La hiérarchie des varnas, bien qu'ancrée dans la structure sociale et religieuse de l'Inde ancienne, ne se contente pas d’être une simple division du travail ou de la caste. Elle représente une vision du monde où chaque fonction sociale, chaque rôle et chaque relation est justifié par un ordre cosmique et sacré. Les textes brahmaniques, à travers les Védas et les Brahmanas, dépeignent cette hiérarchie comme une construction divine qui repose sur un modèle d’interdépendance organique, où chaque partie de la société a sa place et sa fonction. La figure centrale dans cette organisation est celle du rajan, qui, en tant que chef de l'État, joue un rôle clé dans la gestion des ressources productives et reproductives. Par ses sacrifices domestiques, réalisés par le grihapati (chef de famille), il légitime son autorité et assure l'équilibre entre les différents domaines de pouvoir, qu'ils soient politiques ou domestiques.

La hiérarchie des varnas, selon les anciens textes védiques, se divise en quatre groupes : Brahmana, Rajanya (ou Kshatriya), Vaishya et Shudra. Ces groupes sont décrits dans le Purusha-sukta du Rig Veda comme étant issus de différentes parties du corps d'un géant primitif, Purusha, dans le cadre d’un sacrifice cosmique. Ce sacrifice, qui symbolise la naissance du monde et des êtres, inscrit les varnas dans un ordre naturel et immuable. Selon cette vision, les Brahmanas (prêtres), issus de la tête de Purusha, sont au sommet de la hiérarchie, suivis des Rajanyas (guerriers) issus de ses bras, des Vaishyas (commerçants et paysans) issus de ses cuisses, et des Shudras (serviteurs) issus de ses pieds.

Ce modèle organique a des implications profondes : chaque groupe est censé remplir un rôle vital pour le maintien de l'ordre social et cosmique. Toutefois, cette répartition n'est pas simplement une question de division du travail. Elle est aussi un moyen de justifier des inégalités sociales, à travers l'idée que certains groupes sont naturellement disposés à certaines tâches en raison de leurs qualités innées. Cette notion de pureté et de hiérarchie, bien qu'idéologique, s’enracine profondément dans les croyances et pratiques religieuses.

Les textes védiques ne se contentent pas de décrire la hiérarchie des varnas ; ils établissent aussi les obligations et les privilèges de chaque groupe. Par exemple, les Brahmanas sont associés à la connaissance sacrée, la préservation des Védas et la réalisation des sacrifices rituels. Leur rôle est de préserver la pureté rituelle et de guider la société vers l’ordre cosmique par le biais des rites. Les Kshatriyas, quant à eux, sont les protecteurs de l'ordre social, leur devoir étant de défendre le royaume et d'assurer la sécurité et la justice. Les Vaishyas sont responsables de la prospérité matérielle de la société, par le biais du commerce, de l'agriculture et de l'élevage. Enfin, les Shudras sont désignés pour servir les autres groupes, sans possibilité de participer aux rituels sacrés.

Cette division en varnas, bien qu’elle semble rationnelle et sacrée dans la vision védique, a donné lieu à des tensions, notamment entre les Brahmanas et les Kshatriyas. En effet, les Kshatriyas, associés au pouvoir politique et militaire, ont parfois contesté l’autorité spirituelle et sacrée des Brahmanas, ce qui a conduit à une complexité dans les rapports de domination et de complémentarité entre ces deux groupes. L’idée de « Brahma » (pouvoir sacré) et de « Kshatra » (pouvoir séculier) a souvent été vue comme une tension entre le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel, chacun cherchant à affirmer sa primauté.

À travers les siècles, cette structure sociale a perduré, mais elle a aussi été mise à l’épreuve par des courants philosophiques, comme les Upanishads, qui ont introduit une vision plus individuelle et intérieure de la vérité, cherchant à dépasser les distinctions sociales au profit d’une réalisation spirituelle universelle. Cependant, il est essentiel de noter que même les Upanishads, tout en remettant en question l’autorité brahmanique, faisaient partie intégrante du corpus védique, et par conséquent, elles restaient ancrées dans l’idéologie des varnas.

Dans cette organisation, l’un des aspects les plus frappants est la place attribuée aux Shudras, qui étaient en bas de l’échelle sociale. Selon les textes, un Shudra n’avait pas le droit de participer aux sacrifices védiques ni d’interagir directement avec les autres varnas dans certaines circonstances, notamment les Brahmanas. Cette exclusion des rites religieux et la subordination des Shudras à des tâches considérées comme dévalorisées par les autres groupes reflétaient la vision d’un ordre social immuable et hiérarchisé, mais elle a aussi donné lieu à de nombreuses critiques et réformes dans l’histoire de l’Inde.

