Istio met en œuvre une approche sophistiquée et granulée pour sécuriser les communications à la fois entrantes (ingress) et sortantes (egress) dans un environnement Kubernetes, reposant sur des principes stricts de sécurité zéro confiance. Le cœur de ce mécanisme est l’usage des sidecars Envoy, qui interceptent et gèrent le trafic réseau, déchargeant ainsi les applications de la complexité inhérente à la gestion des connexions TLS.

Le processus de sécurisation du trafic ingress commence par la génération et la gestion des certificats TLS, souvent auto-signés pour les environnements de test. Ces certificats sont stockés sous forme de secrets Kubernetes, qui alimentent ensuite la configuration du Gateway. Ce dernier agit comme point d’entrée du trafic externe, imposant le protocole HTTPS sur le port 443 et garantissant ainsi une terminaison TLS au niveau du cluster. Le trafic chiffré est alors dirigé vers les services internes grâce aux VirtualServices, qui orchestrent le routage selon des critères tels que les préfixes d’URI.

L’authentification est renforcée par une politique d’AuthenticationPolicy imposant le mTLS strict entre les services, garantissant que chaque connexion est cryptée et authentifiée mutuellement. En complément, une validation JWT assure que seuls les tokens valides issus d’un émetteur reconnu sont acceptés, ce qui renforce encore la confiance dans les identités des entités communicantes. Les contrôles d’accès sont affinés via une AuthorizationPolicy, qui définit précisément quelles identités (principalement des comptes de service) peuvent accéder à quels endpoints API, incluant des validations sur les revendications JWT, telles que les groupes d’utilisateurs.

Pour le trafic egress, la sécurisation s’appuie sur un egress gateway, configuré pour superviser et réguler toutes les connexions sortantes. Le ServiceEntry déclare explicitement les services externes accessibles, limitant ainsi la surface d’attaque et évitant les communications non autorisées. La définition des règles de routage via un VirtualService garantit que tout le trafic vers ces services externes passe bien par le egress gateway, où la politique de sécurité impose des contrôles stricts d’autorisation et d’authentification, similaires à ceux du trafic ingress.

Cette configuration permet de créer des tunnels sécurisés, dans lesquels le trafic sortant est chiffré et audité, tout en appliquant les règles de sécurité adaptées à chaque destination. La granularité des politiques de sécurité, combinée à la flexibilité des ressources Istio, permet d’adapter les modes TLS (SIMPLE, ISTIO_MUTUAL) selon les besoins spécifiques des services, assurant un équilibre entre sécurité et performance.

L’exemple complet de mise en œuvre intègre également un déploiement d’application exemple, facilitant la démonstration concrète de ces mécanismes. Les outils complémentaires comme Kiali offrent une visibilité graphique sur le maillage des services, aidant à la supervision, au diagnostic et à l’optimisation des flux sécurisés.

Il est essentiel de comprendre que ce système repose sur une stricte politique de zéro confiance, où aucune connexion n’est considérée comme sûre par défaut, même au sein du cluster. Chaque communication doit être explicitement autorisée, authentifiée et chiffrée, réduisant considérablement les risques d’attaques latérales ou d’interceptions. La délégation de la gestion TLS aux proxies Envoy simplifie le développement applicatif, tout en garantissant une uniformité et une robustesse des politiques de sécurité à l’échelle du cluster.

Par ailleurs, la maîtrise de ces concepts nécessite une connaissance approfondie des ressources Kubernetes et Istio (ServiceEntry, Gateway, VirtualService, AuthenticationPolicy, AuthorizationPolicy), ainsi qu’une compréhension claire des protocoles TLS et JWT. La complexité de l’architecture impose une rigueur dans la définition des règles pour éviter les failles de configuration, tout en permettant une adaptation fine aux exigences métiers.

