Le phénomène des fake news, bien que largement discuté dans le domaine public, demeure insuffisamment exploré à travers le prisme des sciences psychologiques. Ce livre rassemble une série de recherches de pointe qui abordent la manière dont les fausses informations se propagent, sont acceptées et partagées, ainsi que les mécanismes cognitifs qui interviennent dans ces processus. Dans un monde où la vérité et la fiction se confondent, souvent de manière intentionnelle, il devient essentiel de comprendre les dynamiques sous-jacentes à cette problématique.
L'un des enjeux majeurs de la propagation des fake news réside dans la manière dont l'information est diffusée dans les réseaux sociaux. Ces plateformes ont radicalement transformé la manière dont nous produisons, consommons et transmettons l'information. Les moteurs de recherche et les réseaux sociaux ne se contentent pas de relayer des contenus, mais amplifient certains types d'informations, qu'elles soient véridiques ou non. L'algorithme qui régit ces plateformes tend à favoriser les contenus émotionnellement chargés et ceux qui génèrent de l'engagement, ce qui conduit à une saturation d'informations souvent erronées ou manipulées. Dans ce contexte, il devient crucial de se demander : qu'est-ce qui détermine l'acceptation ou le rejet de ces informations, et dans quelle mesure les individus sont-ils capables de distinguer le vrai du faux?
Les processus cognitifs jouent un rôle central dans la manière dont les informations, même fausses, sont perçues et intégrées. Il existe plusieurs mécanismes psychologiques qui facilitent l'acceptation des fake news. L'un de ces mécanismes est la "vérité intuitive", où les gens sont plus enclins à croire une information simplement parce qu'elle leur semble plausible. Ce phénomène peut être exacerbé par la répétition d'une fausse information, qui crée un sentiment de familiarité, et donc de véracité. Ce biais cognitif est particulièrement pertinent dans le contexte des réseaux sociaux, où la propagation rapide de fausses informations renforce leur apparence de vérité.
En outre, le rôle des émotions dans l'acceptation et la diffusion de fausses informations ne peut être sous-estimé. Les informations qui suscitent des émotions fortes, telles que la colère ou la peur, sont plus susceptibles d'être partagées, indépendamment de leur véracité. Ce phénomène est particulièrement prégnant dans les débats politiques et sociaux, où les fake news peuvent renforcer des croyances préexistantes, alimenter des polarités et entretenir des conflits. L’aspect social de cette dynamique est également important : l'identité de groupe influence fortement la manière dont les individus acceptent ou rejettent une information. Les membres d'un groupe social ou politique peuvent être enclins à accepter des informations qui soutiennent leur vision du monde, même si ces informations sont faussement étiquetées comme "véridiques".
La correction de la désinformation est un autre aspect crucial, mais souvent négligé, de ce phénomène. Face à la propagation massive des fake news, des stratégies ont été mises en place pour tenter de rectifier les croyances erronées. L'une de ces stratégies est l'inoculation psychologique, qui consiste à exposer les individus à des arguments contre-intuitifs pour les préparer à résister à des informations fausses à l'avenir. Cette approche, bien que prometteuse, nécessite une mise en œuvre délicate, car elle doit être adaptée aux spécificités des publics cibles. Une autre approche consiste à fournir des corrections factuelles claires et fiables, mais il est souvent difficile de rompre l'effet d'ancrage des fausses informations une fois qu'elles ont été acceptées par un individu.
Les recherches sur les croyances conspiratrices montrent également que certains individus sont plus susceptibles de croire aux fake news en raison de besoins psychologiques sous-jacents, tels que la recherche de certitude ou l'affirmation de l'identité sociale. Ces croyances peuvent être liées à des besoins cognitifs de structure et de cohérence, ainsi qu'à des motivations plus profondes d'auto-protection ou de défense de l'ego. Les croyances en des théories du complot peuvent également être renforcées par des processus de confirmation, où les individus recherchent activement des informations qui valident leur vision du monde.
