Dans l’étude des séries doubles, les questions de convergence et d’indépendance de la valeur finale selon l’ordre d’addition des termes sont fondamentales mais complexes. Une série double est une collection de termes xjkx_{jk} indexés par deux entiers naturels j,kNj,k \in \mathbb{N}, et il existe de multiples façons d’ordonner ces termes pour former une série simple. Le problème central est de déterminer sous quelles conditions ces séries convergent, et surtout si leur somme dépend ou non de la manière dont les termes sont arrangés.

La clé de compréhension repose sur la notion de sommabilité du double tableau (xjk)(x_{jk}), qui signifie que la somme des valeurs absolues j,k=0xjk\sum_{j,k=0}^\infty |x_{jk}| est finie. Cette condition, plus forte que la simple convergence, permet d’établir des résultats puissants sur la convergence absolue.

On commence par reconnaître que l’ensemble N×N\mathbb{N} \times \mathbb{N} est dénombrable, ce qui implique l’existence d’une bijection α:NN×N\alpha: \mathbb{N} \to \mathbb{N} \times \mathbb{N} permettant de transformer la série double en une série simple n=0xα(n)\sum_{n=0}^\infty x_{\alpha(n)}. L’important est que si la série double est sommable, alors pour toute bijection α\alpha, la série simple correspondante est absolument convergente vers une même limite ss, indépendante de α\alpha.

Cette propriété d’indépendance est démontrée en s’appuyant sur des résultats classiques de convergence absolue : toute réorganisation d’une série absolument convergente converge vers la même somme. En effet, deux bijections α\alpha et β\beta de N\mathbb{N} vers N×N\mathbb{N} \times \mathbb{N} induisent une permutation σ=α1β\sigma = \alpha^{ -1} \circ \beta de N\mathbb{N}, et la série xβ(n)\sum x_{\beta(n)} est alors une réarrangement de la série xα(n)\sum x_{\alpha(n)}, garantissant la constance de la limite.

De plus, la sommabilité implique la convergence absolue des séries de lignes k=0xjk\sum_{k=0}^\infty x_{jk} et de colonnes j=0xjk\sum_{j=0}^\infty x_{jk}. On peut alors considérer la somme des sommes de lignes ou de colonnes, qui converge aussi vers la même limite ss. Ce fait est essentiel pour manipuler les séries doubles en pratique, notamment lors du calcul des produits de Cauchy.

Le produit de Cauchy de deux séries absolument convergentes xjx_j et yky_k est une série double définie par xjk=xjykx_{jk} = x_j y_k. La sommabilité de cette série double est assurée par la sommabilité des séries initiales, ce qui entraîne la convergence absolue et la validité des manipulations usuelles sur les produits de séries. Le théorème du produit de Cauchy garantit que le produit formé par la somme des diagonales zn=k=0nxkynkz_n = \sum_{k=0}^n x_k y_{n-k} converge vers le produit des sommes xjyk\sum x_j \cdot \sum y_k.

L’application la plus célèbre est celle des séries exponentielles : la relation exp(x)exp(y)=exp(x+y)\exp(x) \cdot \exp(y) = \exp(x+y) découle directement de cette propriété, puisque les séries pour exp(x)\exp(x) et exp(y)\exp(y) sont absolument convergentes. Cette égalité permet aussi de définir rigoureusement la fonction exponentielle pour les nombres rationnels en tant que puissances de ee.

Toutefois, si les séries ne sont que conditionnellement convergentes, ces propriétés cessent de s’appliquer. Le produit de Cauchy d’une paire de séries conditionnellement convergentes peut ne pas converger, ou converger vers une valeur différente selon l’ordre de sommation. Ceci souligne la rigueur nécessaire dans le traitement des séries doubles et des produits de séries, en insistant sur l’importance de la convergence absolue.

Il est également crucial de comprendre que la définition même de la convergence d’une série double ne se réduit pas à la convergence des séries de lignes ou de colonnes : ces dernières doivent être vérifiées explicitement. La sommabilité impose un contrôle global, via la somme des modules, qui garantit alors une cohérence entre toutes les façons d’ordonner les termes. Ce cadre est indispensable pour toute étude avancée des séries multiples, qu’elles interviennent en analyse fonctionnelle, en théorie des séries entières, ou en probabilités.

Enfin, il est important de noter que cette approche souligne la profonde différence entre convergence conditionnelle et convergence absolue : la première permet des réarrangements qui modifient la somme, tandis que la seconde assure la stabilité et la bien-définition de la limite, indépendamment de la manière dont on additionne les termes. Cela met en lumière la nécessité d’examiner les conditions de sommabilité avant de manipuler des séries doubles, afin d’éviter des erreurs conceptuelles et calculatoires.

