L’évaluation des projets d'investissement public repose sur une analyse approfondie de plusieurs facteurs économiques et financiers. Lorsqu'un gouvernement décide d'entreprendre un projet, il doit prendre en compte le coût d'opportunité du capital, la préférence marginale de consommation dans le temps et la manière dont ces éléments influencent les décisions budgétaires. En d’autres termes, la question qui se pose est de savoir comment évaluer les ressources nécessaires au financement d'un projet public, tout en tenant compte des bénéfices futurs et des coûts qui en découlent.
Imaginons qu'un gouvernement décide de financer un projet en imposant une nouvelle taxe à la communauté, une taxe qui sera progressivement annulée une fois le projet en cours. Si, au lieu de payer cette taxe, les contribuables pouvaient investir leur argent dans des titres à haut rendement, par exemple générant un rendement annuel de 10,5 %, il est essentiel de comprendre que l’opportunité qu’ils perdent en raison de la taxation doit être prise en compte. Ce rendement de 10,5 % par an représente le coût d’opportunité du capital. Ce taux est celui que le gouvernement doit utiliser pour actualiser les flux de coûts et de bénéfices d’un projet public. Ce coût d’opportunité repose sur l’hypothèse simple que l'argent, en particulier l’épargne, s’il n'est pas prélevé par des taxes, serait investi dans des projets privés plutôt que de rester inactif. Toutefois, cette hypothèse simplifie souvent une réalité plus complexe, car une partie de l'épargne ne sera pas investie, mais sera conservée sous forme de liquidités ou utilisée pour des dépenses immédiates de consommation.
La question devient alors plus délicate lorsque l'on considère la consommation plutôt que l’investissement comme source de rendement. Le taux d'actualisation approprié dans ce cas serait celui qui égale la satisfaction obtenue par la consommation d'un dollar aujourd'hui et celle d’un dollar l'année suivante. Par exemple, si un taux d’actualisation de 3 % est appliqué, la consommation d’un dollar aujourd'hui serait équivalente à la consommation de 1,03 dollars dans un an. Ce taux, connu sous le nom de taux marginal de préférence pour le temps, représente le compromis entre consommation actuelle et future.
Cependant, dans la réalité des investissements publics, les fonds proviennent non seulement de l’investissement privé, mais aussi de la consommation privée. Dès lors, pour évaluer correctement le coût du capital pour un projet public, il convient de prendre une moyenne pondérée des deux sources de financement : investissement privé et consommation privée. Cette approche, appelée coût moyen pondéré du capital (CMPC), repose sur la proportion des ressources provenant de l’investissement privé et de la consommation privée. Formellement, cela se traduit par une formule qui intègre ces deux éléments, permettant ainsi d'obtenir une estimation plus réaliste du coût du capital dans le contexte d'un projet public.
Toutefois, il est important de noter que cette méthode n’est pas sans limites. Les imperfections du marché, telles que les régulations financières et les taxes, peuvent influencer négativement l’attractivité de l’investissement privé et de la consommation, rendant l’utilisation du coût moyen pondéré du capital moins précise. Les régulations et les taxes affectent souvent les décisions d’investissement et de consommation, et ainsi, leur prise en compte dans l’évaluation des projets publics peut compliquer l’analyse.
Une autre approche intéressante dans le cadre de l’évaluation des projets d’investissement public est le taux social de préférence temporelle. Ce taux reflète la valeur que la société accorde à la consommation actuelle par rapport à la consommation future. En pratique, le taux social de préférence temporelle peut être mesuré par le taux d’intérêt du marché, souvent représenté par les titres publics sans risque, comme les bons du Trésor (T-Bills). L’idée est que ces titres, offrant des rendements garantis et une sécurité de remboursement du capital, servent de référence pour évaluer le rendement net des projets publics.