Au-delà de cette division claire, il existait aussi des groupes encore plus marginaux, comme les esclaves, dont la position était encore plus inférieure à celle des Shudras. Les esclaves (dasas et dasis) n’avaient aucun statut juridique et étaient souvent considérés comme des biens échangeables. Cependant, certaines exceptions existaient, comme des enfants nés de femmes esclaves qui, dans des cas rares, pouvaient accéder à un statut social plus élevé, ce qui souligne la complexité et parfois l’ambiguïté de cette hiérarchie sociale.

Enfin, il est crucial de comprendre que la hiérarchie des varnas, bien qu’idéologiquement présentée comme naturelle et divine, était en réalité un outil de légitimation du pouvoir et des privilèges des élites. Elle fonctionnait comme une justification idéologique pour maintenir l'ordre social tel qu'il était conçu par les élites religieuses et politiques. La structure rigide des varnas et la subordination des groupes inférieurs étaient vues comme nécessaires pour préserver l’harmonie cosmique, mais elles ont aussi renforcé l’inégalité sociale de manière systématique et structurée.

Les Mégalithes et la Transition Métallurgique en Inde Centrale et Orientale

La période II à Agiabir, souvent décrite comme pré-NBP avec du fer, marque un tournant dans l’histoire des sociétés de l’Inde ancienne. Les objets en fer et en cuivre sont les découvertes les plus remarquables de cette phase, témoignant des avancées métallurgiques. La région située aux franges nord du Vindhya, englobant Allahabad, Banda, Varanasi et Mirzapur, abrite plusieurs sites mégalithiques, comme Kakoria, Jang Mahal et Kotia. Les mégalithes de cette région, tels que les cairns et les cercles de pierres, offrent des indices précieux sur les pratiques funéraires et culturelles de l'époque.

À Kotia, par exemple, des fosses funéraires ont révélé des restes de moutons, de porcs et de bovins domestiqués. Les marques de coupe sur ces os suggèrent que les animaux ont été sacrifiés au moment de l’enterrement, ce qui pourrait indiquer des rituels symboliques liés à la mort. Cependant, de nombreux mégalithes dans cette région ne contiennent aucun reste humain et pourraient donc avoir servi de mémoriaux plutôt que de tombes.

Le site de Kakoria, situé près du fleuve Chandraprabha, se distingue par ses vestiges de poterie, incluant des céramiques typiques comme le BRW (Black and Red Ware), des poteries à surface lisse et rouge, ainsi que des objets en terre cuite et des perles de pierres semi-précieuses. Les outils en pierre, tels que les microlithes fabriqués en agate, en chalcédoine et en silex, soulignent l'habileté technique de ces populations. Ces découvertes sont complétées par des artefacts métalliques, dont des objets en cuivre, ce qui indique une certaine sophistication dans les procédés de fabrication.

L’exception dans cette région est Kotia, dans la vallée du Belan, où l’on trouve des outils en fer comme des pointes de flèches, des faucilles et un adze, suggérant une avancée notable dans les techniques métallurgiques. La présence de poteries BRW et d’autres types de céramiques à Kotia, associée à des restes d'animaux domestiqués et des marques de coupe, témoigne d’une continuité avec les pratiques précédentes, tout en introduisant des innovations liées à l’utilisation du fer. Ce site permet de situer la transition du bronze au fer autour du 8e au 3e siècle avant notre ère.

En revanche, la région orientale de l’Inde, notamment les sites de Chirand et Senuar, présente des phases d’occupation plus continues, allant jusqu’au 2e millénaire avant notre ère. À Chirand, la phase chalcolithique II montre une continuité avec les périodes néolithiques précédentes, avec l’apparition du cuivre et des premières traces de fer. Les découvertes de microlithes et de celtes polis, ainsi que de perles en steatite et en pierres semi-précieuses, indiquent une société marquée par une spécialisation artisanale. Les premières dates calibrées de la période II à Chirand suggèrent un début autour de 1936-1683 avant notre ère.

Senuar, un autre site du Bihar, montre un développement similaire avec une continuité nette par rapport à la période néolithique précédente, enrichie par de nouveaux artefacts en cuivre, tels que des hameçons, un fil métallique et des aiguilles. La présence de restes végétaux, notamment du blé, du millet kondon, des pois chiches et du gramme de cheval, témoigne d’une évolution dans les pratiques agricoles. Les restes fauniques indiquent une augmentation de la diversité des animaux domestiqués, signalant des changements dans l’élevage et la chasse.

