Le processus de déshumanisation qui marque la montée du fascisme commence par la désignation de l'autre comme un objet jetable, avant de s’étendre à l’attaque des idées, à l’autodafé des livres, à la disparition des intellectuels, puis à l’émergence d’un état carcéral, avec les horreurs des prisons et des camps de détention. Comme le suggère l'éducateur Jon Nixon, la pédagogie « nous offre un espace protégé dans lequel penser contre le courant de l'opinion reçue : un espace pour remettre en question et défier, pour imaginer le monde sous des angles et perspectives différents, pour réfléchir à nous-mêmes en relation avec les autres et, ce faisant, comprendre ce que signifie ‘assumer des responsabilités’ ». Cette pensée critique est d’autant plus nécessaire à l’heure actuelle, notamment pour les éducateurs, qui doivent défendre les sphères publiques d'éducation comme des espaces démocratiques. Il est crucial de soutenir l'enseignement de l'histoire comme un espace protégé où les étudiants apprennent à penser contre le courant, à rendre les puissants responsables, à embrasser un sens de citoyenneté et de courage civique. Cela implique de leur enseigner à « découvrir le monde au-delà des limites de leur ville natale, et à comprendre où ils pourraient s'intégrer ».

Dans un monde où tout est désormais soumis à la logique du marché, transformé en ce que les auteurs Michael Silk et David Andrews appellent « des espaces spectaculaires de consommation », et assujetti aux aléas de l’état militaire et sécuritaire, il ne faut pas oublier l’ascension d’une politique fasciste fondée sur l’ultranationalisme, le racisme et un populisme apocalyptique. L’un des effets les plus marquants de cette évolution est l’apparition d’une « société éviscérée », comme la décrit le regretté historien Tony Judt : « une société dépouillée du réseau dense d’obligations mutuelles et de responsabilités sociales que l’on trouve dans toute démocratie viable ». Cette réalité sombre est aussi qualifiée de « socialité ratée » – un échec de l’imagination civique, de la volonté politique et des promesses d’une démocratie radicale. Ce phénomène fait partie d’une politique qui dépouille la société de toute idée démocratique.

Le langage de la politique fasciste s’infiltre insidieusement dans la culture, et la présidence de Trump en a été l’une des expressions les plus symptomatiques, signifiant la longue déclin de la démocratie libérale aux États-Unis, transformée en une oligarchie politique et économique corrompue. Ce phénomène a été alimenté par une culture spectaculaire de mensonges, d’ignorance, de corruption et de violence, façonnée par des orthodoxies telles que le conservatisme social, le fondamentalisme du marché, le nationalisme apocalyptique, l'extrémisme religieux et le racisme systémique, toutes présentes au sommet des pouvoirs. La mémoire historique et le témoignage moral ont été remplacés par une notion bancale de nostalgie, ancrée dans une vision suprémaciste blanche, exaltant les moments les plus régressifs de l’histoire des États-Unis. Des fantasmes de contrôle absolu, de purification raciale, de militarisme débridé et de guerre des classes sont devenus des éléments fondamentaux d'un ordre social américain devenu létal. Cette réalité se manifestait par la militarisation des écoles et des espaces publics, ainsi que par la centralité d'une culture de la guerre en tant que mode de gouvernance organisé.

Cette vision dystopique de la société est marquée par des mots vides, une imagination pillée de toute signification substantielle, purgée de compassion, et utilisée pour légitimer l’idée que des mondes alternatifs ne sont pas envisageables. Ce que nous avons observé, c'est l'abandon des institutions démocratiques, aussi imparfaites soient-elles, accompagné d'une attaque en règle contre la dissidence, le raisonnement réfléchi et l’imagination sociale. Trump a dégradé la présidence en normalisant l’impensable, légitimant l’inexcusable et défendant l’indéfendable. Dans ces conditions, les États-Unis ont glissé dans les ombres sombres d’un présent marqué par une ressemblance inquiétante avec une époque antérieure de fascisme, avec son langage de purification raciale, son aversion de la dissidence, sa violence systémique, son intolérance, et la glorification par l’administration Trump de solutions violentes et agressives aux problèmes sociaux complexes.

