Les traces laissées par l'homme dans les paysages naturels sont souvent des preuves de l'introduction de l'homme dans ces environnements, témoignant au minimum de son intervention ou de son interaction avec les espèces, bien que cela n'indique pas nécessairement une domestication complète. Les plantes domestiquées ont également été sélectionnées pour des caractéristiques spécifiques telles que le goût, la capacité de conservation, la facilité de transport, ou d'autres propriétés qui peuvent être difficiles à détecter dans les fouilles archéologiques. La domestication des plantes est un processus long et exigeant, car les plantes vivantes nécessitent une protection contre les parasites, qu'ils soient végétaux (comme les mauvaises herbes) ou animaux (tels que les corbeaux). De plus, les récoltes doivent être stockées de manière adéquate, comme c'est le cas des céréales qui doivent être conservées au sec et protégées des moisissures, ainsi que des rongeurs.

La domestication animale, quant à elle, n'est pas universelle. Certaines espèces animales sont plus aptes à être domestiquées que d'autres, et plusieurs critères influencent cette aptitude. Parmi ces critères, on trouve un tempérament relativement docile envers l'homme, une durée de vie relativement courte, ce qui permet une reproduction rapide et un approvisionnement alimentaire stable (par exemple, les lapins ou les poules), ainsi qu'une capacité à adapter leur régime alimentaire aux ressources disponibles en captivité, qui peuvent différer de ce qu'elles consommeraient dans la nature. En outre, la domestication animale a souvent des effets visibles sur les caractéristiques physiques des espèces, comme des cornes plus petites ou une taille plus réduite par rapport à leurs homologues sauvages, car l'homme a tendance à sélectionner les animaux les plus faciles à gérer.

Les populations animales domestiquées présentent généralement un profil démographique distinct de celui des populations sauvages. Par exemple, les troupeaux domestiqués peuvent ne compter que quelques mâles adultes (utilisés comme reproducteurs, tandis que les autres mâles sont abattus), tandis que la majorité des femelles sont conservées pour la reproduction, la production de lait et d'autres produits secondaires (la laine, le transport, etc.). Ce modèle démographique est très différent de celui observé dans la nature, où la proportion de mâles est plus élevée.

L'horticulture, quant à elle, précède souvent l'agriculture à plus grande échelle. Elle est parfois définie comme une forme de culture de faible intensité, marquée par des technologies simples et souvent caractérisée par une agriculture à petite échelle, où une partie importante de la nourriture provient encore de la cueillette. Bien que l'horticulture n'entraîne pas nécessairement la transition vers l'agriculture, elle reste une pratique vivante dans certaines régions du monde. Par exemple, en Nouvelle-Guinée, l'horticulture existe depuis plus de 6000 ans et continue de se pratiquer aujourd'hui. L'horticulture consiste généralement en un jardinage où les plantes sont regroupées sur de petites parcelles, bénéficiant de soins comme le désherbage et la protection contre les parasites. Cela diffère de l'agriculture intensive, qui nécessite un travail du sol plus lourd, de l'irrigation complexe et des méthodes de stockage et de conservation plus élaborées.

L'horticulture se distingue de l'agriculture à plusieurs égards. Tout d'abord, les horticulturalistes utilisent des bâtons de fouille au lieu de charrues ou d'outils tirés par des animaux de trait. Ensuite, leurs parcelles cultivées sont généralement petites et les systèmes d'irrigation sont simples, comme des fossés en terre et des bermes qui sont utilisés pour réguler l'écoulement de l'eau. Enfin, les plantes domestiquées dans les systèmes horticoles ne sont pas toujours adaptées aux grandes récoltes et aux méthodes de stockage à long terme comme dans l'agriculture intensive.

Les parcelles cultivées par les horticulturalistes ressemblent davantage à des jardins qu'à de vastes champs agricoles. Ces jardins sont typiquement petits (moins d'un acre) et utilisent des techniques simples de lutte contre l'érosion, telles que des troncs d'arbres pour diriger l'eau courante. Les horticulturalistes sont également plus enclins à exploiter les terrains en pente que les agriculteurs, car ils investissent moins de temps et d'énergie dans la transformation du paysage que ne le font les agriculteurs. Dans les sociétés horticoles, les femmes sont généralement responsables de la plantation et de la récolte des cultures, tandis que les hommes s'occupent du défrichement des terres. À l'inverse, dans les sociétés agricoles, les hommes sont plus souvent chargés des activités extérieures liées aux champs et aux outils agricoles, tandis que les femmes s'occupent de la transformation des produits récoltés.

Une technique spécifique à l'horticulture est la coupe et la brûlure, ou horticulture itinérante. Cette méthode consiste à défricher des terrains fortement végétalisés pour en faire des champs agricoles, qui sont ensuite cultivés pendant une période de un à cinq ans avant d'être abandonnés, après une dernière récolte. Le terrain est ensuite laissé en jachère pendant quelques années, et les horticulturalistes passent à un autre champ. Cette technique a des implications à la fois sociales et économiques : elle incite à ne pas investir excessivement dans un seul terrain, mais nécessite néanmoins un concept de propriété suffisamment fort pour protéger l'investissement dans les parcelles utilisées.

En Nouvelle-Zélande, le peuple maori pratiquait une forme d'horticulture qui a été décrite par Elsdon Best en 1924. Bien que cette pratique ait varié au fil du temps, elle semble avoir été similaire à celle pratiquée à l'époque pré-européenne. Les premiers visiteurs ont observé la grande régularité des champs de patates douces, les plantes étant disposées en petites buttes et plantées suivant un modèle précis. Le soin apporté à la culture était une tâche collective, impliquant toute la communauté, qu'il s'agisse des chefs, des villageois ou des esclaves, et les récoltes étaient considérées comme sacrées, placées sous la protection des dieux.

