Dans un contexte de transition énergétique, un des enjeux cruciaux est la décarbonation, un défi global visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre pour limiter le réchauffement climatique. Cela nécessite une réévaluation des technologies existantes et émergentes, notamment dans le domaine de la production d'énergie. Les turbines à gaz, en particulier, jouent un rôle central dans cette transition. Cette technologie, malgré son omniprésence, n'est pas à l'abri des critiques, surtout en ce qui concerne son empreinte carbone. Toutefois, elle demeure un acteur incontournable dans la production d'énergie, notamment dans les cycles combinés, où l'efficacité thermique et la réduction des émissions sont des priorités.

Les turbines à gaz actuelles (technologies de niveau TRL 9) forment l'ossature des centrales électriques modernes. Leur efficacité est mesurée à l'aide de la thermodynamique, en particulier par la deuxième loi de la thermodynamique, qui permet de quantifier leur performance en fonction des principes de conservation de l'énergie. Cependant, malgré les avancées techniques, l'acceptabilité de ces technologies, notamment en termes de fiabilité, d’accessibilité et de maintenance (RAM), reste un sujet de débat. La durabilité et la réduction des coûts d’exploitation sont au cœur des discussions, notamment face à des technologies alternatives qui émergent.

Les technologies plus récentes, souvent au stade TRL 6 ou inférieur, suscitent également un grand intérêt, bien qu'elles soient souvent surévaluées. Les moteurs à détonation pulsée, par exemple, sont considérés comme une alternative potentielle pour augmenter l'efficacité des cycles thermiques. Toutefois, leur développement reste expérimental et, dans une large mesure, théorique. Il est donc primordial de ne pas se laisser séduire par l'optimisme technologique, sans une évaluation rigoureuse des rendements et des impacts environnementaux.

Les solutions basées sur l’hydrogène, en tant que vecteur énergétique, sont également très médiatisées. Ce gaz, qui présente l'avantage de ne pas émettre de dioxyde de carbone lors de sa combustion, est perçu comme un chevalier blanc pour les technologies décarbonées. Cependant, la production d'hydrogène demeure énergivore et dépendante des sources d’énergie utilisées, ce qui en limite actuellement l’efficacité dans une perspective de décarbonation à grande échelle.

Les technologies liées à la capture et au stockage du carbone, qu'elles soient pré ou post-combustion, constituent une autre voie pour limiter les émissions des centrales à combustibles fossiles. Ces systèmes, bien que prometteurs, sont souvent critiqués pour leur coût élevé et leur faible efficacité dans les scénarios à grande échelle. Toutefois, ils représentent une opportunité pour prolonger la vie des infrastructures existantes, tout en contribuant à la réduction globale des émissions.

En dehors des technologies de combustion, des solutions telles que les systèmes de stockage d'énergie et les centrales solaires thermiques (CSP) demeurent pertinentes, bien qu'elles aient été confrontées à des défis commerciaux et techniques dans le passé. La combinaison de ces technologies avec les turbines à gaz pourrait offrir des solutions hybrides permettant de maximiser l'efficacité énergétique tout en réduisant les émissions.

Les perspectives offertes par les turbines à gaz ne peuvent toutefois pas se limiter à une simple augmentation de l’efficacité. Il est également essentiel de comprendre les enjeux économiques et sociétaux qui en découlent. Par exemple, la transition vers une énergie décarbonée implique une réorientation vers des énergies renouvelables, comme l'éolien et le solaire photovoltaïque, qui, bien que dominantes dans la réduction des émissions mondiales, ne participent pas directement aux mécanismes de combustion ou de conversion thermique. Les débats sur ces technologies devraient ainsi être approfondis afin d’évaluer leur complémentarité avec des technologies plus anciennes ou émergentes.

Dans cette optique, les politiques internationales, telles que l'Accord de Paris, imposent des objectifs ambitieux, mais la mise en œuvre de ces engagements est loin d'être simple. La décarbonation, pour être effective, nécessite une transformation profonde du secteur énergétique, tout en prenant en compte les réalités géopolitiques, économiques et technologiques des différents pays. Si l’on considère la lente progression des contributions nationales, il devient évident que la recherche de solutions technologiques n’est pas suffisante à elle seule. Une approche holistique, alliant innovation technologique et engagement politique, est indispensable.

Quelles sont les technologies et les défis de l'électrolyse de l'eau pour la production d'hydrogène ?

