Le général Dovator : L'héroïsme des cavaliers soviétiques sous Moscou en 1941

Pavel Ilyich FEDOROV
GÉNÉRAL DOVATOR

Le roman est dédié aux actions héroïques des cavaliers soviétiques lors des combats défensifs et offensifs contre les envahisseurs germano-fascistes près de Moscou en 1941. L'intrigue se concentre sur l'image du légendaire commandant de groupe de cavalerie, puis du corps de cavalerie, le général L. M. Dovator.
Le roman constitue le premier volume d'une édition en deux tomes des œuvres choisies de P. Fedorov, publiée par l'éditeur militaire. Le deuxième tome comprendra les romans "Le Shikhan Bleu" et "Vitim d'Or".

Livre premier. La grande incursion
Partie première
Prologue

Alexei Gordienkov ne se souvenait pas de son père. Sa mère lui avait dit que son père servait sous Kotovski en 1920, mais qu'il ne revint pas du front.
Après la guerre civile, sa mère, avec Aliocha, s'installa dans une petite ville du Caucase du Nord et commença à travailler à l'usine.
Tout allait bien jusqu'à ce que, à vingt-six ans, sa mère se remarie.
Ce geste de sa mère suscita au début chez Aliocha un sentiment légitime de satisfaction et même de fierté. "Chaque garçon respectueux doit avoir un père, et maintenant j'en aurai un aussi", pensa Aliocha.
Un jour, sa mère revint à la maison dans une carriole tirée par des chevaux, accompagnée d'un homme grand, à la barbe noire, portant un manteau à col en fourrure.

• Alors, comment ça va ? demanda l'homme à la barbe noire.

• Rien, répondit Aliocha indéfiniment.

• C'est, Aliocha, ton papa. Aime-le, il est gentil, dit la mère.
  Aliocha ne répondit rien.

• Il est sauvage, ce gamin, remarqua l'homme à la barbe noire en chargeant le lit sur la charrette.
  Aliocha ne broncha même pas. Il avait entendu des choses bien pires à son sujet.
  Avec le déménagement, la vie d'Aliocha changea radicalement.
  Il perdit la liberté qu'il avait l'habitude d'avoir, ainsi que ses rares plaisirs d'enfant, et surtout l'affection de sa mère. Il détesta sa nouvelle maison et son beau-père. Il disparut souvent sans prévenir, ne rentrant pas pendant plusieurs jours.
  Ils essayèrent de le confiner dans une chambre. Lui, tel un louveteau sauvage, se repliant dans un coin, restait silencieux, regardant la porte d'un air menaçant.
  Dès qu'il réussissait à s'échapper, il vagabondait dans les jardins, vivait dans les potagers des sentinelles et des pêcheurs, aidait les femmes à porter leurs paniers du marché, pour quoi il recevait cinq kopecks, parfois même un rouble, mais il ne volait jamais. Le soir, il partait avec d'autres enfants pour garder les chevaux la nuit. Et alors, il lui semblait qu'il n'y avait rien de plus agréable que, après une course effrénée, de s'asseoir la nuit au bord d'une forêt sombre, près d'un feu de camp crépitant, et de faire sauter une pomme de terre cuite dans la cendre avec une petite baguette.
  Le jour, après avoir abandonné ses cannes à pêche dans les buissons, il se déshabillait et plongeait du pont dans l'eau. Après avoir nagé à satiété, il sortait sur la rive, s'enfonçait dans le sable chauffé par le soleil et restait là, immobile, pendant des heures. Il était brun comme un concombre du Caucase, et ses boucles blondes étaient brûlées par le soleil.
  Un jour, des cavaliers amenèrent leurs chevaux à la rivière pour les baigner. Ce spectacle parut à Aliocha magnifique. Les chevaux de cavalerie ne ressemblaient en rien aux bêtes épuisées qu'il chassait la nuit.
  Les chevaux étaient grands, avec la tête haute, certains avaient des étoiles blanches sur le front et de belles jambes "en bas de chaussettes".

• Tonton, donne-moi un de ceux-là à acheter, demanda Aliocha timidement à un des soldats.
  Le soldat rouge tourna les yeux vers lui et sourit.

• Tonton, moi ? Regarde-moi un peu… T'as pas peur de tomber et de te noyer…

• Qui ? C'est moi qui vais me noyer ? Moi je sais bien nager, regarde ! Aliocha, donnant un coup de pied, plongea dans l'eau. Il refit surface loin du rivage, se coucha sur le dos, puis se tourna sur le côté et, en jetant ses bras chocolatés, nagea vers le centre de la rivière.
  

  En sortant de l'eau, il demanda encore :

• Laisse-moi monter, je vais plus loin… Tu ne veux pas ?

• Bon, d'accord, viens. Je vais te faire monter… Tiens-toi bien à la crinière ! Eh bien, frère, tu n'arriveras même pas à toucher son garrot ! Le soldat attrapa Aliocha avec ses bras puissants, et celui-ci, comme une pince, s'agrippa à la crinière mouillée et grimpa rapidement sur le dos du cheval.
  Aliocha, frappant souvent les flancs du cheval de ses talons, tira sur les rênes. Le cheval avança docilement, s'enfonçant de plus en plus dans l'eau.

• Tourne ! ordonna le soldat du bord.
  Aliocha, le cœur battant de plaisir, tira sur les rênes. Le cheval se cabra, frappant l'eau de ses sabots – et des éclats d'ambre scintillants se dispersèrent tout autour.

• Tu reviendras demain ? demanda Aliocha, tenant fermement les rênes du cheval mouillé.

• Oui, tous les jours, jusqu'à ce qu'on parte en camp. Le soldat roula soigneusement son bas de laine, enfonça son pied dans la botte et, tirant sur la tige, demanda : – Ça t'a plu ?

• Oh, si je pouvais avoir un cheval !...

• Dis à ton père de t'en acheter un.

• Je n'ai pas de père... Aliocha fronça les sourcils et baissa la tête.

• Ton père est-il mort ?