Les États-Unis, une nation fondée sur des principes d'égalité et de liberté, ont toujours été marqués par une lutte constante autour des questions de race et d'ethnicité. Cette lutte ne se manifeste pas uniquement dans la sphère sociale, mais aussi de manière significative dans les stratégies politiques. Les discours des politiciens, en particulier lors des élections, sont souvent teintés de références à des groupes ethniques et raciaux, ce qui influence largement la perception publique et le comportement électoral.
L'ethnicité, en tant que concept, a évolué au fil du temps dans le contexte américain. Si, dans le passé, la catégorisation de groupes ethniques était simplifiée – principalement autour de l'ethnie blanche, noire, ou hispanique – aujourd'hui, les lignes sont moins nettes et plus fluides. Le lien entre ethnicité et race, d’ailleurs, est un point clé dans les débats politiques. Les discours raciaux, qu'ils concernent les communautés afro-américaines, latino-américaines, ou asiatiques, sont utilisés pour mobiliser certains électorats, mais aussi pour opposer des groupes entre eux. L'une des caractéristiques essentielles de cette dynamique est l'usage stratégique de la race pour façonner l'identité politique et renforcer les alliances électorales.
L'un des aspects les plus frappants de ces discours est la façon dont les politiques d'immigration et les préoccupations de sécurité nationale sont souvent liées à des questions ethniques. Par exemple, le discours autour de l'immigration est souvent polarisé, les groupes d'immigrés étant parfois stigmatisés en tant que "bons" ou "mauvais" en fonction de leur origine ethnique ou de leur statut légal. Les Américains d'origine mexicaine et d'autres groupes hispaniques sont fréquemment les cibles de ces débats. Ces stratégies de polarisation sont également observées dans les discours sur le terrorisme et les relations internationales, où les musulmans et les communautés arabes sont souvent associés à des menaces pour la sécurité intérieure, même en l'absence de preuves substantielles reliant ces communautés à des actes de violence.
Les figures politiques, à travers l’histoire, ont souvent utilisé la race pour renforcer leur popularité et galvaniser leurs bases. Par exemple, les politiques de George H.W. Bush, notamment pendant sa campagne de 1992, ont employé un langage qui évitait les attaques raciales directes mais utilisait des concepts implicites pour cibler certaines communautés, notamment par le biais de la rhétorique sur la criminalité. De même, la réponse de Bill Clinton à des questions raciales, tout en mettant l'accent sur des politiques de "centrisme", a souvent soulevé des critiques pour son manque de soutien direct aux communautés de couleur.
Un autre aspect essentiel du discours politique américain est l’utilisation de la "famille" comme métaphore dans le contexte des débats sur la pauvreté et les politiques sociales. Les politiques de bien-être social, souvent associées à des critiques de la famille noire, sont un excellent exemple de la manière dont les discours raciaux et familiaux sont entrelacés. La "théorie de la famille noire", popularisée par le rapport Moynihan, a été utilisée pour justifier des politiques qui, bien qu'initialement destinées à réduire les inégalités, ont souvent renforcé des stéréotypes raciaux négatifs. Cette utilisation de la famille dans le discours politique a des répercussions profondes, non seulement pour la légitimité des politiques, mais aussi pour la façon dont les groupes raciaux perçoivent leur place dans la société.
Dans le même temps, l'importance des électeurs ethniques a considérablement augmenté. Les Latino-Américains, en particulier, sont devenus une cible de plus en plus cruciale pour les campagnes électorales, non seulement en raison de leur nombre croissant, mais aussi à cause de l'impact économique et culturel de cette communauté. Pourtant, malgré leur poids électoral, leur mobilisation reste fragile, étant donné les disparités existantes en termes de participation électorale et d'accès aux urnes.
Enfin, la question du "crime" et de la "loi et ordre" a été un autre axe majeur dans les stratégies électorales, où la race et l'ethnicité sont souvent exploitées pour façonner la perception du public. La rhétorique sur la criminalité a fréquemment été utilisée pour diaboliser certaines communautés raciales, particulièrement les Afro-Américains et les Latino-Américains. Cette approche a trouvé son apogée dans les politiques de "guerre contre la drogue" des années 1980 et 1990, qui ont contribué à la stigmatisation et à l'incarcération de masse des hommes noirs et latinos. La manière dont la criminalité est abordée dans le discours public n'est pas simplement un problème de sécurité, mais un élément de la façon dont les groupes raciaux et ethniques sont perçus dans la société américaine.
Le débat sur l'immigration, la criminalité et les politiques de bien-être social a donc des implications profondes sur la manière dont les politiques raciales et ethniques façonnent la société américaine. Il est crucial de comprendre que ces discours ne sont pas seulement des outils de manipulation électorale, mais aussi des mécanismes qui participent à la construction d'une identité nationale où la race et l'ethnicité jouent un rôle déterminant dans l'organisation sociale et politique.
