Lorsqu’on se trouve en position d’orateur au sein d’un environnement marqué par l’incivilité, il ne faut pas perdre de vue que la responsabilité de modéliser la civilité incombe autant au locuteur qu’au président de séance. La vertu de la communication qu’est la tact s’avère alors primordiale, particulièrement dans les contextes controversés. Un orateur tactful choisit ses mots avec soin, fait preuve d’une sensibilité aiguë à l’égard des autres, et accorde plus d’importance à la qualité et à la pérennité des relations communicatives qu’à la victoire immédiate d’un débat. En contexte hautement chargé émotionnellement, le recours à l’humour auto-dérisoire peut s’avérer une stratégie efficace pour désamorcer la tension. Cette approche repose sur l’hypothèse — certes optimiste — que la majorité des individus préfèrent vivre dans une communauté où règnent respect et délibération plutôt que dans un climat de disputes bruyantes et d’animosité.

Aristote a identifié la notion de « preuve artistique » comme essentielle à l’acte de persuasion. Par cette expression, il désigne les ressources intellectuelles et langagières intrinsèques à l’art oratoire, celles qui émanent directement de l’esprit du locuteur. Contrairement aux preuves extrinsèques, qui proviennent de faits ou données externes, la preuve artistique se construit et s’invente par la pensée raisonnée du discours. Cicéron souligne cette dualité en précisant que le matériel à la disposition de l’orateur se divise en deux catégories : celui qui n’est pas le fruit de sa réflexion personnelle et celui qui repose entièrement sur son raisonnement argumentatif. Une grande partie de la littérature rhétorique classique explore précisément la manière de concevoir et d’élaborer ces arguments fondés sur la raison.

Les arguments artistiques peuvent s’appuyer sur le bon sens, la probabilité ou la sagesse collective d’une communauté, souvent exprimés par des proverbes, des maximes ou des « lieux communs » — des lignes de raisonnement acceptées par la majorité. Ces derniers ont tendance à élever le débat au-dessus des détails spécifiques pour s’appuyer sur des principes abstraits largement partagés. Cicéron affirme que tous les sujets de débat ne se fondent pas sur une multitude d’individus ou une diversité infinie de circonstances, mais plutôt sur des cas types et des caractères récurrents, en nombre limité. De plus, certaines lignes d’argumentation sont adaptées à des disciplines spécifiques : les philosophes, les juristes ou les scientifiques adopteront ainsi des raisonnements distincts en fonction de leur domaine.

Prenons un exemple hypothétique. Supposons que Marcus et Caton soient des ennemis jurés, et que Caton soit assassiné. Marcus est-il le coupable ? En l’absence de preuves matérielles, un orateur pourrait inventer des arguments pour défendre l’innocence ou la culpabilité de Marcus. Par exemple, on pourrait prétendre que Marcus, conscient d’être le principal suspect, ne se serait pas mis volontairement dans une situation aussi compromettante. Ces arguments, fruits d’une réflexion inventive, incarnent parfaitement la preuve artistique. Inventer de tels raisonnements, sans pour autant recourir au mensonge, constitue l’essence même de l’art de persuader.

Cette capacité à construire des arguments raisonné trouve une application concrète dans des discours publics tels que celui de la maire de Cape Town, Patricia DeLille, lors du lancement de la campagne de conservation de l’eau en 2011. Par un style clair et accessible, elle appelle les citoyens à prendre conscience des limites des ressources en eau, insistant sur la responsabilité collective pour préserver cette ressource vitale. Elle articule son discours autour de principes simples mais universels : la rareté de l’eau, l’interdépendance sociale, et l’appel à un changement des comportements individuels. Ce discours illustre comment la preuve artistique peut s’appuyer sur des réalités partagées pour mobiliser un large public autour d’un enjeu commun.

Il est important de saisir que la preuve artistique ne se limite pas à la formulation de vérités objectives, mais relève aussi d’un art qui fait appel à l’intelligence pratique, au contexte social et culturel, et à la capacité d’adaptation du locuteur. Le tact dans la communication et la construction d’arguments pertinents ne sont pas des accessoires, mais les fondements indispensables pour instaurer une communication respectueuse, même en des temps de crise ou de désaccord. L’orateur doit toujours garder à l’esprit que la persuasion durable découle d’un équilibre subtil entre la fermeté des convictions et la considération sincère pour l’autre.

Ainsi, la compréhension de la rhétorique classique enrichit la pratique contemporaine de l’art oratoire, offrant des outils pour naviguer avec habileté dans des débats souvent passionnés. Le lecteur doit également intégrer la notion que toute parole publique, surtout dans des contextes sensibles, engage une responsabilité éthique majeure : celle d’élever le discours, de favoriser l’échange constructif, et de ne jamais sacrifier la qualité relationnelle à la simple conquête argumentative.

