L'un des principaux défis auxquels sont confrontés les systèmes éducatifs de la Californie et du Mexique réside dans l'intégration des étudiants mexicains, en particulier ceux qui sont de retour d'outre-frontière. Les réformes récentes au Mexique, visant à simplifier l'inscription des étudiants étrangers, principalement les "retourneurs", sont un pas dans la bonne direction. Cependant, des rapports suggèrent que ces politiques ne sont pas toujours appliquées uniformément dans toutes les régions du pays, et la réalité sur le terrain reste complexe. En effet, bien que les écoles primaires et secondaires mexicaines soient désormais tenues d'accepter les étudiants, qu'ils soient ou non en possession de leurs papiers, il reste des obstacles significatifs à leur intégration.
Un problème majeur réside dans le fait que les enseignants ne sont pas formés pour répondre aux besoins des étudiants ayant des antécédents éducatifs différents. De nombreux étudiants qui arrivent de l'étranger, bien qu'ils soient souvent perçus comme des Mexicains par leur apparence, présentent des lacunes importantes en matière de compétences linguistiques, car ils n'ont pas appris à lire et à écrire en espagnol. Cette situation peut amener les enseignants à juger ces élèves comme étant "en retard" ou ayant des "troubles d'apprentissage", alors que leur difficulté réside principalement dans l'acquisition de la langue. Malheureusement, le système éducatif mexicain ne prévoit pas de cours de "l'espagnol comme langue seconde" ni de programmes d'orientation pour les nouveaux arrivants, ce qui rend l'intégration encore plus difficile pour les jeunes étudiants. Les exigences académiques sont souvent inadaptées aux réalités des élèves, qui doivent simultanément apprendre une nouvelle langue, comprendre un nouveau curriculum, et se conformer aux attentes académiques locales. Ces obstacles peuvent être décourageants pour les étudiants, qui risquent de se retrouver désavantagés dans leurs parcours scolaires.
Du côté de la Californie, la situation des étudiants d'origine latino-américaine est tout aussi préoccupante. Les données statistiques révèlent un écart inquiétant entre les performances des élèves blancs, asiatiques et latinos. En 2017, seulement 29 % des élèves latinos en quatrième année ont atteint ou dépassé les normes en mathématiques de l'État, comparativement à 57 % des élèves euro-américains et 74 % des élèves asiatiques. Cette disparité se renforce au fur et à mesure que les élèves avancent dans leur parcours scolaire, avec seulement 23 % des élèves latinos en huitième année atteignant les standards, contre 52 % des élèves blancs et 73 % des asiatiques. Ce retard dans les performances académiques se répercute sur le taux de diplomation. En effet, parmi les étudiants de Californie, seuls 80 % des latinos terminent leurs études secondaires, comparé à 94 % des asiatiques et 87 % des blancs. De plus, parmi ceux qui finissent leur secondaire, une proportion encore plus faible de latinos, seulement 42 %, obtient les crédits nécessaires pour entrer à l'université, ce qui met en lumière un écart énorme dans l'accès à l'enseignement supérieur.
Cette situation est particulièrement inquiétante étant donné que les latinos représentent la majorité de la population étudiante de l'État. En 2016, seulement 15 % des latinos de la région avaient obtenu un diplôme universitaire, contre 64 % des asiatiques et 47 % des blancs. Les économistes californiens prévoient une pénurie de plus d'un million de diplômés universitaires dans la prochaine décennie, ce qui entraînera un décalage considérable entre l'offre de main-d'œuvre qualifiée et les besoins économiques futurs de l'État. Cette réalité souligne les défis auxquels sont confrontés les étudiants d'origine mexicaine et les effets dévastateurs d'un sous-investissement dans leur éducation.
Face à ces défis, l'initiative de l'Université de Californie-Mexique, lancée en 2014 par Janet Napolitano, représente une tentative importante de renforcer la coopération entre les institutions académiques des deux pays. Cette initiative vise à favoriser la collaboration académique entre les universités mexicaines et californiennes, tout en adressant des problématiques communes comme l'énergie, la santé et, bien sûr, l'éducation. L'objectif de cette initiative est de soutenir non seulement l'échange académique, mais aussi de sensibiliser les sociétés civiles des deux nations à l'importance de ces liens transfrontaliers. En ce qui concerne spécifiquement l'éducation, l'une des priorités de cette initiative est de pallier les lacunes éducatives rencontrées par les étudiants mexicains aux États-Unis, en particulier ceux qui traversent la frontière pour étudier ou qui sont nés aux États-Unis mais retournent au Mexique après un séjour en Californie.
Il est impératif de comprendre que l'amélioration de la situation éducative des étudiants mexicains, tant au Mexique qu'aux États-Unis, nécessite une approche conjointe et coordonnée entre les deux pays. Une réforme du système éducatif mexicain, adaptée aux nouveaux défis de la migration, et une meilleure prise en charge des étudiants latinos aux États-Unis sont des étapes clés pour résoudre cette crise. L'intégration des étudiants migrants ne se limite pas à leur admission dans le système scolaire, mais inclut aussi des mesures concrètes de soutien linguistique, psychologique et pédagogique pour faciliter leur adaptation et leur réussite.
