L’identification de Taxila reste l’une des grandes réalisations archéologiques du XIXe siècle. Cette ancienne capitale de Gandhara, un carrefour de cultures et de commerce, a été le sujet de nombreuses recherches, et sa localisation exacte a fait l’objet de débats tout au long des siècles. C’est cependant grâce à des explorations minutieuses et à l’étude des textes anciens que des chercheurs comme Alexander Cunningham ont pu établir une identification précise. Ce dernier, archéologue britannique et premier directeur général du Archaeological Survey of India en 1871, s’est appuyé sur des sources classiques et des témoignages de pèlerins chinois pour localiser la ville.

Le processus de localisation de Taxila par Cunningham est complexe. Dans ses recherches, il a d’abord cru que le site de Manikyala correspondait à la ville antique. Mais après plusieurs campagnes de fouilles dans les années 1860, il a modifié cette hypothèse, identifiant la véritable Taxila dans la région de Shah-dheri, près de Kala-ka-sarai. Cunningham a pris en compte les itinéraires rapportés par les pèlerins chinois Xuanzang et Faxian, qui ont placé Taxila à trois jours de marche de l'Indus, contrairement à la distance erronée mentionnée par Pline l'Ancien, qui fixait la ville à 60 miles romains de Peucolaitis. Cette dernière précision a été cruciale, car elle a permis à Cunningham de reconsidérer les mesures et de découvrir un site plus précis, avec de nombreuses ruines, dont des stupas et des monastères, témoignant de l’importance de Taxila.

Le site de Shah-dheri, avec ses immenses ruines et ses vestiges d’infrastructures religieuses et commerciales, est aujourd’hui considéré comme l'un des lieux les plus importants pour comprendre l'histoire de la région et de l’ancienne Gandhara. Les découvertes réalisées sur ce site ont permis d’affirmer avec plus de certitude que Taxila était un centre d’apprentissage, de culture et de commerce, véritable carrefour entre l’Inde, la Perse et la Grèce.

Il est également essentiel de comprendre que Taxila ne se limitait pas à une seule période historique. Le site a connu de multiples influences et a traversé plusieurs dynamiques politiques. De la domination persane sous Darius Ier à l'influence des royaumes hellénistiques, puis sous l'Empire Maurya et enfin les invasions Kushans, Taxila a toujours été un lieu stratégique, mais aussi un centre intellectuel majeur. Le célèbre collège de Taxila, mentionné dans les textes anciens, attira des étudiants de toute l’Asie. Ce site n’était pas seulement un centre militaire ou économique, mais aussi un centre spirituel, avec de nombreuses écoles bouddhistes et brahmaniques.

Les royaumes de la région, y compris Gandhara, étaient eux-mêmes constitués de différentes entités politiques. Le royaume de Gandhara, avec sa capitale Taxila, faisait partie de l’important réseau commercial reliant la vallée de l’Indus à l’Asie centrale et au Moyen-Orient. Les royaumes voisins, comme les Kambojas, étaient également structurés différemment, certains sous forme de monarchies et d’autres sous forme de sanghas, ces confédérations politiques plus égalitaires. Le cas des Kambojas, mentionnés dans les textes bouddhistes comme un sangha, est particulièrement intéressant. Alors que les monarchies reposaient sur une structure hiérarchique, les sanghas fonctionnaient selon une organisation plus tribale, ce qui représente une autre facette de la diversité politique de l’Inde ancienne.

Il convient de noter que les sanghas, comme celles des Vajji et des Malla, étaient souvent situées dans les régions montagneuses de l’Inde orientale, loin des zones fertiles du Gange. Cette configuration géographique semblait être une caractéristique des communautés ayant des formes de gouvernance plus collectives, contrairement aux royaumes plus centralisés. Les sanghas étaient par ailleurs des sociétés où le pouvoir était partagé et souvent exercé par une assemblée, contrairement aux monarchies où le pouvoir reposait entre les mains d’un seul souverain.

