L’ancienne tradition indienne ne faisait pas la distinction nette entre les domaines religieux et séculiers, une séparation que nous connaissons aujourd’hui dans le monde moderne. Cela ne doit donc pas nous surprendre de trouver une interconnexion entre des thèmes et des contenus que l’on pourrait qualifier à la fois de religieux et de non religieux dans de nombreux textes anciens. Plusieurs des sources textuelles majeures pour l’histoire de l’Inde ancienne et médiévale précoce sont discutées dans les sections suivantes. En raison de l’ampleur et de la diversité des textes, ceux-ci ne sont que des exemples représentatifs. L’objectif est de fournir une brève introduction à leur étendue, en mettant particulièrement l’accent sur les textes fréquemment cités et utilisés par les historiens. Certains de ces textes reflètent une conscience historique, cherchant à préserver la mémoire de certains aspects du passé, tandis que d’autres ne furent pas écrits dans cette intention. Toutefois, comme nous le verrons au cours de ce livre, tout texte, quel qu’il soit, peut être utilisé comme source historique. Les textes ne sont pas seulement des sources de l’histoire, mais aussi une part importante de cette histoire, car certains ont exercé une influence durable, bien après la période de leur composition.
Les historiens étudient généralement les textes anciens dans leurs langues d’origine. Cependant, pour les lecteurs qui ne maîtrisent pas ces langues, des traductions de qualité permettent de se faire une idée de ces textes. Les Védas, dans la tradition hindoue, ont le statut de shruti, ce qui signifie « ce qui a été entendu », incarnant ainsi une vérité éternelle et auto-existentielle, réalisée par les rishis (voyants) en méditation ou révélée par les dieux. Cette notion de vérité divine se distingue profondément des catégories modernes de connaissance et de pensée rationnelle. Les Védas sont divisés en quatre parties principales : le Samhita, le Brahmana, l’Aranyaka et l’Upanishad, dont les dernières parties se mélangent parfois entre elles. Le Rig Veda Samhita, qui est une collection de 1 028 hymnes (suktas) répartis en dix livres (Mandalas), représente le plus ancien poème connu, d’une beauté et d’une profondeur philosophique exceptionnelles. Le Sama Veda, principalement dérivé du Rig Veda, est une série de versets organisés selon les besoins de la notation musicale, mais dont les mélodies originales se sont perdues au fil du temps.
Le Yajur Veda, quant à lui, est consacré aux détails des rituels sacrificiels, tandis que l’Atharva Veda, le plus récent des Védas, inclut des hymnes mais aussi des sorts et des charmes reflétant des croyances et pratiques populaires. L’un des grands défis de l’utilisation des Védas comme source historique réside dans la datation du Rig Veda, qui a été suggéré entre 6000 avant notre ère et 1000 avant notre ère. Cependant, les dates les plus anciennes sont peu acceptées en raison de l’absence de certains éléments culturels, comme la connaissance des métaux. La période la plus généralement acceptée pour la composition de la littérature védique ancienne est entre 1500 et 1000 avant notre ère, tandis que les textes védiques plus tardifs seraient datés entre 1000 et 500 avant notre ère.
Les Védas font partie intégrante de la tradition brahmanique, composée, préservée et transmise par une classe de Brahmanes. En tant que source historique, ces textes sont principalement utilisés pour l’histoire du nord-ouest et du nord de l’Inde durant les deuxième et premier millénaires avant notre ère. Un problème majeur dans la corrélation entre les Védas et les découvertes archéologiques réside dans la difficulté de relier les références historiques éparses des Védas à des événements vérifiables dans le monde matériel.
Un autre ensemble de textes importants est celui des Vedanga, qui visent à faciliter la récitation, la compréhension et l’utilisation des Védas. Ces textes incluent des travaux sur la phonétique, la métrique, la grammaire, l’étymologie, le rituel et l’astronomie. Ils furent composés entre 500 et 200 avant notre ère. Par exemple, le Nirukta de Yaska, un ouvrage sur l’étymologie des mots dans le Rig Veda, date du 5ème siècle avant notre ère.
