L'humilité, en tant que vertu, semble être un concept étranger à Donald Trump. Contrairement à d’autres figures politiques qui se montrent capables de rire d’elles-mêmes, Trump semble incapable d'embrasser cette forme de vulnérabilité. Par exemple, après avoir animé deux dîners des correspondants de la Maison Blanche, un événement où la capacité à se moquer de soi-même est presque une norme, il est difficile de croire que Trump aurait pu faire preuve de la même légèreté que Bill Clinton ou Barack Obama. Si Lincoln, par exemple, s’autodéridait avec un charme indéniable, Trump a, au contraire, nourri et cultivé une image d’infaillibilité. Cette absence d’humilité et ce manque de recul vis-à-vis de ses propres faiblesses sont des éléments centraux de sa personnalité publique et de son approche politique.
Ce rapport à l'humilité n’a pas toujours empêché Trump de montrer une forme d'humour, mais celui-ci semble être davantage une extension de son égo plutôt qu'une véritable autodérision. Lors de sa première apparition à "Saturday Night Live" en 2004, Trump avait ouvert son monologue en disant : « C’est génial d’être ici à Saturday Night Live, mais pour être tout à fait honnête, c’est encore mieux pour Saturday Night Live que je sois ici », une remarque qui en dit long sur son sentiment de grandeur (Inside Edition, 2015). Ce sens de l'humour, souvent décalé, est aussi présent dans ses apparitions dans des sketches parodiques, comme celui de "Trump’s House of Wings", où il se met en scène dans un costume jaune en train de danser avec des poulets, une publicité fictive qui fut retirée des archives de SNL pour des raisons encore floues. Cet épisode illustre parfaitement la manière dont Trump manipule son image à des fins politiques et personnelles, oscillant entre le personnage d’homme d'affaires et celui de divertisseur.
Avant même de se lancer dans la course à la présidence, Trump avait, à plusieurs reprises, flirté avec l'idée d'une carrière politique. Ses donations aux partis démocrates et républicains dans les années 80 et 90, ainsi que ses déclarations publiques, laissaient entrevoir ses ambitions politiques. Il n’était pas encore le candidat qu’il allait devenir, mais il cultivait déjà l’image d'un homme capable de diriger de manière décisive, loin des affres du politiquement correct et des bureaucrates. Dans les années 80, alors qu’il faisait sa place en tant que développeur à New York, Trump utilisait ses relations avec les hommes politiques pour avancer ses projets immobiliers, et présentait souvent ses idées comme étant en dehors du système, un point d’appui qu’il ne cessera de réutiliser plus tard dans sa campagne présidentielle.
Sa première véritable incursion dans le monde politique eut lieu en 1987, lorsqu’il publia des annonces dans les journaux majeurs pour exprimer ses opinions sur la politique étrangère, tout en élevant le débat sur la défense collective. Ce n’est que plus tard, après avoir flirté avec l’idée de se présenter à la présidence dans les années 90 et 2000, qu’il se rendit compte que la politique pouvait être un excellent levier pour accroître sa visibilité et, par extension, sa fortune.
Cependant, ce n’est qu'en 2011, avec l’émergence du mouvement "Birther", qu’il devint une figure centrale de la politique américaine. En remettant en cause la nationalité de Barack Obama et en diffusant des rumeurs infondées selon lesquelles Obama n'était pas né aux États-Unis, Trump parvint à attirer l'attention des électeurs républicains. Même lorsque ces affirmations furent largement discréditées, elles ne firent qu’alimenter l'enthousiasme de ses partisans. Cette campagne de désinformation ne servit pas seulement à ternir l’image d'Obama, mais elle propulsa également Trump sous les feux des projecteurs politiques. Lors de ses apparitions dans les médias, notamment sur Fox News, Trump perpétua ces allégations sans se soucier de leur véracité, car elles renforçaient son image de leader hors norme, prêt à briser les codes.
Il est important de noter que, derrière ce personnage provocateur et parfois déstabilisant, Trump s'est efforcé de se construire une image de leader capable de secouer l'ordre établi. Contrairement aux figures politiques traditionnelles, il ne s’est jamais vraiment intégré à l’establishment, préférant se positionner comme un outsider, un homme d’action, loin des compromis et de la lenteur des processus politiques. Cette attitude a trouvé un écho favorable auprès de nombreux électeurs, notamment ceux déçus par les promesses non tenues de politiciens de carrière. De cette manière, il a utilisé son style abrasif pour transformer ses échecs et ses controverses en atouts, attisant la colère et la frustration du public tout en renforçant son image de "maverick", cet homme qui n’a peur de rien, même pas de la vérité.
À travers ses diverses tentatives pour entrer en politique, Trump a démontré qu’il était avant tout un maître du marketing de soi. Il a su exploiter les failles du système pour y faire pénétrer son image de milliardaire décomplexé, de candidat aux discours simplistes mais percutants, et de personnalité médiatique incontournable. Ce qui apparaît comme une incohérence dans son parcours est en réalité une stratégie mûrement réfléchie : être toujours présent, même lorsqu'il n'est pas directement en compétition pour une élection.
