Les équilibres chimiques sont sensibles aux variations de température, et comprendre leur comportement nécessite souvent d'observer comment les grandeurs thermodynamiques telles que l'énergie libre de Gibbs (∆Go) et la constante d'équilibre (Kp) évoluent avec la température. Cela permet d'identifier des aspects essentiels de la réaction, tels que la dissociation des molécules ou l'orientation vers l'état d'équilibre.

Au début, on constate que dans la plage basse de température, le degré de dissociation α est inférieur à 0,5, alors qu’à des températures plus élevées, α dépasse 0,5. Cela suggère que la réaction chimique passe d’un état majoritairement non dissocié à un état où la dissociation prédomine. À une température intermédiaire, proche de 500 K, on observe que la valeur de |∆Go| est inférieure à 4 kJ, ce qui indique un état quasi d'équilibre thermodynamique. Ce comportement est également lié à une variation de la constante d'équilibre Kp : lorsque la température augmente, Kp tend à approcher 1, indiquant un équilibre dynamique où les quantités des réactifs et des produits sont comparables.

Un point clé ici est que ∆Go n'est pas constant en fonction de la température. Le gradient de ∆Go par rapport à la température est un indicateur de deux autres quantités thermodynamiques importantes, à savoir l’enthalpie et l’entropie de la réaction. Par exemple, à 450 K, on s'attend à ce que ∆Go soit positif, indiquant que la réaction est défavorable dans cette région thermique, alors qu’à 550 K, ∆Go devient négatif, favorisant ainsi la dissociation complète des réactifs.

Les données de pression partielle et de constante d'équilibre Kp à différentes températures (450 K, 500 K, et 550 K) montrent que l’évolution de Kp suit une tendance qui n'est pas linéaire. À 450 K, Kp vaut 0,045, à 500 K il atteint 0,254, et à 550 K il grimpe à 0,894. Ces variations sont liées directement à la dissociation du PCl5 et à la distribution des pressions partielles des produits et réactifs. La relation de Van't Hoff peut être utilisée ici pour calculer la variation de ∆Go à d'autres températures, en prenant soin d’utiliser les constantes et les pressions partielles de manière cohérente.

Dans un autre cas, si on considère un liquide Z avec une pression de vapeur de 38 Torr à température ambiante, et qu’il réagit dans une enceinte scellée avec un gaz X, présent initialement à 0,1 atm, la constante d'équilibre Kp pour la réaction est donnée comme étant égale à 0,01. Cela suggère que la réaction est pratiquement non complète, puisque Kp est très inférieur à 1, ce qui implique que la majorité du gaz X reste sous forme non réagi. Dans ce cas, la pression partielle de A dans la phase gazeuse à l'équilibre sera extrêmement faible. En résolvant l'équation de Kp, on obtient une estimation de la pression partielle de A de 5 × 10–5 atm, soit 0,038 Torr, ce qui montre que presque aucune réaction n'a eu lieu. Ce genre de problème met en lumière l'importance de bien comprendre l'échelle de grandeur des différentes constantes et pressions pour éviter des erreurs dans les calculs.

Enfin, un exemple classique de pollution de l'air concerne la réaction entre le dioxyde de soufre (SO2) et l'oxygène pour former le trioxyde de soufre (SO3), une réaction exothermique. Lorsque de grandes quantités de SO2 sont libérées dans l'air dans des conditions de température et de pression spécifiques, la concentration finale de SO3 peut être estimée en utilisant les données thermodynamiques disponibles, telles que ∆Go et la constante d'équilibre Kp. En estimant les quantités de SO3 produites à partir d'une masse donnée de SO2, il est possible de déterminer si cette concentration dépasse les niveaux dangereux pour la santé humaine. Dans ce cas, la concentration de SO3 est bien en dessous du seuil létal de 5 ppm, ce qui est une bonne nouvelle pour la population, bien que des effets nuisibles puissent toujours se produire à cause de l'irritation causée par SO2, même à des concentrations faibles.

Ces exemples soulignent l’importance de comprendre les principes fondamentaux des équilibres chimiques et de savoir interpréter les valeurs thermodynamiques à différentes températures. Cela permet de prévoir l'évolution des réactions dans des conditions variées, tout en fournissant des outils pour éviter les erreurs de calcul ou de modélisation.

Pourquoi certains noyaux atomiques sont-ils stables alors que d'autres ne le sont pas ?

