La procédure décrite ci-dessus montre que toutes les lois fondamentales de la théorie des groupes, telles qu'illustrées dans les chapitres 7 et 8 pour les groupes de symétrie spatiale, s'appliquent également aux groupes formés par des permutations. Il existe cependant une notion de « degré » des groupes de permutations qui n’est pas définie dans le contexte des groupes de symétrie spatiale, et qui doit donc être introduite ici :

Définition 1 : Le degré d'un groupe de permutations est le nombre d'objets sur lesquels les permutations du groupe agissent. Le degré du groupe de permutations GG est noté g(G)g(G). De manière évidente, le degré du groupe d’automorphismes d’un graphe est égal au nombre de sommets de ce graphe.

Structure cyclique des permutations

Prenons, par exemple, la permutation JJ donnée par l'expression (12). Cette permutation peut être comprise comme le résultat de l’action de quatre permutations opérant sur des sous-ensembles disjoints. La structure cyclique de la permutation JJ émerge de cette action, où les étiquettes 5, 6, et 7 sont permutées dans un cycle à trois membres, les étiquettes 3 et 4 dans un cycle à deux membres, et enfin les étiquettes 1 et 2 dans des cycles unitaires. Cette structure cyclique de la permutation JJ peut être exprimée comme suit :

cs(J)=[1]2[2][3].cs(J) = [1]2 [2] [3].

Il est facile de voir qu’une permutation donnée PP, avec une structure cyclique cs(P)=[1]a[2]b[3]ccs(P) = [1]^a [2]^b [3]^c \ldots, aura un degré donné par la somme des exposants :

g(P)=a+2b+3c+.g(P) = a + 2b + 3c + \ldots.

Parité et automorphismes des graphes

Les groupes d’automorphismes des graphes sont déterminés non seulement par la structure cyclique des permutations mais aussi par la parité de ces permutations. Une règle générale stipule que les permutations appartenant à la même classe ont une structure cyclique identique, et donc une parité identique. En observant les permutations des automorphismes des groupes ACGJACGJ, on peut classer ces permutations en pairs (paires paires et impaires). Par exemple, les permutations E,A,B,L,M,NE, A, B, L, M, N sont toutes paires, tandis que C,Z,F,H,JC, Z, F, H, J et KK sont impaires.

Cela nous amène à une autre règle :

Règle 1 : Les groupes d’automorphismes sont soit formés exclusivement de permutations paires, soit d’un mélange de permutations paires et impaires, mais dans ce dernier cas, il y a toujours autant de permutations paires qu’impaires.

En conséquence, il ne peut exister de groupe d’automorphismes formé uniquement de permutations impaires, car cela violerait l'axiome du groupe. Toutefois, des groupes composés uniquement de permutations paires existent bel et bien, comme en témoignent les sous-groupes {E,J,B}\{E, J, B\} et {E,A,B,L,M,N}\{E, A, B, L, M, N\}.

Isomorphisme des graphes et des groupes d’automorphismes

Si deux graphes GaG_a et GbG_b sont isomorphes, leurs groupes d'automorphismes doivent également l’être. Autrement dit, chaque automorphisme particulier de GaG_a correspond à un automorphisme distinct de GbG_b. Cependant, l'inverse de cette affirmation n'est pas nécessairement vrai, comme l'illustre la figure 9.1, où plusieurs graphes non isomorphes ont des groupes d'automorphismes isomorphes.

Cela se produit parce que tous ces graphes possèdent le même nombre de sommets, partitionnés en le même nombre de classes d’équivalence (ou orbites), dont les cardinalités sont identiques. L’important ici est que les graphes peuvent être non isomorphes tout en partageant une structure d’automorphisme similaire. Ce phénomène met en lumière l'importance des relations interorbitaires entre les sommets, qui peuvent déterminer l'isomorphisme des groupes d'automorphismes, même si les graphes eux-mêmes ne sont pas isomorphes.

Notation des groupes de permutations

Les groupes de permutations jouent un rôle essentiel dans la définition et l'analyse des automorphismes. Le groupe symétrique SnS_n, le groupe alterné AnA_n, et le groupe diédral DnD_n, entre autres, sont utilisés pour étudier les propriétés des graphes et de leurs automorphismes. Le groupe symétrique SnS_n, de degré nn, contient toutes les permutations possibles de nn objets. Le groupe alterné AnA_n, quant à lui, ne contient que les permutations paires.

Il est intéressant de noter que certains de ces groupes sont des sous-groupes les uns des autres. Par exemple, le groupe diédral DnD_n n’est un sous-groupe du groupe alterné AnA_n que dans le cas particulier où n=4k+1n = 4k + 1, et le groupe cyclique CnC_n est un sous-groupe de AnA_n uniquement si nn est impair. Cela nous montre les complexités qui émergent à mesure que l'on considère les relations entre ces différents groupes et leur rôle dans les automorphismes.

Produit direct et produit de wreath

Le produit direct et le produit de wreath sont deux opérations de groupe utilisées pour générer de nouveaux groupes à partir de deux groupes donnés. Ces opérations permettent de créer des groupes d’automorphismes complexes en combinant des groupes de permutations opérant sur des ensembles différents. Les produits directs et de wreath offrent des outils puissants pour étudier les symétries complexes et les relations entre les différentes classes d’objets permutés.


Ce qui est crucial ici, au-delà des concepts énoncés, est la compréhension de la manière dont la structure cyclique des permutations façonne la symétrie des systèmes et les automorphismes des graphes. De plus, la notion de parité des permutations et son rôle dans la constitution des groupes d’automorphismes apporte une dimension importante à l’analyse de la symétrie des objets mathématiques. Enfin, il est important de saisir la flexibilité des groupes de permutations pour modéliser des structures complexes dans divers domaines des sciences, et de prendre en compte les nuances dans l’application des règles de parité et des isomorphismes dans la théorie des groupes.