Une sous-ensemble de R\mathbb{R} est-il toujours un intervalle s'il est connecté ?

Soit XRX \subseteq \mathbb{R} un sous-ensemble connecté. Nous démontrerons que dans ce cas, XX doit nécessairement être un intervalle.

Nous commençons par supposer que XX est un sous-ensemble non vide de R\mathbb{R}, qui contient plus d’un élément, et qu’il est connecté. Pour cela, considérons les bornes inférieure et supérieure de XX, notées respectivement a=inf(X)a = \inf(X) et b=sup(X)b = \sup(X), qui sont des éléments de R\mathbb{R}. Si XX contient au moins deux éléments, l'intervalle (a,b)(a, b) n’est pas vide. Ainsi, XX est inclus dans l'union de (a,b)(a, b) et de l’ensemble {a,b}\{a, b\}, c’est-à-dire que X(a,b){a,b}X \subseteq (a, b) \cup \{a, b\}.

Nous prouvons maintenant que l’inclusion (a,b)X(a, b) \subseteq X est vraie. Supposons, par l’absurde, que l'intervalle (a,b)(a, b) ne soit pas inclus dans XX. Il existerait alors un élément c(a,b)c \in (a, b) qui ne serait pas dans XX. Nous définissons alors O1:=X(,c)O_1 := X \cap (-\infty, c) et O2:=X(c,)O_2 := X \cap (c, \infty). Par la proposition 2.26, O1O_1 et O2O_2 sont ouverts dans XX. De plus, ces ensembles sont disjoints, et leur réunion donne XX. En choisissant deux éléments xx et yy dans XX, tels que x<cx < c et y>cy > c, nous obtenons que xO1x \in O_1 et yO2y \in O_2. Cela implique que O1O_1 et O2O_2 sont non vides, ce qui conduit à une contradiction : XX ne peut être connecté, ce qui contredit notre hypothèse initiale.

En montrant que (a,b)X(a, b) \subseteq X, nous pouvons conclure que X(a,b){a,b}X \subseteq (a, b) \cup \{a, b\}, ce qui démontre que XX est un intervalle.

Inversement, supposons maintenant que XX soit un intervalle et qu’il existe des sous-ensembles ouverts et non vides O1O_1 et O2O_2 de XX tels que O1O2=O_1 \cap O_2 = \emptyset et O1O2=XO_1 \cup O_2 = X. Choisissons xO1x \in O_1 et yO2y \in O_2, et supposons x<yx < y. En raison de la complétude ordonnée de R\mathbb{R}, nous définissons z=sup(O1[x,y])z = \sup(O_1 \cap [x, y]), un réel bien défini.

L’élément zz ne peut appartenir à O1O_1, car O1O_1 est ouvert dans XX et XX est un intervalle. Il existe donc un ϵ>0\epsilon > 0 tel que [z,z+ϵ)O1[x,y][z, z + \epsilon) \subseteq O_1 \cap [x, y], ce qui contredit la propriété de suprémum de zz. De même, zz ne peut appartenir à O2O_2, car il existerait un ϵ>0\epsilon > 0 tel que (zϵ,z]O2[x,y](z - \epsilon, z] \subseteq O_2 \cap [x, y], ce qui contredirait la condition O1O2=O_1 \cap O_2 = \emptyset. Ainsi, zO1O2=Xz \notin O_1 \cup O_2 = X. Cependant, [x,y][x, y] est inclus dans XX puisque XX est un intervalle, ce qui conduit à la contradiction z[x,y]Xz \in [x, y] \subseteq X et zXz \notin X.

Nous avons ainsi prouvé que si XX est un intervalle, il est nécessairement connecté.

Les ensembles connectés possèdent une propriété importante : l'image d'un ensemble connecté sous une fonction continue est également connectée. Ce fait, qui découle directement des théorèmes précédents, est fondamental pour l’étude des fonctions réelles.

Un exemple clé de cette propriété est le théorème généralisé des valeurs intermédiaires. Ce théorème nous dit que si XX est un espace métrique connecté et f:XRf : X \to \mathbb{R} est une fonction continue, alors f(X)f(X) est nécessairement un intervalle. Cela signifie que la fonction ff prend toutes les valeurs comprises entre deux valeurs quelconques f(x)f(x) et f(y)f(y), avec x,yXx, y \in X.

Ainsi, comprendre la connexion et la continuité dans un espace métrique permet non seulement de mieux comprendre la structure de l'ensemble XX, mais aussi d'en déduire des propriétés très puissantes des fonctions continues qui agissent sur ces ensembles.