Les performances des rotors d'hélicoptères sont significativement altérées lorsque de la glace se forme sur les pales. En comparaison avec les pales de rotor classiques, celles couvertes de glace induisent des effets de sillage différents. L'impact de l'accumulation de glace modifie l'angle de pas nécessaire pour générer une poussée donnée, ce qui influence la distribution de la vitesse induite. Pour analyser de manière précise l'interaction entre un rotor givré et la cellule, Aliaga a introduit une formulation unitaire tridimensionnelle non stationnaire pour l'analyse en vol des rotorcraft (Aliaga et al., 2011b). Cette approche, qui s'éloigne des hypothèses classiques de quasi-stationnarité, utilise un système multiphasique d'équations différentielles partielles (EDP) couplées pour modéliser le flux d'air, l'impact et l'accrétion de la glace de manière totalement non stationnaire.

Cette formulation permet de simuler de façon plus réaliste l'accumulation de glace en prenant en compte la distorsion de la surface et la croissance de la glace sur les pales, ce qui aurait été impossible avec des techniques plus simples. En supprimant le processus de remeshing, et en ajoutant des termes Lagrangiens–Euleriens (ALE) dans les équations gouvernantes, le modèle devient plus précis dans la gestion de la dynamique des pales en rotation. Un algorithme de reconstruction d'interface a également été mis en œuvre pour simuler la croissance de la glace et les distorsions de surface. Pour garantir la précision, la grille est automatiquement contrôlée en lissant la surface de la glace, ce qui permet de respecter les critères de l'espacement de la maille, de la courbure de la grille et de son orthogonalité.

Le modèle d'accrétion de glace a été testé en le comparant à des cas d'aileron givré en deux dimensions, exposés à des conditions spécifiques d'accumulation de glace. Les résultats expérimentaux du tunnel de recherche sur le givrage de la NASA Glenn Icing Research Tunnel (IRT) ont montré une bonne corrélation avec les résultats prévus par le modèle pour les conditions de glace rime et glace glaçante. Toutefois, l'angle supérieur et inférieur des "cornes" (zones de transition sur les bords de l'aileron) n’a pas été capturé avec précision, même lorsque la rugosité de surface était modifiée. Aliaga a suggéré qu’un modèle de rugosité de surface dépendant du temps et de l’espace serait nécessaire pour obtenir une simulation plus précise de ces transitions.

Une autre avancée notable concerne le cas de test du rotor-cylindre GeorgiaTech, qui simule l’intensité du givrage et l’accrétion de la glace en fonction de l’efficacité de collecte. Dans ce modèle, la grille est divisée entre le domaine du rotor, fixe autour de la cellule, et celui de la cellule rotative, assurant une conservation totale du flux à travers la jonction des deux mailles. L’accrétion de glace est donc inférée par l’efficacité de collecte plutôt que par la forme de la glace accumulée, ce qui facilite le calcul tout en maintenant une certaine précision.

Malgré ces améliorations, le modèle de givrage tridimensionnel reste une tâche de calcul extrêmement gourmande en ressources. Par exemple, pour simuler une minute d’accrétion de glace, 2100 rotations complètes du rotor sont nécessaires, ce qui est irréalisable dans le cadre des capacités de calcul disponibles. Les résultats des tests ont toutefois montré la possibilité de coupler des solutions aérodynamiques non stationnaires avec des codes de givrage sous des hypothèses non stationnaires, une avancée significative pour la simulation de phénomènes de givrage pour les avions à réaction, turbopropulseurs, hélicoptères et moteurs. Cependant, l'efficacité numérique demeure un problème majeur, en particulier pour des géométries complexes, ce qui appelle à des recherches futures utilisant des technologies numériques plus avancées.

Les progrès réalisés ces dernières décennies ont permis de mieux comprendre et simuler le givrage des rotorcraft. Des techniques numériques ont été mises au point pour prendre en compte la complexité physique des pales de rotor, et plusieurs codes de simulation sont maintenant opérationnels. Toutefois, des lacunes persistent, notamment en ce qui concerne l'interaction rotor-cellule, la modélisation des phénomènes sous-jacents de l'accrétion de glace et les analyses thermiques de l’anti-dégivrage. Des études récentes ont permis d’améliorer la modélisation de ces phénomènes, mais les défis restent nombreux, notamment en ce qui concerne la prévision des formes de glace et l’impact de la rugosité de surface sur l’aérodynamisme des rotorcraft en conditions de givrage.