Le langage de Trump, comme celui des régimes fascistes précédents, a mutilé la politique contemporaine, dédaignant l'empathie et la critique morale et politique sérieuse, rendant plus difficile la contestation des relations de pouvoir dominantes. Sa langue brutale et capricieuse a alimenté la rhétorique d’une culture de guerre, d’une masculinité surchargée, de la montée des anti-intellectuels publics et d’un suprématisme blanc renaissant. La corruption du langage est souvent suivie de la dégradation de la mémoire, de la morale et de la disparition éventuelle des livres, des idées et des êtres humains. Le langage de la disparition, de la déshumanisation et de la censure de Trump a résonné comme un écho du barbarisme d’une époque révolue, niant et effaçant l’histoire.

Il est important de comprendre que cette dynamique n’est pas le simple fait d’un individu ou d’un moment précis de l’histoire. Le langage de valeurs nationalistes et suprémacistes blanches, caractéristiques du fascisme naissant, couvait depuis un certain temps aux États-Unis. Ce langage est confortablement imprégné de la vision du monde comme une zone de combat, un monde conçu pour être pillé, et où ceux jugés différents en raison de leur classe, de leur race, de leur origine ethnique, de leur religion ou de leur orientation sexuelle sont vus comme des menaces à craindre, voire à éliminer. L’usage de la rhétorique dégradante par Trump, qui qualifiait les immigrants sans papiers de criminels, de violeurs et de trafiquants de drogue, a eu pour effet de concrétiser cette idéologie en politiques qui déchiraient les enfants des bras de leurs mères, mettaient en péril la vie des immigrants et imposaient des pratiques cruelles et inhumaines qui attaquaient les corps, les esprits et les droits humains fondamentaux.

Lorsque Trump qualifiait les manifestants pacifiques de « voyous » et ses critiques de « non-patriotes », il utilisait un code pour légitimer le déchaînement de sa milice personnelle, qui, vêtue d’uniformes militaires, attaquait, enlevait et arrêtait illégalement des manifestants dans plusieurs villes américaines. L’approfondissement de cette politique fasciste ne se limite pas à Trump, mais s’inscrit dans un mouvement plus large de réorganisation autoritaire. La montée d’un fascisme moderne, teinté de xénophobie et de violence d’État, peut être mieux comprise dans le contexte d’un rejet systématique de l’histoire et de la mémoire. L’atténuation de ces dynamiques est essentielle pour comprendre où se situe réellement la frontière entre une démocratie et un système autoritaire, et pour quel prix nous risquons de perdre l’espace même où l’on peut encore envisager un monde plus juste.

Comment le discours de Trump a transformé la politique et les rapports sociaux : une analyse du langage comme outil de domination

Le rôle du discours dans la formation des rapports de pouvoir sous l'administration Trump est crucial pour comprendre l'ampleur de son impact politique et social. Trump a su utiliser la politique de l'oubli et la manipulation de la mémoire collective à travers des machines de désimagination pour renforcer ses visions autoritaires et racistes, jusqu'à les rendre non seulement réelles, mais « grotesquement normales ». Le racisme et la haine, une fois transformés en une forme de langage accessible et omniprésente, ont permis de déstabiliser les consciences historiques et d'éroder la mémoire collective, donnant ainsi naissance à un nouveau type de pédagogie pandémique.

Les « machines de désimagination », en grande partie contrôlées par des entreprises, ont servi de vecteurs pour alimenter un univers parallèle, gouverné par Twitter, où la violence verbale, l’humiliation publique et l’isolement des problèmes sociaux étaient le quotidien. Ces structures médiatiques ont amplifié un phénomène de spectacle, normalisant la guerre en tant que relation sociale permanente et organisant la société autour de la domination, du contrôle et de la répression. En dépit des critiques venant de la presse libérale, les chaînes médiatiques ont souvent contribué à l’effet spectacle, transformant la politique en un théâtre où la vérité n’avait plus sa place.

Trump a ainsi instauré une forme de politique où la guerre n’était pas un événement isolé, mais un principe organisateur de toute la vie sociale et politique. Dans ce contexte, le militaire, la répression étatique et la désinformation sont devenus des instruments qui ont redéfini les rapports sociaux et les institutions démocratiques. L'obsession de Trump pour la guerre, son discours de division et de stigmatisation, ont utilisé les médias pour construire une sphère d’écho de haine où chaque dissident était étiqueté comme un ennemi de l'État. La brutalité de ce système résidait dans sa capacité à effacer la distinction entre faits et fiction, entre vérité et mensonge, exploitant les médias numériques pour propager une vision autoritaire.