Les sites de l'est de l'Inde, comme Barudih, en Jharkhand, révèlent des couches stratigraphiques contenant des microlithes, des celtes néolithiques, des objets en fer et des poteries fabriquées sur roue. Ces découvertes suggèrent une coexistence des technologies néolithiques et chalcolithiques, avec l’émergence progressive de la métallurgie du fer dans cette région, qui est confirmée par la présence de objets en fer tels qu'une faucille.

Les fouilles dans le Bengale, notamment sur le site de Pandu Rajar Dhibi, montrent également une évolution des pratiques culturelles et artisanales. Durant la période II, des artefacts en cuivre, des pointes de fer, ainsi que des restes fauniques de bovins, de cerfs et d'autres animaux, indiquent des transformations dans l'agriculture, la domestication et les rituels funéraires. Les poteries décorées de motifs blancs et rouges sont caractéristiques de cette phase. Les déductions chronologiques basées sur les datations au radiocarbone situent cette phase autour du 2e millénaire avant notre ère et révèlent des pratiques complexes influencées par les échanges avec d’autres régions, notamment la vallée du Gange et la région de Chota Nagpur, riche en ressources métalliques.

Dans ces régions, l'usage de l'outil en fer semble avoir été introduit de manière progressive, et ce n'est qu'à la fin de la phase du BRW que l'industrie du fer commence à se développer de manière plus marquée, suggérant une période d'adaptation et de transfert technologique. Les liens entre les sites de l'est de l'Inde et ceux du sud-est de l'Inde, notamment ceux de l'Odisha, sont évidents dans les types de céramiques et les styles de poterie, mais aussi dans l'utilisation des métaux et des techniques de travail de la pierre.

Le développement de l'industrie métallurgique et l'utilisation de techniques de production du fer dans ces zones doivent être compris non seulement en termes d'innovations technologiques mais aussi dans une perspective sociale et culturelle. La transition du cuivre au fer a modifié les structures économiques et sociales des communautés, facilitant l'expansion des réseaux commerciaux et l'émergence de nouvelles hiérarchies sociales.

Comment les communautés néolithiques et chalcolithiques du sud de l'Inde ont-elles façonné leur mode de vie et leur environnement?

À Maski, le premier horizon chronologique témoigne d'une époque néolithique-chalcolithique. Des outils en pierre taillée et polie, des lames microlithiques et un fragment de tige de cuivre ont été découverts. Des perles de cornaline, d'agate, d'améthyste, de calcédoine, de coquillage, de corail, de verre et de pâte illustrent les compétences artisanales des habitants. La poterie retrouvée inclut des céramiques rouge terne et des poteries de couleur rosée, ainsi que quelques tessons décorés de peintures noires sur rouge et des céramiques grises avec des motifs incisés. Les ossements animaux découverts incluent des restes de bétail à cornes courtes, de buffles, de moutons et de chèvres. De plus, des peintures rupestres et des impressions de roches ont été identifiées dans la région.

À Tekkalakota (district de Bellary), la phase néolithique précoce est marquée par une poterie grise, façonnée à la main, à la fois simple et polie, parfois ornée de dessins peints en noir, violet ou pourpre. La phase suivante présente de la poterie noire et rouge et des poteries brunes. Outre les outils lithiques typiques du néolithique, les deux phases ont livré des microlithes, des outils en os, des perles en stéatite et pierres semi-précieuses, ainsi que des artefacts en cuivre et en or. Les structures retrouvées indiquent que les habitants vivaient dans des huttes rondes à toit conique, parfois renforcées de pierres à la base. Des sépultures étendues et fractionnées dans des urnes ont également été découvertes. Les ossements animaux comprennent ceux de bétail, de moutons et de tortues, tandis que des grains carbonisés de kulthi et de haricot de jacinthe ont été identifiés. Les dates calibrées pour le site indiquent une occupation entre environ 2100 et 1800 avant notre ère.

Le site de Hallur, situé sur les rives de la rivière Tungabhadra dans la région de Dharwar, district de Haveri, présente également un premier horizon néolithique divisé en deux phases. Les sols des huttes rondes en chaume et torchis étaient faits de fragments de pierre et de sable de rivière. La première phase comportait principalement des poteries grises façonnées à la main et polies, ainsi que quelques poteries de couleur brun-rouge décorées de peintures pourpres. La seconde phase marque l’apparition de poteries peintes en noir et rouge. Les outils lithiques retrouvés comprenaient des outils taillés et polis, ainsi que des microlithes. Les artefacts incluaient des hameçons en cuivre, des haches doubles et des perles en stéatite, quartz, os et coquillage. Une sépulture double en urne a été retrouvée. Les ossements animaux retrouvés incluent ceux de bétail, de moutons et de chèvres, avec l’ajout de restes de chevaux dans la seconde phase. Les dates calibrées pour la période I de Hallur s’étendent entre 2000 et 1400 avant notre ère.

