L’analyse des résultats électoraux à l’échelle des comtés révèle l’importance cruciale de l’identification partisane et du fossé éducatif pour comprendre le soutien à Donald Trump lors de l’élection présidentielle de 2016. Le contexte rural ou urbain influe également sur ce soutien, tandis que les variables économiques locales, telles que l’évolution du revenu médian des ménages ou les changements dans l’emploi manufacturier, apportent des explications plus mitigées, parfois contradictoires.

L’exemple de l’Iowa, avec ses nombreux comtés, illustre bien les dynamiques politiques à cette échelle géographique. Sept variables explicatives ont été retenues pour modéliser la part des voix pour Trump, son surcroît de performance par rapport à Mitt Romney en 2012, ainsi que la probabilité qu’un comté soit pivot en 2016. Parmi ces variables, l’identification partisane s’impose comme un facteur clé. Selon le modèle classique de The American Voter, l’attachement à un parti se construit progressivement, souvent dès l’enfance, via un processus de socialisation. Cette fidélité partisane, conçue comme une attitude durable et stable, colore la perception des candidats et oriente fortement le comportement de vote. L’attachement ne se limite pas à une affiliation formelle, mais repose sur un sentiment profond d’appartenance et une confiance envers les leaders du parti.

La montée de la « partisanerie affective », caractérisée par une hostilité croissante envers les membres du camp adverse, a accentué cette fidélité. Cette polarisation, documentée par plusieurs études récentes, conduit à une forte cohésion des électeurs dans leurs choix, renforçant le lien entre les résultats des présidentielles et ceux des élections législatives ou locales. En 2016, dans l’Iowa, le corps électoral s’est réparti quasiment en tiers égaux entre démocrates, républicains et indépendants. La loyauté au parti a été remarquable : 90 % des républicains ont voté Trump, 88 % des démocrates ont voté Clinton, tandis que les indépendants ont penché légèrement en faveur de Trump. Ce soutien massif s’explique aussi par les consignes des élites républicaines locales qui, malgré la controverse liée à la campagne de Trump, ont maintenu leur appui, signalant ainsi aux électeurs qu’il était légitime de le soutenir.

Le rôle de l’éducation et de la classe sociale blanche ouvrière mérite une attention particulière. Si cette catégorie n’a pas été déterminante lors des primaires, elle s’est avérée centrale dans la coalition victorieuse de Trump durant la campagne générale. Les électeurs blancs sans diplôme universitaire, notamment ceux issus des classes populaires, ont largement favorisé Trump, attirés par son discours sur le commerce, l’emploi, les salaires et sa posture d’homme d’affaires perçu comme un créateur de richesse. Leur adhésion s’explique aussi par une appréciation de sa franchise et de son discours direct, contrastant avec celui des élites politiques traditionnelles. Cette démographie a représenté son groupe le plus solide, avec un soutien massif qui a contribué à la victoire dans de nombreux comtés.

Enfin, la distinction entre comtés ruraux et urbains complète cette analyse. Le soutien à Trump varie selon ces contextes, influencé par des facteurs culturels et socio-économiques propres à chaque environnement. Toutefois, la relation entre les caractéristiques économiques locales et le vote pour Trump demeure ambiguë. Les résultats ne montrent pas une corrélation claire ou constante entre la croissance économique ou le déclin industriel au niveau du comté et le soutien au candidat républicain. Cela suggère que les dynamiques identitaires et partisanes peuvent primer sur les conditions économiques objectives dans le choix électoral.

Au-delà des facteurs déjà exposés, il est essentiel de comprendre que le comportement électoral s’inscrit dans une interaction complexe entre identité sociale, contexte culturel et stratégies des élites politiques. Les sig

Quelle est la clé pour comprendre les coalitions gagnantes à l’échelle des comtés ?

L'analyse des dynamiques électorales à l'échelle des comtés révèle une multitude de facteurs sociaux, économiques et culturels qui façonnent la composition des coalitions politiques gagnantes. Bien que des explications classiques centrées sur l'économie, comme l'argument selon lequel la récession a favorisé l'ascension de certains partis, soient couramment avancées, il semble que des phénomènes plus complexes viennent interagir dans ces processus électoraux. Les liens entre la polarisation raciale, le ressentiment envers les élites et la montée des sentiments nationalistes ou anti-immigrants jouent également un rôle central dans la configuration des résultats électoraux.