Le processus de militarisation de la culture et de la société n’a pas seulement été une caractéristique des États-Unis sous Trump, mais il a également trouvé des échos dans de nombreux pays à travers le monde, tels que le Brésil, la Chine, la Turquie et la Pologne. En période de pandémie, ces nations ont usé des mêmes pratiques : surveillance numérique, répression des dissidents, violences policières et guerre contre les ennemis politiques. Ce phénomène témoigne d'une régression vers des formes de politique fasciste, où la loi constitutionnelle est constamment attaquée et où les idéologies de haine, de nationalisme et de répression étatique s’imposent comme des normes.

Ce délitement des valeurs démocratiques est aussi le produit d’un « oubli » collectif, d’une amnésie qui empêche les sociétés de se souvenir des leçons tragiques du passé. L'oubli n'est pas une simple absence de mémoire ; il constitue une forme de violence en soi, une manière de dépolitiser les masses et d'empêcher l'émergence d'un discours critique capable de remettre en cause les fondements de ce nouvel ordre. L'absence de réflexion critique sur l’histoire permet ainsi la montée d’une nouvelle forme de suprémacisme blanc, comme le montre l'ascension de figures comme Stephen Miller, un conseiller de Trump, dont les vues nationalistes et racistes ont guidé nombre de ses politiques migratoires. Miller, dont les emails ont révélé une obsession pour les symboles confédérés et pour des théories du complot racistes, est un exemple parmi d’autres d’un système où l’autorité politique n’hésite plus à embrasser la haine comme moteur de sa stratégie.

L’histoire, cependant, ne doit pas être vue uniquement comme un champ de réflexion intellectuelle. Elle doit être perçue comme une arme permettant de lutter contre les forces de répression et de domination qui se nourrissent de l’ignorance collective. Dans ce contexte, la crise politique provoquée par Trump nous invite à redéfinir nos rapports au passé et à réactiver une mémoire qui non seulement préserve notre héritage démocratique, mais aussi empêche la résurgence de formes de gouvernance autoritaires. Cette résistance à l'oubli est indispensable pour maintenir vivante la possibilité d’une société réellement démocratique et égalitaire.

Comment le néolibéralisme façonne la pandémie et les inégalités raciales : un regard critique sur les structures sociales et économiques

Le néolibéralisme, avec ses principes de libre marché et d'individualisme excessif, a révélé sa véritable nature au cœur de la pandémie de Covid-19. Ce système, qui a étendu ses racines profondes dans les sociétés occidentales, notamment aux États-Unis, s'est avéré incapable de protéger les plus vulnérables de ses propres inégalités structurelles. Le choc de la pandémie a révélé de manière frappante des réalités sociales de plus en plus invisibilisées. Le pays a vu une fracture évidente entre une petite élite privilégiée et des masses de travailleurs précaires, souvent sans sécurité sociale, vivant dans des conditions d'incertitude et de précarité économique. Par exemple, 34 millions de travailleurs américains ne bénéficient d'aucun jour de congé maladie payé, 30 millions n'ont pas d'assurance santé et environ 550 000 vivent dans la rue, dans une situation de dénuement extrême. Cette fracture économique et sociale est d'autant plus dramatique quand on considère qu'une proportion significative de la population peine à payer ses factures mensuelles et serait incapable de couvrir une dépense imprévu de 400 dollars. La pandémie a donc mis en évidence que le néolibéralisme n'avait plus la capacité de faire disparaître les questions de classe et de racisme, comme il l'avait prétendu à travers ses discours normalisateurs, souvent relayés par les médias conservateurs.

La pandémie de Covid-19 a démontré une autre facette cruelle du néolibéralisme : la montée d'un État carcéral racialement biaisé, qui abrite la plus grande population carcérale du monde. Aux États-Unis, où la population pénitentiaire représente 21 % de la population carcérale mondiale, les prisons sont devenues des foyers de contagion, particulièrement pour les personnes racisées. À Marion, dans l'Ohio, 78 % de la population carcérale était testée positive au Covid-19, un exemple criant de l'ampleur du problème. Cette situation n'est pas seulement un échec du système de santé, mais aussi le reflet d'une inhumanité systémique où la vie humaine, en particulier celle des plus marginalisés, ne semble plus avoir de valeur.

