Les maladies neurodégénératives, telles que la chorée de Huntington (HD), la sclérose latérale amyotrophique (SLA) et la sclérose en plaques (SEP), soulèvent des défis considérables pour la médecine moderne. Bien que de nombreuses recherches aient abouti à la mise au point de traitements spécifiques pour ces pathologies, une approche plus innovante consiste à "réutiliser" des médicaments déjà existants. Cette stratégie a démontré son efficacité dans le traitement de diverses maladies neurodégénératives en raison de leurs mécanismes d'action sous-jacents qui peuvent avoir des effets bénéfiques au-delà des indications initiales pour lesquelles ils ont été développés.

Par exemple, le nilotinib, un inhibiteur de la phosphorylation du gène Abl, s’est révélé utile dans le traitement des troubles neurodégénératifs chroniques. En inhibant l'activation de Abl, le nilotinib accélère la dégradation de l'α-synucléine, une protéine souvent impliquée dans la neurodégénérescence. Cet effet pourrait avoir des implications importantes pour des maladies comme la maladie de Parkinson et d’autres troubles à composante synucléinopathique.

Des médicaments ayant des effets antipsychotiques, comme la tétrabénazine, ont été utilisés dans le traitement de la chorée de Huntington. Ce médicament agit comme un inhibiteur réversible de l'absorption des monoamines par les neurones présynaptiques et bloque modérément les récepteurs de dopamine D2. Comparé aux autres bloqueurs des récepteurs de dopamine, la tétrabénazine est considérée comme une option plus sûre pour les patients atteints de la chorée de Huntington, car elle n'a jamais été associée à des dyskinésies.

L'Olanzapine, un antipsychotique atypique, est souvent utilisé pour traiter les symptômes comportementaux et moteurs de la chorée de Huntington. Ce médicament se lie fortement aux récepteurs de la sérotonine et bloque les récepteurs D2 de la dopamine. Grâce à sa bonne tolérance et à son profil de sécurité, l'Olanzapine est particulièrement recommandé pour traiter des symptômes tels que l'irritabilité, l'insomnie, la perte de poids, ainsi que la chorée de Huntington.

De même, la clozapine, un neuroleptique ayant une forte affinité pour les récepteurs de dopamine D1 et D4, mais une activité antagoniste limitée sur les récepteurs D2, a également été suggérée comme traitement pour la chorée de Huntington en raison de sa faible fréquence d'effets secondaires extrapyramidaux. Cependant, les résultats des essais cliniques sont partagés.

Le rispéridone, un médicament antipsychotique couramment utilisé pour traiter les troubles bipolaires et la schizophrénie, est également utilisé pour traiter les symptômes de la chorée de Huntington. En tant qu'agoniste de la sérotonine et antagoniste des récepteurs D2, il montre des résultats prometteurs dans la stabilisation des symptômes mentaux et du déclin moteur.

Dans le traitement de la maladie d'Alzheimer, le mémantine, un inhibiteur non compétitif du récepteur NMDA, joue un rôle clé. Ce médicament empêche une entrée excessive de calcium dans les cellules neuronales, évitant ainsi la mort cellulaire. De plus, la recherche a montré que le mémantine pourrait réduire la sensibilité des neurones à l'excitotoxicité médiée par le glutamate, un phénomène qui est également pertinent pour la chorée de Huntington.

Des médicaments comme le rispéridone, l'Olanzapine et la clozapine, qui étaient initialement utilisés pour traiter les troubles psychiatriques, illustrent bien l’évolution de l’idée de réutilisation des médicaments. Ces substances montrent qu’une même molécule peut avoir des effets variés en fonction des contextes biologiques et des mécanismes physiopathologiques des maladies.

Dans la sclérose latérale amyotrophique (SLA), des médicaments comme le tamoxifène, un antiestrogène utilisé initialement dans le traitement du cancer du sein, ont été réutilisés après que des patients atteints de SLA ayant aussi eu un cancer du sein ont montré des améliorations neurologiques. D’autres médicaments, comme l'amiloride, un diurétique, ont également été étudiés pour leur capacité à bloquer l'ASIC1, un canal ionique de l'acide sensible aux protons qui est surexprimé dans les lésions de la SEP.