Il est également important de prendre en compte les facteurs culturels et sociaux qui influencent l'acceptation des fake news. Les contextes politiques et sociaux jouent un rôle clé dans la manière dont les individus interprètent et réagissent à l'information. Dans des sociétés où la confiance dans les institutions est faible, les individus peuvent être plus enclins à croire que les informations officielles sont manipulées, ce qui ouvre la voie à l'adhésion aux théories complotistes. De même, les groupes marginalisés ou opprimés peuvent voir dans les fake news un moyen de résister à des narratifs dominants et de se réapproprier leur propre histoire.
Il est essentiel que les lecteurs, en particulier ceux qui sont concernés par la communication publique, la politique ou le journalisme, prennent en compte la dimension psychologique de la désinformation. La compréhension des processus cognitifs et sociaux sous-jacents à la propagation des fake news est cruciale pour concevoir des interventions efficaces, qu'il s'agisse de l'éducation médiatique, de la régulation des plateformes numériques ou de la mise en place de stratégies d'inoculation.
Comment prévenir l'influence des fake news : Comprendre la désinformation et ses mécanismes psychologiques
Les fake news, ou fausses informations, sont omniprésentes. Ce terme, qui a gagné en popularité après les élections présidentielles américaines de 2016, est désormais couramment utilisé dans les médias populaires. Des figures comme le président Donald Trump l'emploient pour attaquer les journalistes et les médias qu'ils jugent biaisés. D'autres chercheurs et entreprises technologiques, comme Facebook, s'efforcent de développer des outils permettant de détecter ces histoires fausses et trompeuses, ainsi que de comprendre leur diffusion à grande échelle. Les gouvernements, quant à eux, prennent de plus en plus de mesures pour contrer ce phénomène qui semble se multiplier à l'ère du numérique (Bremner, 2018; Shao et al., 2018; Wakabayashi, 2017).
Cependant, il convient de noter que le terme "fake news" est loin d'être simple à définir. Bien qu'un certain nombre de chercheurs aient tenté d'en cerner la portée, comme Lazer et al. (2018), le concept demeure flou, d'autant plus qu'il est utilisé dans des contextes variés. Certaines parties prenantes, comme la BBC et Donald Trump, lui donnent des significations radicalement différentes. Ce flou s'avère problématique pour comprendre et traiter efficacement cette problématique. Une définition plus précise pourrait être celle de « l'information fabriquée qui imite le contenu des médias d'information dans sa forme, mais qui ne suit ni leur processus organisationnel ni leur intention » (Lazer et al., 2018, p. 1).
Les fake news ne sont cependant pas toujours des informations totalement fausses. Elles peuvent simplement présenter des faits de manière trompeuse. Il suffit souvent de sortir une citation de son contexte ou d'ajouter un élément contextuel erroné à une image ou une vidéo pour induire le public en erreur. Par exemple, une vidéo publiée sur Facebook en mars 2018 montrait soi-disant des immigrants musulmans en France attaquant une église catholique pendant la messe. Cette vidéo a rapidement fait le tour du monde, attirant l'attention de politiciens tels que Marine Le Pen, qui a dénoncé une « profanation ». Cependant, après vérification, il est apparu que la vidéo ne montrait pas un acte violent, mais une manifestation pacifique contre un projet de loi sur l'asile, sans aucune preuve que les manifestants soient musulmans ni que l'église ait été réellement attaquée (Snopes, 2018).
La problématique n'est donc pas que l'information soit entièrement fausse, mais plutôt qu'elle soit présentée dans un contexte trompeur, ce qui altère la perception des événements. En psychologie, cette distinction est cruciale : l'intention derrière la diffusion d'une information a un impact psychologique majeur. Ainsi, il est utile de considérer les fake news non pas comme un phénomène binaire, mais sur un spectre. À une extrémité, il y a la désinformation, c'est-à-dire des informations erronées qui résultent souvent d'une erreur humaine. À l'autre, nous trouvons la propagande, qui est de la désinformation associée à une intention politique explicite.