La multiplicité des formes politiques et la richesse des interactions entre les différentes régions de l’Inde ancienne rendent l’étude de ces périodes fascinante. La localisation précise de sites comme Taxila, mais aussi l’étude des divers royaumes et sanghas, permet de comprendre comment ces sociétés ont évolué, interagi et influencé les grandes dynamiques de l’Asie ancienne.

Enfin, il est crucial de rappeler que la compréhension de ces dynamiques ne se limite pas aux seuls aspects politiques ou géographiques. La portée des échanges culturels et religieux entre les différents royaumes, ainsi que leur ouverture au monde extérieur, a joué un rôle fondamental dans l’évolution de la pensée et de la culture indienne. Les échanges entre les philosophes et les religieux, l’influence des pensées grecques, perses et bouddhistes, ainsi que la transmission du savoir dans des centres comme Taxila, ont façonné une époque où les frontières entre culture, commerce et politique étaient largement poreuses. Cette fluidité entre ces dimensions est l'une des caractéristiques les plus intéressantes des royaumes anciens de l’Inde.

Comment le commerce antique entre l'Inde, la Chine et le Sud-Est asiatique a façonné les réseaux de l'Asie?

Le commerce entre l'Inde, la Chine et le Sud-Est asiatique a joué un rôle clé dans la construction des premiers réseaux commerciaux mondiaux. Les produits échangés ont circulé à travers des routes terrestres et maritimes, reliant des cultures éloignées par le biais de biens précieux, de technologies, et de connaissances. L'échange entre ces régions a non seulement enrichi les sociétés impliquées mais a également contribué à une transformation profonde de leurs structures économiques et culturelles.

Les échanges entre la Chine et l'Inde, particulièrement entre le 1er et le 4e siècle, ont été un élément central de ce processus. La Chine exportait des produits de luxe tels que la soie, tandis que l'Inde exportait des perles, du corail, du verre et des parfums. Ces biens traversaient l'Asie via les ports de Barygaza et de Barbaricon, dans l'Inde occidentale, avant de rejoindre des marchés plus lointains, y compris l'Europe. L'Inde était également un point de transit pour les produits en provenance d'Asie centrale, comme les cuirs d'animaux supérieurs, qui étaient ensuite expédiés vers l'Ouest.

Le commerce entre la Chine et l'Occident a connu une perturbation au 3e et 4e siècle, en raison de facteurs politiques internes à la Chine, comme la chute de la dynastie Han et les divisions qui suivirent. La rupture de la stabilité politique en Chine, combinée à l'effondrement de l'Empire Kouchan et de l'Empire Byzantin, a causé des ruptures temporaires dans les réseaux commerciaux. Toutefois, les liens commerciaux entre la Chine et l'Inde ont persisté malgré ces turbulences. Les routes commerciales ont évolué, mais l'échange de biens et d'idées a continué.

Dans le même temps, le commerce maritime a gagné en importance, notamment dans le Sud-Est asiatique, une région stratégique où les sociétés locales ont transformé l'influence indienne et chinoise pour les adapter à leurs propres besoins et pratiques culturelles. Contrairement à la vision traditionnelle, qui considérait l'Inde comme un centre de diffusion culturelle dans la région (via l'Indianisation ou l'Hindouisation), des études récentes ont montré que les influences indiennes ont été progressivement localisées, se transformant en de nouvelles formes culturelles. Selon O. W. Wolters, les interactions entre l'Inde et le Sud-Est asiatique étaient bien plus complexes et variées que la simple diffusion unidirectionnelle de la culture indienne.

Les échanges entre l'Inde et le Sud-Est asiatique étaient très variés. De l'Inde, des marchandises comme des tissus de coton, du sucre, des perles et des poteries étaient expédiées vers les régions côtières du Sud-Est asiatique. Parallèlement, des produits précieux en provenance du Sud-Est asiatique, tels que l'or, les épices comme la cannelle et le clou de girofle, le bois de santal et le camphre, arrivaient en Inde. Ces articles étaient ensuite réexpédiés vers l'Ouest, notamment vers la Méditerranée. Le commerce maritime, en particulier, est devenu un moteur essentiel du développement de sociétés organisées et de nouvelles cités sur les côtes du Sud-Est asiatique, qui jouaient un rôle clé dans les échanges interrégionaux.