Dans le noyau atomique, les neutrons deviennent stables grâce à une interaction fondamentale appelée « force forte ». Cette force, absente de la chimie ordinaire, lie les nucléons (protons et neutrons) entre eux malgré la répulsion électrostatique entre les protons. Il existe 81 éléments dont au moins un isotope est stable. Le mot isotope signifie « même place », car tous les isotopes d’un même élément ont le même nombre de protons, donc le même numéro atomique, et occupent la même case dans le tableau périodique. Ce qui varie entre eux, c’est le nombre de neutrons.

Certains éléments sont présents dans la nature bien qu’instables, car leur désintégration est extrêmement lente : leur demi-vie est comparable à l’âge de la Terre. C’est le cas de l’uranium-238, dont la demi-vie avoisine 4,5 milliards d’années. Entre les éléments 84 et 92, on trouve neuf éléments naturels sans isotopes stables, mais dotés d’une longévité suffisante pour exister hors des laboratoires. Deux éléments plus légers, le technétium (43) et le prométhium (61), n’ont aucun isotope stable et ne se trouvent que dans des environnements artificiels.

Le comportement nucléaire dépend du rapport entre neutrons et protons. Si un noyau contient trop de protons, il peut retrouver une forme plus stable en convertissant un proton en neutron. Cela peut se produire par capture électronique ou par émission d’un positron, particule semblable à l’électron, mais de charge opposée. Le noyau résultant a un proton de moins, donc un numéro atomique réduit d’une unité, sans modification significative de la masse.

Inversement, un excès de neutrons provoque souvent l’émission d’un électron (désintégration bêta), transformant un neutron en proton et augmentant le numéro atomique de l’atome. Ces transformations libèrent souvent des particules supplémentaires comme des neutrinos, et s’accompagnent de libérations d’énergie importantes — généralement de l’ordre de centaines de keV, voire de MeV pour les noyaux lourds. À titre de comparaison, les énergies mises en jeu dans les réactions chimiques sont de l’ordre de quelques eV seulement.

L’analyse de la stabilité des noyaux lourds exige de considérer explicitement la force forte, car la répulsion électrostatique entre protons devient significative à mesure que leur nombre augmente. À un certain seuil, cette répulsion rend le noyau instable. Le dernier élément possédant un isotope stable est le bismuth (numéro atomique 83). Tous les éléments au-delà n'ont plus d'isotopes stables, bien que certains vivent suffisamment longtemps pour avoir des applications, notamment dans le domaine militaire ou énergétique.

Les noyaux très lourds présentent deux types particuliers de désintégration : l’émission alpha et la fission. L’émission alpha consiste en l’expulsion d’un noyau d’hélium (deux protons, deux neutrons), ce qui réduit la masse atomique de 4 unités et le numéro atomique de 2. Ce processus peut se répéter jusqu’à ce que le noyau atteigne une zone de stabilité.

La fission, quant à elle, concerne des noyaux lourds avec une masse isotopique impaire, comme l’uranium-235 ou le plutonium-239. Le noyau se scinde en deux fragments de taille comparable, accompagnés de plusieurs neutrons libres. Ces neutrons, s’ils rencontrent d’autres noyaux fissiles, peuvent initier de nouvelles fissions, déclenchant ainsi une réaction en chaîne. Si cette réaction est contrôlée, elle alimente un réacteur nucléaire ; si elle ne l’est pas, elle conduit à une explosion nucléaire.

Chaque isotope radioactif possède un degré spécifique d’instabilité, mesurable par son taux de désintégration, qui suit une loi exponentielle. Ce taux est défini par une constante de temps τ, et le nombre de noyaux restant après un temps t est proportionnel à exp(–t/τ). La notion de demi-vie (t₁/₂) — le temps nécessaire pour que la moitié des noyaux se désintègrent — est plus intuitive. Elle est liée à τ par la relation t₁/₂ = 0,693 × τ.

La nature exponentielle du processus implique qu’après chaque demi-vie, la quantité restante est réduite de moitié. Après trois demi-vies, il reste 1/8 de la quantité initiale ; après dix demi-vies, seulement 1/1024. Pour des isotopes hautement toxiques comme le plutonium, même une si petite quantité peut rester dangereuse pendant des millénaires, ce qui rend la gestion des déchets nucléaires extraordinairement complexe.