Les défis et risques de la finance décentralisée après l'effondrement de FTX

La finance décentralisée (DeFi) a connu une montée en puissance fulgurante ces dernières années, en grande partie grâce à des technologies innovantes qui promettent d’éliminer les intermédiaires traditionnels dans les systèmes financiers. Cependant, cette évolution rapide a également exposé des vulnérabilités majeures, comme en témoigne l’effondrement de FTX, l'une des plus grandes plateformes d'échange de cryptomonnaies, en novembre 2022. Cet événement a mis en lumière non seulement les risques systémiques de la finance décentralisée mais aussi les failles dans la régulation et la supervision des nouvelles formes d'actifs numériques.

Les pertes associées à cet effondrement ne se sont pas limitées à la seule FTX. En effet, de nombreux acteurs du secteur ont connu des baisses significatives de valeur. Par exemple, après la chute de la stablecoin TerraUSD au début du mois de mai 2022, la valeur totale bloquée (TVL) dans les protocoles DeFi a chuté de près de 40 %, soit environ 80 milliards d'euros. Parmi les secteurs les plus touchés, on trouve les protocoles de crédit et de staking, qui ont vu leur capitalisation fondre de manière spectaculaire. La chute de la TerraUSD et les événements qui ont suivi ont eu des répercussions profondes sur la confiance des investisseurs et des utilisateurs dans les mécanismes de finance décentralisée, fragilisant encore un peu plus un système déjà instable.

L’effondrement de FTX a également révélé l’étroite interconnexion entre les différents acteurs du secteur, notamment avec Alameda Research, une société de trading de cryptomonnaies qui a subi d’énormes pertes dues à ses positions à effet de levier, en grande partie liées à la dévaluation de TerraUSD. Cette situation a culminé avec la demande de faillite de BlockFi, un prêteur en cryptomonnaies fortement lié à FTX. Le nouveau PDG de BlockFi, nommé après la demande de faillite de FTX, a qualifié la situation de « défaillance totale des contrôles internes » et a souligné l'absence totale d'informations financières fiables. Ce constat met en lumière un problème majeur de gouvernance dans un secteur encore largement non régulé.

Parallèlement à ces événements, le secteur des cryptomonnaies a été confronté à une série de défis réglementaires et législatifs. Les autorités de régulation ont intensifié leurs efforts pour encadrer les activités liées aux crypto-actifs, en particulier concernant les stablecoins et les tokens d'actifs. Bien que ces actifs soient perçus comme une alternative à la monnaie traditionnelle, leur stabilité demeure fragile, et l'absence de régulation claire peut entraîner des risques considérables pour les consommateurs et les investisseurs. Par exemple, les stablecoins ont pour objectif de stabiliser leur valeur en se référant à une monnaie officielle, mais la question de leur solidité reste en débat, particulièrement lorsqu'ils sont liés à des réserves d’actifs non transparentes.

Dans ce contexte, le marché des crypto-actifs se trouve au carrefour de plusieurs tensions : d'une part, la quête d'une plus grande autonomie financière à travers des technologies décentralisées, et d'autre part, la nécessité d'assurer une régulation pour éviter des abus tels que l'évasion fiscale, le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. L'une des préoccupations majeures est la consommation énergétique excessive de certains mécanismes, comme le proof-of-work, utilisé par Bitcoin, qui a un empreinte carbone comparable à celle de milliers de transactions par carte Visa. Bien que le passage à des systèmes plus écologiques comme le proof-of-stake pour Ethereum ait réduit cette empreinte, le problème persiste dans une grande partie du secteur.

En réponse à ces préoccupations, les institutions financières internationales, telles que le Financial Stability Board (FSB), ont proposé un cadre réglementaire international pour les activités liées aux crypto-actifs. Cependant, les défis restent nombreux. Le manque de transparence dans les réserves des émetteurs de stablecoins, la volatilité extrême des actifs numériques, et l'absence de mécanismes de contrôle efficaces peuvent rendre ces instruments particulièrement risqués, surtout en période de stress financier. Il devient donc essentiel pour les acteurs du marché, y compris les prêteurs et les investisseurs, d'intégrer ces risques dans leurs stratégies, en particulier face à des situations de crise.

La réglementation des crypto-actifs doit également prendre en compte les effets environnementaux de l'exploitation de ces technologies. Si l'Union européenne a commencé à aborder l'impact écologique des cryptomonnaies dans le cadre du règlement MiCA (Markets in Crypto-Assets), il est clair que la transition vers des technologies plus écologiques doit être une priorité. Les efforts visant à réduire la consommation énergétique des crypto-monnaies ne se limitent pas à un simple changement de méthode de validation, mais incluent également une réflexion sur la manière de rendre ces technologies plus responsables d'un point de vue environnemental.