Ce spectre nous amène à une distinction importante : la désinformation, ou manipulation de l'information dans le but de tromper l'audience, est au cœur du problème. Et bien que la désinformation ne soit pas un phénomène nouveau, elle a pris une ampleur particulièrement inquiétante à l'ère numérique. L'internet, avec sa capacité à permettre des communications instantanées et anonymes, est devenu le terrain idéal pour la diffusion de mensonges et de manipulations. La prolifération des bots sur les réseaux sociaux, par exemple, joue un rôle essentiel dans la propagation de la désinformation, notamment lors des campagnes électorales (Varol et al., 2017; Ferrara, 2017).
Les exemples de désinformation sont multiples et variés : théories du complot autour de la COVID-19, les fuites MacronLeaks lors de l'élection présidentielle française de 2017, la controverse Pizzagate lors des élections américaines de 2016, ou encore des rumeurs concernant la coopération de la Suède avec l'OTAN (Kragh & Åsberg, 2017). Cette avalanche de désinformation est un véritable défi pour la société. En effet, de nombreux Américains admettent que les fake news les ont laissés confus quant aux faits de base, ce qui a des conséquences graves pour la démocratie et la confiance du public dans les informations qu'il reçoit (Barthel, 2016).
Il est donc essentiel de développer des stratégies pour se protéger contre l'influence des fake news. La première étape consiste à comprendre les mécanismes psychologiques sous-jacents à leur propagation. Par exemple, des études ont montré que les individus ont tendance à croire des informations qui confirment leurs croyances préexistantes, ce qui renforce le phénomène des chambres d'écho en ligne (Williams et al., 2015). Une fois ce biais cognitif compris, il devient possible de créer des stratégies d'inoculation psychologique, qui peuvent aider les individus à reconnaître et à résister à la désinformation. Ces techniques reposent sur l'idée de fournir des contre-arguments avant même que la désinformation n'atteigne son public cible, ce qui les rend plus résilients face aux manipulations futures.
La question de la véracité des informations devient encore plus complexe à l'ère numérique, où les informations peuvent être rapidement et largement diffusées, et où les individus sont souvent confrontés à des sources de plus en plus fragmentées et spécialisées. Dans ce contexte, l'éducation à la pensée critique et la capacité de vérifier les sources deviennent des compétences essentielles pour naviguer dans un monde saturé d'informations. Enfin, il est important de reconnaître que les fake news ne sont pas uniquement un problème de contenu, mais aussi de contexte et d'intention. La désinformation vise à manipuler les émotions et les croyances, en profitant des mécanismes cognitifs humains.
L'attribution des fausses nouvelles : Pourquoi croyons-nous aux manipulations médiatiques ?
L'attribution d'intentions malveillantes dans les reportages erronés constitue un domaine complexe et nuancé dans l'analyse des perceptions de l'actualité. Bien que l'on puisse facilement relier les accusations de fausses nouvelles à des intentions malveillantes spécifiques, telles que la manipulation politique, il est crucial de comprendre que de telles attributions peuvent découler d'un besoin psychologique plus profond, celui de maintenir une vision ordonnée du monde.
Lorsqu'une personne fait face à des informations qui ne s'alignent pas avec ses convictions idéologiques, elle est plus susceptible de croire que les médias commettent des erreurs de manière délibérée, plutôt que par simple incompétence. Cette tendance à attribuer une intention malveillante, même en l'absence de preuves évidentes, peut être expliquée par un besoin psychologique fondamental : celui de conserver une structure et une prévisibilité dans notre compréhension du monde. L'attribution d'erreurs à de simples fautes humaines devient alors moins acceptable, car elle fragilise l'ordre et la cohérence que nous cherchons à maintenir dans notre perception des événements mondiaux.