L’un des principaux défis en simulation de givrage est la difficulté d’effectuer des expériences sur un corps en mouvement, comme le rotor d’un hélicoptère. La modélisation numérique, basée sur des modèles empiriques d'aileron stationnaire, reste la méthode privilégiée, bien qu'elle ne capture pas toujours toutes les dynamiques du givrage sur un rotor en rotation. L’effet de la rugosité et de la transition de couche limite sur un aileron oscillant, par exemple, a été l’objet de nombreuses études, en particulier dans les domaines de la turbulence et des modèles de transition. Les recherches ont montré que la rugosité de surface affecte l'aérodynamisme, non seulement pour les rotorcraft, mais également pour des applications telles que les éoliennes.

Les modèles de turbulence et de rugosité doivent être affinés pour mieux simuler les phénomènes de givrage, notamment pour les rotorcraft. En particulier, les modèles de rugosité sont souvent conçus pour des cas d'aileron fixe et ne tiennent pas toujours compte des spécificités des rotorcraft. Ainsi, la mise au point de modèles de rugosité et de transition adaptés à ces conditions reste un enjeu majeur pour améliorer les prévisions de givrage et, à terme, garantir la sécurité et la performance des rotorcraft en vol.

Comment optimiser la propagation des incertitudes par échantillonnage de Monte Carlo pour les systèmes de protection contre le gel électrothermiques ?

Les systèmes de protection contre le gel électrothermiques, utilisés dans des environnements sensibles à la formation de glace, sont confrontés à une problématique fondamentale : comment gérer l'incertitude inhérente aux paramètres climatiques et environnementaux, tels que la température, l'humidité, ou encore la taille des gouttelettes d'eau dans les nuages (LWC, MVD) ? Les méthodes de simulation numérique, comme les modèles de calcul CFD (Computational Fluid Dynamics) et le suivi des particules, bien qu'efficaces, deviennent rapidement coûteuses en termes de temps de calcul lorsque des approches de type Monte Carlo sont employées pour propager ces incertitudes. Il devient donc indispensable de recourir à des modèles de substitution afin de réduire cette charge computationnelle.

L’une des solutions réside dans l’utilisation de modèles de substitution, notamment basés sur des processus gaussiens, qui permettent de prédire la vitesse d’accrétion de la glace (M_ice,j) à partir de données incertaines relatives aux propriétés des nuages. Ces modèles se divisent en deux approches principales : la régression pure, qui consiste à ajuster un modèle sur l’ensemble des données sans classification préalable, et l’approche combinée de classification et régression. Dans cette dernière, une première classification permet de déterminer si de la glace se forme ou non sur la surface (classe 1 ou 0), suivie d’une régression appliquée uniquement aux échantillons où la glace se forme effectivement.

Le modèle de substitution basé sur des processus gaussiens (GPy, depuis 2012) utilise des ensembles de données issus d’une séquence Halton, une méthode d’échantillonnage permettant de couvrir de manière uniforme l’espace des paramètres. Avant d’effectuer l’échantillonnage Monte Carlo pour propager l’incertitude, il est crucial de valider ce modèle en utilisant un jeu de données indépendant, permettant d’évaluer sa précision à travers l’erreur moyenne des prédictions. Ce processus de validation permet d’affiner les choix de la taille d’échantillon pour l’entraînement du modèle et ainsi d’optimiser sa performance.

Lors de la validation, les erreurs de régression et de classification sont évaluées pour deux ensembles de données représentant les différentes configurations des bords de l’aile (B1 et B2). Les résultats montrent que l’augmentation du nombre d’échantillons d’entraînement améliore la précision du modèle, avec une réduction significative des erreurs. Cependant, un défi majeur apparaît : pour les cas où la température est proche de la congélation, où la formation de glace est incertaine malgré les valeurs d’humidité et de taille des gouttelettes, le taux d’erreur peut être plus élevé. Cette incertitude doit être prise en compte dans l’interprétation des résultats du modèle.

