Le Madison Group, qui allait plus tard devenir le State Policy Network (SPN), a vu le jour à la fin des années 1980 comme un partenariat relativement lâche entre une douzaine de think tanks à l’échelle des États, regroupés sous le nom du Madison Hotel à Washington, D.C., où se tenaient leurs premières réunions. Ce groupe visait à renforcer l'influence des politiques conservatrices au niveau des États, et les premières fonctions administratives étaient prises en charge par l’Institute Heartland, un groupe de réflexion basé à Chicago, reconnu pour ses positions de droite. Constance Heckman, ancienne directrice exécutive de l'ALEC (American Legislative Exchange Council), en assurait la présidence. Dès 1991, le Madison Group comptait 55 instituts de politique publique répartis dans 29 États, ainsi que 24 groupes nationaux tels que l'ALEC, la Heritage Foundation, et la National Rifle Association, qui servaient de ressources communes pour les affiliés des États.
Les cotisations des membres permettaient l'accès à un bulletin d'information bimensuel, à une communication partagée entre les membres et à des ateliers réguliers ainsi qu’à des conférences organisées par des groupes de pression comme la Heritage Foundation et la Free Congress Foundation, dirigée par Paul Weyrich, cofondateur de l'ALEC. Le financement initial du Madison Group provenait principalement des mêmes sources que celles de l'ALEC : des fondations conservatrices et des entreprises privées. Il n'était donc pas surprenant que le Madison Group ait rapidement cherché à étendre son réseau de financement en recourant aux mêmes méthodes utilisées par l'ALEC.
Ce rapprochement s'est intensifié au début des années 1990, lorsque Sam Brunelli, à la tête de l'ALEC, a ouvert les portes de sa base de données de donateurs au Madison Group. Bien que cela ait été une démarche peu courante dans le domaine des groupes politiques conservateurs, Brunelli a vu dans cette collaboration une opportunité pour les deux groupes de se soutenir mutuellement et de maximiser leurs ressources. Cette collaboration a permis au Madison Group de mieux se structurer et de lever les fonds nécessaires pour soutenir ses membres.
À partir de 1998 et 1999, le Madison Group, sous l'égide de l'ALEC, a entamé une série de réformes importantes pour renforcer sa position. Il s’est réorganisé en une organisation à but non lucratif sous le nom de State Policy Network. Ce réaménagement a permis au SPN d’élargir sa présence à travers le pays, ajoutant dix nouveaux États à ses affiliés au cours des cinq années suivantes. Cependant, les ressources financières du groupe restaient faibles, et le personnel national demeurait limité. En 2000, les résultats des efforts de réorganisation sont devenus apparents : les réunions annuelles du SPN ont attiré un nombre record de 138 participants, et la présence de nouveaux membres s'est accélérée.
Le SPN a également mis en place des mécanismes pour renforcer son efficacité, notamment en organisant des rencontres régionales où les membres pouvaient échanger des idées sur des propositions de politiques susceptibles de recevoir un accueil favorable, même dans les États plus libéraux. Ces réunions ont permis de tisser des liens solides entre les membres du réseau et ont facilité les discussions stratégiques sur des initiatives politiques locales.
Un autre élément fondamental de cette évolution a été l'introduction de nouvelles ressources pour les affiliés du SPN, comme des modules de formation en leadership et en gestion, des manuels de formation pour les nouveaux présidents de think tanks, et même un programme de certification pour développer les compétences nécessaires à la gestion d'un think tank. Ces efforts ont permis d’ancrer les think tanks d'État dans un cadre plus institutionnalisé et de les rendre plus efficaces dans leur quête d'influence politique.
Le rôle croissant des think tanks au sein du SPN, alimenté par un financement privatisé et une forte coopération avec d'autres groupes nationaux, a non seulement permis d'augmenter la capacité d'influence du réseau mais a aussi facilité la mise en place d'un système de surveillance de l'efficacité des stratégies des affiliés. En rendant disponibles des données comparatives entre les États, SPN a également renforcé l’armature de ses opérations en encourageant les membres à coopérer entre eux, mais aussi à développer des liens avec d'autres groupes conservateurs externes, dont l'ALEC.
Au fil du temps, l'influence du SPN a considérablement augmenté, et ses initiatives ont contribué à définir de nombreuses politiques publiques, souvent dans le domaine de la privatisation, de la réduction des impôts et de l'enseignement privé. La capacité du réseau à fédérer des groupes d'intérêt au niveau national et à fournir une infrastructure de soutien robuste à ses membres a permis au SPN de se positionner comme un acteur majeur du paysage politique conservateur aux États-Unis.
En somme, la dynamique du SPN, en grande partie façonnée par son lien étroit avec l'ALEC, démontre l'importance de la coopération stratégique et de la capacité à lever des fonds pour réussir dans l'arène politique. La force de ces réseaux réside dans leur capacité à se fédérer autour de valeurs communes tout en renforçant continuellement leur structure organisationnelle et leurs ressources.
Quelle leçon tirer du troïka de droite sur la politique américaine?
