Dans le contexte de la gestion de la pandémie de COVID-19, le discours de Donald Trump a soulevé des questions importantes sur le rôle de la responsabilité individuelle et de l'autorité publique. À travers ses déclarations, Trump a mis en avant une vision néolibérale de la liberté, en particulier lorsqu'il s'agissait de l'obligation du port du masque. En minimisant les recommandations des experts en santé publique et en encourageant l'inaction, il a non seulement contourné ses responsabilités, mais aussi manipulé les perceptions des citoyens concernant leur propre rôle dans la crise sanitaire.
Lorsque Trump déclare qu'il « ne croit pas à l’obligation des masques » et qu’il « préfère laisser les gouverneurs décider », il incarne une vision radicale de la liberté individuelle. Le message qui en découle est clair : la responsabilité collective est une contrainte, une atteinte à la liberté de l’individu. Le port du masque, devenu un symbole de la lutte contre le virus, est présenté comme une option personnelle, laissée à la discrétion de chaque citoyen. Il n'est plus question d'une obligation sanitaire, mais d'une liberté de choix qui, dans le discours trumpiste, devient un droit fondamental.
Cette représentation trouve son ancrage dans le discours néolibéral qui valorise l'individualisme et la décentralisation des décisions. Le néolibéralisme, en tant que phénomène discursif, ne se contente pas de remettre en cause les institutions publiques : il déconstruit la notion même de responsabilité collective. Ce n'est plus l'État qui doit veiller à la protection sanitaire de ses citoyens, mais chaque individu qui doit choisir de protéger les autres, ou non. À travers cette rhétorique, Trump détourne les marques d’obligation (« il faut », « il doit »), les requalifiant en simples suggestions, une forme de discours qui pourrait conduire à une société où l’action collective devient non seulement non nécessaire, mais potentiellement oppressive.
Lors de ses interventions publiques, Trump réussit un coup de maître en transférant la responsabilité sur ses concitoyens. Par son refus d’agir, il donne l’illusion d’une société décentralisée où l’individu, souverain dans ses choix, échappe à toute contrainte extérieure. Ce faisant, il en vient à faire oublier sa propre agence, le pouvoir dont il disposait en tant que président des États-Unis, pour attribuer ce pouvoir à la population. Cette inversion des rôles, où l'individu devient celui qui détient la responsabilité de sa propre sécurité, crée un vide de leadership. Il ne s'agit plus de diriger, mais d'inviter à l'inaction.
Le refus de Trump de prendre des mesures contraignantes, telles que l’obligation du port du masque, et son insistance sur la liberté individuelle, participent d’une mise en scène performative qui cherche à effacer toute responsabilité directe des autorités publiques. Cette gestion de crise devient un spectacle, où les mots sont utilisés non pas pour coordonner une réponse collective, mais pour désigner un ennemi abstrait : l’État oppresseur. En réduisant la crise sanitaire à une simple question de choix personnel, Trump dépolitise le débat et évite ainsi d’être tenu responsable des conséquences dramatiques de l'inaction.
Cependant, cette rhétorique a des conséquences bien plus graves qu’une simple manipulation de l’opinion publique. Elle renforce un modèle où la santé publique devient une question privée, où chaque individu est seul responsable de sa propre protection. Cette dérive néolibérale s’accompagne d’une dégradation des institutions publiques, qui se voient dépossédées de leur pouvoir d’action collective. Si chacun est responsable de sa propre sécurité, l’État n’est plus qu’un acteur secondaire, incapable de mener une politique sanitaire efficace. La conséquence en est une fragmentation du lien social, où la solidarité est perçue comme une contrainte et non comme un principe fondamental pour surmonter des crises collectives.
Dans ce cadre, il est important de comprendre que l’autorité, qu’elle soit politique, sanitaire ou même morale, a une force perlocutoire : elle a le pouvoir de mobiliser ou d’immobiliser les individus. Lorsque cette autorité est pervertie, comme cela a été le cas pendant la gestion de la pandémie par Trump, elle peut avoir des effets dévastateurs sur la cohésion sociale et l’efficacité des mesures de santé publique. Les discours performatifs ne sont pas anodins, car ils ont la capacité de redéfinir les attentes sociales et de manipuler les actions des citoyens, non pas à travers la persuasion, mais par la manipulation subtile des attentes de la liberté et de l'individualisme.