Une fois le modèle de substitution validé et affiné, il devient possible de procéder à la propagation de l’incertitude par échantillonnage de Monte Carlo. Cette procédure consiste à tirer au hasard des valeurs de paramètres incertains à partir de leur distribution, pour ensuite estimer la probabilité d’absence de formation de glace et déterminer les quantiles associés à l’accrétion de glace (par exemple, le 95ème quantile du taux d’accrétion de glace, M_ice_95). Ce processus fournit des informations essentielles pour la conception et l’optimisation des systèmes de protection contre le gel.

Il est important de souligner que la propagation d’incertitude par Monte Carlo, bien que puissante, reste coûteuse en termes de ressources de calcul. Par conséquent, il est impératif de trouver un compromis entre la précision et le temps de calcul. Différentes tailles d’échantillons pour l’échantillonnage de Monte Carlo ont été testées, allant de 10^3 à 10^6 échantillons, afin de déterminer le meilleur compromis entre coût computationnel et précision des résultats. Cette analyse est cruciale pour garantir que les résultats restent fiables tout en optimisant les ressources utilisées.

Pour les configurations de référence, telles que celle présentée pour les bords de l’aile de la configuration de base et celle optimisée, l’échantillonnage de Monte Carlo permet de générer des distributions de probabilité pour les taux d’accrétion de glace. Ces distributions peuvent être modélisées par des fonctions de densité de probabilité bêta, qui offrent une approximation efficace des comportements observés dans le cadre des simulations. Ces résultats, détaillés dans les figures de l’étude, montrent une probabilité non négligeable d'absence de formation de glace, mais aussi une distribution de fréquence des valeurs d’accrétion de glace qui peut être utilisée pour évaluer la performance du système de protection dans différentes conditions environnementales.

En résumé, l’optimisation des systèmes de protection contre le gel électrothermiques nécessite une approche rigoureuse de la gestion des incertitudes, où la propagation de ces incertitudes par échantillonnage Monte Carlo, combinée à un modèle de substitution efficace, permet de rendre les simulations plus accessibles tout en maintenant une précision suffisante pour les décisions de conception. Toutefois, l’approfondissement des études sur le nombre d’échantillons nécessaires et la calibration fine des modèles sont essentiels pour garantir des résultats fiables dans des configurations de plus en plus complexes.

Comment l’utilisation des actionneurs à jet synthétique thermiquement activés peut-elle améliorer le contrôle de la formation de glace sur les ailes des avions?

L'accumulation de glace sur les ailes des avions constitue un problème redoutable pour la sécurité des vols, en modifiant l'aérodynamisme des surfaces exposées et en augmentant la traînée tout en réduisant la portance. Lorsque des gouttes d'eau super-refroidie frappent les surfaces de l'avion, elles se congèlent et forment de la glace, ce qui peut entraîner une perte de performance, voire une panne moteur dans le cas de la glace formée sur les pales de ventilateurs. Il est donc crucial de développer des systèmes de protection contre le givrage qui soient à la fois efficaces et légers, sans affecter les performances aérodynamiques de l’avion. Parmi les solutions existantes, l'utilisation de gants pneumatiques ou de chauffage électrique sur les bords d'attaque des ailes n'offre que des résultats limités et ajoute du poids à l'avion.

L'un des développements les plus prometteurs dans ce domaine repose sur l’utilisation des actionneurs à jet synthétique (SJA, pour Synthetic Jet Actuator), qui sont capables de contrôler activement l'écoulement de l'air autour de la surface de l'aile sans nécessiter un apport externe de masse d'air. Un SJA fonctionne en produisant un jet d'air oscillant grâce à une membrane piézoélectrique située à l'intérieur d'une cavité. Cette membrane, en oscillant sous l'effet d'un courant alternatif, entraîne l'air environnant, créant ainsi un jet qui peut être dirigé vers les zones exposées à l'accumulation de glace. Cette approche, non seulement permet de contrôler l'écoulement autour de la surface, mais aussi de modifier les conditions thermiques locales, influençant ainsi la formation de la glace.