Les répercussions de l'effondrement de FTX sont profondes et leur influence se fait sentir dans tout le secteur de la finance décentralisée. L'absence d'informations fiables, la faiblesse de la régulation et la concentration excessive de pouvoir entre les mains de quelques acteurs non qualifiés ont montré les dangers inhérents à un système encore jeune et en grande partie non surveillé. En conséquence, la question de la viabilité de la finance décentralisée dans un environnement sans régulation est devenue un sujet de débat majeur.

Il est essentiel de comprendre que, bien que la DeFi propose des solutions novatrices et prometteuses, ces solutions doivent être accompagnées de mécanismes robustes pour garantir la stabilité et la sécurité des fonds des utilisateurs. L'absence de régulation claire et de transparence dans les pratiques des plateformes de crypto-actifs ne peut que mener à une perte de confiance des investisseurs, qui pourraient se détourner de ces technologies au profit de solutions plus sécurisées.

Comment la grandeur se révèle-t-elle dans la simplicité du quotidien et l’invention silencieuse ?

Il est des récits qui s’élèvent bien au-delà de la simple histoire pour toucher à l’essence même de la réussite et de la grandeur. Une femme, moquée par son mari, trouve dans cet affront une détermination inébranlable : créer un meilleur bouton de col. Ce geste, anodin en apparence, mène à une invention aujourd’hui universellement utilisée, symbole discret mais puissant d’ingéniosité. Cette femme de la Nouvelle-Angleterre, qui a su transformer le dédain en innovation, incarne l’idée que la richesse et la réussite sont souvent plus proches qu’on ne le croit, parfois juste sous notre nez.

Contrairement aux préjugés populaires qui minimisent la capacité inventive des femmes, l’histoire démontre le contraire. Qui a réellement inventé le métier Jacquard, le coton-gin, ou même la machine à coudre ? Derrière les noms masculins souvent associés à ces grandes inventions, il y a fréquemment une femme qui a déclenché l’étincelle créatrice. L’exemple de l’épouse d’Elias Howe, qui en deux heures imagina la machine à coudre, est particulièrement éclairant : la patience et la ténacité masculines ne sont rien sans la fulgurance féminine initiale. Ce biais systématique de reconnaissance ne fait que masquer l’apport fondamental des femmes dans le progrès industriel et technologique.

L’invention ne relève pas d’un génie inaccessible, d’un esprit extraordinaire ou d’une intelligence hors du commun, mais d’un sens pratique et d’une volonté ferme. Les grands inventeurs sont souvent des individus ordinaires, qui, par la simplicité et l’ingéniosité, ont su percevoir ce que les autres ne voyaient pas. Le voisin d’à côté, l’homme ou la femme à côté de nous, est parfois ce génie méconnu. Ce décalage entre la grandeur réelle et la perception sociale de celle-ci est une leçon sur l’humilité et la reconnaissance des talents cachés dans le quotidien.

La véritable grandeur est fréquemment invisible aux yeux de ceux qui l’entourent. Un homme comme le général Garfield, considéré comme une figure éminente de la nation, restait simplement « Jim » pour ses voisins. Cette proximité humaine, cette absence d’exaltation ostentatoire, caractérise souvent les personnalités les plus remarquables. De même, la peur qu’on peut ressentir face à l’inconnu ou au pouvoir – comme celle éprouvée en se tenant devant la porte du Président Lincoln – ne diminue en rien la grandeur de celui qui sait l’affronter et persévérer.

Les femmes et les hommes qui ont marqué l’histoire par leurs inventions et leurs idées ont tous suivi une règle commune : observer avec attention, comprendre la valeur de ce qui les entoure, et ne jamais sous-estimer la puissance de leur propre détermination. Elles ont su reconnaître que la richesse – matérielle ou intellectuelle – se cache souvent dans les choses les plus simples, trop près d’elles pour qu’elles la perçoivent sans effort conscient. Ce dédain initial face à une innovation ou à un potentiel personnel n’est que le voile qui dissimule un possible extraordinaire.

La capacité inventive ne réside pas dans un éclat soudain ou dans une illumination géniale, mais dans la constance, la pratique et l’audace de croire en ce qui semble à portée de main. Cette leçon s’adresse autant aux hommes qu’aux femmes, et s’étend bien au-delà de la sphère des inventions techniques : elle touche à la manière dont chacun peut percevoir et transformer son environnement immédiat.

Il est fondamental de comprendre que la reconnaissance sociale, souvent biaisée, ne mesure ni la valeur réelle des idées ni le potentiel latent des individus. L’invisibilité des grands talents dans la vie quotidienne ne signifie pas leur absence, mais invite à une vigilance accrue, à un regard plus attentif sur le monde et sur soi-même. Apprendre à déceler cette grandeur, c’est permettre à chacun de révéler ce qu’il porte en lui et ainsi participer à la construction collective du progrès.