L'une des clés pour saisir ces dynamiques réside dans l'étude du continuum rural-urbain. Si cette distinction est souvent perçue comme une simple question géographique, elle recouvre en réalité des différences profondes dans les modes de vie, les valeurs et les perceptions politiques. Les électeurs vivant dans des zones rurales, où la population est moins diversifiée, sont plus susceptibles de se tourner vers des partis qui accentuent la peur de l'autre, de l'immigrant, ou encore du déclin des valeurs traditionnelles. Cette frange de l’électorat est particulièrement réceptive aux messages anti-élites et populistes, tels que ceux portés par Donald Trump lors de la campagne de 2016.

En revanche, les électeurs urbains, plus exposés à la diversité culturelle et à une économie globalisée, sont souvent plus enclins à soutenir des politiques progressistes. Cependant, cette dichotomie entre urbains et ruraux n'est pas nécessairement une ligne de partage absolue. L'étude des résultats à l'échelle des comtés montre que même dans des zones rurales, des transformations économiques, comme la désindustrialisation, ont joué un rôle dans la mutation des alignements politiques. Les anciens bastions démocrates de l'Illinois ou du Michigan, par exemple, ont vu une montée de la droite traditionnelle et, dans certains cas, de la droite populiste, à mesure que l'économie de production se délitait et que l'angoisse du déclassement se faisait plus pressante.

La question du ressentiment racial est également incontournable. Des études ont révélé que le ressentiment racial et les tensions concernant l'immigration peuvent non seulement influencer les préférences partisanes, mais aussi déterminer la nature des coalitions gagnantes à l’échelle locale. Il n’est pas anodin que les électeurs blancs, en particulier ceux issus de classes populaires, aient tendance à se rapprocher des partis républicains qui mettent en avant des thèmes liés à la souveraineté nationale, à la protection de l'identité culturelle et à la restriction de l’immigration. Ce phénomène s’observe particulièrement dans les États du Midwest, où la perception d’une perte de statut et d’autonomie a nourri un sentiment de colère sociale.

En explorant la composition des coalitions gagnantes, il est essentiel de noter que les électeurs d’un même comté peuvent présenter des profils politiques très variés. Dans les zones rurales, par exemple, la question de la religion, du conservatisme social et des valeurs traditionnelles devient un facteur déterminant dans les choix électoraux. Parallèlement, les élections locales montrent que des questions comme l’éducation, la sécurité ou la gestion des ressources naturelles peuvent être tout aussi influentes que les enjeux nationaux.

L’une des particularités de la politique américaine moderne, et en particulier des élections présidentielles, réside dans le phénomène de la nationalisation des élections. Les comtés qui étaient autrefois des bastions démocrates ou républicains ont vu leurs identités se redéfinir au fur et à mesure que la polarisation idéologique s’intensifiait à l’échelle nationale. Ce phénomène n’est pas seulement un changement de loyautés partisanes, mais aussi un déplacement des priorités politiques des électeurs. Ce qui était autrefois une politique locale, liée à des enjeux économiques ou sociaux spécifiques à chaque région, devient un reflet de l'affrontement idéologique national.

Le phénomène de « la revanche des électeurs ruraux » ne peut être pleinement compris sans intégrer ces dimensions culturelles et sociales. Ceux-ci, souvent en dehors des grands centres urbains, se sentent déconnectés du système politique dominant et utilisent leur pouvoir de vote pour faire entendre leur frustration. Cette dynamique est accentuée par les médias sociaux et les nouvelles formes de communication, qui permettent à ces électeurs de s’organiser autour de leurs préoccupations spécifiques et de se sentir représentés par des candidats qui partagent leur vision du monde.

Enfin, il est important de comprendre que les coalitions gagnantes ne sont pas simplement une question de majorité démographique, mais une question de dynamiques sociales en constante évolution. Les priorités économiques, les transformations sociales et l’évolution des valeurs culturelles jouent toutes un rôle crucial dans la formation des alliances politiques. Ce sont ces facteurs qui, au final, forgent les résultats électoraux à l’échelle des comtés et déterminent les coalitions capables de s’imposer sur la scène politique nationale.

Comment les attitudes raciales, économiques et éducatives ont façonné le vote en Iowa lors de l’élection présidentielle de 2016 ?

