Il est important de noter que le terme « évangélique » suscite encore des débats parmi les chercheurs, bien que le consensus général admette qu'il existe trois croyances fondamentales au sein de cette communauté, malgré sa diversité. La première est la Bible, perçue comme la révélation inspirée de Dieu à l'humanité. La deuxième est l’expérience de conversion, où l'individu se « renouvelle » en Christ, un phénomène souvent décrit comme « être né de nouveau ». Enfin, la conviction partagée de l'évangélisation et du recrutement de nouveaux convertis est également un pilier central de cette foi (Balmer, 2010). La trajectoire historique du mouvement évangélique dépasse largement le cadre de cette analyse, mais il est important de souligner qu'après un retrait général de la vie politique et socioculturelle au XXe siècle, les évangéliques ont commencé à réémerger sur la scène publique dans les années 1970. Cette résurgence s’est particulièrement manifestée à travers leur alignement avec les conservateurs politiques (Balmer, 2010). Une grande partie de cette réémergence a été alimentée par le sentiment de menaces pesant sur leur sous-culture, menaces qui étaient perçues comme des attaques contre leurs valeurs fondamentales.

Bien que la question de l'avortement soit souvent citée comme l’élément déclencheur de ce retournement politique, l’historien Balmer (2010) soutient que l’événement ayant réellement provoqué cette prise de position politique fut la décision de la Cour suprême en 1971 dans l'affaire Green v. Connolly. Cette décision stipulait que les institutions qui pratiquaient la ségrégation raciale perdraient leur statut d’exonération fiscale. L'université Bob Jones, par exemple, s’opposait fermement à cette décision et continua à interdire les rencontres interraciales, ce qui conduisit finalement à la révocation de son statut d’exonération fiscale. Dès lors, la race et la protection du racisme sont devenues des enjeux centraux dans l’essor du mouvement de la droite religieuse américaine.

À la lumière de cette évolution, l’historien John Fea (2018) constate peu de surprise face à l’énorme soutien qu’ont exprimé les évangéliques blancs à Trump. Selon lui, Trump n’est que la manifestation la plus récente d’une approche évangélique de la vie publique, une approche fondée sur la peur, la nostalgie et la quête du pouvoir politique (p. 6). Dans cette perspective, le sociologue Philip Gorski (2017) affirme que la raison pour laquelle de nombreux évangéliques blancs ont voté pour Trump réside dans leur adhésion au nationalisme chrétien blanc. Cependant, il est crucial de souligner que tous les évangéliques blancs conservateurs ne sont pas des nationalistes chrétiens blancs. En effet, une étude menée par Whitehead, Perry et Baker (2018) démontre que le nationalisme chrétien est un facteur déterminant dans le soutien à Trump, même après avoir pris en compte d'autres variables telles que l’insatisfaction économique, le sexisme, le racisme anti-noir, l’hostilité envers les réfugiés musulmans et les attitudes anti-immigrants (p. 147). En d’autres termes, le nationalisme chrétien s’avère être le dénominateur commun dans la formation de ce soutien.

Le nationalisme chrétien blanc est un ensemble de croyances qui fusionne les appartenances américaines et chrétiennes, ainsi que leurs histoires et leurs avenirs respectifs. Ce nationalisme a façonné les actions politiques des Américains qui ont perçu la présidence de Trump comme une défense de l'héritage chrétien du pays et une étape vers la restauration d’un avenir résolument chrétien. Cette idéologie permet de construire un récit global d’une identité nationale distinctement chrétienne, un récit que ceux qui l’embrassent perçoivent comme étant menacé et qu’ils défendent activement, notamment à travers leur soutien à Trump (Whitehead et al., 2018, p. 165). Bien que ce nationalisme chrétien soit particulièrement marqué parmi les évangéliques blancs, il transcende cette communauté, s’étendant à d’autres segments de la société américaine.