Le néolibéralisme, dans son application la plus brutale, fonctionne comme une machine à exploiter et à déshumaniser. Le système capitaliste, dans sa logique de marché, non seulement aggrave les inégalités économiques, mais se fait aussi le promoteur d'un isolement social qui exacerbe les tensions raciales et les fractures sociales. Dans ce contexte, l’individualisme est perçu comme une vertu, et les vies des plus vulnérables sont sacrifiées sur l'autel de l'économie. Cette logique implacable a pris des dimensions quasi fascistes, où la survie de l'économie semble plus importante que celle des êtres humains. Selon certains analystes, ce phénomène s'apparente à une forme de nettoyage racial et social déguisé en pragmatisme économique. Les plus vulnérables, qu'ils soient âgés, malades ou sans-abri, sont considérés comme des « héros invisibles » appelés à se sacrifier pour sauver une économie malade. Cela rappelle inévitablement les idéologies eugénistes du passé.

Le néolibéralisme a également contribué à créer une vision dépoliticisée et déshumanisante du monde, où la solidarité sociale, les responsabilités collectives et les liens sociaux ont été détruits au nom d'un individualisme forcené. Ce système ne reconnaît plus la manière dont nos vies sont interconnectées. Dans le contexte de la pandémie, une telle approche a montré ses limites. Des groupes sociaux, notamment les Noirs, les Latinos, les personnes âgées, et les précaires, ont été particulièrement touchés. Ces populations, déjà marginalisées, ont été systématiquement abandonnées dans des structures de soins et de vie en communauté saturées et négligées. Ce sont ces mêmes groupes qui, dans une logique capitaliste, sont perçus comme "expendables" ou "jetables" lorsqu'il s'agit de maintenir l’économie à flot. Ainsi, la logique de sacrifice des plus vulnérables dans l'intérêt de la préservation du système économique rappelle de plus en plus les pratiques inhumaines d'un passé marqué par le racisme institutionnel.

Dans cette atmosphère de chaos et de souffrance, une prise de conscience a commencé à émerger, notamment grâce aux manifestations contre la brutalité policière et le racisme systémique. Ces événements ont révélé une vérité incontournable : la seule manière de survivre dans un avenir incertain est de renouer avec des formes de solidarité sociale nouvelle, fondées sur la compassion, la responsabilité partagée, et une confiance mutuelle. C'est à travers ce type de solidarité que l'humanité pourrait espérer se transformer. Le seul espoir face à la crise actuelle réside dans la capacité des individus à se réinventer collectivement, à dépasser l'individualisme et à se reconstruire autour de valeurs humaines fondamentales telles que la justice sociale, la dignité et la responsabilité commune.

La crise sanitaire a mis en lumière la manière dont les systèmes économiques et politiques sont interconnectés, et comment les structures de pouvoir existantes ont érodé les fondements mêmes de la démocratie et du bien-être collectif. La pandémie a non seulement agi comme un révélateur de l'état des sociétés modernes, mais elle a également souligné la nécessité urgente de remettre en question les fondations néolibérales et de construire une nouvelle vision du monde, fondée sur des principes de solidarité, de justice et de respect des droits humains.

La manipulation des informations en période de crise : quel rôle jouent les médias et les dirigeants politiques ?

La crise du COVID-19 a non seulement bouleversé l'ordre mondial, mais a également mis en lumière les tensions croissantes entre les pouvoirs politiques, les médias et la société civile. En particulier, l'utilisation stratégique des informations en période de pandémie a révélé les mécanismes de contrôle et de manipulation mis en place par des gouvernements et des dirigeants politiques pour façonner l'opinion publique et maintenir leur pouvoir. Les débats sur la gestion de la crise ont été accompagnés de stratégies discursives visant à minimiser la gravité de la situation, à détourner les critiques et à gérer les narratifs qui touchent à des enjeux politiques cruciaux.

Les dirigeants politiques, comme le président américain Donald Trump, ont été particulièrement actifs dans l’orientation du discours public autour de la pandémie. Utilisant une rhétorique agressive, Trump a cherché à réduire la pandémie à une simple question de gestion économique, parfois au détriment de la réalité scientifique et des recommandations des experts. L'idée de "normaliser" les décès dus au virus a été avancée comme une manière de minimiser l'impact de la crise, un message qui a trouvé une résonance particulière parmi ses partisans, tout en exacerbant les divisions idéologiques au sein de la société américaine.