Les tyrosine kinases, telles que le masitinib, ont montré un potentiel dans le traitement de la SLA, en raison de leur capacité à interférer avec la prolifération des cellules gliales, ce qui est crucial dans le contexte de la neurodégénérescence. De même, des médicaments comme le cyclophosphamide, utilisé dans le traitement du cancer, se sont révélés utiles dans la sclérose en plaques grâce à leurs effets immunosuppresseurs et immunomodulateurs.

La recherche sur la réutilisation de médicaments ne se limite pas aux médicaments traditionnels. Par exemple, des traitements antirétroviraux comme le Triumeq® ont été examinés dans le cadre de la SLA, en raison de l'identification d'un rétrovirus endogène humain exprimé dans le cerveau des patients atteints de cette maladie.

Il est essentiel de comprendre que la réutilisation de médicaments n'est pas seulement un moyen d'accélérer l'accès à des traitements, mais également une façon d'exploiter des mécanismes biologiques sous-jacents que l’on n’avait pas initialement anticipés. Cette approche soulève aussi des questions sur la flexibilité des stratégies de traitement des maladies neurodégénératives, où de nouveaux usages pour des médicaments anciens peuvent offrir une alternative aux traitements classiques.

La réutilisation de médicaments s'inscrit dans une perspective où la médecine personnalisée et la compréhension des réseaux biologiques complexes des maladies sont au cœur de l'innovation thérapeutique. Pour que cette approche soit pleinement exploitée, il est nécessaire de conduire des essais cliniques rigoureux qui valident ces nouvelles indications et permettent de confirmer leur efficacité et leur sécurité sur le long terme.

Comment la redirection des médicaments peut-elle aider dans le traitement des maladies neurodégénératives?

Les maladies neurodégénératives, telles que la maladie d'Alzheimer, la sclérose latérale amyotrophique (SLA) et la maladie de Parkinson, représentent des défis thérapeutiques majeurs. Ces pathologies sont caractérisées par la dégénérescence progressive des cellules nerveuses, entraînant des déficits cognitifs, moteurs et parfois psychiatriques. Bien que les traitements conventionnels soient souvent limités à la gestion des symptômes, une approche innovante consiste à explorer la redirection des médicaments existants. Ce processus, connu sous le nom de repositionnement de médicaments, permet de redécouvrir des substances déjà approuvées pour d'autres indications thérapeutiques, mais qui pourraient avoir des effets bénéfiques inattendus contre les maladies neurodégénératives.

Le repositionnement des médicaments repose sur l'idée que certains médicaments, initialement conçus pour traiter des pathologies spécifiques, pourraient interagir avec des mécanismes biologiques partagés par les neurodégénérescences. Par exemple, des médicaments utilisés dans le traitement de cancers, de troubles cardiovasculaires ou d'infections, pourraient influencer des voies de signalisation ou des processus cellulaires perturbés dans les maladies du cerveau. Cette approche est d'autant plus pertinente à l'ère des technologies de pointe, où les systèmes d'intelligence artificielle et les approches informatiques permettent de filtrer efficacement les médicaments existants à la recherche de nouveaux usages.

Des exemples concrets de cette stratégie incluent l'utilisation de la cyclophosphamide dans la sclérose en plaques, un médicament anticancéreux qui a montré des résultats prometteurs dans ce contexte. De même, des médicaments tels que la clozapine, initialement développé pour traiter la schizophrénie, ont démontré des effets bénéfiques pour atténuer les symptômes moteurs de la chorée de Huntington. Ces réorientations ne sont pas seulement des réinventions ponctuelles ; elles sont soutenues par des recherches approfondies qui identifient les mécanismes d'action sous-jacents.

Dans le cadre des maladies neurodégénératives, la recherche de médicaments repositionnés implique également l'étude des effets des substances sur les protéines tau et amyloïdes, deux biomarqueurs majeurs dans des maladies comme la maladie d'Alzheimer. Des médicaments comme le tadalafil ont montré qu'ils pouvaient traverser la barrière hémato-encéphalique et améliorer la fonction cognitive chez les souris modèles de la maladie d'Alzheimer, ouvrant ainsi de nouvelles pistes pour des traitements potentiels.

