Les cartes multilinéaires, qui associent plusieurs variables à une seule valeur dans un espace vectoriel, jouent un rôle fondamental dans les domaines des mathématiques avancées, notamment en analyse fonctionnelle et en géométrie différentielle. Elles sont des généralisations des fonctions linéaires à plusieurs variables, et leur étude révèle de nombreuses propriétés intéressantes et utiles, notamment en ce qui concerne la continuité, la différentiabilité et les relations entre les espaces vectoriels.

Soit y=(y1,,ym)y = (y_1, \dots, y_m) un élément du produit direct E1××EmE_1 \times \dots \times E_m, et φ:E1××EmF\varphi : E_1 \times \dots \times E_m \to F une carte multilinéaire continue. Une des propriétés fondamentales est que pour chaque yjEj{0}y_j \in E_j \setminus \{0\}, on peut normaliser ce vecteur en posant xj:=yjyjx_j := \frac{y_j}{\|y_j\|}. Par conséquent, (x1,,xm)(x_1, \dots, x_m) appartient à un ensemble BB, et on montre que l'inégalité suivante est vérifiée :

1y1ymφ(y1,,ym)=φ(x1,,xm)α\frac{1}{\|y_1\| \cdots \|y_m\|} \|\varphi(y_1, \dots, y_m)\| = \|\varphi(x_1, \dots, x_m)\| \leq \alpha

Cette relation prouve la continuité de φ\varphi, une des propriétés essentielles pour les cartes multilinéaires continues. La norme de φ\varphi, notée φ\|\varphi\|, est en effet une mesure du comportement de la fonction, et cette norme satisfait les inégalités qui définissent la continuité des cartes multilinéaires.

L'un des résultats fondamentaux de l'analyse des cartes multilinéaires est qu'elles forment un espace vectoriel sous l'addition et la multiplication par un scalaire. Ce résultat est particulièrement important dans le cadre des espaces de Banach, car il garantit que l'ensemble des cartes multilinéaires continues forme un sous-espace vectoriel de l'ensemble des fonctions continues. En particulier, si l'on considère un ensemble L(E1,,Em;F)L(E_1, \dots, E_m; F) des cartes multilinéaires continues, cet ensemble est un sous-espace vectoriel de C(E1××Em,F)C(E_1 \times \dots \times E_m, F), l'espace des fonctions continues de E1××EmE_1 \times \dots \times E_m vers FF.

Lorsqu’on travaille avec des cartes multilinéaires, il est essentiel de comprendre la manière dont elles peuvent être utilisées pour approximer des fonctions plus complexes. Cela repose sur la norme associée à ces cartes. La norme de φ\varphi, définie par

φ:=inf{α0:φ(x1,,xm)αx1xm}\|\varphi\| := \inf \{\alpha \geq 0 : \|\varphi(x_1, \dots, x_m)\| \leq \alpha \|x_1\| \cdots \|x_m\|\}

est une mesure du "pire cas" de la croissance de φ\varphi par rapport aux normes des xjx_j. Elle est cruciale pour garantir la convergence des suites de cartes multilinéaires, notamment lorsque l'on examine la continuité et la différentiabilité de ces fonctions.

Un autre aspect intéressant des cartes multilinéaires est leur comportement lorsqu'elles sont composées avec des fonctions. Par exemple, si XX est un ouvert de KK et φL(E1,,Em;F)\varphi \in L(E_1, \dots, E_m; F), alors pour des fonctions fjC1(X,Ej)f_j \in C^1(X, E_j) pour 1jm1 \leq j \leq m, la composition de φ\varphi avec (f1,,fm)(f_1, \dots, f_m) donne une fonction φ(f1,,fm):XF\varphi(f_1, \dots, f_m): X \to F qui est continûment différentiable. En d'autres termes,

xjφ(f1,,fm)=φ(f1,,fj1,fj,fj+1,,fm)\frac{\partial}{\partial x_j} \varphi(f_1, \dots, f_m) = \varphi(f_1, \dots, f_{j-1}, f_j', f_{j+1}, \dots, f_m)

Cela résulte du fait que la dérivée d'une carte multilinéaire est une somme de cartes de moindre "dimension", et ce principe de la chaîne est d’une grande utilité dans l’analyse des dérivées partielles et des produits de fonctions.

Un aspect plus géométrique et algorithmique des cartes multilinéaires est l'utilisation des permutations. Si une carte multilinéaire φ\varphi est symétrique, cela signifie qu'elle satisfait la relation φ(xσ(1),,xσ(m))=φ(x1,,xm)\varphi(x_{\sigma(1)}, \dots, x_{\sigma(m)}) = \varphi(x_1, \dots, x_m) pour toute permutation σ\sigma de {1,,m}\{1, \dots, m\}. Les cartes symétriques jouent un rôle particulier dans les systèmes de calcul et les algorithmes où la permutation des variables ne modifie pas le résultat. Ces cartes forment un sous-espace fermé de Lm(E,F)L_m(E, F), et sont également un espace de Banach, ce qui est important pour garantir leur stabilité sous des opérations algébriques complexes.

Enfin, la notion de dérivée d'une carte multilinéaire mérite une attention particulière. Il est montré que les cartes multilinéaires sont continuellement différentiables, et que leurs dérivées sont des sommes de cartes de dimension m1m-1. Ces résultats sont essentiels pour étendre les principes du calcul différentiel aux fonctions multivariées, notamment dans les applications aux formes bilinéaires et aux déterminants, où la différentiabilité permet d'analyser les variations infinitésimales des systèmes.