Comment Nixon a transformé le ressentiment blanc en stratégie électorale gagnante
Ce que l'équipe de Nixon comprit avec acuité, c’est que le président devait cesser de simplement se positionner « contre », et commencer à mieux communiquer sur ce qu’il avait déjà accompli et ce qu’il poursuivait comme action politique. De là naquit une stratégie hybride : conjuguer les appels symboliques aux minorités avec une consolidation assumée des soutiens blancs ethniques. Ainsi, les conseillers tels que Haldeman poussèrent à des rencontres « symboliques » avec tous types de groupes minoritaires. Il s’agissait moins de convaincre que de donner l’impression d’un dialogue, même quand « nous savons qu’il y a peu à attendre de ce groupe particulier ».
Mais derrière l'apparence d’universalité, les minorités véritablement ciblées étaient les « white ethnics » — catholiques, Italo-Américains, Irlandais et Polonais. Nixon devait, selon Haldeman, continuer à cultiver ces électorats, notamment en les incluant dans des moments de visibilité comme les messes catholiques à la Maison Blanche. L’opération visait à fédérer des soutiens dans les bastions urbains comme Philadelphie, le New Jersey, le Connecticut ou New York. L’idée même d’un assistant presse noir n’était acceptée qu’à la condition qu’il y en ait aussi un pour les Mexicains et un autre pour les Italiens, révélant la logique ethnicisée, sinon racialisée, de l’approche.
Ce discours pseudo-inclusif s'accompagnait d’un repli stratégique : bâtir une coalition fondée sur la « majorité silencieuse », le col bleu, le catholique blanc d’Europe de l’Est ou du Sud, souvent ouvrier et conservateur. À ce titre, Nixon déclara en 1970 qu’il n’y avait « rien à espérer des Juifs et des Noirs ». Le ton était donné : la nouvelle majorité ne serait pas multiculturelle, mais blanche et mécontente.
L’approche territoriale s’imposa, inspirée de Kevin Phillips, auteur de The Emerging Republican Majority. Phillips diagnostiquait l'effondrement de l’ancienne coalition rooseveltienne sous l’effet des migrations noires, des banlieues blanches et de la montée du Sun Belt. Il prévoyait une majorité républicaine ancrée dans le Midwest, le Sud et la Californie, contre une minorité démocrate confinée au Nord-Est et au Pacifique Nord-Ouest. Selon lui, les Démocrates étaient devenus un parti d’élites aveugles, composé d’académiciens, de technocrates, et d’alliés des Noirs. C’est ce mépris perçu que Nixon transforma en levier politique.
La rhétorique nixonienne se fit donc outil de canalisation des frustrations. Le président s’adressa à une classe moyenne blanche persuadée que ses impôts servaient à entretenir des assistés supposés paresseux, souvent noirs. Le rejet du welfare, l’hostilité envers les politiques de logement urbain, la criminalité perçue, et surtout le busing scolaire obligatoire furent autant de thèmes mobilisés pour fédérer un électorat inquiet de son déclassement.
La campagne de 1972 fut structurée autour de cette opposition entre l’Amérique « du cœur » et les élites côtières : les médias, les universités, les prescripteurs culturels. Raymond Price, rédacteur de discours de Nixon, décrit une guerre culturelle menée contre l’« ancienne élite » au profit des « nouvelles forces du pays profond ». Pour Nixon, les soutiens sincères venaient des fermiers, des ouvriers, des ethnies blanches laborieuses. La présidence devenait l’arène d’une lutte pour la suprématie culturelle autant que politique.
Ce n’est pas un hasard si Nixon choisit de se concentrer dans les dernières semaines de la campagne sur les États clés, en y diffusant des messages radio axés sur sa « philosophie du gouvernement ». Il se présenta comme le garant des « valeurs carrées », celles de l’ordre, du travail et du mérite, contre l’ingénierie sociale incarnée par les Démocrates.
L’appel subliminal — mais jamais innocent — au vote anti-noir traversait l’ensemble de la stratégie. Ehrlichman l’affirma sans détour : le recours à l’électorat raciste était un choix conscient. À travers un savant dosage de symbolisme ethnique et de racisme à peine voilé, Nixon parvint à construire une coalition blanche large et cohérente.
Il faut comprendre que cette stratégie n’était pas simplement opportuniste ; elle était structurelle. L’incapacité à redistribuer des bénéfices matériels aux blancs ethniques fut contournée par une offre symbolique, qui fonctionna mieux : celle du ressentiment partagé, de la peur du déclassement, du rejet des Noirs et des élites. En transformant la peur et la frustration en identité politique, Nixon redessina le paysage électoral américain. Cette architecture discursive est aujourd’hui encore à l'œuvre dans de nombreux discours politiques contemporains.