Les deux grandes épopées sanskrites, le Mahabharata et le Ramayana, relèvent également de la catégorie des smriti, ainsi que de celle de l’itihasa (histoire traditionnelle), bien que le Ramayana soit parfois classé parmi les œuvres littéraires (kavya). Ces deux épopées partagent de nombreuses similitudes linguistiques et stylistiques, ce qui suggère qu’elles ont émergé d’un même milieu culturel. Le Mahabharata mentionne le Ramayana, et le Ramayana évoque le Mahabharata, bien que de manière indirecte et à un stade ultérieur de leur développement. La composition du Mahabharata pourrait s’étendre de 400 avant notre ère à 400 après notre ère, tandis que celle du Ramayana se situe entre le 5ème/4ème siècle avant notre ère et le 3ème siècle après notre ère. Ces deux épopées se sont développées sur plusieurs siècles, à travers des étapes culturelles et chronologiques distinctes, et le terme « âge épique » est désormais abandonné par la majorité des historiens, car il ne parvient pas à rendre compte de cette complexité.
Les Védas et les épopées sont des témoignages précieux de l’histoire, non seulement pour ce qu’ils racontent explicitement, mais aussi pour ce qu’ils révèlent indirectement de la société, des croyances et des pratiques de l’Inde ancienne. Si les Védas offrent une vision fragmentaire du passé, ils sont néanmoins essentiels pour comprendre la vision du monde des anciens Indiens, leur compréhension du cosmos, du corps humain, et du sacré. Toutefois, leur utilisation comme source historique demande une lecture attentive, capable de démêler les multiples couches de significations et de symboles, qui n’ont pas été conçus pour une interprétation historique dans le sens moderne du terme.
Les épopées, quant à elles, ont non seulement un rôle littéraire majeur, mais elles constituent aussi des archives vivantes de l’histoire sociale et politique de l’époque. Leur impact dépasse le cadre religieux et ritualiste des Védas, en offrant une vaste réflexion sur la morale, la justice, et le devoir à travers des récits profondément ancrés dans l’imaginaire collectif de l’Inde ancienne.
Quelle était l'importance des sites archéologiques du sous-continent indien entre le IIe siècle av. J.-C. et le IIIe siècle apr. J.-C. ?
Les vestiges archéologiques retrouvés dans le sous-continent indien, notamment dans la région de la vallée de l'Indus et le Gange, révèlent des sociétés complexes et dynamiques entre le IIe siècle av. J.-C. et le IIIe siècle apr. J.-C. Ces découvertes permettent de comprendre l’évolution des structures urbaines, les pratiques culturelles et religieuses, ainsi que les échanges commerciaux et politiques de l’époque.
À Sirkap, au sud-est de Taxila, une structure complexe a été interprétée comme un palais datant de la fin du Ier siècle apr. J.-C., époque à laquelle les Kushanas établissent une nouvelle cité à Sirsukh, non loin de là. Peu d'excavations ont eu lieu sur ce site, mais un mur de fortification en pierre a été identifié, avec des bastions semi-circulaires régulièrement espacés. À l'intérieur de cette enceinte, deux cours ouvertes et plusieurs chambres suggèrent l’existence d’un grand bâtiment, probablement administratif ou résidentiel.
Les villes mentionnées dans les textes anciens comprennent également Sagala, aujourd'hui identifiée avec Sialkot, qui fut la capitale du roi indo-grec Ménandre et un carrefour commercial majeur. Les fouilles archéologiques y sont toutefois limitées. Pour Purushapura (aujourd'hui Peshawar), les preuves archéologiques sont peu nombreuses, à l'exception d'un stupa attribué au règne de Kanishka découvert à Shah-ji-ki-dheri. En revanche, le port important de Patala, situé dans le delta du Sind, reste difficile à localiser de manière définitive, bien qu’il soit parfois associé à Bahmanabad.
Les régions de la vallée de l'Indus et de la vallée du Gange ont également livré des vestiges intéressants. À Sunet, dans le district de Ludhiana, des preuves de présence humaine datant de la fin de la phase Harappéenne ont été mises en évidence. Les vestiges de cette période, datant de 200 avant J.-C. à 300 apr. J.-C., comprennent une maison en briques cuites avec une cour centrale, des pièces à l’arrière, une cuisine, une salle de bains et une chambre pour le stockage des grains. Ce site a également livré un trésor de moules à monnaie Yaudheya et de nombreuses impressions de sceaux.
À Sanghol, toujours dans le district de Ludhiana, un stupa des premiers siècles apr. J.-C. et 117 sculptures de l'école d'art de Mathura ont été découverts, témoignant de la richesse culturelle de la région. D’autres sites comme Hastinapura, Agroha et Karna-ka-Qila révèlent des traces d’occupation datant des premiers siècles de notre ère, avec des structures en briques et une grande variété de céramiques et d’objets en métal. La céramique de ces sites présente des motifs géométriques raffinés et des figurines en terre cuite représentant des animaux, des divinités et des objets votifs.