Dans toutes ces réactions, l’énergie dégagée dépasse de plusieurs ordres de grandeur celle des réactions chimiques classiques. C’est pourquoi la chimie nucléaire se distingue radicalement de la chimie conventionnelle, tant par ses lois que par ses implications pratiques et technologiques.

Il est crucial de ne pas confondre la masse isotopique notée A avec la masse réelle du noyau, car A est un nombre entier qui inclut uniquement les protons et neutrons. Les effets de la force forte, des énergies de liaison et des interactions électromagnétiques rendent la masse réelle légèrement différente. De même, toute prévision fondée uniquement sur A sans tenir compte de ces effets peut mener à des erreurs significatives en physique nucléaire.

Dans le cadre de l’étude de la stabilité nucléaire, il est fondamental de comprendre que l’instabilité n’est pas une anomalie ponctuelle, mais une propriété continue des noyaux selon leur configuration de masse et de charge. La zone de stabilité est une région étroite dans le graphe neutron/proton, et les noyaux en dehors de cette zone chercheront à s’y rapprocher par transformation radioactive, jusqu’à atteindre un état plus favorable en énergie. Cette dynamique révèle la cohérence profonde des interactions nucléaires et permet de mieux interpréter les processus à l’origine de l’énergie stellaire, des technologies nucléaires civiles et militaires, et des phénomènes naturels comme la radioactivité tellurique.

À quel moment deux isotopes de demi-vies différentes atteignent-ils des concentrations égales ?

Considérons un mélange de deux isotopes radioactifs, notés ici I₁ et I₂, dont les demi-vies diffèrent par un facteur de trois : I₁ possède une demi-vie trois fois plus longue que I₂. Supposons en outre que la concentration initiale de I₂ soit dix fois supérieure à celle de I₁. Le problème consiste à déterminer, en fonction de la demi-vie la plus courte, à quel moment leurs concentrations respectives deviennent égales.

Il est possible d’estimer rapidement ce moment en observant les décroissances relatives sur une échelle de temps adaptée. Chaque isotope décroît selon une loi exponentielle, et en considérant que trois demi-vies de l’isotope à vie courte correspondent à une seule demi-vie de l’isotope à vie longue, il devient pratique de comparer leurs concentrations à des intervalles multiples de cette unité commune.

Par exemple, après six demi-vies de I₂ (ou deux de I₁), la concentration de I₂ est divisée par 2⁶ = 64, tandis que celle de I₁ est divisée par 2² = 4. Étant donné le facteur initial de 10 entre les deux isotopes, il est évident qu’il existe un instant précis, entre quatre et cinq demi-vies de I₂, où les deux concentrations deviennent égales. Ce point peut être obtenu analytiquement.

On part de l’égalité suivante :
10 × 2^(-t/τ₁) = 2^(-t/3τ₁)
τ₁ désigne la demi-vie de l’isotope à vie courte (I₂), et t le temps cherché.

En prenant le logarithme népérien de chaque côté, on obtient :
ln(10) - (t/τ₁) × ln(2) = - (t/3τ₁) × ln(2)
D’où l’on isole t :
t = ln(10) × τ₁ / [ln(2) × (1 + 1/3)] = 4,98 × τ₁

Ainsi, après environ 4,98 demi-vies de l’isotope à courte vie, les concentrations des deux isotopes deviennent identiques. Ce résultat illustre la puissance du raisonnement logarithmique dans les systèmes exponentiels, et surtout la manière dont des ordres de grandeur simples peuvent guider l’intuition physique avant même tout calcul formel.

Au-delà de cet exemple, l’essentiel à retenir réside dans l'importance d’une approche intuitive combinée à une rigueur mathématique. Si le facteur initial de concentration était 20 au lieu de 10, le point d’égalité serait atteint un peu plus tard ; s’il était plus faible, plus tôt. Ce type d'analyse repose donc sur une compréhension claire des ordres de grandeur et des lois de décroissance exponentielle.

Il est important de ne pas se limiter à l’application mécanique des équations. La signification physique des symboles, la relation entre les demi-vies et les constantes de désintégration, ainsi que l’échelle de temps pertinente dans chaque situation, doivent toujours être présentes à l’esprit. C’est cela qui permet d’identifier des erreurs grossières et d’éviter d’accepter des résultats absurdes. Une bonne estimation vaut souvent mieux qu’un calcul exact mal interprété. En physique nucléaire, où les valeurs extrêmes sont fréquentes et souvent peu intuitives, une telle rigueur de pensée est indispensable.