Avec un soutien de plus en plus généreux de la part des riches participants aux séminaires Koch, et un intérêt croissant des entreprises conscientes des avantages de lobbying interétatique, la troïka formée par ALEC, AFP et SPN semble bien installée pour les années à venir. Nous sommes loin des jours où des leaders conservateurs comme Paul Weyrich ou Sam Brunelli déploraient le fait que les activistes conservateurs locaux « étaient laissés seuls dans chaque État et... débordés ». En 2013, Bradley concluait à juste titre que les possibilités d’« avancée significative de politiques conservatrices », comme des réductions supplémentaires des lois sur les syndicats des employés publics, la démantèlement de l’Affordable Care Act et les tentatives d’affaiblir les réglementations environnementales, n’avaient jamais été aussi lumineuses. Les leçons tirées par la Bradley Foundation sur la puissance de l'organisation interétatique nous offrent une occasion unique de prendre du recul et de réexaminer ce que nous avons appris de la politique américaine au cours des sept chapitres précédents.
L’essor et le développement de la troïka à travers le pays résonnent fortement avec l’appel lancé par Jacob Hacker et Paul Pierson dans leur ouvrage Winner-Take-All Politics, où ils soutiennent que la politique américaine ne peut être comprise à travers une simple focalisation sur les élections et les promesses des politiciens. En traitant la politique comme un « spectacle électoral », nous excluons souvent les groupes d’intérêt organisés, notamment les entreprises et les donateurs riches, qui sont loin d’être absents des élections et qui jouent un rôle majeur une fois le processus électoral terminé. En effet, Hacker et Pierson expliquent que les batailles de politique publique sont souvent « longues et ardues », nécessitant des acteurs expérimentés et bien formés. Pour comprendre pourquoi les politiques américaines changent, il est donc impératif de se concentrer non seulement sur les électeurs et les politiciens, mais aussi sur les groupes d’intérêt organisés.
L’analyse du développement de la troïka met en évidence une manière inédite dont les organisations influencent la politique américaine. Les entreprises, les donateurs et les activistes derrière les membres de la troïka ont compris que la meilleure manière de reprendre le contrôle des États consistait à construire des organisations capables de modifier la politique de manière durable, sans nécessairement intervenir dans les élections individuelles ou investir dans des politiciens spécifiques. Seul un membre de la troïka, AFP, participe de manière significative aux élections locales, mais cela ne constitue qu’une petite partie de leur stratégie plus large visant à orienter la politique publique vers un agenda libertarien et radicalement de droite. Les Koch n’ont jamais considéré les politiciens comme des acteurs centraux de la politique, les voyant plutôt comme des « acteurs » devant suivre les scripts qu'ils leur fournissaient.
L'exemple d'ALEC, bien que l’un de ses fondateurs ait d’abord cru qu’une extension de leur réussite dans les années 1980 passait par la création d’un comité d’action politique pour élire des politiciens favorables aux affaires et aux idées conservatrices, montre que le véritable pouvoir réside dans l'influence exercée en coulisses, par le biais de l’aide apportée aux élus déjà en place. ALEC a réussi à redéfinir ce que signifiait être un politicien « pro-affaires » et conservateur au niveau des États. En fournissant des modèles de projets de loi, des recherches et des conseils politiques, ALEC a façonné les positions des politiciens individuels et, à terme, a redéfini les bases du Parti républicain. Grâce à la création de SPN, puis d'AFP, la troïka a pu renforcer son influence et fournir encore plus de ressources pour soutenir les idées politiques d'ALEC.
Ce phénomène de lobbying interétatique, que l’on voit grandir avec l’essor d’organisations comme ALEC, devient un outil fondamental pour ceux qui veulent mettre en œuvre des changements politiques durables, contournant ainsi un gouvernement fédéral de plus en plus paralysé. Alors que le Congrès est de plus en plus bloqué par des conflits internes, des réseaux interétatiques comme ceux formés par la troïka peuvent faire une réelle différence en promouvant les mêmes politiques dans plusieurs États simultanément. Les conservateurs ne parviennent peut-être pas à passer des lois comme le droit au travail, une réforme complète du système éducatif ou l’abrogation totale de l’Affordable Care Act au niveau fédéral, mais ces politiques peuvent être promues au niveau des États, rendant plus difficile l’organisation des syndicats, favorisant la privatisation des écoles publiques et entravant l’expansion de Medicaid.
L’avantage de ce type de lobbying, qui s'étend à l’ensemble des États, est évident : il permet de multiplier les opportunités de victoire. Par exemple, ALEC a pu, par le biais de sa stratégie multilatérale, parfois se contenter de réformes plus modestes, tout en établissant des précédents pour de futures victoires plus radicales. Ces petites avancées ont progressivement permis de construire un soutien pour des réformes plus agressives, comme le retrait plus poussé des droits syndicaux. Ce processus d’expansion des possibles, connu sous le nom de fenêtre d’Overton, montre que même des propositions extrêmes, qui n’ont aucune chance d’être adoptées dans la majorité des États, peuvent avoir une influence si certaines d’entre elles sont adoptées par quelques États, en créant un précédent.
Il est donc crucial de comprendre que la politique interétatique peut aller bien au-delà du simple lobbying législatif. Elle permet de redéfinir progressivement ce qui est politiquement et socialement possible dans différents contextes, ouvrant ainsi de nouvelles voies pour des changements structurels profonds. L’impact de ces stratégies va au-delà de la politique locale ou nationale, car elles influencent profondément les idéologies dominantes et, par extension, la manière dont les États-Unis abordent des questions essentielles telles que les droits des travailleurs, l’éducation ou la protection sociale.
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