Les implications sociales et politiques du nationalisme chrétien blanc sont manifestes. Selon Perry, Whitehead et Davis (2019), ceux qui adhèrent à ce nationalisme, indépendamment de leur origine raciale, sont plus enclins à croire que la police traite les Noirs de la même manière que les Blancs et que la violence policière à l’encontre des Noirs est due à leur prétendue violence inhérente (p. 130). En outre, Davis (2018) révèle que les nationalistes chrétiens blancs sont plus susceptibles de s’opposer au financement de politiques qui bénéficient principalement aux minorités raciales (comme l’aide sociale) et de soutenir des politiques qui punissent ces mêmes minorités (comme les contrôles aux frontières ou la loi et l’ordre) (p. 15). Ces données soulignent les croyances profondément ancrées au sein de cette communauté, qui mêlent nationalisme, race et religion d’une manière indissociable.

L’un des aspects les plus révélateurs de ce phénomène est la position des évangéliques blancs face à la composition démographique future des États-Unis. Environ 54 % des évangéliques blancs estiment que le fait que le pays devienne majoritairement non blanc dans un avenir proche serait essentiellement négatif, une opinion partagée par aucun autre groupe religieux majeur (Jones et al., 2018, p. 28). De plus, ils sont les plus susceptibles (19 %) de se dire insatisfaits si leur enfant épousait une personne d’une autre race (Jones & Najle, 2019, p. 21). Ces réponses traduisent une inquiétude grandissante quant à l'avenir du pays et une préférence marquée pour une nation à majorité chrétienne.

Enfin, il convient de mentionner que les médias pro-Trump jouent un rôle crucial dans la propagation de ces idées. L'un des principaux groupes influents dans ce domaine est celui des "évangéliques de cour", des leaders religieux évangéliques influents ayant accès à Trump et dont l'audience est colossale. Parmi eux, on trouve les partisans du "gospel de la prospérité" et des leaders du mouvement de la Réforme apostolique (New Apostolic Reformation). Ces derniers, opérant souvent en dehors des structures ecclésiastiques traditionnelles, ont su attirer un grand nombre de croyants, notamment grâce aux réseaux sociaux et à une approche radicale et émotionnelle du christianisme (Christerson et Flory, 2017).

Ainsi, le soutien des évangéliques blancs à Trump ne se limite pas à une simple adhésion politique, mais s’inscrit dans un système de croyances et d'identités profondément ancrées dans la culture américaine, où la race, la religion et la nation sont étroitement interconnectées.

Vers une alternative sociale et démocratique face aux géants du numérique : Une vision socialiste du futur des plateformes en ligne

Dans l'univers des géants technologiques, Facebook se présente comme un acteur incontournable, dont le modèle économique repose avant tout sur la collecte massive de données et la publicité, qu’elle soit commerciale ou politique. L’idée de nationaliser une telle entreprise, évoquée par des penseurs comme Jeremy Corbyn, semble, selon certains experts, difficile à concrétiser. Les ressources de ces entreprises, telles que les données et les utilisateurs actifs, sont mobiles, et non ancrées dans un territoire spécifique comme une mine de charbon. Par conséquent, une nationalisation pourrait ne pas suffire à remettre ces géants numériques sous contrôle public. Bassett propose une solution radicale : tuer le modèle économique de Facebook en interdisant la publicité, qu'elle soit commerciale ou politique. Ce faisant, l’entreprise pourrait être remplacée par une plateforme financée publiquement, sur le modèle de Wikipédia, construite comme un « projet collectif ».

Mais un tel changement nécessite une transformation de la manière dont ces plateformes sont gouvernées. Pour Bassett, une version socialiste de Facebook doit être guidée par deux principes : une participation accrue des utilisateurs et une supervision éditoriale responsable. Il s’agit de concilier les possibilités infinies offertes par la participation en ligne et un cadre de régulation, qui serait aussi bien humain qu’algorithmique. Un exemple inspirant de cette vision est la proposition de Corbyn pour une BBC démocratique, qui prévoyait un organe de gouvernance élu par les travailleurs et les utilisateurs de la plateforme. L’objectif est d’assurer une gestion collective et démocratique des plateformes numériques, afin de les éloigner des logiques capitalistes et de leurs dérives.