L'électrolyse de l'eau, un procédé électrochimique utilisé pour produire de l'hydrogène, se heurte à des défis technologiques et économiques complexes, en particulier lorsqu'il s'agit de le rendre viable à grande échelle pour des applications industrielles ou énergétiques. L'une des principales limitations de l'électrolyse traditionnelle est l'énorme consommation d'énergie et de ressources nécessaires pour produire de l'hydrogène à partir de l'eau.

L'électrolyse fonctionne en utilisant un courant électrique pour séparer l'eau (H₂O) en hydrogène (H₂) et en oxygène (O₂), une réaction non spontanée qui nécessite un apport d'énergie externe. Cette réaction peut être représentée par l'équation suivante :
H2O(l)H2(g)+0.5O2(g)\text{H}_2\text{O} (l) \rightarrow \text{H}_2(g) + 0.5 \, \text{O}_2(g)

Si le processus se déroule dans des conditions standard (298,15 K, 25°C et une pression de 1 bar), l'énergie libre de Gibbs pour la réaction est de 237,24 kJ/mol d'eau, et l'enthalpie de la réaction est de 285,83 kJ/mol. Le processus d'électrolyse nécessite donc une énergie minimale de 237,1 kJ/mol pour produire 1 kmol d'hydrogène, soit environ 33 kWh par kilogramme d'hydrogène.

Cependant, cette quantité d'énergie théorique est rarement atteinte dans la pratique. En effet, les électrolyseurs actuels, qu'ils soient à membrane échangeuse de protons (PEM), alcalins (ALK) ou à oxyde solide (SOE), n'ont pas encore atteint un rendement énergétique optimal. Par exemple, les électrolyseurs ALK, utilisés depuis près d'un siècle, présentent un rendement de 65 % en 2017, et on s'attend à ce que ce rendement atteigne 68 % d'ici 2025. En revanche, les électrolyseurs PEM, bien que plus récents et plus flexibles, connaissent une efficacité énergétique plus faible, avec un rendement projeté de 64 % en 2025.

Un autre facteur limitant est la consommation d'eau, qui est une ressource déjà sous pression dans de nombreuses régions. Produire de l'hydrogène à partir de l'eau nécessite environ 50 000 gallons d'eau par heure pour une turbine à gaz de capacité moyenne. Cette consommation d'eau combinée à la demande d'énergie a des implications environnementales importantes, notamment en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre (NOx, SOx, CO₂, etc.), si l'hydrogène est produit à partir d'énergies fossiles.

Une alternative souvent citée dans le contexte des énergies renouvelables est l'utilisation d'électricité produite par des sources comme l'énergie solaire et éolienne pour alimenter les électrolyseurs. L'idée de « power-to-hydrogen » repose sur cette approche : utiliser l'excédent d'électricité « gratuite » générée par des sources renouvelables non dispatchables (comme l'éolien ou le solaire) pour produire de l'hydrogène, qui peut ensuite être stocké et utilisé lorsque la demande énergétique est plus élevée. Bien que cette méthode soit prometteuse, elle n'est pas sans défis : les batteries au lithium-ion, bien que couramment utilisées, présentent des limites en termes de coût, de capacité et de durée de vie.

Le rôle de l'électrolyse dans la transition énergétique future est crucial, mais il existe plusieurs défis à surmonter pour rendre cette technologie économiquement viable à grande échelle. Les progrès technologiques dans les électrolyseurs PEM et ALK, notamment en termes de réduction des coûts du capital (CAPEX) et des coûts opérationnels (OPEX), joueront un rôle clé dans l'avenir de cette technologie. Par ailleurs, il sera essentiel de trouver des solutions pour la gestion de la consommation d'eau et des émissions associées à la production d'hydrogène.

Dans le contexte de la transition énergétique, il est important de comprendre que l'électrolyse de l'eau, bien qu'elle représente une avancée technologique prometteuse pour la production d'hydrogène vert, nécessite un soutien stratégique pour surmonter les obstacles liés à son efficacité et à son coût. De plus, l'électrolyse, même lorsqu'elle est alimentée par des sources d'énergie renouvelables, doit être pensée dans le cadre d'un système énergétique global qui inclut une gestion intelligente de la production, du stockage et de la distribution de l'hydrogène.

Comment évaluer l'empreinte carbone de l'hydrogène produit par reformage du méthane avec capture du carbone ?

