En 2014, les fouilles archéologiques ont révélé des découvertes majeures, notamment 17 tombes mégalithiques et plus de 1 100 tessons de poteries inscrites. Parmi ces tessons, près de 600 portaient des graffitis, et 551 étaient marqués de lettres en Tamil-Brahmi, une écriture issue du Brahmi classique, adaptée dans le sud de l’Inde. D’après Rajan, l’analyse de ces inscriptions, en plus de dates AMS de différentes couches stratigraphiques, suggère que l'occupation du site remonte au VIe siècle avant notre ère. L’utilisation de ces marques sur les poteries semblait principalement liée à des noms personnels masculins, probablement ceux des propriétaires des pots et/ou de leurs contenus. La langue des inscriptions est majoritairement tamoule, bien que de nombreux noms mélangent le tamoul et le prakrit, un fait significatif qui pourrait indiquer des influences culturelles plus larges.

Les découvertes archéologiques révèlent également des traces d'industries artisanales et commerciales florissantes, telles que celles du métal, de la perle, du coquillage et de la fabrication d’outils en fer et en acier. Ces éléments témoignent de la diversité des activités économiques dans ces premières sociétés. Initialement, les strates stratigraphiques contenant ces tessons de poterie avaient été datées entre le IIIe siècle avant notre ère et le IIIe siècle de notre ère. Cependant, après révision par Rajan, les nouvelles dates indiquent que ces strates pourraient appartenir à une période antérieure, entre 408 et 200 avant notre ère, et que l’émergence de l’écriture pourrait être datée autour du VIe ou Ve siècle avant notre ère. Cette révision soulève des questions cruciales quant à l’origine et à la diffusion de l’écriture Brahmi, et, par extension, à la naissance de la phase historique dans le sud de l’Inde.

Une étude récente a permis de dater plusieurs sites historiques du Tamil Nadu, dont Porunthal, Kodumanal, Keeladi, Alangkulam, Achichanallur et Thelunganur, avec des résultats variés. Sur les 45 dates radiométriques obtenues, 39 appartiennent à la phase historique ancienne, dont certaines remontent au VIe siècle avant notre ère. Ces découvertes confortent l’idée que le début de la phase historique dans le sud de l’Inde pourrait être simultané à celui du nord, vers le VIe siècle avant notre ère. Cependant, cette conclusion va à l’encontre de la théorie largement répandue selon laquelle l’écriture Brahmi aurait émergé au nord de l’Inde avant de se diffuser sous l’influence de l’Empire Maurya. Des chercheurs comme Y. Subbarayalu remettent en question ces dates anciennes pour les sites du Tamil Nadu, soulignant que l’écriture Tamil-Brahmi ne s’est pas formée pour écrire le tamoul, mais a été adoptée et adaptée à partir d’autres systèmes d’écriture.

Un point de débat important est la nature des établissements de Kodumanal et Keezhadi. Subbarayalu insiste sur le fait que ces sites ne peuvent pas être décrits comme des villes au sens moderne du terme, soulignant qu'aucune structure urbaine ou rue n’a été retrouvée à Kodumanal, bien qu'il s’agisse d’un centre artisanal important. Keezhadi, bien que présentant quelques structures en briques, semble également associé principalement à des activités industrielles. Cette absence d’un véritable urbanisme au sein de ces sites est un facteur clé pour comprendre les débuts de la civilisation dans cette région.

Les textes bouddhistes anciens font état d’une large variété d'occupations, aussi bien rurales qu'urbaines. Les textes mentionnent des métiers variés tels que ceux des tisserands, forgerons, orfèvres, médecins, scribes, et autres artisans spécialisés. Ces métiers, en plus des agriculteurs et des commerçants, montrent une organisation économique complexe qui a soutenu les premières sociétés urbaines. D’ailleurs, la référence à des guildes ou corporations, telles que les shrenis et nigamas, suggère que l'organisation corporative des métiers était déjà bien établie. Ces guildes jouaient un rôle clé dans l’approvisionnement des biens, dans l’organisation du travail, et dans la régulation de l’activité économique.

La naissance de la monnaie, notamment avec l’apparition des pièces frappées de symboles et de marques distinctives, marque un tournant dans l’histoire économique. L’introduction de la monnaie a permis de faciliter les échanges commerciaux, mais a aussi créé un nouveau domaine d’activité, celui du prêt à intérêt. Le rôle des prêteurs d’argent, des marchands, et même des débitrices devenues esclaves dans le contexte de l’endettement et de la faillite, met en lumière une transformation profonde des relations économiques dans ces premières sociétés.