Les répercussions de cette problématique dépassent le cadre éducatif. Une génération d'étudiants mal préparés ne pourra pas répondre aux exigences du marché du travail, mettant en péril les économies de la Californie et du Mexique, qui dépendent de l'éducation de leurs jeunes générations pour prospérer.
Les transformations de la migration rurale et de la production agricole du Mexique vers les États-Unis depuis 2000
À partir de la seconde moitié des années 2000, le Mexique a connu des changements notables dans ses tendances migratoires rurales, sa production agricole, ses emplois et ses échanges commerciaux. Les estimations suggèrent une diminution de la population mexicaine née aux États-Unis, et peut-être même une migration nette proche de zéro (Massey 2012; Passel, Cohn, et Gonzalez-Barrera 2012). Ce changement va de pair avec une baisse de la migration rurale du Mexique vers les États-Unis (Taylor, Charlton, et Yúnez-Naude 2012; Charlton et Taylor 2016). Depuis 2005, le produit intérieur brut (PIB) agricole du Mexique a augmenté après des années de stagnation ou de déclin (figure 10.4), et la balance commerciale agricole est devenue positive en 2015 et 2016 (Yúnez-Naude 2018). Tandis que la production de maïs et l'emploi dans ce secteur ont augmenté, le nombre de travailleurs agricoles mexicains traversant la frontière vers les États-Unis a diminué.
L’explication de cette évolution de la migration rurale vers les États-Unis mérite d’être examinée de plus près. La réduction de la migration des travailleurs ruraux et agricoles vers les États-Unis coïncide avec une tendance générale à la baisse du nombre de Mexicains quittant leur pays pour rejoindre les États-Unis. En effet, des estimations montrent que la population mexicaine née aux États-Unis a diminué depuis 2010, atteignant environ 12 millions de personnes aujourd’hui, ce qui signifie que le nombre total d’immigrants mexicains reste relativement stable (Bancomer Foundation, BBVA Research, et CONAPO 2017; Passel, Cohn, et Gonzalez-Barrera 2012). Ce phénomène marque un changement notable dans une tendance observée au cours des quatre dernières décennies, ce qui a suscité de nombreux débats dans les cercles académiques et politiques. Les explications les plus souvent avancées comprennent le renforcement du contrôle des frontières, l'augmentation des déportations à partir de 2008, la hausse des coûts pour traverser la frontière et les difficultés accrues à trouver un emploi après la récession de 2008-2009.
Les données provenant de trois séries d'enquêtes auprès des ménages ruraux mexicains (2003, 2008 et 2011) et de l’évolution de l’emploi par secteur de destination au Mexique et aux États-Unis montrent que l'impact de la crise financière américaine sur la migration mexicaine a été temporaire. Les données révèlent également que les effets des contrôles aux frontières et des déportations ont été secondaires par rapport à d’autres phénomènes, comme les changements dans l’élasticité de l’offre de travail rural mexicain par rapport à la demande de travailleurs agricoles aux États-Unis et les changements démographiques dans les zones rurales du Mexique. De plus, ces dernières années, les travailleurs agricoles mexicains ont tendance à trouver un emploi au Mexique plutôt que de migrer vers les États-Unis (Taylor, Charlton, et Yúnez-Naude 2012; Charlton et Taylor 2016).
Il n’existe aucune preuve d'une simple relation entre la production de maïs ou le PIB agricole du Mexique et le flux de travailleurs agricoles à travers la frontière lorsqu'on examine l'ensemble de la période du traité de libre-échange nord-américain (ALENA). Si l’on ajoute à cela le fait qu’au cours de la même période, le PIB agricole du Mexique est positivement et significativement corrélé aux importations et exportations agricoles du Mexique, il est possible d’argumenter que, de 1995 à 2016, la migration rurale vers les États-Unis n’était pas directement liée à la production agricole, en particulier à la production de maïs, au Mexique. Au contraire, les échanges agricoles n’ont pas affecté négativement la croissance de ce secteur au Mexique. De plus, les données des dix dernières années montrent que les importations de maïs en provenance du Mexique sont restées élevées, tandis que le nombre de travailleurs migrants se dirigeant vers les États-Unis a diminué.
Malgré les incertitudes concernant les nouvelles restrictions possibles à la frontière entre les États-Unis et le Mexique et les résultats de l’approbation de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM), les tendances récentes au Mexique (augmentation de la production agricole, de l'emploi et des exportations de fruits et légumes) pourraient avoir des implications importantes dans divers secteurs économiques des deux pays. L'une d'entre elles serait que la demande de main-d'œuvre agricole des deux côtés de la frontière, couplée à une diminution de l’offre de travailleurs agricoles mexicains aux États-Unis, pourrait encourager l’emploi dans l’agriculture américaine de migrants en provenance d'autres pays, tels que le Salvador, le Guatemala et le Honduras (Taylor, Charlton, et Yúnez-Naude 2012; Peri 2016). Avec l’ACEUM, l'accès binationnal aux produits agricoles devrait être maintenu, comme c'était déjà le cas sous l’ALENA. Cependant, la restriction actuelle au Mexique concernant l'importation de semences génétiquement modifiées (OGM) pourrait entrer en conflit avec le chapitre 3 de l’ACEUM, « Agriculture », « Section A, Biotechnologie agricole » (ACEUM 2018). Selon l’ACEUM, l’importation d’OGM pourrait réduire davantage la biodiversité génétique du maïs qui a caractérisé la culture de ce produit par les petits agriculteurs dans plusieurs régions du Mexique (Dyer et al. 2014).