Les récentes crises, qu’elles soient politiques ou sociales, ont mis en lumière les failles du modèle actuel des réseaux sociaux. L’idée selon laquelle ces géants technologiques seraient neutres et uniquement orientés vers la connectivité semble désormais obsolète. Les récents scandales liés à la manipulation des informations, à l’influence politique et à la violation de la vie privée montrent à quel point le modèle des plateformes numériques est incompatible avec une vision d'équité et de justice sociale. Il est donc crucial, selon Bassett, de « libérer les grandes données et la connectivité mondiale de l’anarchie du marché » et de repenser leur gouvernance en termes de bien public, loin de l’hégémonie de l’argent.

Cependant, la réflexion ne se limite pas aux seules plateformes numériques. Elle s’inscrit dans une vision plus large de transformation sociale. Dans ce contexte, la proposition de l’écosocialisme devient incontournable. L’écosocialisme propose une vision alternative de la société, en harmonie avec la nature, tout en rejetant les systèmes destructeurs tels que le patriarcat, le racisme, l'homophobie et l’économie fondée sur les énergies fossiles. Contrairement au capitalisme, qui s’appuie sur l’exploitation illimitée des travailleurs et des ressources naturelles, l’écosocialisme défend un modèle basé sur la justice sociale et écologique, tirant parti des savoirs ancestraux des peuples indigènes et des dernières avancées scientifiques pour forger une société au-delà du capitalisme. Cette transition, bien qu’encore lointaine, est vue comme un horizon vers lequel il faut tendre, un projet vital pour l’avenir de l’humanité.

Un autre aspect essentiel de cette réflexion sur la transition numérique et sociale est la reconnaissance de la place incontournable des luttes sociales et politiques pré-internet dans la construction d’une alternative viable au capitalisme. La lutte dans les rues, les usines, les écoles, et au sein des syndicats, demeure primordiale. L’utilisation des médias, qu'ils soient traditionnels ou sociaux, doit être envisagée comme une extension de cette lutte, en tant qu’outil de résistance aux idéologies de droite et de renversement du capitalisme. Il s’agit d’intégrer la pédagogie publique écossocialiste comme un élément dialectique au service d’une transformation radicale de la société.

La question qui se pose alors n’est pas seulement celle de réformer les plateformes numériques, mais aussi celle d’une refonte radicale des structures économiques et sociales qui sous-tendent leur pouvoir. Il devient impératif d’agir sur plusieurs fronts simultanément : à la fois dans le monde numérique et dans le monde physique, en unissant les efforts des mouvements sociaux et en les adaptant aux réalités du 21e siècle.

Le chemin vers un horizon écosocialiste est semé d’embûches, mais il est essentiel pour la survie de notre planète et la construction d’une société plus juste. Ce processus doit être global et inclusif, impliquant non seulement des changements politiques et économiques, mais aussi un profond changement de paradigme dans notre relation avec la nature et les autres espèces. Seule une telle approche pourra nous permettre d’éviter les écueils d’un futur dominé par la logique capitaliste et ses dérives écologiques et sociales.

La mondialisation et ses paradoxes : une analyse critique des défis contemporains

Le phénomène de la mondialisation, dans ses dimensions économiques, sociales et politiques, a transformé la manière dont les sociétés humaines interagissent. Il a permis une interconnexion sans précédent entre les peuples, les cultures et les économies, tout en exacerbant des inégalités profondes et en accentuant certains défis environnementaux. Cette dynamique globale est perçue comme une opportunité par certains et comme une menace par d'autres, créant ainsi un terrain fertile pour des débats passionnés sur ses implications. Cependant, il est crucial de comprendre que la mondialisation n'est ni une force homogène ni une réalité inéluctable ; elle est plutôt le produit d'un ensemble complexe de décisions politiques, économiques et sociales qui façonnent notre monde d'une manière souvent paradoxale.

Dans le domaine économique, la mondialisation s'est manifestée par la libéralisation des échanges commerciaux et des investissements. Cela a favorisé une croissance économique importante, notamment dans les pays en développement, où l'accès à des marchés mondiaux a permis de stimuler des secteurs industriels et agricoles. Toutefois, cette dynamique a aussi conduit à une concentration du pouvoir économique entre les mains de quelques multinationales, au détriment des petites entreprises locales et des travailleurs. Ce phénomène a contribué à l'augmentation des inégalités économiques, non seulement entre pays, mais également au sein des sociétés elles-mêmes.