Le lecteur doit également être conscient que la sécurisation du réseau est une composante parmi d’autres dans une stratégie globale de sécurité des microservices. Les aspects liés à la gestion des identités, à la surveillance continue, à la rotation des certificats, et à la réponse aux incidents complètent cette approche. La maîtrise de la politique de sécurité dans Istio ouvre la voie à une meilleure résilience des systèmes distribués modernes, mais demande une vigilance constante et une mise à jour régulière des configurations pour répondre aux nouvelles menaces.

Comment configurer et gérer les métriques dans un maillage de services avec Istio ?

Le comportement d'un maillage de services est principalement influencé par des configurations spécifiques qui permettent de tracer les interactions entre services tout en conservant une vue détaillée et précise de la performance du système. Dans cet environnement, chaque service a ses propres caractéristiques, qui peuvent être observées et analysées à travers des métriques personnalisées.

Le champ de l'espace de noms (namespace) joue un rôle essentiel dans la traçabilité des communications entre différents espaces de noms. Il permet de suivre les échanges entre services répartis sur des espaces logiques distincts, ce qui devient particulièrement utile dans des architectures sécurisées ou organisées par département. En parallèle, le champ de la charge de travail (workload) identifie des instances spécifiques de services, offrant ainsi une granularité supplémentaire pour surveiller les interactions entre services au sein du maillage. Par exemple, vous pourriez suivre les requêtes d'un service de commande vers un service de paiement en vérifiant si le champ upstream_peer.app est égal à "order-service". De même, le suivi des différentes versions d'un service se fait en observant le champ upstream_peer.version, ce qui permet d’analyser l’impact des déploiements ou des mises à jour. Cette flexibilité permet de configurer des métriques extrêmement détaillées, pertinentes pour une grande variété de cas d'usage.

Lorsque ces expressions sont appliquées dans un contexte de commerce électronique, elles peuvent être utilisées pour surveiller les interactions spécifiques entre les services. Par exemple, le service de paiement pourrait utiliser ces expressions pour suivre les versions du service de commande effectuant des requêtes, facilitant ainsi la compréhension de l'impact des déploiements successifs. Par ailleurs, l’analyse des requêtes inter-espaces de noms devient cruciale, notamment lorsque les services sont déployés dans des espaces distincts pour des raisons de sécurité ou d’organisation.

L’expression n’est pas limitée aux seuls métadonnées des pairs. Il est aussi possible d’accéder à des informations contextuelles telles que les attributs des requêtes et des réponses, les en-têtes, ou d’autres données spécifiques. Cela permet de créer des métriques combinant à la fois des métadonnées de service et des détails propres aux requêtes. Un exemple classique serait la combinaison des métadonnées des pairs avec les codes de réponse pour suivre les taux d’erreur entre des versions spécifiques d’un service.

Il convient toutefois de souligner que, bien que ces expressions soient puissantes, elles doivent être utilisées avec discernement. L'ajout de chaque dimension ou balise supplémentaire à vos métriques augmente la cardinalité des données de métriques, ce qui peut avoir un impact sur la performance des requêtes et sur le stockage des données. Il est donc primordial de se concentrer sur l'information offrant des insights véritablement exploitables pour le cas d’usage spécifique.

Le champ "mode" est également une composante clé dans la configuration des métriques, car il détermine où et comment Istio collecte les métriques. Trois modes sont disponibles : CLIENT (collecte des métriques lorsque le service agit en tant que client), SERVER (collecte des métriques lorsque le service reçoit des requêtes), et CLIENT_AND_SERVER (collecte des métriques dans les deux cas). Cette flexibilité permet de définir des métriques adaptées à chaque scénario d’interaction entre services.

Par exemple, dans une interaction entre un service de commande et un service d'inventaire, vous pourriez vouloir collecter des métriques des deux côtés de la communication, afin d'obtenir une vue complète de la latence et des performances globales du système. Cela peut être spécifié dans le fichier de configuration YAML, comme dans l'exemple suivant, où la latence est capturée à la fois lors des requêtes émises (client) et lors des réponses reçues (serveur).