Le contrôle actif du flux (AFC, pour Active Flow Control) par jet synthétique est une technique qui suscite de plus en plus d’intérêt en raison de sa capacité à maintenir des conditions aérodynamiques optimales. Dans un cas d’étude benchmark, l’application de SJAs thermiquement activés a montré un potentiel significatif pour prévenir ou réduire l’accumulation de glace sur des surfaces exposées à des flux subsoniques super-refroidis. En intégrant des systèmes de chauffage dans ces actionneurs, il est possible de modifier la température des jets d'air générés, ce qui peut affecter la formation de glace de manière notable. En effet, les simulations numériques montrent que des jets d'air chauffés peuvent non seulement réduire l'accumulation de glace, mais dans certains cas, les prévenir complètement. L’utilisation d’un tel dispositif n’entraîne pas de modification importante des caractéristiques aérodynamiques de l’aile, ce qui en fait une solution avantageuse par rapport aux méthodes traditionnelles.

Les études paramétriques menées sur différents cas montrent que l’efficacité des SJAs est fortement influencée par des facteurs tels que la taille des gouttelettes d'eau, la température du fluide entrant, ainsi que les caractéristiques géométriques de l'actionneur. L'un des points clés dans l'intégration de cette technologie est de concevoir des actionneurs dont la fréquence et l'amplitude de l'oscillation sont optimisées pour maximiser l'effet du jet tout en minimisant la consommation d'énergie et la masse ajoutée à l'avion. Les simulations numériques avancées permettent de modéliser ces interactions complexes entre l'actionneur, l'écoulement d'air, et la formation de glace, offrant ainsi une méthodologie fiable pour prédire les performances des systèmes de protection contre le givrage.

Dans l'analyse des résultats, il est possible d'observer que l'intégration d'une fonction de chauffage dans les SJAs offre des avantages importants en termes de contrôle de la formation de glace. Toutefois, cela nécessite un équilibre précis entre la température du jet, la géométrie de l'actionneur et la dynamique de l'écoulement d'air. De plus, bien que l'efficacité de ces systèmes ait été démontrée dans des cas tests sur des profils d'aile de faible Reynolds, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour adapter cette technologie aux conditions plus extrêmes rencontrées dans des vols à grande vitesse et à haute altitude.

L’un des avantages principaux des SJAs par rapport aux autres méthodes de dé-icing est leur capacité à fonctionner sans pièces mobiles externes ou systèmes complexes, ce qui les rend non seulement plus légers mais aussi potentiellement plus durables et moins coûteux en maintenance. En outre, leur capacité à interagir de manière active avec le flux d'air permet une adaptation dynamique aux conditions de givrage changeantes, offrant ainsi une réponse plus flexible et rapide que les méthodes passives.

Il est essentiel de souligner que, bien que les SJAs offrent un potentiel considérable, leur intégration dans un système de protection contre le givrage nécessite une conception minutieuse, tenant compte non seulement de l’aspect aérodynamique mais aussi des aspects thermiques et énergétiques. Le défi réside dans le fait que ces systèmes doivent être suffisamment efficaces pour contrer la formation de glace tout en maintenant une consommation d'énergie raisonnable et une masse minimale.

Comment simuler la formation de glace en vol malgré les incertitudes inhérentes ?

La simulation numérique de l’accumulation de glace en vol constitue un défi majeur, conditionné par la complexité des phénomènes physiques impliqués et l’incertitude omniprésente dans les conditions réelles. En effet, la modélisation informatique repose sur un ensemble d’hypothèses et de paramètres souvent imprécis, ce qui engendre deux types d’incertitudes essentielles : épistémique, liée aux limites des modèles physiques, et aléatoire, due aux variations des conditions expérimentales ou opérationnelles.

La validation des outils numériques pour étudier la formation de glace en vol est donc indissociable d’une quantification rigoureuse de ces incertitudes. Cette étape est fondamentale non seulement pour vérifier la cohérence des modèles, mais aussi pour garantir leur capacité prédictive dans des contextes réels, où les conditions atmosphériques varient de manière imprévisible. Pour ce faire, des cas tests expérimentaux de référence sont reproduits numériquement, permettant d’évaluer la fidélité des simulations par la confrontation aux observations mesurées. Les résultats sont systématiquement accompagnés d’intervalles d’incertitude qui rendent compte de la variabilité des paramètres expérimentaux, souvent modélisés via des méthodes non linéaires afin de mieux appréhender le comportement du modèle dans les régions peu affectées par l’accumulation de glace.

