Le traitement des migrants à faible compétence en Corée du Sud soulève des questions complexes, tant sur le plan de la justice que sur celui de la politique migratoire. Dans un pays comme la Corée du Sud, il semble n'y avoir aucune gêne à traiter les migrants selon une distinction claire : les migrants à faible compétence et les citoyens sont des entités séparées, chacune occupant une place distincte dans la hiérarchie sociale et légale. Cette vision s'oppose à celle des sociétés occidentales, où l'héritage du christianisme et du libéralisme, fondé sur l'idée d'universalité des droits et de dignité humaine, constitue un cadre idéologique qui cherche à traiter chaque individu comme un égal, une entité possédant une dignité propre et une valeur universelle.
Cependant, cette approche égalitaire présente des contradictions évidentes. Le droit de l'homme, comme il est compris dans le cadre des conventions internationales, protège principalement les droits des "migrants existants", c'est-à-dire ceux qui ont déjà franchi les barrières migratoires, mais cette protection se fait au détriment des "futurs migrants". Ce décalage expose les tensions internes du système libéral, qui, tout en prônant l'égalité, ne parvient pas à répondre à la réalité des inégalités mondiales. Martin Ruhs, dans ses réflexions sur la migration, parle de la nécessité d'un système de "droits différenciés", ce qui entre en conflit avec l'idée d'une intégration fondée sur l'égalité, telle que promue dans les sociétés occidentales. Le dilemme reste entier : peut-on exclure indéfiniment les migrants à faible compétence du droit à une résidence permanente, comme c'est le cas en Corée du Sud ?
La question devient encore plus complexe lorsqu'on examine la relation entre migration temporaire et résidences permanentes. Ruhs, bien que critique du "fétichisme des droits", concède que l'accès à la résidence permanente, après quatre ans de séjour temporaire, devrait être permis. Ce qui, d'ailleurs, est moins favorable que les pratiques des États occidentaux, où le seuil est de cinq ans. Ainsi, accepter des migrants à faible compétence, tout en tentant de concilier justice sociale et conscience libérale, apparaît comme l'une des meilleures réponses des sociétés riches à l'inégalité mondiale. Cependant, l'application de droits différenciés, loin d'être une caractéristique d'une politique migratoire libérale idéale, en devient une nécessité pour obtenir l'adhésion publique dans un monde globalisé.
La question de la citoyenneté s'ajoute à ce dilemme. En Occident, la citoyenneté, en tant que statut symbolique, semble de plus en plus déconnectée de la réalité de la résidence permanente. La citoyenneté libérale a, au fil des décennies, évolué pour permettre une certaine égalité entre citoyens et résidents permanents. Joseph Carens, dans ses travaux, remarque que la citoyenneté dans le monde moderne est loin d'être un droit exclusif aux "insiders". La révolution française de 1789 et la révolution américaine ont mis en avant l'idée de "liberté, égalité, fraternité", où la distinction entre droits des citoyens et droits humains était floue. Aujourd'hui, l'idée d'une citoyenneté libérale semble perdue dans les contradictions, notamment en raison des pratiques de "citoyenneté gagnée", qui introduisent des conditions comportementales dans l'acquisition ou la perte de la citoyenneté.
Il est crucial de comprendre que la citoyenneté libérale, au sens où elle était envisagée par les révolutionnaires du XVIIIe siècle, ne correspond plus tout à fait à la réalité d'aujourd'hui. L'intégration des migrants, même de faible compétence, est souvent une question de pratiques politiques, non pas simplement de principes abstraits. L'inégalité inhérente à la distribution de la citoyenneté, fondée sur le lieu de naissance, peut être vue comme arbitraire et même totalitaire, comme le suggère Dimitry Kochenov. Dans un monde où la plupart des individus ne peuvent échapper à la "lotterie des droits de naissance", la question de savoir si la citoyenneté libérale peut encore être un modèle viable pour l'avenir demeure incertaine.