La compréhension de ces propriétés est cruciale pour appliquer efficacement les cartes multilinéaires dans des contextes aussi variés que la géométrie différentielle, les systèmes dynamiques et la théorie des perturbations. Elles permettent non seulement de manipuler des objets mathématiques complexes mais aussi de comprendre la manière dont les petits changements dans les variables d'entrée affectent le résultat final d'une fonction multilinéaire.

Les sous-variétés différentiables et leurs propriétés essentielles

Si X est une sous-variété de dimension n, l’un des résultats les plus fondamentaux en géométrie différentielle est que X est ouverte dans R^n si et seulement si elle est une sous-variété de classe C∞ de R^n. Supposons que X soit une sous-variété C∞ de dimension n de R^n et que x₀ ∈ X. Il existe alors un voisinage ouvert U de x₀ dans R^n et une application difforme ϕ qui transforme une partie de X en un ouvert de R^n. Cette application difforme montre que U intersecté avec X est en fait égal à U, prouvant ainsi que X est ouvert dans R^n.

En revanche, si X est déjà ouvert dans R^n, la situation est tout aussi claire. En prenant U = X, V = X et ϕ = idₓ, il devient évident que X est une sous-variété C∞ de R^n. Ce résultat montre un lien direct entre l’ouverture d’un sous-ensemble et ses propriétés géométriques en tant que sous-variété.

Lorsqu’on aborde des exemples plus simples, prenons un ensemble comme M = {x₀, x₁, ..., xₖ} dans R^n, où chaque élément de M est un point distinct. Il est facile de démontrer que M est une sous-variété C∞ de dimension 0 de R^n. Cela peut être vu en observant qu’il existe une petite boule autour de chaque point, où la carte diffeomorphique ϕ(x) = x - y est définie de manière à ce que l’image de M soit un ensemble de points isolés.

La situation devient plus intéressante lorsque l’on examine des applications différentiables entre variétés. Si une fonction f appartient à la classe Cq et M est une sous-variété Cq de R^n, alors l’image de M sous f, notée f(M), reste une sous-variété de la même dimension et de la même classe de régularité. Ce phénomène est démontré grâce à une application simple mais puissante, que l’on peut laisser comme un exercice de réflexion pour le lecteur.

Un autre aspect essentiel est que chaque sous-variété Cq de R^n est également une sous-variété Cr pour tous 1 ≤ r ≤ q. Cette propriété fait appel à la régularité des cartes différentiables associées et montre que les sous-variétés peuvent être étudiées à différents niveaux de régularité. C’est une notion fondamentale pour comprendre la structure interne des variétés différentiables.

Une propriété intéressante des sous-variétés est celle des graphes. Supposons que X soit ouvert dans R^m et que f ∈ Cq(X, Rⁿ), alors le graphe de f, noté graph(f), est une sous-variété Cq de dimension m dans R^(m+n). Pour prouver cela, on définit une application diffeomorphique ϕ qui relie les points de X à leur image sous f, et la structure du graphe permet de conclure que l’image de X sous cette fonction est bien une sous-variété de la dimension attendue.

Enfin, le théorème des valeurs régulières est un outil fondamental pour comprendre comment les sous-variétés peuvent être définies implicitement à l’aide de fonctions. Si f : X → R^n est une fonction différentiable et que c est une valeur régulière de f, alors l’ensemble des points qui sont envoyés sur c forme une sous-variété de dimension (m-n). Ce résultat trouve des applications pratiques dans de nombreuses situations, comme la détermination de hyper-surfaces et de niveaux de fonctions dans des espaces euclidiens.

Il est important de noter que la notion de sous-variété ne se limite pas à la simple notion d’un sous-ensemble de R^n. Par exemple, le groupe orthogonal O(n) est une sous-variété C∞ de R^(n×n), dont la dimension peut être calculée comme n(n-1)/2, un résultat qui met en évidence la complexité des sous-variétés dans des espaces de dimension plus élevée.

Le théorème de l’immersion fournit un cadre utile pour examiner les immersions différentiables. Si f ∈ C1(X, R^n) est une immersion, cela signifie que l’application dérivée de f est injective en chaque point de X. L’immersion permet de paramétriser des hypersurfaces régulières dans des espaces de dimensions supérieures, et ces hypersurfaces peuvent être étudiées à l’aide de cartes locales et de techniques de différentiabilité.

Les immersions et les applications différentiables jouent un rôle crucial dans la compréhension de la géométrie des variétés. Par exemple, si f est une immersion de X dans R^n, alors l’image de f est une sous-variété de dimension m dans R^n. Cela permet d’étudier les propriétés locales de variétés de manière plus précise, en comprenant comment elles se comportent sous des transformations différentiables.

Il est également essentiel de souligner qu’il existe des cas où les immersions injectives ne mènent pas toujours à des sous-variétés. Les exemples montrent que des immersions non injectives peuvent avoir des intersections auto-imposées, ce qui empêche leur image d’être une sous-variété dans R^n. En revanche, certaines immersions non injectives peuvent néanmoins donner lieu à des sous-variétés, comme le montre l’exemple de la courbe parcourue plusieurs fois dans le cas d’une immersion circulaire.

En résumé, la compréhension des sous-variétés différentiables et de leurs propriétés permet non seulement de mieux saisir les concepts de régularité et de structure géométrique, mais aussi d’étudier des phénomènes géométriques complexes à l’aide d’outils mathématiques précis et raffinés.