Dans ce contexte d’émergence de l’urbanisme, des professions spécialisées et de l’usage de la monnaie, il est essentiel de comprendre que ces innovations n’étaient pas isolées, mais s'inscrivaient dans un réseau plus vaste d’échanges, d’influences culturelles et de mouvements sociaux. Ces premières traces d'écriture, de monnaie et de structures économiques témoignent d’une société en pleine transformation, prête à évoluer vers un système plus complexe, dont les bases de l’urbanisme, du commerce et de la politique se retrouveraient bien plus tard dans les grandes civilisations indiennes.

Quelle place occupaient les guildes et les métiers artisanaux dans l'Inde ancienne ?

Les sociétés de l'Inde ancienne étaient caractérisées par une évolution rapide et complexe de l'économie et de l'organisation sociale. L'émergence de centres urbains, la spécialisation des métiers et l'essor des guildes artisanales témoignent de transformations profondes dans les structures sociales et économiques. À Sri Lanka, par exemple, les premières inscriptions en Brahmi, retrouvées dans les zones nord-ouest et sud-est de l'île, dévoilent des traces de cette évolution. Ces régions, où la pratique de l'irrigation et de la culture rizicole humide était déjà bien développée dès le Ier siècle de notre ère, ont vu l'émergence de centres urbains florissants, notamment la ville d'Anuradhapura, qui est au cœur de ces évolutions agricoles.

Les fouilles archéologiques menées à Ibbankatuva, un site mégalithique de Sri Lanka, ont révélé des vestiges de sépultures dans des coffres en pierre, contenant des urnes en terre cuite et des objets funéraires, offrant ainsi un aperçu de la période de transition entre la phase mégalithique et historique. Ces découvertes montrent que les changements économiques étaient intimement liés à des innovations techniques et à une gestion de l'eau plus sophistiquée, comme en témoigne le canal Alahara, qui acheminait l'eau de l'Ambanganga à travers 48 km pour irriguer les terres autour d'Anuradhapura.

Dans cette dynamique de transformation, les métiers artisanaux ont joué un rôle clé. En Inde du Nord, les textes bouddhistes tels que le Milindapanha mentionnent pas moins de 60 types de métiers, illustrant la diversité et la complexité des activités artisanales. Les récits des Jataka, tout comme les sources épigraphiques, montrent que les villages étaient souvent organisés autour de professions spécifiques, comme les potiers, forgerons, menuisiers, ou encore les pêcheurs. Chaque village ou quartier était souvent un centre de production pour un artisanat particulier, et la transmission des compétences se faisait de père en fils, consolidant ainsi l'idée d'une hiérarchie professionnelle et sociale basée sur la filiation.

L’archéologie révèle aussi une société dans laquelle les guildes occupaient une place centrale. Ces guildes étaient des organisations de métiers, souvent très structurées, et leur rôle dans l’économie n’était pas seulement économique, mais aussi social et politique. Dans les textes bouddhistes, les guildes sont souvent mentionnées en lien avec les marchands, les artisans ou les travailleurs spécialisés. Le Mahavastu et les inscriptions de la région du Deccan font état de guildes spécialisées dans la métallurgie, la fabrication de bijoux, ou encore l’orfèvrerie, signalant non seulement une diversité artisanale, mais aussi l’organisation de ces corps de métier sur une échelle beaucoup plus large que dans les périodes précédentes.

Les inscriptions de l'Inde du Sud, telles que celles en Tamil-Brahmi, mentionnent également des guildes de maçons, d'orfèvres, de potiers, de charpentiers et d'autres artisans spécialisés, souvent en relation avec des sites religieux. Celles de Sanchi, Mathura et Bharhut attestent des dons faits par des artisans pour la construction et la décoration de stupas bouddhistes, ce qui illustre la prospérité de ces métiers et leur association avec des activités religieuses et culturelles. L’essor des guildes durant la période entre 200 avant notre ère et 300 de notre ère marque un tournant dans l’histoire économique de l’Inde, un moment où les guildes prenaient en charge non seulement la production et le commerce, mais aussi le financement et les transactions bancaires, comme l’indiquent les textes juridiques de l’époque.