Le repositionnement de médicaments peut également répondre à la nécessité de traiter des symptômes non moteurs souvent négligés, comme les troubles cognitifs ou psychiatriques. Par exemple, la méthylphénidate, un médicament utilisé pour traiter le trouble déficitaire de l’attention, a été exploré comme traitement potentiel pour les symptômes non moteurs de la maladie de Parkinson. D'autres médicaments, comme la memantine, un antagoniste NMDA, ont montré des effets neuroprotecteurs contre la progression de maladies comme Huntington.

En outre, l'utilisation de l'intelligence artificielle dans cette démarche permet de prédire de manière plus précise quelles molécules pourraient offrir une efficacité thérapeutique dans le contexte des maladies neurodégénératives. Des plateformes comme PREDICT permettent d'identifier de nouvelles indications pour des médicaments existants, en se basant sur des données biologiques et génétiques, et offrent ainsi une manière plus ciblée de réorienter les traitements.

En plus des médicaments, des approches comme l'optimisation des doses, l'association de médicaments existants ou encore la prise en compte des facteurs environnementaux et génétiques peuvent jouer un rôle clé dans l'amélioration de l'efficacité des traitements. Par exemple, l’adoption de traitements combinés pourrait offrir une approche plus globale, en ciblant plusieurs mécanismes pathophysiologiques simultanément.

Enfin, il est crucial de noter que bien que le repositionnement de médicaments offre un potentiel considérable, il présente également des défis. La réévaluation d'un médicament pour une nouvelle indication implique non seulement des études cliniques rigoureuses mais aussi un processus de réglementation et d'approbation long et complexe. De plus, la recherche dans ce domaine nécessite une coordination entre chercheurs, cliniciens et industriels, afin de maximiser les chances de succès dans l'introduction de nouveaux traitements dans les soins aux patients.

L'utilisation des médicaments psychotropes dans le traitement des troubles psychiatriques: vers une repurposition thérapeutique

La repurposition des médicaments, ou la réutilisation de molécules déjà approuvées pour traiter de nouvelles indications, est une approche innovante dans la médecine psychiatrique. Depuis quelques années, des traitements traditionnellement utilisés pour d’autres maladies ont montré un potentiel thérapeutique pour des troubles psychiatriques, offrant ainsi une voie rapide et plus économique vers de nouvelles options thérapeutiques.

Prenons l'exemple des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSN). Ces médicaments, souvent utilisés dans le traitement de la dépression et de certains troubles anxieux, ont également montré une certaine efficacité dans le traitement de l'autisme et des troubles psychiatriques comorbides. Leur capacité à moduler les neurotransmetteurs impliqués dans les circuits cérébraux du comportement social et de la régulation émotionnelle permet d’élargir leur utilisation dans des pathologies souvent complexes et difficiles à traiter.

Une autre classe de médicaments repensée dans ce contexte est celle des antipsychotiques. Bien que ces médicaments soient principalement utilisés dans le traitement de la schizophrénie et d'autres troubles psychotiques, des recherches récentes ont révélé leur efficacité dans la gestion des troubles de l'humeur, en particulier les troubles bipolaires et la dépression majeure. Par exemple, des médicaments comme le rispéridone, utilisé principalement pour traiter la schizophrénie, ont montré des résultats prometteurs dans le traitement des symptômes dépressifs résistants.

L'un des médicaments dont l'efficacité a été redécouverte dans le traitement de la dépression résistante est le dextrométhorphane. Initialement utilisé comme antitussif, il a été exploré pour ses effets sur les troubles neurologiques et psychiatriques, notamment en combinaison avec d'autres médicaments comme le bupropion. Ces recherches ont révélé des mécanismes d’action intéressants, notamment au niveau des récepteurs NMDA et des voies de signalisation liées au stress, qui pourraient offrir une nouvelle voie pour traiter les formes sévères de dépression.

L’intérêt croissant pour la repurposition des médicaments dans le domaine psychiatrique repose non seulement sur la recherche de nouvelles options thérapeutiques, mais aussi sur l'optimisation des traitements existants. Les chercheurs s’intéressent particulièrement à l'adaptation des traitements pour les patients ayant des troubles comorbides, comme l’autisme ou la schizophrénie associée à des troubles de l’humeur, afin de mieux gérer la complexité de leurs symptômes.