Le site de Oc-Eo, dans le delta du Mékong, en est un exemple remarquable. Il était un centre majeur de commerce maritime entre l'Est et l'Ouest, servant de plaque tournante pour le commerce de l'or, des épices et des produits manufacturés, tout en facilitant l'intégration de ces marchandises dans des réseaux commerciaux mondiaux. Ce commerce florissant a alimenté la croissance de royaumes puissants comme celui de Funan, qui bénéficiait des échanges avec l'Inde et la Chine, et a contribué à l'essor de centres urbains prospères, comme ceux trouvés dans les vallées des rivières Chao Phraya, Irrawaddy et Mékong.

La période de l'Empire Kouchan a également été essentielle pour l'intégration des réseaux commerciaux, non seulement entre l'Inde et le Sud-Est asiatique, mais aussi avec d'autres régions comme le Moyen-Orient. Le rôle de Ceylan (actuellement le Sri Lanka) dans ces échanges est également notoire, surtout en raison de ses relations avec la Grèce et les royaumes indiens. Les produits de luxe comme l'ivoire, les coquilles de tortue et les pierres précieuses, qui circulaient à travers ces réseaux, témoignent de l'importance de l'île dans les échanges à longue distance.

En conséquence, le commerce entre l'Inde, la Chine et le Sud-Est asiatique ne s'est pas seulement limité à un échange de biens matériels, mais a aussi contribué à la circulation de connaissances, d'idées religieuses et culturelles. Ce phénomène a joué un rôle crucial dans la formation des sociétés modernes du Sud-Est asiatique, où la diversité culturelle était une caractéristique fondamentale.

Le lecteur doit garder en tête que l'impact du commerce antique n'a pas été limité à la simple acquisition de richesses matérielles. L'échange de technologies, d'idées religieuses et philosophiques, notamment le bouddhisme, a eu un effet durable sur les sociétés de ces régions. Cette interaction complexe entre cultures et échanges commerciaux a permis l'émergence d'une zone géographique d'une grande richesse culturelle et économique, dont les effets se font encore sentir aujourd'hui dans l'Asie du Sud-Est.

L'émergence de l'agriculture néolithique en Inde : une transition progressive vers la domestication des plantes et des animaux

La culture néolithique dans le sous-continent indien trouve ses racines dans une phase mésolithique déjà bien établie. Certaines caractéristiques du Mésolithique, telles que les lames microlithiques et la gamme d'outils en pierre plus lourds, ont perduré, mais des éléments nouveaux et significatifs ont également émergé, notamment la domestication du bétail et la culture du riz. La découverte de riz sauvage dans les strates mésolithiques de Chopani Mando, dans la vallée de Belan, en est un exemple, tout comme la présence de riz domestiqué à Damdama à des niveaux mésolithiques. Cette présence ancienne de riz sauvage dans la région, encore observable aujourd’hui, témoigne de l'habitat naturel de cette céréale, facilitant ainsi une domestication précoce.

Les sites de Koldihwa et Mahagara, tous deux situés sur les rives de la rivière Belan, au nord des Vindhyas, sont des exemples de centres néolithiques clés. À Koldihwa, des restes de riz et des impressions de coques de riz incrustées dans des morceaux d'argile brûlée ont été retrouvés dans des couches néolithiques. L'analyse des empreintes de riz sur la poterie suggère que les habitants étaient déjà familiers avec le riz sauvage ainsi que le riz cultivé (Oryza sativa). Les découvertes archéologiques comprenaient également des lames de pierre, des haches polies, des microlithes, des meules et des outils en os. La poterie était fabriquée à la main et comprenait trois types distincts : une poterie marquée à la corde, une poterie rouge unie et une poterie noire et rouge. Les bols profonds et les jarres de stockage étaient les formes prédominantes, certaines montrant des traces de suie, ce qui suggère qu’elles pouvaient avoir été utilisées pour la cuisson.

