolithique étaient déjà relativement sédentaires, tandis que des groupes pratiquant l'élevage ou l'agriculture ne vivaient pas nécessairement longtemps au même endroit. Il est donc important de dépasser la vision dichotomique entre vie sédentaire et nomadisme, en reconnaissant différents degrés de sédentarité parmi les communautés.

L'émergence de la domestication des plantes et des animaux n'a pas signifié la fin des modes de vie de chasseurs-cueilleurs. Les communautés qui pratiquaient l'élevage et l'agriculture continuaient souvent à chasser et à cueillir des ressources. Par ailleurs, de nombreuses communautés ont persisté dans leur mode de vie traditionnel sans jamais adopter les pratiques de domestication. Cette complexité régionale, alimentée par la grande diversité écologique du sous-continent — notamment la variation du climat, du sol et des espèces végétales et animales susceptibles d'être domestiquées — explique les nombreuses adaptations spécifiques observées chez les premiers pasteurs et agriculteurs. Certaines régions, comme le nord du Vindhya, ont vu émerger des cultures néolithiques directement issues de phases mésolithiques, tandis que d'autres, comme le nord-ouest du sous-continent, n'ont pas connu de phase mésolithique distincte et les premières installations semblent appartenir à des communautés néolithiques pratiquant l'agriculture et l'élevage.

Il convient également de noter que bien que certaines cultures « purement néolithiques » existent, de nombreuses autres sont néolithiques-chalcolithiques, mêlant des éléments du Néolithique avec l'utilisation du métal (principalement le cuivre). Cette diversité des pratiques sur un large éventail temporel exige une approche nuancée, reconnaissant des transitions culturelles multiples et des chronologies régionales distinctes.

La période allant de 7000 à 3000 avant notre ère marque les premières installations villageoises. Dans le nord-ouest, plusieurs sites, notamment à Baloutchistan, montrent un passage d'une vie pastorale semi-nomade à une agriculture plus sédentaire. Le site de Mehrgarh, situé dans la vallée du Bolan, est l'un des mieux documentés, offrant des preuves claires de cette transition, qui relie les plaines de l'Indus aux vallées montagneuses du nord.