La citoyenneté libérale repose sur un principe d'égalité démocratique, mais cette égalité est souvent plus théorique que pratique. Le modèle de la citoyenneté libérale, tel que défini par des penseurs comme Michael Oakeshott, implique une "association civile" où les citoyens ne poursuivent pas un but commun mais sont unis par le respect de la loi. En revanche, dans la tradition républicaine, la liberté est définie par l'auto-gouvernance et la vertu civique, concepts qui se traduisent par un engagement actif envers le bien commun.
Ce contraste entre les approches libérales et républicaines met en lumière une dimension essentielle de la citoyenneté : son caractère externe, c'est-à-dire la manière dont elle est perçue et appliquée dans le cadre de l'immigration. La distinction entre "citoyenneté libérale" et "citoyenneté républicaine" est importante, mais elle reste insuffisante pour comprendre les enjeux d'intégration dans un monde globalisé. Si la citoyenneté libérale cherche à protéger l'individu contre l'État, elle échoue parfois à offrir une solution viable aux défis liés à la migration et à la justice sociale.
Comment la politique d'asile en Allemagne reflète les tensions entre humanitarisme et populisme
La politique d'asile en Allemagne a longtemps oscillé entre une approche humanitaire centrée sur l'accueil des réfugiés et une gestion plus restrictive, marquée par la montée des préoccupations sécuritaires et économiques. À partir de la crise migratoire de 2015, cette dynamique s'est intensifiée, les débats sur les valeurs culturelles et les droits des réfugiés prenant de plus en plus de place sur la scène politique.
Dans un contexte de forte polarisation, la notion de "Leitkultur" (culture dominante) a été mise en avant, notamment à l'extrême droite du spectre politique. Cette notion semble exclure une véritable intégration des réfugiés, insistant sur un modèle culturel jugé "allemand", au détriment d'une pluralité qui caractérise pourtant le pays. Malgré cette poussée idéologique, la politique d'asile en Allemagne n'a pas fondamentalement changé. Les autorités continuent de concentrer leurs efforts sur l'intégration sur le marché du travail des migrants, malgré une forte pression sociale en raison des coûts associés aux aides sociales, notamment le programme Hartz IV, dont une grande partie des réfugiés bénéficient.
La question de l'intégration au marché de l'emploi est cependant complexe. En 2019, une étude révélait que 75 % des Syriens en âge de travailler en Allemagne étaient partiellement ou totalement dépendants de l'aide sociale, bien que leur taux de chômage ait diminué. Cette situation soulève des questions sur l'efficacité des politiques d'intégration, car même en améliorant légèrement les taux d'emploi, les réfugiés restent souvent coincés dans des emplois précaires, peu rémunérés et socialement stigmatisés. La dépendance aux aides sociales reflète un échec partiel de l'intégration sur le marché du travail, malgré les efforts des autorités.
Ce dilemme est exacerbé par la montée du populisme, qui s'alimente des frustrations liées à l'incapacité apparente de l'État à contrôler l'immigration et à imposer des mesures strictes contre les demandeurs d'asile déboutés. L'Allemagne est devenue un exemple frappant des obstacles juridiques qui rendent difficile l'exécution de politiques restrictives, telles que les expulsions. En effet, l'une des principales difficultés réside dans le recours excessif aux procédures judiciaires : en 2017, trois quarts des décisions de rejet de demandes d'asile ont été appelées en cour, avec un taux de succès de 40 %. Les recours judiciaires, souvent gratuits pour les demandeurs, offrent des avantages considérables, notamment en termes d'aides sociales et de couverture médicale, dépassant largement les standards de leurs pays d'origine.
Les expulsions, une des mesures les plus radicales pour limiter le nombre de réfugiés présents en Allemagne, rencontrent des obstacles considérables. Les demandeurs d'asile déboutés ne se présentent souvent pas aux convocations pour leur expulsion, et jusqu'en 2019, il n'existait même pas de lois permettant de détenir des migrants criminels en attente d'expulsion. Le coût des expulsions, l'opposition publique croissante et le manque de volonté politique d'imposer des décisions rendues par les tribunaux compliquent davantage la situation.