Les dates du Néolithique à Koldihwa sont cependant débattues. Trois dates radiocarbone calibrées indiquent une occupation entre le 8e et le 6e millénaire av. J.-C., mais d'autres dates sont beaucoup plus récentes. Mahagara, sur la rive droite de la rivière Belan, non loin du site mésolithique de Chopani Mando, constitue également un site néolithique important. Ce site a révélé les restes de 20 huttes et de nombreux outils néolithiques similaires à ceux trouvés à Koldihwa. Un intérêt particulier a été suscité par la découverte d’un enclos pour le bétail, d'environ 12,5 × 7,5 m, situé au centre de la settlement. L'intérieur de l'enclos présentait des traces de sabots de bovins de différents âges, ce qui suggère la présence de 40 à 60 animaux.

À Kunjhun, dans la vallée de Son, non loin de Koldihwa, des vestiges remontant au 4e millénaire av. J.-C. ont révélé des restes de riz sauvage et domestiqué. Kunjhun semble avoir été un site spécialisé dans la fabrication d'outils en pierre. Des zones où la pierre était chauffée pour améliorer sa couleur et sa malléabilité ont été identifiées, ce qui laisse supposer que la fabrication de lames était une activité importante du site. Ces découvertes, associées à celles de Koldihwa, montrent que les franges septentrionales des Vindhyas ont constitué un centre précoce et indépendant de domestication du riz.

Les premières implantations agricoles se sont également étendues dans la plaine centrale du Gange, comme en témoignent les fouilles de Lahuradeva, dans le district de Sant Kabir Nagar, dans l’Uttar Pradesh oriental. La première occupation du site, datant du Néolithique, a été divisée en deux périodes distinctes, IA et IB. Au cours de la période IA, des fragments de terre cuite brûlée ont révélé que les habitants vivaient dans des huttes de boue, et des poteries faites à la main étaient présentes. Des impressions de corde étaient visibles sur certains récipients, et la poterie noire et rouge était un type prédominant. Les découvertes les plus marquantes de cette période incluent des restes de riz domestiqué, datés du 7e millénaire av. J.-C. En période IB, l'extension de la settlement fut significative. De nouveaux types de poterie, ainsi que des artefacts en cuivre, furent découverts. Des silos à grains furent également trouvés, témoignant de la mise en place d'une économie agricole de plus grande échelle.

La période II, qui s’étend de 2000 à 1300 av. J.-C., montre un accroissement de la taille du site et de la population. La production agricole devint plus sophistiquée, avec l'apparition de nouveaux types de poterie, et la fabrication de perles en stéatite, en agate et en terracotta s'intensifia. Des outils en cuivre, comme des hameçons et des pointes de flèches, furent également trouvés.

À Lahuradeva, les fouilles récentes ont révélé une séquence culturelle en cinq phases, allant du Néolithique aux premiers siècles de notre ère. L'analyse des restes végétaux a permis de documenter la transition progressive de la collecte des plantes sauvages à une culture plus intensifiée du riz, bien que la domestication du riz soit apparue dès le 7e millénaire av. J.-C., comme l'attestent les datations des restes de riz domestiqué.

Les vestiges fauniques de cette période suggèrent que les habitants de Lahuradeva chassaient des animaux sauvages comme le gaur, le nilgai et le sambar, tout en ayant domestiqué certains animaux comme le bétail, les chèvres et les moutons. Les restes de millet et d'autres céréales sauvages indiquent également une diversification des sources alimentaires. Le climat, pendant les phases de la période IA et IB, alterna entre périodes humides et sèches, ce qui a certainement influencé l’agriculture et les modes de vie des premières communautés agricoles de la région.