En utilisant le taux d'intérêt des titres publics sans risque comme taux social de préférence temporelle, on peut estimer que ce taux égalise le rendement marginal du capital privé, qui représente le coût d’opportunité du capital dans un contexte privé. Toutefois, cette égalité n'est pas toujours observée, car la société ajuste ses comportements d’épargne pour que ce taux social de préférence corresponde au rendement marginal du capital privé. Ce mécanisme permet de concilier les décisions d’investissement à court terme et les besoins à long terme de la société.
En pratique, la plupart des gouvernements recourent à un taux de prêt pour financer leurs projets, appelé le taux d’emprunt du capital. Ce taux est celui auquel les gouvernements empruntent sur le marché des capitaux pour financer leurs projets. Bien que l’emprunt public soit un moyen efficace de financer les investissements d'infrastructure, il peut entraîner une concurrence avec le secteur privé pour l'accès aux capitaux, ce qui peut créer un phénomène appelé « l’éviction » (crowding out). Cela signifie qu’en empruntant sur les marchés financiers, le gouvernement peut réduire la quantité de capital disponible pour les investissements privés, ce qui peut, dans certains cas, augmenter les taux d'intérêt.
L'éviction peut toutefois être relativisée si les rendements des investissements publics sont significativement plus bas que ceux des investissements privés. Par ailleurs, certains projets publics, comme ceux liés à l’infrastructure (routes, ponts, services publics), sont essentiels pour le développement économique et la création de conditions propices à l'investissement privé. Dans ce cadre, les emprunts publics peuvent jouer un rôle crucial, même si cela implique des coûts à court terme.
Ainsi, l’évaluation des projets d’investissement public ne se limite pas à une simple comparaison de coûts et de bénéfices. Elle doit prendre en compte les impacts à long terme, les différentes sources de financement et les préférences sociales en matière de consommation et d’investissement. Le défi réside dans la capacité à intégrer ces divers éléments de manière cohérente pour garantir des décisions budgétaires éclairées et bénéfiques à long terme pour la société.
Comment la taille des dépenses publiques influence la politique économique ?
Les dépenses publiques peuvent être classées selon différents critères, mais l'un des éléments les plus significatifs est la distinction entre les dépenses obligatoires et discrétionnaires. Les dépenses obligatoires, représentant actuellement environ 73 % des dépenses fédérales, incluent des programmes comme la sécurité sociale, Medicare, Medicaid et les intérêts de la dette publique. Ce pourcentage a considérablement augmenté depuis 1973, où il ne représentait que 47 % des dépenses fédérales. Cette croissance pose un problème fondamental pour la gestion des finances publiques, car elle limite la capacité du gouvernement à réagir aux défis économiques à court terme. Autrement dit, avec près de trois quarts du budget déjà affectés à des dépenses non modifiables, le gouvernement dispose d’une marge d’action extrêmement réduite.
Les principales catégories de dépenses obligatoires sont dominées par la sécurité sociale, qui représente environ 23 % du budget fédéral, suivie de Medicare et Medicaid qui totalisent plus de 25 %, et des coûts d’intérêts sur la dette publique qui représentent environ 9 %. À cela s’ajoutent d’autres programmes d’aide, tels que le programme d’assistance nutritionnelle (SNAP), les aides temporaires aux familles nécessiteuses (TANF), et le crédit d’impôt pour revenu gagné (EITC), qui bien que moins importants, ajoutent une pression supplémentaire sur les finances publiques. Cette situation restreint sérieusement les capacités d’action discrétionnaire du gouvernement et limite sa flexibilité face à des crises économiques ou à des besoins imprévus.
De manière simple, ces dépenses obligatoires sont dites "incontrôlables" dans la mesure où elles échappent au contrôle direct du gouvernement, ce qui rend difficile l'initiation de réformes économiques importantes sans recourir à l'emprunt ou à la réduction significative des dépenses discrétionnaires. Cela contribue à l'augmentation historique des dépenses publiques, phénomène qui semble difficilement réversible dans le climat politique actuel.