La responsabilité ne se résume donc pas à un acte individuel, mais repose aussi sur la manière dont cette responsabilité est construite et distribuée par ceux qui détiennent l’autorité. L’inaction des dirigeants, en particulier dans une crise aussi grave qu’une pandémie, constitue un manquement grave à cette responsabilité collective. Dans une société où la liberté individuelle prime, il devient crucial de reconsidérer ce qui constitue réellement l’intérêt collectif et de redéfinir les obligations sociales au-delà des seules considérations individuelles.
Pourquoi Adams admirerait-il Trump ? L'art de la transduction de la vérité et l'inversion des valeurs
Les dirigeants charismatiques ont souvent cette capacité de transformer la réalité, d’orienter les perceptions et de manipuler les vérités dans un cadre qui leur est favorable. Donald Trump, un maître de la persuasion, incarne parfaitement ce phénomène, comme le souligne l’analyste Scott Adams. D’après lui, Trump est un « magicien », un manipulateur de la vérité qui tord la réalité de manière à forcer ses adversaires à se concentrer sur ses idées et sa personne, tout en créant une perception déformée du réel. Un exemple frappant est l’idée que l’élection de 2020 aurait été volée par Joe Biden. Ce genre de théorie, ridicule aux yeux de nombreux observateurs, devient plausible pour ses partisans grâce à la capacité de Trump à naviguer dans des zones d’ambiguïté, à la manière d’un enfant qui, tout en sachant que son ami imaginaire n’est pas réel, continue de jouer avec lui dans un espace intermédiaire entre la réalité et le monde des souhaits. Cette ambiguïté est ce qui rend le discours de Trump si captivant : il s’apparente à un jeu dans lequel la vérité n’est plus une donnée objective, mais un terrain malléable où les désirs et les croyances se réinventent en vérités.
Cette approche de la vérité n’est pas seulement une question de discours, mais elle s’inscrit dans une dynamique plus large, une sorte de jeu psychologique où l’importance ne réside pas dans la correspondance entre les mots de Trump et une réalité extérieure, mais dans la correspondance entre ses paroles et son propre monde intérieur. Ce qui compte pour ses partisans, ce n’est pas la véracité objective de ses propos, mais le fait qu’ils résonnent avec leur propre vision du monde, avec leurs attentes et leurs frustrations.
En outre, l’humour, en particulier celui qui viole les tabous verbaux, joue un rôle crucial dans la construction de cette réalité alternative. Les anthropologues Kira Hall, Donna M. Goldstein et Matthew Bruce Ingram ont observé que ce type d’humour peut accomplir un travail idéologique important, qui dépasse ce que pourrait exprimer une simple blague. Les rires suscités par Trump sont des moyens par lesquels ses partisans confirment leurs propres orientations évaluatives et leurs angoisses collectives. Ces rires ne sont pas simplement des réponses à des plaisanteries ; ils valident une vision du monde où la vérité n’est plus le critère principal, mais plutôt le sentiment que quelque chose d’injuste a été renversé.
Trump est également parvenu à renverser la pente morale du système. Dans l’imaginaire collectif qu’il a cultivé, les vrais patriotes américains sont ceux qui souffrent sous l’emprise d’un gouvernement fédéral corrompu, une élite déconnectée de la réalité des travailleurs blancs, accablés par des taxes excessives. Ce « récit profond », comme l’appellent Francesca Polletta et Jessica Callahan, raconte l’histoire d’un peuple travailleur victime d’une société qui le méprise et qui tolère des groupes marginalisés qui veulent « couper la file » vers le rêve américain. Lorsque Hillary Clinton qualifie les partisans de Trump de « panier de déplorables », elle confirme en quelque sorte ce récit, incitant ainsi ses partisans à adopter cette étiquette comme une forme de revanche, de réappropriation du pouvoir moral.