Les traitements traditionnels des troubles psychiatriques, tels que les antidépresseurs classiques et les antipsychotiques, ont souvent des effets secondaires significatifs qui peuvent limiter leur efficacité à long terme. C’est dans cette optique que la recherche sur les médicaments déjà existants, mais sous-utilisés ou mal compris, prend toute son importance. L’objectif est de trouver des solutions plus sûres, plus ciblées et mieux adaptées aux besoins des patients.

Les effets de ces médicaments repensés ne se limitent pas aux troubles de l'humeur ou à la schizophrénie. Par exemple, le cannabidiol, utilisé principalement pour ses propriétés antiépileptiques et anti-inflammatoires, fait l’objet d’un intérêt croissant pour son rôle potentiel dans le traitement des troubles anxieux et du stress post-traumatique. Cette molécule pourrait également moduler les circuits cérébraux associés à la douleur et à la cognition, offrant ainsi des solutions pour des troubles neuropsychiatriques complexes.

En ce qui concerne les troubles liés à l'usage de substances, comme les troubles liés à la méthamphétamine, l'approche de repurposition des médicaments pourrait offrir des réponses. Des études ont montré que des médicaments comme la naltrexone, en combinaison avec le bupropion, peuvent jouer un rôle clé dans la réduction de la consommation de méthamphétamine en agissant sur les circuits dopaminergiques du cerveau, responsables de la dépendance. Cela marque une avancée importante dans le traitement de ces troubles, qui sont souvent difficiles à traiter avec les thérapies conventionnelles.

Dans ce contexte, la repurposition de médicaments ouvre des perspectives intéressantes, mais elle nécessite un examen approfondi de l’efficacité et de la sécurité des traitements. Bien que la réutilisation des médicaments existants semble prometteuse, il est crucial d’effectuer des essais cliniques rigoureux pour évaluer leurs effets dans de nouvelles indications. Ce n’est qu’à travers ces études que l’on pourra établir des recommandations basées sur des données probantes, garantissant ainsi la sécurité et l'efficacité des traitements pour les patients souffrant de troubles psychiatriques.

L’élargissement des horizons thérapeutiques, grâce à la repurposition de médicaments existants, transforme ainsi la manière dont la médecine psychiatrique aborde les pathologies complexes. Cependant, cette approche doit être intégrée dans une démarche globale et personnalisée, tenant compte de la spécificité de chaque patient et de ses besoins uniques. Le futur du traitement des troubles psychiatriques semble s’appuyer sur une médecine plus flexible, plus ciblée, et surtout plus accessible.

Les médicaments anticancéreux en tant que thérapies antibactériennes : une nouvelle approche contre les infections résistantes

L’augmentation des infections bactériennes résistantes aux antibiotiques a conduit à une recherche active de nouvelles solutions thérapeutiques. Parmi les approches les plus prometteuses figure la réutilisation de médicaments anticancéreux pour combattre ces infections. En effet, de nombreux médicaments utilisés dans le traitement du cancer ont démontré une efficacité contre des bactéries résistantes, ce qui ouvre de nouvelles perspectives pour le traitement des infections multirésistantes. Par exemple, le mitomycine C, un agent anticancéreux bien connu, a montré une efficacité contre Acinetobacter baumannii et Pseudomonas aeruginosa, avec une concentration minimale inhibitrice (CMI) de 7 mg/L, augmentant la survie de Galleria mellonella infecté par ces bactéries (Cruz-Muñiz et al. 2017). Ce médicament a également montré des effets synergiques lorsqu’il a été combiné avec des antibiotiques tels que la tobramycine et la ciprofloxacine, améliorant l’efficacité contre les isolats cliniques résistants aux antibiotiques.

En outre, des recherches ont démontré que l'association du mitomycine C avec des phages bactériophages lysogènes, comme le phage vB_KpnM-VAC13, pouvait être efficace contre les isolats résistants à l'imipénème de Klebsiella pneumoniae, ainsi que contre les persisters de cette même bactérie (Pacios et al. 2021). Ce type de combinaison ouvre la voie à des traitements de précision qui exploitent les propriétés uniques des phages et des médicaments anticancéreux pour lutter contre les infections résistantes.

