La compréhension approfondie des nombres — naturels, entiers, réels et complexes — constitue le socle incontournable de toute investigation mathématique rigoureuse. Une approche constructive de ces systèmes numériques est indispensable, en commençant par les axiomes de Peano pour les nombres naturels, puis en construisant successivement les entiers, les rationnels, les réels et enfin les nombres complexes. Cette progression répond à un souci fondamental : résoudre des équations « naturellement » rencontrées dans divers contextes mathématiques. Bien que ces constructions soient longues et parfois ardues, elles offrent au lecteur une expérience précieuse dans la rigueur et la méthode propres à la pensée mathématique.

Avant même d’aborder les nombres naturels, il faut poser les bases du langage mathématique à travers la théorie des ensembles. Cette étape vise à établir une précision sans faille dans la formulation des concepts. L’axiomatique de la logique et de la théorie des ensembles, bien que non développée en détail ici, sert de cadre à cette précision. Le choix d’un formalisme abstrait et strict évite tout recours à des intuitions imprécises ou des hypothèses non démontrées. Dès le départ, il est crucial que le lecteur s’habitue à travailler uniquement avec des définitions rigoureuses et à en déduire des théorèmes sans introduire d’assumptions superficielles.

La complexité croissante des systèmes numériques, du plus simple au plus sophistiqué, se reflète également dans l’algebra nécessaire pour les manipuler. Ainsi, une introduction à l’algèbre abstraite est proposée, focalisée sur les structures qui apparaissent fréquemment dans les chapitres ultérieurs et, plus largement, dans les mathématiques. Cette démarche vise à familiariser le débutant avec les règles fondamentales qui régissent des systèmes vérifiant un petit nombre d’axiomes, un point de départ essentiel pour découvrir l’unité sous-jacente à des domaines mathématiques apparemment disparates. L’algèbre linéaire, que l’étudiant rencontre souvent en parallèle avec l’analyse, est ici présentée de façon synthétique, privilégiant les notions cruciales pour la suite, notamment les espaces vectoriels et les algèbres, structures omniprésentes dans l’analyse fonctionnelle.

Cette partie initiale, parfois perçue comme aride, est enrichie par de nombreux exemples concrets, d’abord simples pour respecter la rigueur méthodologique puis progressivement plus complexes. L’objectif est de former le lecteur à une démarche rigoureuse, où chaque étape repose sur ce qui a été préalablement démontré. L’ouvrage se destine aussi bien à un usage pédagogique en cours qu’à l’auto-apprentissage, expliquant la richesse et la profondeur des fondations traitées dans ce premier chapitre.

Un autre élément essentiel est l’introduction à la logique symbolique, qui permet de clarifier et de formaliser les relations mathématiques complexes. La logique symbolique s’appuie sur la notion de vérité binaire : toute proposition est soit vraie, soit fausse, sans intermédiaire. Cette précision est capitale pour éviter les paradoxes, comme celui de la phrase autoréférentielle « Cette phrase est fausse », qui n’est pas une proposition au sens logique strict. La négation d’une proposition A, notée ¬A, est définie par une table de vérité simple : ¬A est vraie si et seulement si A est fausse, et vice versa. Ce formalisme rigoureux, bien que simple en apparence, est la pierre angulaire sur laquelle repose toute la construction logique des mathématiques.

Au-delà de ces notions, il est important pour le lecteur de saisir que l’apprentissage mathématique ne se limite pas à l’acquisition de résultats isolés, mais à la compréhension d’un système cohérent où les définitions précises, les axiomes et les démonstrations forment un tout intégré. Cette perspective holistique permet non seulement de mieux appréhender les mathématiques dans leur ensemble, mais aussi de développer une pensée critique et autonome, capable de s’adapter à des situations nouvelles.

Enfin, la discipline et la rigueur exigées dans ces fondations préparent le lecteur à aborder des sujets plus avancés, tels que l’analyse, l’algèbre abstraite, et la topologie, avec un socle solide. Comprendre profondément ces concepts initiaux donne accès à des outils puissants pour la recherche, mais aussi pour la modélisation dans des domaines variés allant de la physique théorique à l’informatique.

Pourquoi la continuité et la Lipschitzianité sont-elles fondamentales dans les espaces vectoriels normés ?

Dans un espace vectoriel normé EE, la fonction norme :ER\| \cdot \| : E \to \mathbb{R}, qui associe à chaque vecteur sa norme, est toujours lipschitzienne. Cette propriété découle directement de l'inégalité triangulaire inversée, exprimée par l'inégalité xyxy\left| \|x\| - \|y\| \right| \leq \|x - y\| pour tous x,yEx, y \in E. En d’autres termes, la norme ne varie pas plus vite que la distance entre les points, ce qui garantit une forme de régularité quantitative très forte : la norme ne peut pas « sauter » brusquement, elle est contrôlée de manière uniforme. Ce caractère lipschitzien est essentiel, car il permet d’utiliser des méthodes analytiques fines, notamment dans l’étude de la stabilité et de la convergence des suites dans EE.