Cette inversion des valeurs trouve un terrain fertile dans des métaphores simples, mais puissantes, comme celle du « drainage du marais ». Pour Trump, ce n’est pas l’élite dirigeante qui devrait détenir le pouvoir et la valeur morale, mais le peuple, dont la colère et le ressentiment à l’égard de l’élite deviennent des forces positives, des vertus en elles-mêmes. La transduction de la vérité opère ici à un niveau abstrait : l’establishment moral est vu non seulement comme corrompu, mais comme une illusion, un marais de valeurs impures, tandis que les préoccupations des travailleurs blancs, souvent perçues comme ignorantes ou rétrogrades, sont réinterprétées comme des signes de vertu.
La capacité de Trump à inverser ces hiérarchies morales repose sur une forme de prestidigitation, où la vérité et le mensonge sont tordus et mélangés. Dans ce monde où la réalité est malléable, il n’est plus question de la correspondance entre les faits et la vérité, mais de la capacité à faire croire à ses partisans que ses discours sont des vérités profondes, cachées sous la surface. Dans ce cadre, les erreurs de Trump ne sont jamais des erreurs ; elles sont des actes d’ingéniosité, des gestes calculés qui échappent à l’entendement des « non-initiés » mais qui résonnent profondément pour ceux qui croient à sa mission.
Les partisans évangéliques de Trump, par exemple, vont jusqu’à voir en lui une figure messianique. Pour eux, ses actions sont une sorte de fulfillment des prophéties bibliques. Ils le comparent à des héros anciens comme le roi Jehu d’Israël, qui, selon eux, purifie la nation de ses péchés. Cette perspective réinterprète le comportement de Trump, qu’il soit immoral ou normatif, comme une forme de sagesse divine, incompréhensible pour les non-croyants, mais évidente pour ceux qui partagent la vision du monde de Trump.
Ce processus de transduction n’est pas un phénomène isolé. Il se renforce par des mécanismes collectifs, où les partisans de Trump participent activement à la construction de sa légende. Ils transforment chaque maladresse en un acte de ruse divine, interprétant chaque écart de comportement comme une preuve de sa véritable vertu. C’est dans ce contexte que le concept de « fake news » devient central. Toute tentative d’attaquer Trump devient une forme d’attaque contre la vérité elle-même, une tentative de manipuler la réalité, à laquelle ses partisans réagissent en rejetant cette accusation comme une invention des élites.
Enfin, cette transduction de la vérité et l’inversion des valeurs créent un espace où les oppositions entre le Bien et le Mal ne sont plus floues : elles sont absolues. Trump et ses alliés se voient comme les champions d’une guerre sainte contre les forces du Mal, une guerre dans laquelle il n’y a pas de place pour des compromis ou des nuances. Cette dynamique est alimentée par des narratifs simplistes, où la lutte contre la corruption est perçue comme une lutte contre un mal absolu, d’autant plus justifiée qu’elle est portée par une vision du monde manichéenne, où les lignes sont tracées entre le Bien et le Mal, sans place pour l’ambiguïté.
Comment la défense de la corruption façonne la participation numérique dans la politique américaine : Une analyse des stratégies en ligne des partisans de Trump
L’ère de Donald Trump a marqué un tournant dans l’histoire des mouvements politiques numériques. En particulier, les défenseurs de Trump, tant au sein de son administration qu'auprès de ses partisans, ont rapidement appris à manipuler les discours numériques pour non seulement contester les accusations de corruption, mais aussi pour renforcer une solidarité politique au sein de leurs communautés en ligne. À travers des plateformes telles que 4chan, Reddit et Twitter, des stratégies spécifiques de défense ont été mises en place, permettant à ceux qui soutiennent Trump de résister aux critiques tout en consolidant un espace de débat où les accusations de corruption sont constamment retournées contre leurs détracteurs.
Un élément central dans cette dynamique est l'usage de ce que l'on pourrait appeler la "haine numérique" ou "haine de défense", où les accusations de corruption envers Trump sont souvent interprétées comme des attaques d'un système politique corrompu qui cherche à se protéger. Les partisans de Trump prennent ces accusations comme des preuves de la persécution du "peuple" par l'élite libérale et la classe politique traditionnelle. Cette stratégie permet de détourner l'attention des critiques légitimes en présentant l’administration Trump non pas comme une entité corrompue, mais comme un agent de changement luttant contre une corruption plus vaste et plus systémique.