L’élection présidentielle de 2016 en Iowa révèle une complexité profonde dans la manière dont les électeurs ont choisi leur candidat, Donald Trump, notamment sous l’influence conjuguée des attitudes raciales, économiques et du niveau d’éducation. La proportion relativement faible d’individus diplômés de l’enseignement supérieur dans cet État est un facteur crucial. En effet, les études montrent que le niveau d’éducation influe significativement sur les perceptions liées à la race et à l’immigration. Abramowitz et McCoy (2019) indiquent que seuls 31 % des électeurs diplômés universitaires manifestent un ressentiment racial élevé, contre 50 % chez les électeurs non diplômés. Cette disparité se retrouve également dans les opinions anti-immigration, avec respectivement 27 % et 50 %.

Par ailleurs, McElwee et McDaniel (2017) identifient les attitudes envers les immigrants et les Afro-Américains comme de forts prédicteurs de l’anxiété économique chez les électeurs blancs. Cette anxiété économique, souvent liée à une perception défavorable de la situation personnelle ou nationale, se mélange donc étroitement avec les préjugés raciaux pour expliquer le soutien à Trump. L’introduction des attitudes raciales dans les analyses réduit l’impact apparent de l’éducation et de l’anxiété économique, soulignant la primauté des considérations identitaires dans la formation du vote.

La question demeure : pourquoi les électeurs de l’Iowa ont-ils soutenu Barack Obama à deux reprises, un candidat noir, alors que des attitudes conservatrices sur le plan racial existaient dans cet État ? La réponse réside dans le rôle des campagnes électorales qui activent certaines prédispositions politiques chez les électeurs. Comme le soulignent Bartels (1988) et Sides et al. (2018), les campagnes de 2016 ont intensifié l’importance des préférences identitaires, particulièrement raciales, contrairement à celles de 2008 et 2012. Ainsi, alors que les préjugés raciaux pouvaient être ignorés lors du vote pour Obama, ces mêmes prédispositions ont été réveillées lors de la campagne de 2016, poussant les électeurs à rejeter le candidat cherchant un troisième mandat.

L’enquête CCES a permis de mesurer l’impact des attitudes raciales sur le soutien à Trump. Les questions posées évaluaient la reconnaissance de l’existence du racisme aux États-Unis, l’empathie envers les victimes de racisme, ainsi que l’accord avec des affirmations sur le racisme moderne. Ces réponses ont été synthétisées en un indice mesurant l’acceptation ou le refus du racisme. Une forte corrélation entre ce rejet ou cette reconnaissance du racisme et le vote pour Trump a été observée, confirmant l’importance centrale des attitudes raciales dans le comportement électoral en Iowa.

Au-delà des questions identitaires, les électeurs évaluent souvent les candidats à travers une perspective rétrospective, fondée sur la performance perçue du président en exercice (Key 1966). Les jugements positifs conduisent au maintien du candidat sortant, tandis que les critiques favorisent le choix d’un challenger. Ces évaluations reposent soit sur des perceptions macroéconomiques (« sociotropes »), soit sur la situation financière personnelle (« pocketbook »). Dans le cas de l’Iowa en 2016, le vote pour Trump s’explique en grande partie par un rejet de la performance d’Obama et une volonté de changement, le pays étant perçu comme mal dirigé.

L’importance accordée à l’économie fut manifeste, 54 % des électeurs citant ce sujet comme le principal problème national. Le ressenti personnel quant à l’évolution du revenu du ménage au cours des quatre années précédentes s’est avéré un indicateur pertinent de l’anxiété économique, qui a alimenté le soutien à Trump. Le choix du critère « pocketbook » plutôt que « sociotropes » dans les modèles statistiques s’explique par sa capacité à saisir directement les préoccupations financières individuelles sans complexité analytique excessive.

Il est essentiel de comprendre que l’interaction entre les facteurs raciaux, économiques et éducatifs ne se produit pas en vase clos. La politisation croissante des identités raciales, amplifiée par les campagnes électorales, transforme des sentiments latents en décisions électorales explicites. La crise économique ressentie par de nombreux électeurs vient renforcer cette dynamique, car elle alimente un sentiment d’insécurité qui se traduit souvent par un repli identitaire et une recherche de changement radical.

Au-delà des variables explicites, il convient de saisir que les attitudes raciales et économiques sont imbriquées dans un contexte social plus large où les transformations démographiques, la médiatisation des débats identitaires et la polarisation politique jouent un rôle déterminant. Le vote en Iowa en 2016 n’est pas seulement un reflet d’opinions isolées, mais le produit d’un système complexe où la perception de menace, la mémoire politique et les mobilisations identitaires convergent pour modeler le choix démocratique.