La formation de glace en vol représente un danger considérable pour la sécurité aérienne, notamment durant les phases critiques comme l’atterrissage. L’accumulation progressive de glace sur les surfaces aérodynamiques, la cellule ou les capteurs dégrade fortement les performances de l’aéronef : portance diminuée, trainée et poids accrus, perturbations du champ d’écoulement pouvant déclencher des transitions turbulentes et des séparations de flux. Ces phénomènes impactent la stabilité du vol, avec en outre le risque de blocage des commandes ou de dysfonctionnement des instruments de bord. De plus, la chute de fragments de glace détachés crée des menaces directes, particulièrement lorsqu’il s’agit de pièces en rotation rapide telles que les rotors d’hélicoptère ou les compresseurs de moteur.

Depuis les travaux précurseurs de Stefan en 1891, consacrés initialement à la formation de glace dans l’océan arctique, la compréhension de ces phénomènes n’a cessé de progresser. Le modèle d’accrétion de glace conçu par Messinger en 1953, pionnier dans le domaine aéronautique, a ouvert la voie à une multitude de recherches destinées à maîtriser ce risque. Aujourd’hui, ces modèles sont intégrés dans des logiciels de simulation sophistiqués, qui prennent en compte la dynamique des écoulements multifluides et la collection efficace des particules de glace sur différentes configurations géométriques complexes.

Pour assurer la fiabilité des prévisions, il est indispensable que la quantification de l’incertitude englobe simultanément la nature imparfaite des modèles physiques et la variabilité des paramètres d’entrée. Cela implique des méthodologies statistiques avancées et une modélisation fine des phénomènes multi-phasiques. L’approche non linéaire adoptée dans certaines études améliore la représentation des comportements subtils du système, notamment dans des zones où l’accumulation de glace est faible mais significative.

Les recherches actuelles se fondent donc sur la confrontation rigoureuse entre simulations et données expérimentales, favorisant un processus itératif d’affinement des modèles. Cette démarche est indispensable pour répondre aux exigences croissantes de sécurité et de performance dans l’industrie aéronautique, où l’impact potentiel de la glace sur le vol demeure une préoccupation constante. En intégrant systématiquement les incertitudes dans le processus de simulation, on favorise une meilleure prise de décision, qui va au-delà de la simple prédiction numérique pour inclure une évaluation critique des risques.

Par ailleurs, il est crucial de saisir que la modélisation de la formation de glace en vol ne peut se limiter à la physique pure. L’environnement opérationnel complexe, les variations météorologiques rapides et la diversité des configurations aéronautiques nécessitent une approche holistique. La prise en compte des incertitudes doit donc s’étendre à tous les stades du cycle de conception et d’utilisation, intégrant à la fois les contraintes techniques, les exigences réglementaires et les impératifs de sécurité. Ainsi, la simulation devient un outil dynamique et adaptatif, capable d’anticiper non seulement les phénomènes physiques mais aussi les limites de nos connaissances et de nos mesures.

Comment prédire l’accrétion de glace à partir de modèles basés sur les particules ?

L’accrétion de glace sur les surfaces exposées à l’environnement atmosphérique, notamment dans des conditions de vol, représente un défi majeur pour l’industrie aéronautique. Afin de mieux comprendre ce phénomène, il est essentiel d’utiliser des modèles mathématiques avancés qui simulent le comportement de particules de glace dans un environnement tridimensionnel. Un tel modèle repose sur des simulations de déplacement aléatoire (random-walk) des particules de glace, qui permet de prédire la densité et la rugosité de la glace accumulée en fonction de divers paramètres atmosphériques.

Le modèle que nous envisageons repose sur un mécanisme simple où une particule se déplace d’une cellule à une cellule voisine vide, en respectant certaines contraintes physiques. Par exemple, la particule ne peut pas s’éloigner de la surface sur laquelle elle se forme, ce qui garantit un contact permanent avec des cellules occupées par d’autres particules. À chaque étape de simulation, un nombre aléatoire détermine la direction du mouvement de la particule, tandis qu’un second nombre détermine si cette particule gèle ou non. Cela permet à la particule de se déplacer sur une distance considérable avant de se solidifier, offrant ainsi une approximation réaliste de l’accrétion de glace dans des conditions variables.

