L’un des défis majeurs du développement de systèmes de vision par ordinateur était le coût élevé lié à l’étiquetage des données, une problématique qui a été en grande partie résolue avec la création de jeux de données massifs et bien étiquetés comme ImageNet, CIFAR-10, CIFAR-100 et la base de données MNIST. Ces avancées, couplées aux améliorations dans le calcul parallèle avec les unités de traitement graphique (GPU) et les grands clusters distribués, ont permis de surmonter les limites de calcul et de mieux gérer ces ensembles de données colossaux. L’ImageNet Large-Scale Visual Recognition Challenge (ILSVRC) a joué un rôle crucial dans l’avancée des réseaux neuronaux profonds pour la vision par ordinateur. Ce défi a facilité la construction et l’évaluation de réseaux neuronaux plus complexes, en fournissant un standard permettant de mesurer différents systèmes de classification d'images.

L’ILSVRC a permis de concevoir deux architectures majeures de classification d’images : le VGG-Net et le ResNet. Le VGG-Net, développé en 2014 par Simonyan et Zisserman, a eu un impact considérable sur l’exploration de structures de réseaux plus profonds. Grâce à l’utilisation de filtres convolutifs de 3 × 3 très petits, le réseau était capable de détecter de fines détails tout en maintenant le nombre de paramètres sous contrôle. Cette conception a permis au réseau d’atteindre 16 à 19 couches de poids, atteignant une précision impressionnante de 7,3 % lors de l’ILSVRC 2014. La profondeur accrue du réseau a non seulement amélioré la performance de classification, mais a également défini un nouveau standard pour les architectures de CNN (Convolutional Neural Network).

En 2015, Microsoft Research Asia a présenté le ResNet, qui a apporté une véritable révolution avec sa structure de réseau de 152 couches. L'innovation majeure de ResNet résidait dans l'apprentissage résiduel. Ce procédé consistait à apprendre des fonctions résiduelles par rapport aux couches d’entrée, plutôt que d’apprendre directement la cartographie sous-jacente visée. Cette approche a permis de résoudre le problème de la dégradation, qui se manifeste lorsque l’ajout de nouvelles couches entraîne une dégradation des performances. Grâce à cette structure, le ResNet a obtenu une précision bien supérieure, remportant l'ILSVRC 2015 avec un taux d’erreur de seulement 3,6 %. Ces deux réseaux ont jeté les bases pour l’utilisation de l’apprentissage par transfert dans des projets tels que le nôtre, qui vise à adapter ces conceptions performantes pour la détection et la classification d’anomalies dans différents ensembles de données.

Les réseaux neuronaux convolutifs (CNN) sont particulièrement adaptés à la classification d'images, notamment dans des domaines comme l'inspection des semi-conducteurs. Leur capacité à apprendre des motifs complexes directement à partir des images de semi-conducteurs, sans nécessiter l’intervention humaine pour la création de caractéristiques spécifiques, les rend largement supérieurs aux méthodes traditionnelles d'apprentissage machine. Dans la fabrication de puces et de plaquettes, cela permet de détecter des défauts, ce qui est essentiel pour garantir la qualité et la fiabilité des produits finis.

Les CNNs se distinguent par leur capacité à repérer des structures et des motifs complexes dans les images de semi-conducteurs. Ils peuvent détecter des défauts tels que des particules, des rayures ou des variations de motif qui pourraient indiquer des problèmes de fabrication. De plus, les CNN sont flexibles : ils peuvent s'adapter aux différences entre les images de semi-conducteurs causées par des méthodes de fabrication, des matériaux ou des paramètres d'équipement variés. En entraînant ces réseaux sur un large éventail de défauts, ils deviennent de plus en plus efficaces pour repérer les anomalies sur de nouveaux échantillons.