Cette propriété ne s’étend pas automatiquement à la continuité inverse : une fonction peut être continue sans être lipschitzienne, ce qui souligne l’importance de bien comprendre la hiérarchie des régularités des fonctions dans les espaces métriques.

Lorsqu’on considère une fonction f:XYf : X \to Y entre espaces métriques, la restriction de ff à un sous-ensemble AXA \subseteq X conserve la continuité en un point x0Ax_0 \in A dès lors que ff est continue en ce point dans XX. Ceci résulte naturellement du fait que la topologie induite sur AA par XX est la restriction de la topologie de XX, assurant que les voisinages dans AA sont simplement des intersections des voisinages dans XX.

Le concept de distance à un ensemble MXM \subseteq X, définie pour tout xXx \in X par d(x,M)=infmMd(x,m)d(x, M) = \inf_{m \in M} d(x, m), joue un rôle crucial. La fonction distance d(,M):XRd(\cdot, M) : X \to \mathbb{R} est lipschitzienne avec constante 1, ce qui garantit une stabilité forte : le changement de la distance à l’ensemble MM ne peut excéder la distance entre deux points de départ. Ce fait découle directement de l’inégalité triangulaire, et confère à cette fonction une robustesse fondamentale dans les analyses géométriques et fonctionnelles.

Dans un espace à produit scalaire EE, le produit scalaire ():E×EK(\cdot | \cdot) : E \times E \to \mathbb{K} est une fonction continue. En effet, on peut contrôler la différence (xy)(x0y0)\left|(x|y) - (x_0|y_0)\right| en fonction des distances entre xx et x0x_0, ainsi qu’entre yy et y0y_0, grâce aux inégalités de Cauchy-Schwarz et triangulaire. Cette continuité est fondamentale car elle permet de garantir la stabilité des projections, des orthogonalités et des développements en série dans les espaces de Hilbert.

La continuité d’une fonction f:XFf : X \to F, où EE et FF sont des espaces vectoriels normés, ne dépend pas du choix de normes équivalentes sur ces espaces. Ce fait souligne que la continuité est une propriété intrinsèque de la structure topologique et métrique, indépendante des diverses manières possibles de mesurer la taille des vecteurs tant que les normes restent équivalentes.

La notion d’isométrie, définie comme une application f:XYf : X \to Y préservant les distances, garantit que ff est lipschitzienne avec constante 1. Pour les transformations linéaires entre espaces normés, être isométrique équivaut à préserver la norme des vecteurs. Si une telle application est surjective, elle devient un isomorphisme isométrique, dont l’inverse est également isométrique. Cette notion est au cœur de la théorie des espaces normés et des isomorphismes d’espaces fonctionnels.

La continuité peut être caractérisée de façon séquentielle : une fonction f:XYf : X \to Y est continue en xx si et seulement si pour toute suite (xk)(x_k) convergeant vers xx, la suite (f(xk))(f(x_k)) converge vers f(x)f(x). Cette caractérisation est précieuse, car elle permet de travailler avec des suites, outils plus maniables que des voisinages généraux.

Les fonctions continues respectent la limite des suites convergentes, ce qui permet d’extérioriser la continuité par des manipulations analytiques simples. Ceci est notamment utilisé pour démontrer la continuité des opérations usuelles sur les fonctions, comme la somme, la multiplication par

Comment caractériser la continuité, l’ouverture et la clôture dans les espaces métriques et topologiques ?

Considérons un espace métrique (X,d)(X, d) et une fonction f:XYf : X \to Y vers un autre espace métrique (Y,dY)(Y, d_Y). Pour un point xXx \in X, on définit le module de continuité de ff en xx, noté ωf(x,ε)\omega_f(x, \varepsilon), par

ωf(x,ε):=sup{dY(f(y),f(z)):y,zB(x,ε)}\omega_f(x, \varepsilon) := \sup \{ d_Y(f(y), f(z)) : y, z \in B(x, \varepsilon) \}

B(x,ε)B(x, \varepsilon) est la boule ouverte de centre xx et rayon ε\varepsilon. On pose ensuite

ωf(x):=infε>0ωf(x,ε).\omega_f(x) := \inf_{\varepsilon > 0} \omega_f(x, \varepsilon).

Cette quantité traduit l’intensité maximale de variation de ff dans un voisinage arbitrairement petit autour de xx. Il est alors fondamental que ff est continue en xx si et seulement si ωf(x)=0\omega_f(x) = 0. Ce critère exprime que pour toute précision choisie, il existe un voisinage autour de xx dans lequel les variations de ff sont arbitrairement petites, garantissant la continuité au sens classique.

Cette approche via le module de continuité illustre aussi que certaines fonctions, comme la racine carrée w:R+R,xxw : \mathbb{R}^+ \to \mathbb{R}, x \mapsto \sqrt{x}, sont continues mais ne sont pas Lipschitz continues sur tout R+\mathbb{R}^+. En effet, ww est Lipschitz continue sur tout intervalle [a,)[a, \infty) avec a>0a > 0, mais pas sur [0,)[0, \infty) à cause de la singularité en zéro où la pente devient infinie.