La production d'hydrogène par reformage du méthane avec capture du carbone (SMR-CCS) soulève d'importantes questions sur l'impact environnemental de cette technologie. Bien qu'elle soit perçue comme une solution intermédiaire pour décarboner les secteurs énergétiques, sa mise en œuvre reste source de débats en raison de ses émissions de CO2 et des coûts associés à la capture et au stockage du carbone. Le reformage du méthane est un procédé chimique qui produit de l'hydrogène à partir de méthane en présence de vapeur d'eau, mais il génère également d'importantes quantités de CO2, dont une partie doit être capturée et stockée pour limiter l'impact environnemental. Cela soulève immédiatement la question de savoir dans quelle mesure cette technologie contribue réellement à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Prenons l'exemple d'une turbine à gaz de 300 MWe utilisant de l'hydrogène produit par SMR avec capture du carbone. Chaque kilogramme d'hydrogène produit par cette méthode génère environ 5,5 kg de CO2, selon la formule chimique théorique. Cependant, dans une installation de SMR réelle, il faut également tenir compte de la combustion du carburant dans le réformeur, ce qui augmente le ratio CO2/H2 à environ 9,2. Sur cette base, l'utilisation de SMR pour alimenter le brûleur de cette turbine à gaz génère environ 200 000 kg/h de CO2, soit environ 1,6 million de tonnes par an (en supposant 8 000 heures de fonctionnement annuelles). Pour une turbine à gaz fonctionnant en cycle simple, cela correspond à environ 675 kg/MWh (environ 1 500 lb/MWh) d'émissions de CO2. En mode cycle combiné, les émissions de CO2 diminuent d'environ 50 %, soit environ 450 kg/MWh.

Si l'on compare ces chiffres à ceux des émissions moyennes de CO2 provenant de la production d'électricité à partir de gaz naturel aux États-Unis, les émissions moyennes étaient d'environ 400 kg/MWh en 2015, et pour les turbines à gaz les plus avancées de classe H ou J avec une efficacité nette de 60-61 %, les émissions sont autour de 330 kg/MWh. Ainsi, à environ 450 kg/MWh, les émissions de CO2 du SMR sont environ 35 % plus élevées que celles des centrales à cycle combiné au gaz naturel, sur la base des technologies comparables.

En matière de coûts de capture du carbone, les techniques de capture utilisées dans les raffineries de SMR avec capture du carbone (CCS) sont généralement moins chères que la capture post-combustion dans les centrales électriques à cycle combiné au gaz naturel. Les coûts sont environ 30 % moins élevés par tonne de CO2 capturée. Ainsi, en combinant les deux réductions de coûts, l'hydrogène produit par SMR avec capture du carbone pourrait devenir compétitif avec la capture du carbone post-combustion dans les centrales électriques.

Cependant, il est important de noter que ces calculs ne tiennent pas compte de l'investissement en capital nécessaire pour construire les installations de SMR et les pipelines nécessaires pour fournir de l'hydrogène aux centrales électriques à cycle combiné. Une étude réalisée en 2017 a estimé que l'investissement en capital pour une installation SMR avec capture du carbone de 90 % était de 3 000 $ par Nm3/h d'hydrogène, soit environ 750 millions de dollars pour une turbine à gaz de 750 MWth utilisant de l'hydrogène comme carburant. En comparaison, une centrale à cycle combiné de 450 MWe coûte environ 300 millions de dollars. En d'autres termes, le coût total d'une centrale GTCC équipée de SMR et de capture du carbone est d'environ 1 milliard de dollars, soit 200 % de plus que pour une centrale GTCC sans capture du carbone.

Le reformage autotherme (ATR), une méthode alternative de production d'hydrogène, combine le reformage à la vapeur (réaction endothermique) avec l'oxydation partielle (réaction exothermique). Cette approche a l'avantage de réduire la consommation d'énergie nécessaire pour les processus de reformage, tout en contribuant également à la production d'hydrogène de manière plus efficace. Cependant, son efficacité reste inférieure à celle d'autres technologies en termes de réduction des émissions de CO2, bien qu'il offre une alternative intéressante à l'hydrogène produit par SMR classique dans certaines situations.

Pour le lecteur, il est crucial de comprendre que, bien que l'hydrogène produit par SMR avec capture du carbone soit une étape importante vers la décarbonisation, son efficacité dépend largement de plusieurs facteurs, notamment la technologie de capture du carbone utilisée, les coûts d'infrastructure, et la manière dont cet hydrogène est intégré dans des systèmes énergétiques plus larges. Le choix entre le reformage du méthane avec ou sans capture du carbone et d'autres technologies de production d'hydrogène dépendra non seulement des considérations économiques, mais aussi des objectifs spécifiques de réduction des émissions de CO2 et des besoins énergétiques des industries concernées.