L'avantage majeur des CNN dans l'inspection des semi-conducteurs réside dans leur capacité à traiter d’énormes volumes d’informations visuelles, tout en étant capables de s’adapter à de nouvelles images. Il existe plusieurs ensembles de données étiquetées utilisés pour l'inspection des semi-conducteurs, comme les Normes et Lignes directrices pour les Défauts dans la Fabrication des Semi-Conducteurs de SEMI (Semiconductor Equipment and Materials International). Les avancées technologiques dans l'accélération matérielle, telles que les GPU et les accélérateurs spécialisés, permettent une intégration fluide des systèmes d’inspection basés sur les CNN dans les usines de fabrication de puces, augmentant ainsi la productivité et la scalabilité des systèmes.

Dans la pratique, l’acquisition de données pour l’inspection des semi-conducteurs repose sur des images de plaquettes prises dans les usines de fabrication de semi-conducteurs, des environnements très contrôlés où la contamination est strictement régulée. Des systèmes de prise d'images automatisés et de haute résolution sont utilisés pour capturer des images de plaquettes à différentes étapes du processus de fabrication, telles que la déposition, la lithographie, le gravage et le recuit. Ces images sont ensuite annotées avec des métadonnées telles que l’ID de la plaquette, le numéro du lot, l’étape de fabrication et l’horodatage, ce qui facilite la traçabilité et le suivi des défauts.

Les images des puces extraites des plaquettes, également appelées images de die, sont traitées grâce à des techniques d'imagerie haute résolution et à des algorithmes de segmentation qui isolent chaque puce pour permettre un examen détaillé des défauts. Ces images sont capturées sous différents angles afin de fournir une vue complète des caractéristiques de la surface et de détecter d’éventuels défauts invisibles sous un seul angle.

Les défauts eux-mêmes sont ensuite localisés et classés selon leur type, taille, forme et gravité. Les images des défauts sont prises à haute magnification à l’aide de microscopes spécialisés comme SEM ou AFM, permettant d'examiner les défauts à l'échelle nanométrique. Les défauts identifiés sont ensuite classifiés, ce qui permet aux fabricants de concentrer leurs efforts sur les défauts les plus critiques et d’améliorer continuellement leurs processus pour minimiser la réapparition de ces défauts.

Les images des défauts annotées sont intégrées dans des bases de données centrales, ce qui permet aux ingénieurs de les analyser et de prendre des décisions éclairées pour optimiser la fabrication des semi-conducteurs. Le processus de prétraitement des images, comme la correction de distorsion, le filtrage et l'amélioration de la résolution, est essentiel pour garantir que les données d’image soient de la meilleure qualité possible pour l’analyse par les réseaux neuronaux.

Le silicium et le germanium dans les semi-conducteurs : Un avenir en transition

Le silicium, après l'oxygène, est le matériau le plus abondant sur Terre, ce qui en fait un choix privilégié pour une utilisation à grande échelle. Ce matériau est généralement extrait du sable de silice et, en raison de sa disponibilité et de son abondance, il est devenu le principal choix dans l'industrie des semi-conducteurs. Les cristaux de silicium de haute qualité sont cultivés à partir de solutions de dioxyde de silicium, essentielles pour la fabrication de dispositifs dans cette même industrie. Le silicium présente une bande interdite faible de 1,12 eV, ce qui permet un contrôle efficace des porteurs de charge à température ambiante. Grâce au dopage, les concentrations de porteurs peuvent être contrôlées en introduisant des cations aliovalents dans le réseau de Si. Cette capacité à contrôler les concentrations de porteurs et, par conséquent, la conductivité du silicium, fait de ce dernier un matériau de choix pour la fabrication de transistors, d'appareils de commutation et d'amplificateurs. Lorsqu'il est exposé à l'oxygène, le silicium forme une couche isolante de SiO2, élément clé dans la fabrication des transistors à effet de champ métal-oxyde-semiconducteur (MOSFET). Ces transistors ont révolutionné de nombreux composants électroniques dans les circuits numériques et analogiques.