Le site de Purana Qila à Delhi, qui date des IIe–IIIe siècles avant J.-C., est un exemple frappant de la prospérité urbaine de l’époque. Des maisons en briques, des sols en terre battue, et une large gamme d'objets artisanaux, notamment des figurines en terre cuite, des sceaux et des monnaies, ont été retrouvés. Ce site montre l'évolution vers une urbanisation plus avancée, avec un développement notable des arts et de l’artisanat, en particulier dans la production de figurines votives et de pièces de monnaie. Les découvertes incluent également des sceaux portant des inscriptions en écriture Brahmi, soulignant l’importance de l’écriture dans les échanges administratifs et commerciaux.
Le site d'Atranjikhera dans le district de Bulandshahr, avec ses vestiges datant du IVe et IIIe siècles avant J.-C., révèle également une progression vers une urbanisation plus marquée, avec la construction de fortifications et la présence de puits en anneaux en terre cuite. Ces découvertes mettent en lumière l'augmentation de la densité de population et la croissance des infrastructures.
Les sites comme Mathura et Sonkh illustrent également une complexité croissante dans l'urbanisme. À Mathura, la période correspondant au Ier-IIIe siècles apr. J.-C. montre une densification des constructions en briques cuites et une sophistication accrue dans les objets produits. Des figurines en terre cuite, des sceaux, des monnaies, et des inscriptions suggèrent une société active sur les plans religieux, politique et commercial. Les objets retrouvés à Mathura, notamment des sculptures en terre cuite et des pièces de monnaie, témoignent de son rôle en tant que centre important de fabrication artisanale et de commerce.
Ces vestiges montrent non seulement la croissance des cités et l’apparition de structures gouvernementales et religieuses, mais aussi une participation active au commerce international. Le développement des routes commerciales, notamment celles reliant l’Inde au monde gréco-romain, ainsi que la présence de monnaies de diverses dynasties, indiquent un échange constant de biens et d’idées.
L’urbanisation observée à cette époque ne se limite pas à l'édification de bâtiments ou à la construction de fortifications. Elle comprend également le développement de réseaux sociaux complexes, de structures de pouvoir centralisées et de mécanismes d’échanges commerciaux sophistiqués, qui ont tous contribué à façonner les sociétés de l’époque. En outre, la diversité des artefacts retrouvés dans ces sites – céramiques, sculptures, monnaies et inscriptions – suggère un environnement culturel riche, où les influences variées se sont mélangées pour créer des formes uniques d’art et d’architecture.
Comment la mobilité politique et les dynasties se sont-elles transformées au Moyen Âge indien ?
Les contours des royaumes au Moyen Âge indien étaient souvent fluides et difficiles à définir de manière rigide. Plutôt que par des frontières géographiques claires, les royaumes se caractérisaient surtout par leurs zones centrales et leurs centres politiques. L’histoire politique de cette époque met en lumière de grands royaumes relativement durables, tels que ceux des Cholas, des Rashtrakutas, des Palas et des Pratiharas, mais aussi de nombreux royaumes éphémères, dont l’étendue territoriale était bien plus restreinte. L’interaction entre ces lignées se manifestait non seulement par des guerres et des conflits, mais aussi par des alliances militaires et matrimoniales. Le processus par lequel ces lignées établissaient leur base politique et agraire reste flou, et la documentation historique ne permet pas toujours d’élucider ces dynamiques complexes.
Un point important souligné par B. D. Chattopadhyaya (1983) est qu’il n’y avait pas de dichotomie stricte entre lignées et États au début du Moyen Âge indien. Les liens de parenté étaient au cœur des formations politiques, et la société d’État se caractérisait par une mobilité géographique sans précédent des élites politiques, accompagnée d’un renforcement militaire considérable. La guerre incessante durant cette période reflétait l’importance du pouvoir coercitif et de la force militaire dans la politique. Les armées royales, outre leur noyau central, comptaient souvent des mercenaires venus de diverses régions. Par exemple, plusieurs inscriptions des Pala de Bengale et du Bihar mentionnent des contingents militaires recrutés parmi des groupes tels que les Gaudas, Malavas, Khashas, Hunas, Karnatas et Latas. De même, la Rajatarangini mentionne que les rois du Cachemire faisaient appel à des mercenaires d’autres régions. Ces troupes de base et de mercenaires étaient souvent renforcées par la force militaire des alliés ou des souverains subordonnés.