En ce qui concerne la gestion des ressources, Istio offre également la possibilité de désactiver certaines métriques. Cela peut être utile pour alléger le système et se concentrer uniquement sur les données les plus pertinentes. Par exemple, dans un service de gestion des stocks, vous pourriez désactiver la collecte de métriques liées à la taille des réponses, car elles ne sont pas cruciales pour le suivi de l’inventaire.

La collecte sélective de métriques permet aussi de cibler précisément les données à collecter, en activant des métriques pour certains cas d’usage tout en les désactivant pour d’autres. Dans le cas d'un service de paiement, il peut être pertinent de ne collecter la durée des requêtes que pour les interactions côté serveur, en évitant la collecte côté client si elle ne fournit pas d’informations utiles pour l’analyse.

Enfin, il est aussi possible de désactiver complètement la collecte des métriques pour certains services, notamment ceux utilisés en développement ou en test, où la collecte des données de performance peut être superflue. Cela permet d'optimiser les ressources et de focaliser les efforts sur les services de production.

Dans l'implémentation des métriques, il est essentiel de suivre quelques bonnes pratiques. La gestion des labels, notamment, mérite une attention particulière. Les labels par défaut d'Istio suivent une certaine logique, incluant des informations sur le service de destination, le service source, et le code de réponse. Lorsque des métriques personnalisées sont créées, il est important de maintenir une cohérence avec cette logique de labellisation. Cela permettra d’éviter la confusion et de garantir la simplicité et la clarté des données collectées.

Ainsi, une bonne gestion des métriques dans Istio, couplée à une configuration judicieuse de la collecte et du stockage des données, permet de bénéficier d'une observabilité avancée sans pour autant surcharger le système d’informations inutiles ou redondantes. Cela offre aux équipes de développement et d’exploitation les outils nécessaires pour optimiser les performances du maillage de services tout en garantissant une compréhension fine du comportement des services déployés.

Comment créer et déployer un plugin WebAssembly personnalisé dans Istio

La première étape pour comprendre comment étendre Istio avec un plugin WebAssembly (Wasm) est de comprendre l'architecture de base qui sous-tend ces plugins. Dans cet exemple simple, nous ne prenons pas en compte certains paramètres comme le comptage d'en-têtes ou le flag de fin de flux, car ces éléments ne sont pas utilisés dans cet exemple précis. Néanmoins, cette approche est fondamentale pour comprendre comment enregistrer un plugin au sein du cadre Proxy-Wasm.

Enregistrement du plugin

L'enregistrement du plugin au sein du cadre Proxy-Wasm est une étape cruciale pour que Envoy puisse charger et initialiser correctement notre plugin. Le processus commence par la déclaration d'un objet d'enregistrement global qui associe la classe HeaderPluginContext à la classe HeaderPluginRootContext. Cet enregistrement est effectué à travers la ligne suivante :

cpp
static RegisterContextFactory register_HeaderPlugin( CONTEXT_FACTORY(HeaderPluginContext), ROOT_FACTORY(HeaderPluginRootContext), "header_plugin");

Cela permet de relier ces deux classes et d'attribuer à notre plugin l'ID racine "header_plugin". Il est à noter que ces étapes de registre sont nécessaires pour qu'Envoy sache comment manipuler notre plugin. Les macros CONTEXT_FACTORY et ROOT_FACTORY gèrent la création des objets de type usine nécessaires, en facilitant le processus de construction et de gestion des contextes.

Architecture du plugin WebAssembly

Le plugin WebAssembly illustre le modèle primaire pour étendre le comportement d'Istio :

  1. Un contexte racine gère la configuration et l'état global.

  2. Un contexte de requête traite chaque requête HTTP.

  3. Les callbacks de traitement de requête modifient ou inspectent le trafic.

  4. L'enregistrement relie l'ensemble au cadre Proxy-Wasm.

Ce modèle se montre particulièrement utile dans des scénarios où l'ajout de fonctionnalités spécifiques au trafic, comme l'ajout d'en-têtes personnalisés, devient nécessaire. Par exemple, ces en-têtes peuvent servir à identifier les origines des requêtes, implémenter des fonctionnalités de "feature flags" ou encore attribuer des identifiants de corrélation pour le traçage distribué.