Parallèlement, les dépenses fédérales sont également classées selon le type d'agrégation, à savoir la défense et les dépenses domestiques. La dépense de défense constitue environ 13 % du budget fédéral, représentant près de la moitié des dépenses discrétionnaires, tandis que les dépenses domestiques, incluant des secteurs tels que la santé, l'éducation, la sécurité intérieure, et les services pour les anciens combattants, constituent les 87 % restants. Cette structure de dépenses peut varier de manière significative en fonction de la situation politique et économique, notamment en période de guerre, comme ce fut le cas pendant la Seconde Guerre mondiale.
L’une des autres façons d’aborder les dépenses publiques est de les différencier en fonction de leur nature : consommation ou investissement. La plupart des dépenses publiques servent à la consommation immédiate, comme la défense nationale, la santé, l'éducation, et divers programmes d'assistance publique. Ces dépenses sont appelées "dépenses finales de consommation du gouvernement" (GFCE). En revanche, les "dépenses d'investissement public" (PIE) sont orientées vers des investissements destinés à des bénéfices futurs, comme les infrastructures, la recherche et développement, et la formation du capital humain. Ces investissements ont pour but de stimuler la croissance économique à long terme, en améliorant la productivité du travail et en contribuant à la formation de nouveaux capitaux.
Il existe également une classification moins courante mais tout de même importante : les dépenses "hors budget". Celles-ci désignent les dépenses publiques qui ne passent pas par le processus habituel d'approbation budgétaire et sont exclues de la comptabilité officielle. Deux exemples notables de dépenses hors budget sont le fonds de sécurité sociale et le service postal américain. Ces entités ont leurs propres règles de financement et d’allocation, ce qui leur permet d’éviter certaines restrictions budgétaires classiques. D’autres institutions comme la Réserve fédérale ou Fannie Mae et Freddie Mac, bien qu’ayant un lien avec les finances publiques, ne sont pas incluses dans le budget traditionnel, offrant ainsi une flexibilité supplémentaire pour mener des politiques monétaires indépendantes des pressions politiques immédiates.
Enfin, il est essentiel de comprendre que la croissance des dépenses publiques, bien qu'inévitable à certains égards, n'est pas uniforme dans le temps. Depuis les années 1930 et la Grande Dépression, les dépenses fédérales ont connu une augmentation rapide, atteignant jusqu'à 40 % du PIB pendant la Seconde Guerre mondiale, avant de se stabiliser autour de 20 % à la fin du 20e siècle. Toutefois, ces chiffres ne reflètent pas l'ampleur réelle des changements qui ont eu lieu au sein des différents secteurs de dépenses. Par exemple, entre 1980 et 2000, les dépenses fédérales ont triplé, passant de 591 milliards à environ 1,8 trillion de dollars, un phénomène qui a continué au début du 21e siècle avec des hausses vertigineuses jusqu'à dépasser 6,1 trillions de dollars en 2018. Ces augmentations successives soulignent la difficulté de maîtriser une machine économique de cette envergure et mettent en lumière les défis croissants pour l’équilibre budgétaire et la gestion de la dette.
Les dépenses publiques, loin d’être un simple instrument de redistribution, sont des moteurs complexes et interconnectés de la politique économique. Elles englobent des décisions sur des secteurs cruciaux comme la défense, la santé et l'éducation, mais aussi des choix concernant l’investissement à long terme, la gestion de la dette et les ajustements nécessaires face aux crises économiques. L'accroissement continu des dépenses, couplé à une gestion difficile des ressources, marque une époque où le débat sur la soutenabilité des finances publiques est plus pertinent que jamais.
Comment comprendre les carrefours du destin et les fractures du temps?
Comment notre cerveau lie les mots à des émotions et comment s'en détacher

Deutsch
Francais
Nederlands
Svenska
Norsk
Dansk
Suomi
Espanol
Italiano
Portugues
Magyar
Polski
Cestina
Русский