L’expansion de la société d’État engendrait également des déplacements ou une intégration de communautés tribales. Bien que définir clairement les cultures tribales et brahmaniques reste complexe, les inscriptions suggèrent de nombreuses interactions. Les inscriptions en sanskrit de l'Assam, par exemple, contiennent des mots non sanskritiques comme ceux de la langue Khasi, Bodo, et d’autres. Dans le sud-est du Rajasthan, l’expansion du pouvoir de la dynastie Guhila a transformé les Bhils, initialement des chasseurs-cueilleurs, en agriculteurs, suggérant un affrontement entre les Guhilas et les Bhils pour le contrôle du territoire. Ces dynamiques sont aussi visibles en Odisha, où des inscriptions mentionnent des tribus locales telles que les Shabaras. Les rois qui dominaient ces territoires étaient souvent issus de lignées tribales, ayant accédé à une position politique plus élevée tout en s’hinduisant au fil du temps.
L’importance des tribus dans l’histoire d’Odisha trouve également son écho dans le culte de Jagannatha, clairement d’origine tribale. Les prashastis (inscriptions royales) mettent en lumière les hiérarchies politiques en vigueur. Les inscriptions des rois subordonnés font souvent référence à leur suzerain, tandis que celles des rois plus puissants mentionnent leurs subordonnés. L’existence de chaînes de commandement hiérarchisées est essentielle à la compréhension de la politique de l’époque, bien que cette hiérarchie ne soit pas toujours liée aux donations de terres. Bien que certains rois médiévaux aient attribué des terres en échange de services militaires, cette pratique ne représente pas la tendance générale de l’époque.
Les revendications à la primauté politique se reflétaient par l’usage de titres tels que maharajadhiraja, parameshvara, et parama-bhattaraka, trois titres souvent utilisés ensemble dans les inscriptions. Les rois paramontains étaient parfois désignés comme ayant l’obéissance des samantas, ou des cercles de rois. De l’autre côté, les rois subordonnés portaient des titres comme maharaja, samanta, mahasamanta, ranaka et mahasamantadhipati. Un roi subordonné était aussi souvent décrit comme un « celui qui a obtenu les cinq grands sons » (samadhigata-pancha-mahashabda), se référant apparemment au privilège d’entendre cinq instruments de musique.
La politique royale, telle que représentée dans les inscriptions, était marquée par une forte dimension idéologique. Les prashastis, riches en embellissements poétiques et en rhétorique flatteuse, permettent de comprendre certains éléments de l’idéal et de la pratique du pouvoir royal. Les épithètes sectaires des rois vont au-delà des simples affiliations religieuses ou de l’éclectisme : elles révèlent la politique royale en matière de religion et de pouvoir. Les titres et désignations dans les inscriptions de donation foncière reflètent les différentes strates du pouvoir et les fonctionnaires dans les royaumes, bien que leur signification précise demeure parfois floue.
L’une des caractéristiques les plus marquantes de la période est la multiplication des liens horizontaux et verticaux du pouvoir politique. Ces liens ont facilité l’émergence d’élites politiques qui ont souvent lié leur ascension à des alliances avec des groupes terriens, parfois renforcées par des dons royaux. La culture courtoise a joué un rôle de plus en plus important, comme le montre l’analyse de Daud Ali (2006), qui met en lumière la formalisation des codes de conduite, des éthiques et des idéaux amoureux dans les textes sanskrits, allant du IVe au XIIe siècle. Ces codes reflètent non seulement les attentes sociales et politiques de l’époque, mais aussi l’organisation des relations sexuelles et amoureuses dans le cadre du palais royal.
L’évolution de la société politique indienne au Moyen Âge n’a pas été uniquement patriarcale, comme le montrent les exemples de femmes qui ont accédé au pouvoir. Des reines comme Didda, Yashovati et Sugandha, au Cachemire, ou encore des reines des Chalukyas orientaux, témoignent de la possibilité pour des femmes de gouverner, souvent en l’absence d’héritiers masculins, mais parfois aussi grâce à des soutiens politiques solides. Par exemple, Prithivimahadevi en Odisha semble avoir accédé au trône sous l'influence de son père Somavamshi, ce qui a entraîné la féminisation des titres impériaux pour les reines de la dynastie Bhauma-Kara.
La structure sociale et les relations royales dans l'Inde ancienne : un regard approfondi
Comment optimiser l'absorption passive des vibrations dynamiques dans les systèmes avec ou sans amortissement principal ?
Quel rôle jouent les forces de Van der Waals dans la formation des hétérostructures 2D ?

Deutsch
Francais
Nederlands
Svenska
Norsk
Dansk
Suomi
Espanol
Italiano
Portugues
Magyar
Polski
Cestina
Русский