Les guildes étaient des entités puissantes, jouissant d’une grande autonomie et souvent associées à la royauté. Des inscriptions de la région du Deccan montrent que les têtes de certaines guildes, notamment celles des marchands, bénéficiaient de titres honorifiques tels que kaviti, traditionnellement réservés aux ministres et aux nobles. Ces guildes n'étaient pas seulement des regroupements de travailleurs, mais aussi des structures sociales et économiques influentes. Leurs liens avec les monarques étaient d’ailleurs étroits, les chefs de guildes étant parfois intégrés à l’entourage royal, comme l'indiquent des références dans les Jatakas. Dans ce contexte, les guildes étaient un facteur essentiel de l'organisation sociale et de la régulation des métiers à travers tout le sous-continent.

Les guildes se chargeaient également de la gestion de certaines fonctions administratives, comme en témoignent les Arthashastra, qui recommandait de tenir des registres des transactions et des conventions des guildes. Ces structures assuraient ainsi une forme de régulation économique, en établissant des conventions concernant les prix, la qualité des produits et la répartition du travail. De plus, les inscriptions révèlent qu'elles possédaient souvent des quartiers réservés dans les villes pour leurs activités, ce qui leur permettait de se développer de manière plus organisée et spécialisée.

Il est crucial de noter que, malgré cette organisation relativement rigide, les guildes offraient également des possibilités de mobilité sociale, bien que cela reste limité. De nombreux artisans réussissaient à passer d'un statut modeste à un rôle plus influent, parfois en raison de leur habileté ou de leur capacité à se rapprocher des élites politiques ou religieuses. Cette dynamique de mobilité sociale, bien que présente, était cependant souvent conditionnée par des facteurs comme la naissance ou les connexions familiales.

Les professions, en Inde ancienne, étaient donc bien plus qu'un simple moyen de subsistance. Elles étaient le reflet d’une organisation sociale profondément structurée, dans laquelle l’héritage, la spécialisation et les liens entre les guildes et les structures politiques jouaient un rôle prépondérant. La relation entre les artisans et les autorités religieuses et politiques constitue un aspect essentiel pour comprendre l’économie de l’époque et son développement au fil des siècles. En outre, la richesse de ces guildes et la diversité des métiers offrent une fenêtre unique sur la vie quotidienne des sociétés anciennes, leur hiérarchie et leurs valeurs.

Qu'est-ce qui fait de l'Homo sapiens un être humain ?

Les membres de l'espèce Homo sapiens font partie du genre Canis, comme d'autres animaux, et cette classification révèle bien plus qu'une simple hiérarchie biologique. Homo sapiens, signifiant littéralement « homme pensant » en latin, englobe la totalité de l'espèce humaine moderne, bien que des différences notables existent au sein de la population mondiale, tant sur le plan physique que culturel. Ces variations dans la couleur de la peau, la structure faciale, la taille et la morphologie corporelle témoignent de notre diversité, mais n'altèrent en rien notre appartenance à une même espèce biologique.

Le terme « hominidé », qui désigne tous les grands singes actuels et disparus ainsi que les humains, englobant chimpanzés, gorilles, orangs-outans et leurs ancêtres directs, est souvent employé dans les discussions sur l'évolution humaine. Un groupe plus restreint, celui des « homininés », fait référence aux seuls humains modernes et à leurs ancêtres immédiats, excluant donc les autres grands singes. L'anthropologie paléontologique a largement contribué à la compréhension de cette évolution à travers l'étude des fossiles, permettant de retracer l’histoire fascinante de nos ancêtres biologiques et culturels. Cependant, cette tâche est complexe, car il est souvent difficile d'identifier une espèce sur la base de fossiles incomplets, et il n'est pas toujours évident de savoir si les restes retrouvés sont représentatifs de toute une population.

Des marqueurs biologiques essentiels permettent néanmoins de suivre les étapes de l’évolution humaine. Par exemple, l'augmentation de la capacité crânienne, les modifications de la structure du bassin, l’apparition du bipédisme, et les changements dans la dentition dus à l’évolution des habitudes alimentaires, offrent des pistes cruciales pour les paléo-anthropologues. En parallèle, certains aspects de l’évolution culturelle, tels que la fabrication d'outils en pierre, l'émergence de formes d’organisation sociale, les prémices du langage et la capacité de pensée symbolique, constituent des jalons importants.

Depuis quelques années, les avancées fulgurantes de l'analyse génomique ont enrichi notre compréhension des migrations humaines et des changements démographiques à travers le monde. Le génome humain, constitué de deux ensembles de 23 chromosomes, l'un hérité du père, l'autre de la mère, codifie toute l'information génétique transmise par les parents. Bien que des études génétiques antérieures aient mis l’accent sur l'ADN mitochondrial, transmis uniquement par la mère, les recherches récentes sur le génome entier ont permis de dévoiler des facettes insoupçonnées de notre ascendance et des mouvements de populations. Le projet du génome humain (1990-2003) a été une entreprise scientifique colossale qui a permis en 2001 de séquencer environ 90 % de notre ADN. En 2022, une percée significative a été réalisée avec la séquence complète du génome humain, accomplie par le consortium Telomere-to-Telomere.

