Une mesure extérieure est un outil fondamental pour étudier la mesure de certains ensembles dans un espace. Un ensemble est dit mesurable selon une mesure extérieure si sa mesure satisfait à des propriétés d'additivité et de sous-additivité lorsqu'il est décomposé en parties disjointes. Dans cette section, nous allons explorer les ensembles mesurables dans le cadre des mesures extérieures, en particulier dans le contexte des espaces métriques et des ensembles de Lebesgue.

Soit pp^* une mesure extérieure sur un espace XX. Un ensemble AXA \subset X est dit pp^*-mesurable si, pour chaque DXD \subset X, la relation suivante est satisfaite :

p(D)p(AD)+p((Ac)D),p^*(D) \geq p^*(A \cap D) + p^*((A^c) \cap D),

AcA^c désigne le complémentaire de AA. Cette définition traduit le fait que la mesure de DD est supérieure ou égale à la somme des mesures des intersections disjointes de DD avec AA et AcA^c. En d’autres termes, si DD est un ensemble quelconque de XX, la mesure de DD doit se distribuer de manière additive et non négative sur les parties disjointes ADA \cap D et AcDA^c \cap D.

Les ensembles pour lesquels cette condition est satisfaite sont appelés pp^*-mesurables. L'ensemble de tous les ensembles pp^*-mesurables forme une σ\sigma-algèbre, notée A(p)A(p^*). Cela signifie que l'ensemble de ces ensembles mesurables est stable par union dénombrable, intersection et complémentation. De plus, l'intersection de pp^*-mesurables avec des ensembles pp^*-nulls (ayant une mesure nulle) reste pp^*-mesurable.

Prenons un exemple concret pour mieux comprendre ce concept. Supposons que X=RnX = \mathbb{R}^n et que pp^* soit la mesure de Lebesgue sur Rn\mathbb{R}^n. Alors, un ensemble ARnA \subset \mathbb{R}^n est mesurable au sens de la mesure de Lebesgue si, pour tout ensemble DRnD \subset \mathbb{R}^n, la relation

Xn(D)=Xn(AD)+Xn((Ac)D)X_n(D) = X_n(A \cap D) + X_n((A^c) \cap D)

est valide. Cela caractérise précisément les ensembles mesurables de Lebesgue, qui comprennent les ensembles qui peuvent être découpés en parties disjointes de manière à respecter les propriétés d'additivité des mesures.

L'extension de Carathéodory

L'extension de Carathéodory fournit une méthode puissante pour construire des mesures complètes à partir de mesures extérieures. Selon ce théorème, si pp^* est une mesure extérieure, alors l'ensemble A(p)A(p^*) des ensembles pp^*-mesurables forme une σ\sigma-algèbre et la restriction de pp^* à A(p)A(p^*) définit une mesure complète. Cela signifie que pour tout ensemble AA mesurable, sa mesure peut être calculée à partir de l'extension de la mesure extérieure pp^*.

En d'autres termes, l'extension de Carathéodory nous permet de donner un sens de mesure même aux ensembles plus complexes, qui ne peuvent pas être mesurés directement avec la mesure extérieure mais deviennent mesurables une fois que la mesure a été étendue à une σ\sigma-algèbre complète.

Mesures métriques

Une mesure est dite métrique si elle satisfait une condition particulière de séparation des ensembles. Plus précisément, si XX est un espace métrique et pp^* est une mesure extérieure sur XX, alors pp^* est dite métrique si pour tous les ensembles AA et BB séparés par une distance positive, c'est-à-dire pour lesquels d(A,B)>0d(A, B) > 0, on a :

p(AB)=p(A)+p(B).p^*(A \cup B) = p^*(A) + p^*(B).

Cette propriété garantit que la mesure extérieure est compatible avec la structure métrique de l’espace. Le théorème de la mesure métrique montre que l'ensemble des ensembles mesurables selon une mesure métrique contient l'algèbre de Borel, qui est l'ensemble des ensembles ouverts dans XX.

Ainsi, l’extension des ensembles mesurables en utilisant une mesure extérieure et les propriétés des espaces métriques permettent de manipuler une large classe d'ensembles, y compris les ensembles Borel, et de garantir que la mesure peut être appliquée de manière cohérente sur l'ensemble de l'espace.

Exemple de mesure de Lebesgue

Prenons un exemple plus concret en considérant l'espace Rn\mathbb{R}^n avec la mesure de Lebesgue XnX_n. La mesure de Lebesgue sur Rn\mathbb{R}^n est une mesure métrique, ce qui signifie que les ensembles Borel sont mesurables selon cette mesure. Les ensembles mesurables selon XnX_n sont ceux pour lesquels la mesure extérieure XnX_n^* et l'algèbre des ensembles mesurables de Lebesgue se combinent pour fournir des résultats cohérents.