Certains Länder, comme Berlin, ont adopté des politiques d'accueil plus ouvertes, refusant systématiquement d'appliquer les expulsions, et appelant même à un "changement de paradigme" pour favoriser le retour volontaire des migrants. Cette position a entraîné des tensions internes, notamment avec des partis comme la CDU, qui ont souligné l'inefficacité de ces mesures et l'injustice sociale que cela pourrait engendrer pour la population locale.
Une autre question épineuse dans le débat public est celle de la réunification familiale pour les réfugiés bénéficiant d'une protection subsidiaire. Bien que ce droit ait été restreint depuis la crise de 2015, il reste un point de friction majeur. D'un côté, les partis de gauche défendent l'extension de ce droit, le considérant comme une exigence humanitaire minimale. De l'autre, certains partis conservateurs et d'extrême droite dénoncent cette politique, qu'ils perçoivent comme une incitation à l'immigration illégale et un facteur aggravant pour la "crise" migratoire.
Au-delà des questions juridiques et politiques, il est également crucial de comprendre les tensions sociales qu'engendre cette situation. L'augmentation du nombre de migrants dans certaines régions a exacerbé des sentiments d'insécurité, alimentant les discours populistes. Ces derniers utilisent souvent les faiblesses du système d'asile pour mobiliser une base électorale inquiète de l'évolution démographique et culturelle du pays. La perception que les migrants bénéficient indûment de l'aide sociale et de services publics devient un argument majeur dans les campagnes populistes, alimentant ainsi la méfiance à l'égard des politiques d'immigration libérales.
Il est aussi essentiel de prendre en compte la diversité des motivations des migrants et des réfugiés. L'asile n'est pas uniquement une question de fuite d'un conflit, mais aussi d'oppression sociale, culturelle ou politique. L'argument des pays "sûrs", qui permettrait d'accélérer le traitement des demandes d'asile en cas de faible taux de reconnaissance, soulève des dilemmes éthiques. Des groupes vulnérables comme les Roms dans les Balkans ou les homosexuels en Afrique du Nord risquent des persécutions s'ils sont renvoyés chez eux, et certains partis, comme les Verts, se battent pour que ces pays ne soient pas considérés comme "sûrs".
Dans l'ensemble, la politique allemande en matière d'asile reflète un équilibre difficile entre humanitarisme et pragmatisme politique. L'un des défis majeurs pour l'Allemagne est d'adopter des politiques d'immigration et d'asile qui tiennent compte à la fois des impératifs économiques, sociaux et culturels, tout en préservant la dignité humaine et en gérant les préoccupations croissantes de la population locale.
Quel est le rôle des jeunes immigrés sans papiers dans la société américaine et comment l’Amérique les intègre-t-elle?
L'immigration illégale aux États-Unis, bien qu'elle soit souvent perçue à travers le prisme des questions sociales et économiques, s'entrelace également avec des dynamiques politiques complexes. Un aspect qui mérite une attention particulière est celui des jeunes arrivés illégalement dans le pays, ceux que l'on désigne sous le terme de "Dreamers". L’histoire de l'immigration illégale a été marquée par des événements qui ont donné une visibilité particulière à ces individus, bien que leur statut légal reste une question épineuse.
Le cas de "Nannygate" en 1993, qui a impliqué la nomination avortée de Zoe Baird, la première candidate de Bill Clinton pour le poste de procureur général, a ouvert un débat sur l'emploi d'immigrés illégaux par des élites américaines. En dépit de leur statut illégal, Baird et son mari avaient embauché des travailleurs immigrés sans papiers venus du Pérou, ce qui a conduit à un scandale public. Ce phénomène n’est pas unique. Un mois plus tard, une autre candidate, la juge fédérale Kimba Wood, a dû se retirer après que l’on ait découvert qu'elle avait elle aussi employé une immigrée illégale pour s’occuper de ses enfants. Ces incidents ont non seulement souligné la question des immigrés sans papiers, mais aussi révélé des contradictions dans la manière dont certains Américains aisés bénéficient d'une situation qu'ils critiquent ailleurs.