Les premiers hominidés connus étaient des représentants du genre Australopithecus, datant de 4,4 à 1,8 millions d’années, tous retrouvés en Afrique. Parmi eux, Ardipithecus (ou Australopithecus ramidus), qui semble avoir évolué à partir d’un ancêtre commun des lignées humaines et des grands singes. Bien que ces hominidés aient probablement utilisé des matériaux trouvés dans leur environnement pour fabriquer des outils, il n'existe aucune preuve concluante qu'ils aient été des fabricants d'outils. Les premiers fossiles du genre Homo, comme Homo habilis (l'homme à main), datent d'environ 2 millions d'années, et les premiers outils en pierre ont été retrouvés en Éthiopie, datés d’environ 2,5 millions d’années.

Homo erectus, apparu en Afrique de l'Est autour de 1,7 million d'années, s’est progressivement répandu en Afrique, en Asie et en Europe. Des restes de cette espèce ont été découverts à Java, datés de 1 à 2 millions d’années, mais sans outils associés. En revanche, des fouilles en Chine, dans les grottes de Zhoukoudian, ont révélé des fossiles de cette espèce, associés à plus de 20 000 outils en pierre et les restes de 96 espèces animales, datés entre 800 000 et 400 000 ans. Une autre découverte importante fut celle de Homo naledi en Afrique du Sud en 2013, une espèce ayant vécu il y a environ 285 000 ans, et bien qu'elle possédait un crâne relativement petit, elle est associée à des preuves de rituels funéraires.

Les fossiles de cette époque suggèrent que, vers 315 000 ans, trois espèces humaines coexistaient en Afrique : Homo sapiens, Homo heidelbergensis (également connu sous le nom d'Homo rhodesiensis) et Homo naledi. L'évolution humaine n’est donc pas un chemin linéaire, mais une coexistence d’espèces ayant évolué parallèlement, à des moments différents, et dans des environnements variés.

Comprendre ce qui définit l’humain, c’est aussi comprendre l’exception de sa biologie et de son comportement social. Homo sapiens partage certaines caractéristiques avec d'autres mammifères, mais dispose de traits uniques. Il est bipède, avec des membres inférieurs plus longs que les membres supérieurs et une colonne vertébrale en forme de S, adaptée à la station debout. Ses mains, préhensiles, lui permettent de saisir et d’utiliser des outils avec une grande précision. En outre, la petite taille de sa mâchoire et l'absence de dents canines proéminentes le distinguent de nombreux autres mammifères.

Chez les primates, les femelles ne sont sexuellement actives que pendant des périodes spécifiques appelées œstrus, mais ce cycle est absent chez les humaines. Les nourrissons humains, nés avec un cerveau peu développé, sont particulièrement vulnérables et dépendent de leurs parents pendant une période prolongée, bien plus longue que chez d'autres espèces.

Le cerveau humain, dont la taille moyenne est de 1350 cm³, s’est considérablement agrandi au fil de l’évolution, ce qui a permis une meilleure mémoire, un apprentissage plus efficace et des comportements de plus en plus complexes. Cette augmentation de la taille cérébrale a favorisé des capacités cognitives inédites dans le règne animal. Mais, au-delà de la taille brute du cerveau, c’est la manière dont il est proportionné au reste du corps qui détermine son efficacité. L'intelligence humaine, mesurée par la capacité de résoudre des problèmes complexes et de développer des outils, n’a pas d’égal chez les autres animaux. Les chimpanzés et les orangs-outans, bien qu'ils puissent fabriquer des outils simples, ne possèdent pas la capacité de créer des objets spécialisés et de se déplacer sur de longues distances pour récolter des matériaux spécifiques.

Ainsi, l'humain se distingue non seulement par sa biologie unique mais aussi par son aptitude à transformer son environnement par la technologie, la culture et la langue. Le langage humain, bien plus complexe que les simples vocalisations des autres animaux, permet de communiquer des idées abstraites et de partager des connaissances à une échelle inédite. De plus, les sociétés humaines présentent des structures sociales d’une grande diversité, reflet de la capacité de l'espèce à organiser et à interagir de manière complexe au sein de communautés.