Ainsi, cette dynamique ne se limite pas aux cas où les nouvelles sont alignées idéologiquement avec les préférences d'un individu. Elle se manifeste également dans des contextes où les nouvelles vont à l'encontre des croyances politiques d'une personne. Autrement dit, les individus tendent à attribuer des erreurs de couverture médiatique à un complot ou à une intention de manipuler l'opinion publique, que les nouvelles soient favorables ou défavorables à leurs préférences politiques. Cela va à l'encontre de la simple explication des erreurs comme étant dues à des erreurs humaines ou des informations insuffisamment vérifiées. En réalité, une telle attitude peut refléter un désir plus large de maintenir une perception ordonnée du monde et de rejeter la possibilité que des informations contradictoires puissent être des accidents ou des anomalies.
L'une des façons les plus révélatrices d'étudier ces attributions d'intentions malveillantes est de se concentrer sur les cas où des organisations médiatiques doivent corriger ou rétracter des histoires. Ces rétractations et corrections offrent une occasion d'examiner de manière plus précise pourquoi des erreurs se produisent, en forçant les lecteurs à choisir entre deux explications : une explication fondée sur des erreurs honnêtes, ou une interprétation plus malveillante, fondée sur une tentative délibérée de tromper le public. Un exemple flagrant de ce phénomène fut la rétractation par Fox News d'un article portant sur le meurtre de Seth Rich, un ancien employé du Comité National Démocrate (DNC). L'article suggérait une connexion entre sa mort et une fuite d'e-mails, insinuant que Rich aurait été tué par des partisans du DNC en raison de son rôle présumé dans cette fuite. Après des critiques d'autres médias et l'absence de preuves solides, Fox News a retiré l'article, le qualifiant d'erreur de rapportage. Pourtant, certains ont vu cette rétractation comme une tentative délibérée de dépeindre le DNC sous un jour défavorable, tandis que d'autres ont considéré cette erreur comme le produit d'une couverture médiatique bâclée.
Les recherches menées à ce sujet montrent que la perception des rétractations comme des actes de tromperie intentionnelle varie selon l'alignement idéologique des individus. Dans une étude, des participants démocrates ont majoritairement estimé que l'article de Fox News sur Seth Rich était un acte de tromperie délibérée, un sentiment également observé chez ceux qui pensaient que d'autres histoires rétractées, comme celle de Michael Flynn, étaient une tentative de manipulation politique. De même, les républicains ont été tout aussi enclins à interpréter certaines rétractations comme des mensonges intentionnels, ce qui souligne que ces attributions ne se limitent pas à un seul groupe politique.
Cette polarisation idéologique dans la perception des erreurs médiatiques révèle un aspect fondamental de la psychologie humaine : notre propension à interpréter les événements en fonction de nos croyances préexistantes. Cette tendance à voir les erreurs comme des actes de malveillance plutôt que comme des accidents ou des erreurs de jugement peut être liée à notre besoin de maintenir un sens de contrôle et d'ordre dans un monde de plus en plus chaotique. Il est donc essentiel de reconnaître que ces attributions d'intentions malveillantes ne sont pas seulement le produit d'une réflexion rationnelle, mais aussi d'un besoin émotionnel de maintenir un certain degré de prévisibilité et de sécurité dans nos vies.
Cela soulève une question importante : dans quelle mesure pouvons-nous démêler les véritables intentions des médias et de leurs acteurs ? Les journalistes eux-mêmes sont parfois pris dans des dynamiques complexes où le désir de rapporter une histoire rapidement entre en conflit avec la nécessité d'une vérification approfondie des faits. Cependant, le public, influencé par ses convictions personnelles et son besoin de structure, pourrait bien être plus enclin à voir des erreurs de reportage comme des manœuvres délibérées plutôt que comme de simples fautes professionnelles. Cette tendance à l'attribution de la tromperie peut ainsi avoir des conséquences profondes sur la manière dont les informations sont consommées et interprétées à travers le prisme des croyances idéologiques.
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