Dans le même temps, les médias, tant traditionnels que numériques, ont été soumis à une pression intense. L'accusation de "fausses informations" et la désignation des médias comme « ennemis du peuple », un terme fréquemment utilisé par l'administration Trump, ont créé un environnement où la confiance dans les sources d'informations fiables s'est érodée. Les journalistes se sont retrouvés pris entre deux feux : d’une part, la nécessité d'informer correctement le public sur les risques sanitaires, et d’autre part, l'attaque constante des figures politiques qui cherchaient à minimiser l'ampleur de la crise pour protéger leur image. Ce phénomène a aussi été exacerbé par l'essor des médias sociaux, qui, tout en démocratisant l'accès à l'information, ont également amplifié la désinformation.

Il est essentiel de comprendre que la gestion de l'information en période de crise est intrinsèquement liée à des enjeux politiques et sociaux. Les politiques de santé publique, par exemple, sont souvent influencées par des décisions qui dépassent la simple efficacité scientifique. La crise du COVID-19 n’a pas seulement été une crise sanitaire, mais aussi une crise de gouvernance. La manière dont les dirigeants ont choisi de gérer la communication autour du virus a non seulement affecté la réponse immédiate à la pandémie, mais a aussi façonné les perceptions de la crise à long terme. Il en va de même pour la gestion de l'opinion publique : les appels à l'unité nationale ont souvent été utilisés pour justifier des mesures autoritaires, parfois en contradiction avec les principes démocratiques et les droits civiques.

Le rôle de l’opinion publique dans ce contexte est également crucial. Une population divisée et confuse est beaucoup plus facile à manipuler, car elle est moins encline à remettre en question les discours officiels. Cela souligne l'importance d'une éducation médiatique renforcée et d'une vigilance constante vis-à-vis des informations diffusées. L'intégrité de la presse et des institutions publiques doit être préservée, non seulement pour garantir une information correcte pendant les crises, mais aussi pour maintenir la démocratie elle-même.

Les discussions autour de la crise sanitaire ont également révélé les fractures sociales et raciales profondes au sein des sociétés occidentales. Les communautés marginalisées, souvent les plus touchées par la pandémie, ont vu leurs voix étouffées par un discours politique dominant qui a privilégié la "normalisation" de la crise au détriment de solutions inclusives. Cette situation a été exacerbée par un manque d'accès aux soins de santé et par une couverture médiatique inégale des conséquences de la pandémie sur les groupes vulnérables.

Dans le même temps, la réponse des gouvernements a été critiquée par ceux qui appelaient à un réajustement des priorités, pointant du doigt les dépenses militaires et l'engagement dans des conflits extérieurs alors que des millions de personnes se retrouvaient dans la précarité sanitaire. Le contraste entre la priorité donnée à la guerre et à la défense nationale et l'insuffisance des réponses sociales internes a renforcé le sentiment que la pandémie était utilisée comme un prétexte pour dissimuler des politiques plus globales, moins centrées sur le bien-être de la population.

Ce contexte montre que la pandémie du COVID-19 a été bien plus qu'une simple crise sanitaire ; elle a été un révélateur des tensions politiques, économiques et sociales mondiales. La gestion de l'information et la manipulation des discours politiques ont joué un rôle central dans la manière dont cette crise a été perçue et gérée. Les débats sur la pandémie sont à la fois des débats sur la crise de la démocratie, sur la vérité, sur l'accès à l'information et sur les valeurs fondamentales qui régissent nos sociétés.

La gestion de la pandémie de Covid-19 aux États-Unis : l'exemple de l'administration Trump et ses conséquences sociales

L'une des images les plus frappantes de la gestion de la pandémie de Covid-19 sous l'administration Trump est celle d'un rassemblement politique où les participants étaient invités à "absolvoir la campagne du président de toute responsabilité" en cas de contamination. Cet événement, surnommé "Covidfest 2020" par un journaliste, a attiré plus de 6000 personnes, dont beaucoup refusaient de porter des masques ou de respecter la distanciation sociale. Ce rassemblement ne représente pas uniquement une manifestation d'incapacité gouvernementale ou un déni flagrant de la sécurité publique de la part des participants ; il incarne aussi le portrait d'un pays devenu un État défaillant.