Le modèle économique qui sous-tend la mondialisation, souvent basé sur le libre-échange et la dérégulation, a aussi créé un environnement propice à l'exploitation des ressources naturelles et humaines. En conséquence, des régions entières se retrouvent dévastées par des pratiques d'extraction minière non durable, tandis que les populations locales, souvent les plus vulnérables, sont exposées à des conditions de travail précaires et à un appauvrissement accéléré. Ce paradoxe de la richesse mondialisée et de la pauvreté persistante soulève une question fondamentale : la mondialisation est-elle un moteur de progrès pour tous ou une structure d'injustice profondément ancrée ?

Sur le plan social, la mondialisation a facilité une circulation rapide des idées, des cultures et des informations. L'émergence des technologies numériques a permis à des millions de personnes de se connecter instantanément, d'accéder à une diversité de savoirs et de contribuer à la création de contenus mondiaux. Cependant, cette interconnexion a aussi produit des effets secondaires préoccupants, notamment la diffusion de discours extrémistes, la manipulation de l'opinion publique via les réseaux sociaux et la montée de formes de nationalisme et de populisme. Ces derniers se nourrissent souvent de la peur de l'autre et de la perception que la mondialisation menace l'identité nationale, culturelle et même économique.

Les questions liées à l'immigration et à la mobilité transnationale sont devenues des points de friction majeurs. D'un côté, l'accès aux frontières ouvertes a permis à des millions de personnes de chercher refuge ou de meilleures opportunités économiques, mais de l'autre, elle a également conduit à une exploitation systématique de populations précaires, notamment dans les pays développés, où les immigrés occupent souvent des emplois mal rémunérés et sont confrontés à des conditions de vie difficiles. Parallèlement, les réactions nationalistes face à ce phénomène ont conduit à des politiques de fermeture des frontières et à une remise en question des principes d'asile, créant un climat d'intolérance et de méfiance.

En ce qui concerne l'environnement, les effets de la mondialisation sont tout aussi ambivalents. Si elle a permis une prise de conscience globale des enjeux écologiques et a facilité des actions collectives, elle a également exacerbée la crise climatique en favorisant une consommation de masse et une production industrielle à grande échelle, sources majeures de pollution et de destruction des écosystèmes. L'exploitation des ressources naturelles pour alimenter les besoins des marchés mondiaux, couplée à une croissance démographique continue, a conduit à une surconsommation des terres arables, à la déforestation massive et à une perte de biodiversité inquiétante. L'empreinte écologique de la mondialisation est un héritage que les générations futures devront affronter avec des défis colossaux.

Pourtant, une partie de la solution réside dans une approche plus consciente et éthique de la mondialisation, un modèle économique qui intègre à la fois la justice sociale et la durabilité environnementale. L'un des grands défis consiste à repenser la croissance économique en termes de bien-être humain plutôt que de productivité incessante. L'eco-socialisme, par exemple, propose une alternative en prônant une économie de partage et de redistribution qui vise à équilibrer les besoins matériels et les impératifs écologiques. D'autres courants de pensée insistent sur la nécessité de revoir les relations internationales et de favoriser un multilatéralisme plus équitable, en mettant l'accent sur la coopération plutôt que sur la compétition.

Il devient impératif que les nations, en particulier celles qui détiennent une part disproportionnée de la richesse mondiale, assument leur responsabilité historique envers les pays en développement, dont les populations subissent les plus grandes conséquences de la mondialisation sans en bénéficier pleinement. Les inégalités, qu'elles soient économiques, sociales ou environnementales, ne peuvent plus être ignorées. La mondialisation, loin d'être un phénomène inéluctable, est un processus modelable par les choix politiques et les actions collectives.

Enfin, au-delà des enjeux économiques et environnementaux, la mondialisation soulève des questions profondes sur l'identité, la culture et la souveraineté des peuples. La crainte que les identités locales soient diluées dans un monde homogénéisé est bien réelle, et pourtant, il est possible de concilier ouverture et préservation des spécificités culturelles. Ce n’est qu’à travers un dialogue ouvert et respectueux que les sociétés pourront naviguer dans cet univers globalisé sans sacrifier leurs valeurs fondamentales.