Ce qui importe, au-delà de l’analyse straté
Comment la guerre froide a façonné les droits civiques et la rhétorique présidentielle de Lyndon B. Johnson
Dans l’Amérique de l’après-guerre, le mouvement des droits civiques n’évolue pas seulement sur le terrain domestique : il s’inscrit profondément dans un théâtre idéologique mondial. Le président Lyndon B. Johnson, en héritant de l’élan amorcé sous Kennedy, comprend que la question raciale est devenue un enjeu de réputation internationale dans le contexte de la guerre froide. Les critiques adressées aux États-Unis, notamment par les nations du tiers-monde et les pays du bloc soviétique, exploitent les images de brutalité raciale pour saper la légitimité morale de la démocratie américaine. Johnson y répond avec une rhétorique où la réforme intérieure devient une arme stratégique dans la guerre des idées.
Les études de Dudziak, Skrentny et Borstelmann démontrent combien le discours sur les droits civiques a été utilisé pour contrer l’influence soviétique, en montrant une Amérique en progrès, capable d’autocritique et de réformes. Le Civil Rights Act de 1964 n'est donc pas seulement un tournant moral : c’est un message envoyé au monde. Johnson ne le conçoit pas comme un simple geste humanitaire, mais comme une réponse nécessaire à un moment où les États-Unis se voient jugés à travers le prisme de leurs pratiques internes.
Ce calcul stratégique se lit dans les discours de Johnson : la pauvreté, l’ignorance, la ségrégation ne sont plus uniquement des problèmes sociaux, mais des menaces à la sécurité nationale. En proclamant 1965 comme « Année de la coopération internationale », il établit un lien explicite entre réformes intérieures et paix mondiale, affirmant qu’en l’absence de révolution pacifique, la révolution violente devient inévitable. C’est ainsi que la rhétorique présidentielle intègre la guerre contre la pauvreté et le racisme comme éléments d’une diplomatie intérieure, cherchant à contenir les tensions domestiques autant que les critiques extérieures.
Mais cette rhétorique de moralité et de grandeur américaine ne s’impose pas sans opposition. Tandis que Johnson mobilise l’image de Roosevelt et le langage des droits pour séduire l’opinion, des résistances surgissent au Congrès, au sein du Parti démocrate lui-même, et dans la rue. Le mouvement des droits civiques, de plus en plus impatient, amplifie les manifestations, notamment dans le Nord, pour dénoncer non seulement l’inertie politique, mais aussi les limites concrètes des réformes symboliques.
Dans ce contexte, la relation entre stratégie présidentielle et action militante devient ambivalente. Johnson appelle à la modération, craignant que les démonstrations jugées « désordonnées » nuisent à l’adoption de la législation. En parallèle, ses conseillers insistent sur le recours aux médias, sur la dimension morale de ses prises de parole, et sur la fabrication d’un récit historique valorisant son rôle. Mais derrière cette orchestration discursive se joue une réalité plus brute : les avancées ne sont jamais garanties, et les promesses présidentielles dépendent d’un équilibre précaire entre volonté politique, pression populaire et calcul géopolitique.
Ce qui est essentiel à comprendre, c’est que la politique de Johnson ne peut être réduite à sa seule rhétorique. Si ses discours font appel à la justice et à la dignité humaine, ils s’insèrent dans un ensemble plus large d’intérêts contradictoires – ceux de l’image internationale des États-Unis, de la stabilité intérieure, et de la survie du libéralisme américain face à la montée des mouvements conservateurs. L’efficacité de cette politique repose ainsi moins sur sa sincérité que sur sa capacité à articuler des récits capables de produire un consensus temporaire.
Il est également crucial de reconnaître que cette période inaugure un nouveau mode d’exercice du pouvoir présidentiel, où la communication publique devient une arme aussi décisive que les coalitions législatives. Johnson, à travers des interventions répétées dans la presse, dans les universités, et dans des lieux symboliques du Sud, cherche à se présenter comme un président de la transformation morale. Mais cette image, si travaillée soit-elle, ne saurait masquer la complexité des résistances systémiques qu’il affronte – ni les contradictions internes de ses alliances politiques.
L’implication du président dans la promotion du Civil Rights Act doit donc être lue non seulement comme un engagement personnel, mais comme une réponse à une configuration historique où les intérêts moraux, politiques et internationaux s’entrelacent. L’analyse de cette dynamique permet de mieux comprendre pourquoi certaines avancées ont été possibles à ce moment précis, et pourquoi d’autres ont été rapidement freinées ou détournées.
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