D'autres médicaments anticancéreux comme le mitotane, un agent approuvé par la FDA, ont montré une activité synergique lorsqu'ils sont combinés avec des antibiotiques tels que la polymyxine B, notamment contre A. baumannii et P. aeruginosa résistants à la polymyxine (Tran et al. 2018a). Dans des modèles murins d'infection par brûlures, l’association de ces deux médicaments a permis de réduire la charge bactérienne dans les plaies. Le cisplatine, un autre médicament anticancéreux largement utilisé, a montré qu’il inhibait la croissance de P. aeruginosa et éradiquait les cellules persister de Escherichia coli grâce à un mécanisme indépendant de la croissance, soulignant l'efficacité de ces agents dans des contextes où les antibiotiques traditionnels échouent (Chowdhury et al. 2016).

Les approches combinées ne se limitent pas aux antibiotiques classiques. Par exemple, l’utilisation de médicaments comme le nitrate de gallium en combinaison avec la vancomycine a montré une réduction de la formation de biofilms et une amélioration de la destruction de ces biofilms dans le cas de Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline (MRSA) (Mohammad Hanifeh et al. 2024). Le nitrate de gallium a également montré une efficacité notable contre les biofilms de MRSA dans des modèles murins, augmentant ainsi la survie des souris infectées.

Les modulateurs des récepteurs des œstrogènes (SERM) comme le tamoxifène et le toremifène ont également démontré une activité antibactérienne significative. Les métabolites du tamoxifène, par exemple, ont présenté une activité antibactérienne contre des isolats cliniques de Staphylococcus epidermidis résistant à la méthicilline et des espèces de Enterococcus (Miró-Canturri et al. 2021c). De plus, le toremifène a montré des effets antibiofilm contre des bactéries comme Streptococcus mutans et Porphyromonas gingivalis, indiquant que les SERMs pourraient jouer un rôle important non seulement dans la lutte contre le cancer, mais aussi contre les infections bactériennes multirésistantes.

Le floxuridine, utilisé principalement pour traiter les cancers colorectaux, a aussi présenté une activité antibactérienne directe contre S. aureus USA300, réduisant la mortalité chez les souris infectées par des souches de cette bactérie (Yeo et al. 2018). Ce médicament, ainsi que le 5-fluorouracile, ont également montré une activité antibactérienne contre E. faecalis, ce qui élargit encore l'éventail des médicaments anticancéreux efficaces contre les infections résistantes.

Les mécanismes d'action de ces médicaments anticancéreux sont variés et dépendent du type de médicament. Certains agissent en inhibant la synthèse de l'ADN et des protéines, comme le mitomycine C et le cisplatine, qui interfèrent avec la réplication de l'ADN dans des bactéries comme P. aeruginosa et E. coli (Kwan et al. 2015). D'autres, comme le mitotane, perturbent les voies métaboliques des phospholipides et des nucléotides, ce qui affecte la viabilité des bactéries résistantes aux polymyxines (Tran et al. 2018b). Ces médicaments ont donc un potentiel considérable pour perturber les processus cellulaires essentiels à la survie des bactéries, qu'elles soient en phase de croissance active ou dans un état de persistance.

Il est essentiel de comprendre que, bien que ces médicaments anticancéreux montrent une grande promesse en tant que traitements antibactériens, leur utilisation dans ce contexte nécessite encore une étude approfondie pour évaluer leur efficacité et leur sécurité à long terme, notamment en ce qui concerne leurs effets sur la réponse immunitaire de l'hôte et leur interaction avec d'autres traitements. Les synergies observées entre ces médicaments et les antibiotiques classiques ouvrent de nouvelles avenues pour traiter des infections difficiles à soigner, mais ces approches doivent être soigneusement testées dans des études cliniques avant une utilisation généralisée.

Quels sont les développements récents dans la lutte contre les infections parasitaires ?

Les infections parasitaires continuent de représenter une menace majeure pour la santé publique mondiale. Les maladies telles que la schistosomiase, la filariose et la cysticercose affectent des millions de personnes, en particulier dans les régions tropicales et subtropicales. Cependant, la recherche sur de nouveaux traitements a récemment pris un tournant avec l'exploration de la repositionnement de médicaments déjà existants et l'utilisation de technologies modernes telles que le criblage moléculaire et les modèles animaux pour tester leur efficacité.