Le plus important, cependant, reste l’incertitude liée aux impacts à long terme des politiques migratoires et commerciales et à la manière dont elles pourraient influencer à la fois l’agriculture mexicaine et la migration rurale. Avec l'implémentation récente de l’ACEUM et l'impact de la pandémie de COVID-19 qui perturbe les économies mondiales, il est impossible de prédire avec certitude les conséquences sur le secteur agricole ou la migration de travailleurs. Toutefois, pour comprendre pleinement les dynamiques actuelles, il est essentiel d'examiner de près l'évolution des tendances migratoires et agricoles depuis la mise en place de l’ALENA, tout en tenant compte des développements économiques récents.
Comment le commerce et l’immigration mexicaine ont-ils influencé le soutien à Trump en 2016 ?
L’analyse des conditions économiques difficiles dans de nombreuses régions ayant voté pour Donald Trump révèle une réalité complexe, souvent occultée par une rhétorique nationaliste simplificatrice. Trump associe la diversité et la mondialisation à la dégradation économique, mais cette vision masque les dynamiques plus profondes du chômage élevé et des faibles revenus, en attribuant à tort ces difficultés au commerce et à l’immigration mexicaine. Notre étude se concentre non sur les perceptions ou les attitudes, mais sur les données réelles de commerce et d’immigration, un angle rarement exploré dans le contexte de l’élection présidentielle américaine de 2016.
Nous avons utilisé une méthodologie rigoureuse, combinant des données au niveau des comtés et des circonscriptions législatives avec des analyses individuelles tirées de l’enquête CCES. Pour mesurer l’exposition régionale au commerce avec le Mexique, nous avons adapté la méthode développée pour l’analyse du commerce sino-américain par Autor et ses collègues, en intégrant les importations mexicaines réparties selon les secteurs d’activité économique locaux. Parallèlement, l’immigration est quantifiée à travers la proportion de population née au Mexique selon les données du recensement de 2016.
Les résultats de nos modèles statistiques montrent que l’appui à Trump dans ces régions ne s’explique pas par une exposition plus importante au commerce ou à l’immigration mexicaine. Au contraire, les difficultés économiques, mesurées par le chômage, la pauvreté et les revenus médians, apparaissent comme des facteurs indépendants, souvent exacerbés par des conditions structurelles plus larges que le seul commerce international ou la présence d’immigrés. En fait, le discours populiste de Trump sur la menace mexicaine agit davantage comme un instrument politique pour canaliser le mécontentement économique, plutôt que comme un reflet des causes économiques réelles.
À l’échelle individuelle, l’analyse des comportements de vote parmi les électeurs blancs non hispaniques confirme que le vote pour Trump est davantage corrélé à des attitudes sur l’immigration et le commerce, indépendamment de l’exposition directe à ces phénomènes. Cela souligne le poids des perceptions et des constructions sociales dans le façonnement des préférences politiques, où les représentations symboliques surpassent souvent la réalité empirique.
Par ailleurs, l’examen des votes de 2018 indique un basculement notable de certains électeurs blancs ayant soutenu Trump en 2016 vers le parti démocrate, soulignant la volatilité des opinions en lien avec les évolutions politiques et les discours publics, notamment sur des thèmes comme le mur frontalier.
Il est essentiel de comprendre que les dynamiques électorales ne se réduisent pas à des facteurs économiques ou démographiques simples. La politique de l’immigration et du commerce, bien que mobilisées comme boucs émissaires, s’inscrit dans un contexte socio-économique et culturel beaucoup plus large, où les représentations identitaires jouent un rôle central. La perception d’une menace extérieure se combine avec des frustrations liées aux transformations structurelles de l’économie américaine, provoquant un terrain fertile pour des récits nationalistes.
Enfin, il convient d’intégrer dans cette analyse la nécessité d’un examen approfondi des discours médiatiques et politiques qui façonnent l’opinion publique, ainsi que l’impact des changements technologiques, de la désindustrialisation et des mutations sociales sur la stabilité économique et politique des régions concernées. Le rôle des politiques publiques, notamment en matière d’éducation, d’emploi et d’intégration, est également crucial pour saisir les mécanismes à l’œuvre derrière le soutien électoral à des candidats prônant des solutions simplistes à des problèmes complexes.

Deutsch
Francais
Nederlands
Svenska
Norsk
Dansk
Suomi
Espanol
Italiano
Portugues
Magyar
Polski
Cestina
Русский