L'infrastructure de fabrication à grande échelle, la main-d'œuvre qualifiée et les considérations économiques sont parmi les raisons pour lesquelles le silicium demeure le matériau dominant dans l'industrie des semi-conducteurs. Cependant, malgré ces nombreux avantages, le silicium présente des limites significatives, notamment dans les domaines des dispositifs à haute fréquence et à grande vitesse. Comparé à d'autres matériaux comme l'arséniure de gallium (GaAs), la mobilité des porteurs de charge dans le silicium est relativement faible, ce qui le rend moins efficace pour des applications nécessitant des fréquences élevées, comme les dispositifs radiofréquence (RF) et micro-ondes. De plus, le silicium a une conductivité thermique plus faible que des matériaux comme le carbure de silicium (SiC) ou le diamant, ce qui limite son utilisation dans les applications électroniques de puissance où la dissipation thermique est cruciale. À l'échelle nanométrique, le silicium rencontre des défis liés au tunnel quantique et aux effets de canal court, qui entraînent des fuites de puissance et une réduction des performances des transistors ultracourts. Cela a conduit la communauté scientifique à se tourner vers d'autres matériaux à 2D, comme le graphène, les dichalcogénures de métaux de transition, et les composés semiconducteurs III-V, pour les dispositifs de nouvelle génération.

Alors que le silicium reste le matériau privilégié dans de nombreuses applications, il existe un intérêt croissant pour des alternatives telles que le carbure de silicium (SiC) et l'azote de gallium (GaN). Ces matériaux, bien que moins répandus que le silicium, sont particulièrement prometteurs pour les applications de haute puissance et à haute fréquence, où leurs propriétés de conduction thermique et de gestion de la chaleur surpassent celles du silicium. Leur capacité à fonctionner à des températures plus élevées et à supporter des champs électriques plus forts les rend essentiels dans des domaines tels que les dispositifs à haute performance et la gestion de l'énergie.

Le germanium, un autre matériau semi-conducteur, a également joué un rôle crucial dans l'histoire des transistors et continue d'être utilisé dans certaines applications spécifiques. Bien qu'il ait été largement remplacé par le silicium, le germanium est toujours préféré dans des domaines où ses propriétés sont particulièrement avantageuses, comme les applications à haute fréquence et optoélectroniques. Le germanium a une mobilité des porteurs de charge beaucoup plus élevée que le silicium, ce qui le rend plus adapté aux applications à haute fréquence où la rapidité de commutation est essentielle. De plus, son faible bandgap de 0,66 eV lui permet de conduire à des températures proches de celle de la pièce, contrairement au silicium, dont le bandgap plus large nécessite des températures plus élevées pour une conduction efficace.

Cependant, malgré ses avantages, le germanium présente des limitations importantes. Il a une conductivité thermique relativement faible par rapport à d'autres matériaux comme le silicium ou le carbure de silicium, ce qui complique sa gestion thermique dans des applications de puissance. De plus, contrairement au silicium, il ne peut pas former d'oxyde stable comme le SiO2, ce qui limite son utilisation dans des applications de transistors à effet de champ. Néanmoins, le germanium continue d’être utilisé dans des domaines tels que les transistors haute fréquence, les cellules solaires à multi-jonction, et les dispositifs optoélectroniques en raison de ses propriétés uniques en termes de conduction électrique et d'absorption optique.

Dans l'avenir, avec la demande croissante de dispositifs plus compacts, plus rapides et plus économes en énergie, le germanium suscite un intérêt renouvelé, notamment dans les domaines de l'informatique quantique et des dispositifs photoniques. Ses propriétés électriques et optiques uniques pourraient offrir des avantages supplémentaires pour ces technologies émergentes. De plus, l’utilisation du germanium dans des alliages avec le silicium, comme le SiGe, montre un potentiel pour de nouvelles applications dans les domaines de la radiofréquence et des micro-ondes.

Ainsi, bien que le silicium continue de dominer l’industrie des semi-conducteurs, son avenir pourrait être complété par des matériaux alternatifs qui répondent mieux aux exigences de performance des dispositifs de plus en plus complexes et spécialisés. Le germanium, de son côté, pourrait revendiquer une nouvelle place grâce à ses propriétés exceptionnelles, en particulier dans des secteurs de pointe comme la photonique et l'informatique quantique.