L’évolution de Trump en tant que figure publique nous montre à quel point il maîtrise l’art du spectacle et de l’autopromotion. Le paradoxe qui entoure son ascension politique est qu’il a réussi à se faire accepter comme un leader capable de "renverser la table" tout en restant fidèle à une image personnelle qui fait de lui, avant tout, une entreprise à part entière. Une entreprise qui, quel que soit le résultat des élections, sait se vendre et se réinventer pour conquérir toujours plus d’adeptes.
Comment l'humour nocturne influence-t-il la perception politique et les campagnes présidentielles ?
Les émissions de talk-shows nocturnes, et plus particulièrement The Daily Show, sont de plus en plus reconnues non seulement comme un divertissement, mais aussi comme une source alternative d’information politique. Jon Stewart, alors animateur de The Daily Show, a même été perçu dans un sondage du Pew Research Center comme l’un des journalistes les plus dignes de confiance aux États-Unis, au même niveau que des figures établies comme Tom Brokaw ou Anderson Cooper. Cette confiance a conduit les candidats à la présidence à privilégier ces plateformes pour toucher un public souvent désintéressé par les médias traditionnels, notamment les jeunes adultes, qui obtiennent une part importante de leur information politique via ce mélange de divertissement et d’actualité — le soft news.
L’analyse du contenu des talk-shows nocturnes révèle une surprenante profondeur politique. Contrairement aux médias traditionnels qui tendent à insister sur la « course aux chiffres » et les tactiques de campagne, ces émissions consacrent une majorité significative de leur temps à des sujets substantiels, notamment les politiques proposées et les qualifications des candidats. Lors de la campagne de 1992, par exemple, 74 % des segments politiques dans ces émissions traitaient de questions de fond, contre seulement 26 à 34 % dans les journaux télévisés des grandes chaînes. Cette différence souligne que l’humour politique peut être un vecteur efficace pour transmettre des informations complexes tout en captivant un public plus large.
Un autre aspect notable est la distribution partisane de l’humour politique. Sur plusieurs campagnes présidentielles, les candidats républicains ont été les cibles principales des blagues, avec Mitt Romney en 2012 recevant presque trois fois plus de moqueries que Barack Obama. Ce phénomène reflète non seulement les dynamiques politiques du moment, mais aussi les stratégies des comédiens, qui adaptent leurs satires en fonction des personnalités et des perceptions publiques.
Le poids croissant de l’humour politique s’explique aussi par la baisse de la consommation des médias traditionnels, particulièrement chez les jeunes générations. Ces derniers ont tendance à se tourner vers des formats plus légers qui offrent néanmoins une exposition régulière à des enjeux sérieux. Pour les candidats, participer à ces émissions devient alors un calcul stratégique : en acceptant d’être soumis à l’humour et à la satire, ils peuvent renforcer leur crédibilité auprès d’un public clé tout en espérant bénéficier d’une image plus accessible, voire d’une certaine indulgence de la part des animateurs.
L’étude menée lors de la campagne de 2016 illustre bien ces dynamiques. Pendant les mois précédant les primaires, les comédiens comme Jimmy Fallon, Stephen Colbert, Jimmy Kimmel et Trevor Noah ont concentré la majorité de leurs blagues politiques sur les candidats à la présidentielle, avec des proportions allant jusqu’à 86 % chez Kimmel. Le traitement humoristique se focalisait souvent sur les candidats républicains, notamment Donald Trump, qui a suscité une part importante des moqueries, mais aussi sur Hillary Clinton, à un degré moindre. Le codage systématique de plus de 3 000 blagues a permis de catégoriser ces moqueries selon qu’elles touchaient aux politiques, aux aspects personnels ou aux stratégies des candidats, donnant ainsi une cartographie précise de l’usage de l’humour dans la campagne.
Il est essentiel de comprendre que l’humour politique nocturne ne se limite pas à une simple dérision superficielle. Il joue un rôle d’interface entre le public et la sphère politique, rendant les débats plus accessibles tout en incitant à la réflexion critique. Cette forme de communication séduit particulièrement un public jeune, souvent désabusé par les formes classiques d’information. Par ailleurs, les stratégies des candidats vis-à-vis de ces émissions révèlent une prise de conscience de l’importance du capital humoristique dans la construction de leur image publique.
L’efficacité de ce mode d’information repose cependant sur un équilibre subtil : l’humour doit être assez incisif pour provoquer une réflexion, mais aussi suffisamment divertissant pour maintenir l’attention. Paradoxalement, cette dualité lui confère une influence parfois supérieure à celle des médias traditionnels. Pour le lecteur, il est donc crucial de saisir que l’humour politique nocturne est un espace à la fois de critique, de persuasion et de construction identitaire des candidats, où les blagues sont bien plus que de simples jeux de mots, mais des éléments actifs de la démocratie contemporaine.

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