Plus précisément, les ensembles mesurables de Lebesgue sont ceux qui peuvent être approximés par des ensembles ouverts et fermés d'une manière qui respecte les propriétés d'additivité et de sous-additivité. Cela inclut des ensembles comme des intervalles, des boules, et même des ensembles plus complexes comme les fractales, qui peuvent être mesurées à l'aide de la mesure de Hausdorff.

Importance de la sous-additivité

Un autre aspect clé de la théorie des mesures extérieures est la sous-additivité. Cette propriété implique que la mesure de l'union de plusieurs ensembles est toujours inférieure ou égale à la somme des mesures des ensembles individuels. En d'autres termes, pour deux ensembles AA et BB, nous avons la relation :

p(AB)p(A)+p(B).p^*(A \cup B) \leq p^*(A) + p^*(B).

La sous-additivité est essentielle pour garantir la stabilité des mesures lorsqu'on travaille avec des collections infinies d'ensembles, et elle joue un rôle central dans la construction des mesures complètes à partir des mesures extérieures.

Pourquoi l’intégrale de Riemann est insuffisante dans la théorie des espaces Lᵖ ?

L’étude des fonctions intégrables au sens de Riemann révèle rapidement les limites de cette approche lorsqu'on s’aventure dans le cadre plus général des espaces Lᵖ. Le cas simple de la fonction nulle — triviale, Riemann-intégrable, et appartenant à tout espace Lᵖ — ne fait qu’illustrer une inclusion évidente. Mais l’intérêt mathématique réside ailleurs. Il existe des fonctions mesurables fL1([0,1])f \in L^1([0,1]), telles que toute fonction équivalente à ff (au sens presque partout) échappe à l’intégrabilité de Riemann. Cela suffit à démontrer que l'intégrale de Riemann ne peut servir de fondement solide pour la théorie des espaces Lᵖ. Sa définition, dépendante d'une partition déterministe et d’une notion stricte de continuité, s’effondre face à des phénomènes plus subtils de discontinuités contrôlées ou d’oscillations non bornées sur des ensembles de mesure nulle.

Les fonctions de variation bornée BV(I,E)BV(I, E), définies comme celles dont la variation totale est finie sur un intervalle II, offrent une structure plus souple et riche. Elles englobent naturellement les fonctions de classe C1C^1, les fonctions monotones, et se logent confortablement dans l’espace des fonctions mesurables et bornées. Ce cadre permet de représenter toute fonction réelle de variation bornée comme la différence de deux fonctions croissantes, structure que la théorie de Riemann ne peut détecter. Cette propriété de décomposition révèle l’intimité du lien entre variation et régularité, tout en montrant que des discontinuités — tant qu’elles sont de saut — sont admissibles.

Dans un cadre hilbertien, l’ensemble BV([a,b],H)BV([a, b], H), où HH est un espace de Hilbert séparable, forme un sous-espace vectoriel de L([a,b],H)L^\infty([a,b],H). Il satisfait une inégalité de type Lipschitz sur les translations, contrôlée par la variation totale. Cette stabilité sous translation est une propriété précieuse, cruciale pour les applications dans l’analyse fonctionnelle et la théorie des systèmes.

L’absolue continuité, quant à elle, permet une lecture encore plus fine de la régularité. Une fonction ff est absolument continue sur un intervalle JJ si elle envoie des sous-intervalles de petite mesure vers des variations faibles, de manière uniforme. Cela permet, entre autres, d’identifier les primitives des fonctions de L1L^1 comme étant absolument continues. Or, des fonctions continues peuvent ne pas être absolument continues, comme en témoigne la fonction de Cantor — emblématique exemple d’une fonction continue nulle presque partout dérivable, mais dont la dérivée est partout nulle. Cela montre que la continuité ne préjuge en rien de l’intégrabilité de la dérivée.

La construction de fonctions mesurables pathologiques, telles que celle définie sur un ensemble de type Cantor modifié (où l'on retire des quarts moyens au lieu des tiers), donne lieu à une fonction f=χKf = \chi_K, indicatrice d’un compact parfait sans intérieur, qui appartient à L1L^1 mais dont aucune représentante n’est Riemann-intégrable. Cela souligne la nécessité d’adopter l’intégrale de Lebesgue comme cadre de référence pour la théorie de l’intégration.

En élargissant le regard vers la mesure, la notion de continuité absolue entre deux mesures νμ\nu \ll \mu permet de définir de manière rigoureuse le changement de mesure via une densité. Cette construction — cœur du théorème de Radon-Nikodym — devient impossible à appréhender avec la théorie de Riemann, faute de flexibilité conceptuelle.