Cette problématique s’est intensifiée avec la loi S.744 du 113e Congrès, qui visait à réformer le système d'immigration, mais qui a également introduit une nouvelle forme de régulation. Il s’agissait d’un projet de loi censé apporter une solution aux impasses bureaucratiques et juridiques qui handicapaient des millions de personnes vivant illégalement sur le territoire américain, en particulier les jeunes arrivés en tant qu’enfants. Le "DREAM Act", inclusion fondamentale de cette loi, représente une tentative d’intégrer ces jeunes, les "Dreamers", dans le corps social américain, en leur offrant une voie vers la citoyenneté, mais à condition qu’ils remplissent certains critères.
La particularité du DREAM Act réside dans le fait qu'il se distingue des autres formes de régularisation des immigrés illégaux. Il repose sur une certaine moralité qui souligne que les enfants, arrivés dans leur jeunesse sans leur propre consentement, ne peuvent être tenus responsables des actions de leurs parents. Pour cette raison, le DREAM Act a trouvé un certain soutien, y compris parmi les républicains, qui reconnaissaient en ces jeunes des victimes plutôt que des coupables. Cependant, cette législation n’en demeure pas moins stricte. Les Dreamers doivent prouver leur "mérite" à travers des critères de performance spécifiques, tels que l'obtention d’un diplôme universitaire ou la réalisation d'un service militaire.
Il existe une contradiction inhérente dans le processus de légalisation proposé par ce projet de loi. Bien que l’on considère les Dreamers comme déjà "américains" en raison de leur intégration sociale et de leurs contributions potentielles, ils doivent néanmoins "mériter" leur place à travers des actions concrètes. Il ne suffit pas de vivre sur le sol américain pour prétendre à la citoyenneté. Un minimum d'éducation ou un engagement militaire est requis. Cette exigence repose sur une conception de la citoyenneté qualifiée, dans laquelle le mérite, qu'il soit éducatif ou patriote, devient une condition sine qua non.
L'idée même de "citoyenneté méritée" constitue un pivot de l'immigration moderne aux États-Unis, et la question de savoir qui mérite ou ne mérite pas de faire partie de la société américaine a acquis une importance centrale. Ce modèle exclut de facto ceux qui, bien que vivant légalement dans le pays, ne remplissent pas ces critères. Parallèlement, un autre phénomène a émergé avec l'attaque renouvelée contre la citoyenneté de droit du sol, ou jus soli, qui garantissait la nationalité à toute personne née sur le territoire américain. Certains, comme l'ancien président Trump, ont argumenté que cette politique favorisait la naissance de "bébés ancrés", utilisés par les parents sans papiers comme un moyen d’obtenir des avantages légaux. Cela a alimenté le débat sur le système d’immigration et sur la manière dont l’Amérique choisit d’intégrer ceux qui ne sont pas nés sur son sol.
Les Dreamers incarnent une vision de l'Amérique à la fois libérale et nationaliste. Ils sont perçus comme le produit d'un système qui valorise l'éducation et le service national, mais aussi comme des victimes d'un système d'immigration de plus en plus sélectif. Leurs luttes symbolisent à la fois l’évolution du pays vers une plus grande ouverture et l’émergence d’un nationalisme qui cherche à contrôler l'accès à la citoyenneté. La question de savoir si l’Amérique est prête à accueillir tous ceux qui s’identifient à ses valeurs ou si elle continuera à fixer des barrières pour ceux qui ne remplissent pas ses critères de mérite demeure un enjeu majeur de l'avenir de la nation.
La citoyenneté et l'évolution des politiques de naturalisation : un privilège mérité ou un droit inaliénable ?
Dans le contexte actuel de la citoyenneté, les débats autour de la naturalisation se concentrent souvent sur la question de savoir si celle-ci doit être un droit inaliénable ou un privilège mérité. Cette interrogation trouve son origine dans l'évolution des législations et des pratiques en matière de citoyenneté, notamment dans les pays occidentaux, où la montée des partis radicaux et les réformes restrictives ont donné naissance à des réflexions profondes sur ce qu'implique véritablement le concept de "citoyenneté méritée".