Compilation et construction du plugin

Afin de construire ce plugin, un script shell est préféré à l'utilisation d'un Makefile complexe. Le script de construction build.sh prend en charge la gestion du processus de compilation. Il commence par vérifier la présence des outils nécessaires comme le compilateur Emscripten (emcc), ainsi que le SDK C++ Proxy-Wasm. Si ces prérequis ne sont pas remplis, le script s'arrête et indique les erreurs spécifiques.

Le processus de compilation en soi utilise les paramètres suivants pour optimiser la performance et réduire la taille du fichier binaire WebAssembly :

  • Mémoire WebAssembly : Le script définit la mémoire totale allouée au module avec les flags -s TOTAL_MEMORY=65536 et -s INITIAL_MEMORY=65536, ajustant ainsi la quantité de mémoire initiale.

  • Optimisations : Les flags comme -O3 et -flto activent des optimisations agressives pour une performance maximale.

  • Réduction de la taille : Des paramètres comme -fno-exceptions et -fno-rtti désactivent la gestion des exceptions et l'information de type à l'exécution, ce qui diminue la taille du fichier.

Le script exécute ensuite la commande emcc pour compiler le plugin à partir du fichier source header_plugin.cc, générant ainsi un fichier .wasm à la fin de la procédure.

Déploiement du plugin

Une fois la compilation réussie, le fichier .wasm peut être déployé sur le service mesh via l'objet WasmPlugin d'Istio. Introduit dans Istio 1.9, ce type de ressource offre une approche plus moderne et simplifiée pour gérer les modules WebAssembly par rapport à la méthode précédente utilisant EnvoyFilter.

Différences entre WasmPlugin et EnvoyFilter

Le principal avantage du WasmPlugin par rapport à EnvoyFilter réside dans sa simplicité. Alors qu'EnvoyFilter permet de configurer n'importe quel composant du proxy Envoy, le WasmPlugin est spécifiquement conçu pour gérer les extensions WebAssembly. Il offre une API plus ciblée, réduisant ainsi le risque de mauvaise configuration.

De plus, le modèle WasmPlugin garantit une sécurité accrue en limitant les possibilités d'erreurs de configuration, contrairement à EnvoyFilter, qui peut être plus complexe à configurer en raison de sa souplesse.

Architecture du WasmPlugin

Le WasmPlugin suit le modèle de ressources personnalisées de Kubernetes, avec des champs standard tels que apiVersion, kind, et metadata. La section metadata décrit l'identité et la portée du plugin, notamment dans quel espace de noms (namespace) il sera déployé, ce qui influence directement les proxy sur lesquels le plugin sera appliqué.

Le déploiement du plugin dans un espace de noms spécifique peut limiter son impact aux seuls proxy de cet espace, permettant ainsi un contrôle plus fin. Si le plugin est déployé dans l'espace de noms istio-system, il pourra potentiellement s'appliquer à l'ensemble du maillage de services.

Sélection ciblée des workloads

Le champ selector permet de sélectionner les workloads Kubernetes sur lesquels appliquer le plugin. Ce ciblage permet de déployer le plugin de manière granulaire :

  • Déploiement canari : Une stratégie de déploiement progressive pour tester un nouveau plugin sur un sous-ensemble de services avant une adoption plus large.

  • Personnalisation spécifique aux services : Certains services peuvent nécessiter des comportements personnalisés ; ce ciblage permet d'appliquer des extensions spécifiques à des services particuliers.

  • Optimisation des performances : En restreignant l'application du plugin aux services qui en ont besoin, on réduit la surcharge sur l'ensemble du maillage.

En conclusion, la gestion des extensions par le biais de WasmPlugin est une méthode plus fine et plus sécurisée que l'approche EnvoyFilter. Elle permet aux opérateurs de Kubernetes et Istio de déployer des extensions WebAssembly de manière ciblée, tout en conservant un contrôle total sur les workloads et les services concernés.