La formulation abstraite de l’intégrale de Lebesgue-Stieltjes à partir d’une primitive FW1,1(R)F \in W^{1,1}(\mathbb{R}) permet de générer des mesures sur R\mathbb{R}, démontrant une correspondance intime entre régularité de la fonction et nature de la mesure associée. Cela rend vis

Comment comprendre et utiliser les représentations locales dans les variétés différentielles

Soit fC1(M):=C1(M,R)f \in C^1(M) := C^1(M, \mathbb{R}). Comme dans la section VII.10, on définit la différentielle de ff par df(p):=prTpfdf(p) := \text{pr} \circ T_p f pour pMp \in M, où pr:=pr2:Tf(p)R={f(p)}×RR\text{pr} := \text{pr}_2 : T_f(p) \mathbb{R} = \{f(p)\} \times \mathbb{R} \to \mathbb{R} est la projection canonique. Soit (p,U)(p, U) un chart local autour de pMp \in M. Il découle des définitions de df(p)df(p) et de djpd_j |p, ainsi que de la règle de chaîne (Remarque VII.10.9(b) et 1.14(c)), que :

(df(p),djp)=(df(p),(Tv(p)P1)(p(p),ej))=prTpfTv(p)P1(p(p),ej).(df(p), d_j |p) = (df(p), (T_v(p)P^{ -1})(p(p), e_j)) = \text{pr} \circ T_p f \circ T_v(p) P^{ -1}(p(p), e_j).

Cela montre que df(p)df(p) représente la partie tangentielle de TpfT_p f lorsqu’on l’applique à la base eje_j, et l’expression devient :

djf(p)=dj(fp1)(p(p))=dj(pf)(p(p))pour1j<m.d_j f(p) = d_j(f \circ p^{ -1})(p(p)) = d_j(p^* f)(p(p)) \quad \text{pour} \quad 1 \leq j < m.

Ainsi, la notation djf(p)d_j f(p) désigne la dérivée partielle locale de ff dans la direction de la base eje_j, mais interprétée à travers la carte pp du domaine de coordonnées. Cette approche empêche toute interprétation erronée du concept de dérivée sur des variétés non plates, contrairement à la définition classique des dérivées partielles.

Il est également crucial de noter que la dérivée partielle djf(p)d_j f(p) dans ce cadre représente bien la partie tangentielle du vecteur image de eje_j sous la différentielle df(p)df(p), à savoir la "linéarisation de ff au point pp" selon la base des coordonnées locales. Dans le cas d’une variété MM qui n'est pas simplement un sous-ensemble ouvert de Rm\mathbb{R}^m, cette approche devient essentielle pour garantir que la notion de dérivée partielle ait un sens précis, indépendamment de la topologie ou de la géométrie de MM.

L'idée derrière ces représentations locales est de pouvoir manipuler des fonctions définies sur des variétés de manière efficace. En utilisant une carte locale pp, on peut "ramener" le problème à des objets plus familiers, tels que les fonctions définies sur Rm\mathbb{R}^m, où les outils classiques du calcul différentiel, comme les dérivées partielles, s’appliquent directement.

Prenons un autre exemple plus concret. Soit (x1,,xm)=p(x_1, \ldots, x_m) = p les coordonnées locales sur UU induites par pp, ce qui donne que xj:=prjpE(U)x_j := \text{pr}_j \circ p \in E(U) pour 1j<m1 \leq j < m. Alors, Q1(U)Q^1(U) est un module libre de dimension mm, et la famille (dx1,,dxm)(dx_1, \ldots, dx_m) constitue une base pour ce module. La relation entre les éléments de V(U)V(U) et Q1(U)Q^1(U) est donnée par :

vj=(dxj,v)E(U)etaj=0djE(U).v_j = (dx_j, v) \in E(U) \quad \text{et} \quad a_j = 0^{d_j} \in E(U).

Ce type de représentation permet de mieux comprendre les liens entre les formes différentielles et les champs de vecteurs dans un cadre local, tout en évitant la complexité géométrique globale des variétés. En effet, V(U)V(U) et Q(U)Q(U) sont des modules libres, mais cette propriété ne se vérifie pas forcément de manière globale sur la variété MM, surtout dans des cas complexes comme celui de la sphère SnS^n, où les champs de vecteurs linéairement indépendants sont non triviaux uniquement pour n=0,1,3,n = 0, 1, 3, ou 77.

En résumé, chaque forme différentielle ω\omega sur une variété MM peut être représentée localement en termes de coordonnées locales. La manière dont les dérivées et les formes différentielles sont définies à travers les cartes permet de résoudre des problèmes de calcul et de manipulation des objets géométriques de manière rigoureuse. De plus, cette approche s'étend de manière fluide aux formes plus complexes, telles que les formes rr-différentielles, qui ont des représentations uniques en coordonnées locales, et dont les coefficients sont les fonctions définies sur UU.

Un dernier point essentiel concerne la notion de régularité des formes différentielles. Si kNk \in \mathbb{N}, alors les propriétés des formes différentielles restent valables si MM est une variété Ck+1C^{k+1}, ce qui permet d’étendre les calculs à des formes plus lisses et de garantir la continuité et la différentiabilité des coefficients des formes locales.