Les communautés néolithiques-chalcolithiques du sud reposaient sur une base alimentaire diversifiée, qui incluait l’agriculture, l’élevage et la chasse. Le gramme de cheval et le ragi, identifiés à Tekkalakota et Hallur, étaient des cultures de base dans la région, encore cultivées de nos jours. Les agriculteurs néolithiques-chalcolithiques construisaient probablement des terrasses sur les pentes des collines pour cultiver leurs récoltes. Les ossements de bétail, souvent marqués de coupures, retrouvés sur tous les sites, reflètent l’importance de l’élevage du bétail. Des figurines de bétail bossu sont abondantes, et ces animaux apparaissent également dans les peintures rupestres, comme à Maski. Les peintures rupestres mesolithiques et néolithiques de taureaux bossus, dans un style distinctif, ont été retrouvées dans les abris sous roche de Budagavi (district d’Anantapur, Andhra Pradesh).

Une réévaluation des restes végétaux et animaux provenant de sept sites néolithiques du Karnataka et de l’Andhra Pradesh (Korisettar et al., 2001) a fourni des informations détaillées sur les modes de subsistance des communautés néolithiques du sud. L’étude de sept sites — Hallur, Sanganakallu, Tekkalakota, Hiregudda, Kurugodu, Hattibelagallu et Velpumadugu — a révélé que le bétail était l’animal domestiqué principal, tandis que les chèvres et les moutons jouaient un rôle secondaire. Des ossements de poules suggèrent une domestication occasionnelle des volailles. Les animaux sauvages chassés comprenaient des antilopes, des cerfs et des porcs. L’utilisation des ressources en eau douce, comme les poissons et les mollusques, était aussi présente, même dans des sites relativement éloignés des rivières.

L’analyse des ossements de bétail a révélé que les animaux élevés par les communautés néolithiques du sud étaient de taille moyenne à grande. Les cultures se composaient principalement de petites céréales de saison, de légumineuses (haricot mungo) et de gramme de cheval. D’autres cultures, comme le blé, l’orge, le pois chiche, le millet perlé et le haricot de jacinthe, étaient cultivées de manière sélective. Le blé et l’orge étaient probablement des cultures hivernales, tandis que les fruits et les tubercules étaient récoltés pendant la saison sèche. Les preuves de cultures cultivées durant différentes saisons de l'année correspondent à la profondeur des dépôts d’occupation sur ces sites, ce qui indique une occupation continue tout au long de l’année.

Les recherches récentes à Sanganakallu ont permis de mieux comprendre l’évolution des sites néolithiques et mégalithiques. Sanganakallu, un ensemble de sites dispersés sur les collines Sanganakallu-Kupgal, au nord du village de Sanganakallu, a révélé des informations précieuses sur l’évolution du paysage entre 2000 et 1000 avant notre ère. Une analyse minutieuse des vestiges matériels a permis de dater la période néolithique entre 1950 et 1350 avant notre ère. Les travaux ont également mis en évidence l’utilisation des ressources locales, telles que les ressources en eau provenant de sources actives, ainsi que des sols argileux propices à la fabrication de poterie. Le site de Hiregudda semble avoir été l'un des plus grands ateliers de fabrication d'outils en pierre dans la région.

Les fouilles ont également permis de découvrir des peintures rupestres à Birappa, un abri sous roche situé à environ un kilomètre au nord-est de Hiregudda. Ces peintures, qui incluent des mains imprimées, des formes géométriques et des animaux comme des cerfs et des antilopes, illustrent l’importance symbolique des animaux dans la culture néolithique. Ces représentations rappellent le rôle central des bétail et des autres animaux dans la vie quotidienne et les croyances spirituelles des sociétés néolithiques du sud de l'Inde.

Comment comprendre l’évolution politique des royaumes de l’Inde ancienne (IIIe - VIIe siècles) ?

L’histoire politique de l’Inde entre le IIIe et le VIIe siècle est marquée par l’émergence de royaumes et de dynasties qui se sont souvent alliés, tout en étant en conflit. Le processus de formation de ces États s’est accompagné de batailles incessantes, de mariages diplomatiques, et d’une hiérarchie de pouvoirs où des rois subordonnés reconnaissaient l’autorité d’un souverain suprême, tout en préservant leur indépendance dans leurs territoires respectifs.