Les forums en ligne, en particulier ceux comme 4chan, jouent un rôle clé dans cette stratégie. L’une des pratiques qui s’est imposée au sein de ces communautés est la création de "nouveaux fils de discussion" ou "nouveaux pains" (un terme faisant référence à l'ouverture de nouveaux espaces de discussion lorsque les anciens sont saturés). Ce terme de "boulanger" sur 4chan n’est pas seulement une référence ludique, mais il symbolise aussi un moyen de maintenir un discours fluide et continu qui permet de renforcer la cohésion du groupe et de passer sous silence les accusations de corruption. Ces espaces numériques sont utilisés pour recontextualiser la politique, en introduisant des éléments humoristiques ou sarcastiques (comme l'utilisation ironique de termes comme "Covfefe" pour minimiser la gravité d'une situation politique) et en créant une atmosphère où la résistance au discours dominant devient presque une norme de la communauté.
Cette défense numérique de Trump va au-delà du simple soutien partisan. Elle s’inscrit dans une lutte pour la représentation et la légitimation d'une contre-narrative, celle d'un mouvement populaire perçu comme étant oppressé par les institutions et les médias traditionnels. Un autre aspect crucial de cette dynamique est l'utilisation du "shitposting", une forme de communication délibérément provocante, mais aussi humoristique, qui cherche à affirmer une forme de résistance par le ridicule. Contrairement au trolling, qui vise à nuire ou à provoquer une réaction émotionnelle, le shitposting se positionne plutôt comme une forme de critique sociale indirecte, en s’appuyant sur la culture internet et les mèmes pour diffuser un message.
En outre, la manière dont les partisans de Trump interagissent avec les accusations de corruption doit être comprise comme un mécanisme de survie numérique dans un monde saturé de discours anti-Trump. Les "Trollgeists" (l’esprit troll), ce phénomène attendu qui semble inévitablement apparaître dans toute conversation en ligne, est un exemple de cette manière de structurer l'interaction. Les messages sont souvent construits avec cette attente, préparant les utilisateurs à des réactions provocatrices ou dérangeantes, qui deviennent des catalyseurs pour détourner les critiques. En réponse à ces attaques, des termes comme "namefag", utilisés pour désigner ceux qui rompent l'anonymat sur des forums tels que 4chan, sont employés pour ridiculiser ceux qui prennent la politique trop au sérieux, en soulignant ainsi l’aspect volontairement décalé et irrévérencieux des interventions.
Un autre aspect fondamental de cette défense numérique est la représentation de Trump en tant que "chef bienveillant et autoritaire", une figure à la fois charismatique et contestée. Dans ses discours, Trump se positionne comme un "homme d’action", rejetant la politique traditionnelle pour se présenter comme un homme d’affaires, capable de résoudre les problèmes économiques des États-Unis grâce à ses compétences de négociateur. Dans cet espace en ligne, Trump devient ainsi non seulement un bouc émissaire des critiques de l’élite politique, mais aussi un héros dans une guerre culturelle perçue comme essentielle pour le bien-être de la nation.
Les partisans de Trump ont réussi à tordre le discours numérique pour créer un espace où la corruption, loin d’être un fardeau, devient une accusation qui sert à unir plutôt qu’à diviser. Ce retournement de situation est essentiel à comprendre si l’on veut saisir l’essence du soutien à Trump dans les réseaux numériques. La corruption, dans cette optique, n’est pas une faiblesse, mais un symptôme d’une guerre idéologique où les partisans de Trump se voient comme les véritables défenseurs de l’intégrité contre un establishment corrompu.
La participation numérique dans cette ère doit être perçue à la lumière de ces tactiques : non seulement comme une forme de résistance, mais aussi comme une stratégie active de redéfinition des normes sociales et politiques. Dans ce contexte, il devient évident que les pratiques de communication en ligne ne se limitent pas à un simple échange d’idées, mais qu’elles servent à construire une réalité alternative, dans laquelle les accusations de corruption sont systématiquement dévalorisées et transformées en un outil de mobilisation.
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