L’idée d'un « État défaillant » appliqué aux États-Unis sous la présidence de Trump trouve des racines dans une analyse sociale plus large. Comme l’affirme Pankaj Mishra, les États-Unis sont plongés dans une crise profonde, marquée par la déindustrialisation, le travail à bas salaire, le chômage caché, l'incarcération de masse et un système de santé fragilisé. Ces problèmes ont révélé un État absent depuis des décennies, laissant le marché assumer des responsabilités que la plupart des sociétés attribuent traditionnellement au gouvernement, comme la santé, les retraites, l’éducation, les services sociaux et l'incarcération.

Sous Trump, cet État défaillant a eu des conséquences dramatiques pour la population. L’administration a sacrifié des vies humaines au nom de la déréglementation, de la réduction des impôts pour les plus riches et du démantèlement des protections sociales. Le refus de Trump de reconnaître la gravité de la pandémie et sa décision d'organiser des rassemblements politiques en pleine crise sanitaire ont exposé ses électeurs à des risques inutiles, tout en affirmant que la priorité était de créer un spectacle populaire pour renforcer ses chances de réélection. En refusant d'instaurer des mesures de distanciation sociale et en minimisant les dangers du virus, Trump a clairement montré que ses objectifs politiques et économiques étaient bien plus importants que la santé publique.

Ce manque de leadership a engendré une situation d'incompétence collective, où la gestion de la crise a été laissée à l'initiative des gouverneurs et des autorités locales. À cet égard, la politique de Trump a exacerbé les divisions sociales et économiques en opposant la nécessité de protéger la santé publique à la reprise économique. Ce faux dilemme a entraîné un échec flagrant de la part du gouvernement fédéral à fournir une réponse cohérente, laissant les citoyens choisir entre leur sécurité et leur subsistance. Ce manque d’action centralisée a alimenté une dynamique de souffrance généralisée et une mortalité exponentielle.

Le comportement de certains gouverneurs républicains, comme ceux de la Géorgie, de la Floride ou du Texas, qui ont ignoré les recommandations des experts en santé publique pour rouvrir prématurément leurs États, a aggravé la situation. Ces choix étaient souvent justifiés par des discours populistes et irresponsables, comme celui du lieutenant-gouverneur du Texas, qui affirmait que les personnes âgées devraient être prêtes à sacrifier leur vie pour le bien de l'économie. De telles déclarations reflètent une logique profondément cynique, où la vie humaine est réduite à un simple coût économique, une vision du monde proche de l’eugénisme et de la politique de la « sacrifiable ».

Les actions de Trump ont également permis de libérer un discours politique et moral hautement problématique. En encourageant des manifestations violentes et en incitant ses partisans à violer les mesures de confinement, Trump a exacerbé les tensions sociales, créant un climat de division et de confrontation. Il a non seulement minimisé l'ampleur de la pandémie, mais a également joué un rôle actif dans l’aggravation de la crise en refusant de fournir les ressources nécessaires aux gouverneurs ou aux autorités locales.

Le grand paradoxe de cette crise réside dans l’idée selon laquelle, dans une société civilisée, personne ne devrait avoir à choisir entre la survie économique et la protection de la santé publique. La pandémie aurait pu servir de catalyseur pour repenser la manière dont un gouvernement peut organiser la société en vue du bien-être collectif, mais Trump a choisi de s'en servir pour promouvoir une idéologie néolibérale cruelle, sans se soucier des vies humaines sacrifiées dans le processus.

Enfin, il est crucial de souligner que la pandémie a mis en lumière l’échec structurel d’un système qui a mis l’économie avant la vie humaine. En refusant d’instaurer un confinement national, en sabotant les efforts des autorités sanitaires et en dénigrant les experts, Trump a révélé non seulement son incapacité à gérer une crise sanitaire majeure, mais aussi sa volonté de se servir de cette crise pour renforcer ses propres intérêts politiques et économiques. Ce phénomène ne doit pas être interprété comme une simple erreur de gestion, mais comme le reflet d’une philosophie politique fondée sur l'individualisme et l'absence de solidarité sociale.