Le passage de l'horticulture à l'agriculture ne doit pas être vu uniquement comme une simple évolution technologique. Il s'accompagne de changements profonds dans les relations sociales, les structures de pouvoir et la gestion des ressources. Dans le contexte de l'horticulture, la division du travail est claire, mais flexible, avec des rôles bien définis en fonction des tâches à accomplir. En revanche, dans une société agricole, l'intensification des méthodes de production modifie non seulement les relations humaines mais aussi la manière dont les sociétés interagissent avec la nature, leur capacité à stocker des ressources et à gérer des surplus alimentaires.

Quels sont les traits essentiels qui définissent une civilisation ancienne ?

Passer de la cueillette à l’agriculture ne signifie pas que toutes les sociétés doivent suivre le même chemin. Chaque société humaine évolue à sa manière, ce qui ne les rend ni inférieures ni moins humaines que les nôtres, mais simplement différentes. La civilisation est une voie parmi d’autres pour survivre dans le monde moderne, avec ses propres spécificités. Parmi ces spécificités, on distingue un ensemble de caractéristiques qui, réunies, définissent ce que les archéologues considèrent comme une civilisation. Bien que la liste précise puisse varier selon les chercheurs et les époques, certaines caractéristiques apparaissent comme récurrentes et indissociables.

L’une des bases de toute civilisation est l’agriculture, qui permet un surplus alimentaire. Ce surplus est fondamental car il libère une partie de la population de la simple quête de nourriture, autorisant ainsi l’apparition de spécialistes dans divers métiers. Cette diversification professionnelle constitue un pilier de l’organisation sociale civilisée.

L’urbanisation est un autre trait marquant. La concentration des populations dans des espaces qui ne peuvent subvenir à leurs besoins alimentaires par eux-mêmes nécessite l’importation de ressources. Ces villes anciennes, véritables centres d’activités, hébergent non seulement des artisans et commerçants, mais aussi des institutions politiques et religieuses, ainsi que des infrastructures comme des fortifications impressionnantes. Si certaines civilisations se caractérisaient par la coexistence entre villes principales et campagnes habitées, d’autres, telles Rome ou Sumer, étaient dominées par des centres urbains denses et complexes, proches en cela des métropoles modernes.

Le commerce à longue distance illustre l’interdépendance économique entre différentes régions, souvent lointaines. Les biens échangés n’étaient pas des denrées alimentaires de base mais des objets précieux et exotiques, symboles de prestige et d’élite. Par exemple, des pierres semi-précieuses parcouraient des milliers de kilomètres jusqu’en Égypte, tandis que les Incas enterraient leurs élites avec des coquillages rares provenant de la côte. Ce commerce impliquait souvent des groupes spécialisés, voire externalisés, à l’instar des marchands-pochtecas chez les Aztèques ou des marchands-mindala chez les Incas. Ces acteurs, bien que souvent en marge de la production alimentaire, jouaient un rôle central dans l’économie et la culture des civilisations.

La stratification sociale, une autre caractéristique fondamentale, différencie nettement les civilisations des sociétés de chasseurs-cueilleurs ou même des chefferies. L’organisation hiérarchique rigide place au sommet un groupe d’élites, souvent perçues comme divines ou proches des divinités. Ce groupe comprend la royauté, les hauts prêtres, les officiers militaires et les gouverneurs régionaux. Sous eux, des classes intermédiaires regroupent marchands, artisans et scribes, tandis que la majorité de la population se compose de paysans et éleveurs. Cette division sociale complexe est intimement liée à la fiscalité, car les impôts prélevés sur les classes moyennes et populaires financent aussi bien les constructions monumentales que les campagnes militaires.

L’écriture ou tout système durable de tenue des archives apparaît comme une nécessité dans ces sociétés où la complexité administrative augmente avec la population et la diversification des activités. Qu’il s’agisse des tablettes d’argile sumériennes, où l’on consignait les impôts, ou des quipus incas, ces ensembles de cordelettes nouées codifiant des informations, la gestion et la conservation des données étaient cruciales. Les scribes, souvent privilégiés socialement, assuraient cette fonction essentielle dans des populations majoritairement illettrées.

Enfin, la guerre organisée et prolongée devient possible grâce à l’existence d’armées permanentes, financées par les réserves alimentaires de l’État. Contrairement aux conflits limités des sociétés plus petites, où l’objectif est souvent la vengeance ou la défense locale, les civilisations développent des stratégies militaires à long terme visant à l’expansion territoriale ou à la domination régionale. Ces armées entraînées en continu et déployées sur de longues campagnes modifient radicalement le rapport à la violence et à la puissance.

Il est important de saisir que ces caractéristiques ne sont pas indépendantes mais étroitement liées. Le surplus agricole soutient la spécialisation, qui alimente l’économie urbaine et le commerce, tandis que la hiérarchie sociale organise la gestion des ressources et des conflits, elle-même appuyée par un système de gestion écrite. Ces composantes forment un réseau dynamique et interdépendant qui différencie la civilisation des autres formes d’organisation humaine.

Au-delà de ces aspects, il est essentiel de comprendre que la notion de civilisation n’implique pas une supériorité intrinsèque. Chaque société, qu’elle soit basée sur la cueillette ou l’agriculture, possède sa propre logique d’adaptation à son environnement. La diversité des trajectoires humaines témoigne de la richesse des modes de vie et des systèmes sociaux, et invite à une lecture nuancée de l’histoire humaine. Par ailleurs, la complexité croissante des civilisations engendre aussi des inégalités et des tensions sociales, facteurs souvent à l’origine de transformations majeures ou de déclin.