Quel est l'impact des indices topologiques sur la chimie mathématique moderne ?

Les indices topologiques ne peuvent être ignorés. Bien que l’objectif de cette section ne soit pas de passer en revue la multitude d'indices topologiques ou d’élaborer sur leurs applications pratiques, il convient de se concentrer sur quelques-uns d’entre eux pour explorer certaines de leurs propriétés mathématiques. Il est étonnant que, bien que la recherche sur les indices topologiques constitue une part importante des travaux en chimie mathématique contemporaine, relativement peu de résultats généraux (théorèmes) aient été obtenus jusqu’à présent. Ce phénomène, souvent désigné par le terme « maladie de l’isomorphisme », semble répandu parmi les débutants et les amateurs de théorie des graphes.

Le premier indice topologique a été introduit en 1947 par Harry Wiener, et il a été utilisé pour établir une corrélation avec les points d'ébullition des alcanes. L'indice de Wiener est basé sur les distances dans les graphes moléculaires et sera abordé en détail plus loin. Un autre indice topologique dont les propriétés mathématiques sont relativement bien explorées est celui de Hosoya, que l'on présentera également.

Les indices basés sur la matrice des distances

Le nombre de Wiener et les quantités associées

La distance entre deux sommets dans un graphe (connecté) ainsi que la matrice des distances ont été définies précédemment. Si v1,v2,,vnv_1, v_2, \dots, v_n sont les sommets d’un graphe GG et d(vr,vs)d(v_r, v_s) désigne la distance entre vrv_r et vsv_s, alors les éléments de la matrice des distances sont donnés par drs=d(vr,vs)d_{rs} = d(v_r, v_s). La ligne rr-ème de la matrice des distances est appelée le vecteur de distance DvD_v du sommet vrv_r. Ainsi, Dv=(dr1,dr2,,drn)D_v = (d_{r1}, d_{r2}, \dots, d_{rn}).

La somme de toutes les entrées de DvD_v est appelée le nombre de distance du sommet vv, et sera notée d(v)=d(v,G)d(v) = d(v, G). Le nombre de Wiener W=W(G)W = W(G) du graphe GG est égal à la somme des distances entre toutes les paires de sommets de GG. On peut immédiatement observer que W=r,sdrs=rd(vr)W = \sum_{r,s} d_{rs} = \sum_{r} d(v_r).

Le nombre de Wiener peut être interprété comme une mesure de la « compacité » du graphe, étant donné qu’il est basé sur la somme des distances entre les paires de sommets. Ce nombre est particulièrement utile dans la chimie pour décrire des propriétés qui dépendent de la structure spatiale des molécules.

Application aux arbres de distance

La construction d’un arbre de distance à partir d'un sommet donné est une procédure essentielle pour le calcul du nombre de Wiener. En partant d’un ensemble de nn sommets isolés, on relie chaque sommet aux autres sommets voisins dans un ordre croissant, ce qui permet de déterminer les distances entre les différents sommets. Cette méthode, bien qu’efficace, peut générer plusieurs arbres de distance non isomorphes, en particulier lorsque le graphe sous-jacent possède des cycles de longueur paire.

L’indice topologique de Hosoya

Un autre indice topologique bien étudié est celui de Hosoya. Contrairement au nombre de Wiener, qui repose principalement sur la somme des distances dans un graphe, l’indice de Hosoya est utilisé pour quantifier la topologie d'un graphe en fonction de ses sous-graphes. Par exemple, pour un arbre, cet indice peut être obtenu en sommant les distances entre toutes les paires de sommets adjacents. Cette somme peut également être calculée en considérant le nombre de chemins passant par chaque arête de l’arbre. L'indice de Hosoya a été démontré comme étant un outil puissant pour l'analyse de la structure moléculaire, en particulier dans les études portant sur les propriétés physico-chimiques des molécules.

Applications du nombre de Wiener

Le nombre de Wiener, en tant que premier indice topologique développé, a des applications étendues. Dans son article pionnier, Wiener a non seulement introduit ce nombre, mais a également proposé d’autres indices comme le « nombre de polarité », qui est le nombre de sélections de sous-graphes dans un graphe moléculaire. En combinant ces indices de manière linéaire, Wiener a pu établir une relation raisonnablement fiable pour prédire les points d'ébullition des alcanes. Par la suite, Wiener et Platt ont élargi l'application de ces indices à d’autres propriétés physico-chimiques des alcanes, telles que les chaleurs de formation, les chaleurs de vaporisation, et les volumes et réfractions molaires.

Le nombre de Wiener, mesurant la compacité d’une molécule, peut donc être corrélé avec des propriétés physico-chimiques dépendant du ratio volume/surface des molécules. Un exemple typique d'application est la rétention chromatographique des gaz pour des séries de molécules structurellement liées. D’autres applications moins courantes ont également été rapportées, comme la modélisation de la croissance cristalline, les vacances cristallines et certaines propriétés des configurations conformationnelles.

En somme, bien que le nombre de Wiener et d'autres indices topologiques ne soient pas des outils universels, ils ont fait leurs preuves dans une variété de domaines chimiques et physiques. Les chercheurs continuent d'explorer de nouvelles applications de ces indices dans le cadre de la chimie moléculaire, démontrant ainsi leur pertinence et leur efficacité dans la prédiction de propriétés complexes à partir de simples structures topologiques.