En se basant sur des données expérimentales, une relation entre les conditions atmosphériques et les probabilités de geler et de se déplacer a été dérivée. Cette relation a été calibrée à l’aide de la densité de la glace à 328 K. L’un des paramètres importants dans ce modèle est le paramètre de Macklin, qui détermine la compacité de l’accrétion de glace. Plus la valeur de ce paramètre est élevée, plus la glace accumulée est compacte, ce qui est associé à une taille de goutte plus grande, une vitesse d'impact plus élevée, ou une température de surface plus chaude.

Le modèle proposé est applicable à une large gamme de conditions de croissance, y compris la croissance où les gouttes gèlent presque comme des sphères (croissance sèche), ou la croissance où les gouttes se propagent sur la surface de la glace en perdant leur identité (croissance humide). Cependant, certaines limitations existent lorsqu’on applique directement ces résultats à l’environnement de givrage en vol. L’approximation donnée par l’équation (2) a été dérivée pour la densité d’accrétion de glace à la ligne de stagnation d’un cylindre fixe, pour des vitesses de vent comprises entre 3 et 12 m/s, et pour un diamètre médian de volume d’environ 20 μm. De plus, la température de surface, qui fait partie de la définition du paramètre de Macklin, n’est pas un paramètre indépendamment contrôlable, mais le résultat de processus physiques complexes se produisant à la surface.

L’analyse d’un ensemble de données expérimentales appropriées pourrait permettre d’identifier des nombres sans dimension pour prédire la distribution de la densité de glace, en fonction uniquement des paramètres contrôlables. Pour le moment, les résultats numériques actuels montrent le potentiel d’utiliser une approche de marche aléatoire pour prédire la densité de glace et la rugosité de la glace en vol, à condition qu’il y ait suffisamment de données expérimentales pour valider ces prévisions.

Une prédiction précise de la densité de la glace est directement liée à la capacité à prédire la épaisseur de la couche de glace, étant donné que l’épaisseur locale de la glace varie inversement avec la densité locale de glace pour une masse d'impact donnée. Ainsi, la capacité à prédire correctement la densité locale de la glace améliorera les prévisions des pénalités aérodynamiques dues à l’accrétion de glace. En outre, cette approche basée sur les particules peut aussi être utilisée pour prédire la rugosité de la surface de la glace. Étant donné que la rugosité de la surface influence les transferts thermiques à la surface, elle a un impact significatif sur le processus d’accrétion de glace.

Les modèles morphogénétiques ont également montré un grand potentiel pour simuler la croissance des glaces. Par exemple, un modèle utilisant des particules a permis de reproduire les formations de glaçons, avec une bonne adéquation avec les données expérimentales. Ces modèles prennent en compte des processus physiques spécifiques comme la probabilité de congélation d'un film liquide en mouvement sur une surface, ou le détachement d'une goutte en raison de la gravité. L’introduction de ces paramètres a permis de simuler la croissance de glaçons sur des câbles et des isolateurs en conditions de pluie verglaçante.

Ce modèle initial, bien qu’encore simplifié, a posé les bases de futures améliorations permettant de simuler l’accrétion de glace en vol, ce qui constitue un domaine de recherche actif et crucial pour l’aviation. Le passage à des modèles tridimensionnels a permis de simuler la forme de glaçons et a contribué à la validation expérimentale de ces prévisions. Les résultats ont montré que la forme des glaçons dans les simulations était cohérente avec les observations réelles, bien que des ajustements supplémentaires, comme la prise en compte des effets de la tension superficielle, soient nécessaires.

Le succès de ces modèles dans les conditions contrôlées en laboratoire ouvre la voie à des applications en environnement réel, notamment pour prédire l’accrétion de glace sur les surfaces en vol. Ces progrès dans la modélisation sont essentiels pour comprendre et prévenir les risques liés à l’accumulation de glace sur les aéronefs, un enjeu de sécurité majeur pour le transport aérien.