L'un des développements prometteurs dans ce domaine est l'utilisation combinée de praziquantel et de miltéfosine pour le traitement de la schistosomiase, en particulier la forme expérimentale de Schistosoma mansoni. Cette approche innovante combine deux médicaments bien connus pour leur efficacité contre des parasites différents, mais complémentaires, dans un format de dose fixe et par voie orale, ce qui pourrait simplifier les traitements et améliorer leur efficacité. Les recherches menées par Eissa et ses collègues en 2020 ont démontré que cette combinaison était non seulement efficace contre Schistosoma mansoni, mais aussi qu'elle offrait une meilleure tolérance et une action synergique.

D'autre part, les travaux d'Escobedo et al. (2010, 2013) ont révélé l'impact de la progestérone et du tamoxifène sur les parasites humains, en particulier Taenia solium, un parasite zoonotique responsable de la cysticercose. Ces recherches ont montré que la progestérone induisait une évagination du scolex de T. solium, ce qui pourrait avoir des implications évolutives pour la compréhension de la relation hôte-parasite. Quant au tamoxifène, il a montré des effets protecteurs contre la taeniosis, une maladie causée par la même espèce, en réduisant les effets pathologiques chez les hamsters infectés. Ces découvertes suggèrent que des traitements hormonaux ou des inhibiteurs hormonaux pourraient offrir de nouvelles voies thérapeutiques contre les infections parasitaires.

Un autre domaine de recherche en pleine expansion est le repositionnement de médicaments. Par exemple, Feng et al. (2020) ont évalué l'utilisation de l'auranofine, un médicament utilisé principalement pour traiter la polyarthrite rhumatoïde, dans le traitement des maladies parasitaires, y compris les infections à protozoaires et à vers. De plus, plusieurs études récentes ont mis en lumière le potentiel d'anciens médicaments, comme l'oxfendazole et le flubendazole, pour traiter des infections telles que la filariose et l'onchocercose. Ces recherches suggèrent que de nombreux médicaments déjà approuvés pour d'autres indications peuvent être réutilisés efficacement pour traiter des maladies parasitaires, ce qui représente une avancée importante dans la lutte contre ces infections souvent négligées.

L'un des obstacles majeurs dans la lutte contre les infections parasitaires reste la résistance aux médicaments. Ce phénomène est particulièrement inquiétant dans le cas des trématodes et des nématodes. Fairweather et al. (2020) ont documenté la résistance des vers du foie aux traitements actuels, mettant en évidence la nécessité d'un renouvellement constant des approches thérapeutiques et d'une vigilance accrue face à l'émergence de résistances. Les recherches actuelles se concentrent sur la découverte de nouvelles molécules et de nouveaux mécanismes d'action pour contourner cette résistance et maintenir l'efficacité des traitements existants.

Les approches modernes incluent également l'utilisation de la modélisation moléculaire pour repérer des cibles thérapeutiques potentielles. Par exemple, Gan et al. (2023) ont mis au point un serveur de criblage virtuel, "DrugRep", permettant de tester de manière automatisée des centaines de molécules contre des cibles parasitaires spécifiques. Cette technologie ouvre la voie à des traitements plus ciblés et à la découverte de nouveaux médicaments de manière plus rapide et plus efficace. Parallèlement, les recherches sur les inhibiteurs de l'HDAC (histone déacétylase), comme celles menées par Ghazy et al. (2022), montrent également un potentiel prometteur pour de nouvelles stratégies thérapeutiques contre des parasites tels que Schistosoma.

Les progrès dans le domaine des médicaments anthelminthiques ne se limitent pas seulement à la découverte de nouvelles substances actives, mais incluent également des innovations dans les méthodes de traitement, notamment les thérapies combinées et la gestion des effets secondaires. Ces nouvelles stratégies visent à maximiser l'efficacité tout en minimisant les risques pour les patients, ce qui pourrait avoir des répercussions considérables sur le contrôle et l'éradication de ces infections parasitaires.

Enfin, il est crucial de souligner que, bien que les progrès dans la recherche sur les médicaments soient essentiels, des approches globales intégrées sont nécessaires pour lutter contre les maladies parasitaires. Cela comprend la prévention, le contrôle des vecteurs, l'amélioration des infrastructures de santé et la sensibilisation des communautés. De plus, il est important que les efforts de recherche se concentrent sur les populations les plus vulnérables, en particulier dans les zones les plus touchées, afin d'assurer un accès équitable aux traitements et d'éviter les disparités en matière de santé.