Les royaumes de cette époque étaient souvent constitués de souverains locaux qui se soumettaient formellement à des pouvoirs supérieurs tout en restant maîtres de leurs propres affaires. Par exemple, le royaume de Kamarupa, dans la vallée du Brahmapoutre, a vu son expansion jusqu’à la baie du Bengale, tout en étant mentionné dans l’inscription de Samudragupta à Allahabad, ce qui témoigne d'une reconnaissance du pouvoir impérial. De même, d'autres dynasties, comme les Pitribhaktas et les Matharas en Odisha, ont progressivement vu leur pouvoir augmenter à mesure que l'influence des Gupta et des Vakataka déclinait, marquant le début d’un processus d'État complexe.

Dans le Deccan, plusieurs dynasties se sont épanouies, souvent par des actions militaires ou des mariages stratégiques. Les Vakatakas, sous le règne de Harishena, ont étendu leur territoire de manière significative, allant du Godavari au nord jusqu’aux frontières d’Avanti. Bien que peu d’inscriptions de Harishena aient été retrouvées dans les célèbres grottes d’Ajanta, son ministre Varahadeva y a fait inscrire des pierres commémoratives, soulignant ainsi l’autorité et les victoires de ce souverain. Ces inscriptions révèlent que Harishena a non seulement vaincu des puissances locales, mais qu’il a également consolidé son autorité sur une large partie de l’Inde du Sud et du Deccan.

Les dynasties de l’Inde du Sud, comme les Pallavas et les Pandyas, ont aussi joué un rôle majeur durant cette période. Les Pallavas, par exemple, ont connu une expansion politique remarquable au cours du VIe siècle, sous des rois tels que Simhavarman, qui inaugura une nouvelle ère d’expansion territoriale. Ces dynasties ont dû faire face à des périodes de troubles internes, notamment à cause des Kalabhras, un groupe guerrier ayant dominé temporairement le pays tamoul avant d'être défait par les Pandyas et les Pallavas. Cette instabilité a également été alimentée par des conflits avec des royaumes voisins, comme les Chalukyas, et les invasions menées par des dynasties comme les Kalachuris, qui ont émergé dans la seconde moitié du VIe siècle dans le Maharashtra et le Gujarat.

Les inscriptions trouvées dans diverses régions de l’Inde, en particulier en Tamil Nadu et dans la vallée du Krishna, montrent des tendances claires : les rois cherchaient à légitimer leur autorité en se rendant hommage aux dieux, tout en insistant sur la reconnaissance de leur pouvoir par des souverains subordonnés. La présence d’épithètes comme "parama-daivata" (supreme worshipper of a god) et "maharajadhiraja" (grand roi des rois) dans les inscriptions des Gupta est significative : ces titres reflétaient la nature du pouvoir politique à la fois divinisé et hiérarchisé.

À travers toutes ces dynasties, des mariages stratégiques ont été utilisés pour consolider des alliances. Par exemple, la fille de Devasena, une princesse vakataka, a épousé le roi Vishnukundin Madhavavarman II Janashraya, unissant ainsi deux puissantes familles royales. Les alliances matrimoniales ont souvent servi à apaiser les tensions entre royaumes voisins, mais elles ont aussi permis de renforcer les positions des rois, offrant une légitimité par la filiation et des connexions avec d’autres lignées royales puissantes.

Les rois de cette époque cherchaient donc à équilibrer leurs ambitions personnelles avec la nécessité de maintenir un réseau complexe d’alliances et de subordination. Cette dynamique a facilité la formation d’Empire locaux, comme ceux des Gupta ou des Vakataka, et a façonné l’Inde médiévale.

Ce qui est crucial pour comprendre cette période est la manière dont ces royaumes ont joué avec l’idée de suprématie et de subordination. Les relations entre rois, souvent ambiguës, ont permis de créer une hiérarchie où le souverain supérieur était reconnu par ses vassaux, mais ces derniers étaient tout de même capables d’affirmer leur propre grandeur à travers des inscriptions et des récits glorieux. Cette complexité politique, qui semble parfois contradictoire, est en réalité le reflet d’un système où la stabilité de l’État était maintenue non seulement par la force militaire, mais aussi par une gestion subtile des relations de pouvoir, d’alliance et de reconnaissance mutuelle.

Les rois, loin d’être de simples conquérants, étaient souvent perçus comme des médiateurs entre le monde divin et le monde terrestre. L’idéologie royale de cette époque reposait donc non seulement sur la puissance militaire et politique, mais aussi sur des représentations symboliques du pouvoir divin, qui renforçaient l’autorité des souverains auprès de leurs sujets.