Le droit de la citoyenneté, tel qu'il est formulé dans la Constitution américaine, notamment à travers le 14e amendement, incarne un principe d'égalité qui se traduit par l'idée que la citoyenneté ne se mérite pas, mais qu'elle est "indefeasible", c’est-à-dire inaltérable (Rodriguez 2009:1366). Ce principe, fondé sur une conception égalitaire, se trouve cependant mis à l'épreuve par les récentes réformes législatives, notamment celles qui conditionnent l'accès au droit de vote par des lois sur l'identification des électeurs aux États-Unis, où la citoyenneté n’est plus seulement un droit, mais un privilège. De plus, l’élargissement de la privation des droits civiques des personnes condamnées, qui peut durer bien au-delà de la période de détention, illustre cette tendance à conditionner la citoyenneté à une "performance" spécifique, dans l’esprit d'une citoyenneté acquise et non accordée.
Cette réflexion sur la citoyenneté méritée soulève des questions essentielles sur l'injustice morale de certaines conceptions de la citoyenneté, qui privilégient des critères exclusifs de mérite comme le service militaire, les tests de connaissances ou les engagements communautaires. Mais la vraie question demeure : pourquoi ne pas faire de la citoyenneté une conquête constante, réévaluée périodiquement, où les citoyens devraient prouver leur engagement, comme si celle-ci était un bien à renouveler en permanence ? L'idée, bien que provocante, semble s'inscrire dans une logique de plus en plus présente dans les sociétés néolibérales, fondées sur le marché et un libéralisme personnel.
L'évolution des lois de naturalisation au sein de l'Union européenne, particulièrement depuis l’an 2000, a mis en évidence une tendance vers des politiques de naturalisation plus restrictives. Les pays où les partis d’extrême droite ont une forte influence, comme l'Autriche, le Danemark ou les Pays-Bas, ont vu des changements notables dans leur approche de la citoyenneté. Toutefois, même dans ces contextes, il est important de ne pas exagérer l’impact des partis radicaux, car, selon une étude comparative de la législation en matière de citoyenneté, les pays ayant des partis radicaux forts ne sont pas systématiquement ceux où les réformes ont été les plus restrictives (Koopmans, Michalowski, et Waibel 2012). Cette "inertie institutionnelle" dans les législations de la citoyenneté suggère que les transformations sont souvent lentes et influencées davantage par des dynamiques internes au système politique que par la simple poussée de partis extrémistes.
Le paradoxe inhérent au terme "naturalisation" réside dans le fait qu’il implique, par définition, d’introduire un processus artificiel pour rendre "naturel" quelque chose. La naturalisation suggère que l'on fasse devenir quelque chose de naturel un statut qui, en réalité, est toujours le produit d'une série d'actes institutionnels et de choix politiques. Le temps de résidence, qui a longtemps été considéré comme l’élément fondamental de ce processus, est ainsi devenu un moyen de rendre invisible l’action concrète de l’État et des institutions, tout en renforçant l'idée que la citoyenneté devrait être un bien acquis à travers la durée. Cependant, les récents changements législatifs, qui ont introduit des tests de citoyenneté et renforcé les exigences, mettent en lumière cette tension entre ce qui est "naturel" et ce qui est "créé".
Le modèle du citoyen "naturel", celui qui incarne l'intégration réussie dans une société donnée, est souvent considéré comme le standard dans de nombreuses politiques de naturalisation. Mais il existe également un modèle concurrent, celui du "citoyen idéal", qui suppose que la citoyenneté soit accordée en fonction de critères stricts et de preuves tangibles d'engagement. Ce modèle, plus exigeant, renvoie à une vision de la citoyenneté comme une récompense pour une intégration réussie, où le citoyen est perçu non seulement comme un membre de la communauté, mais comme un acteur ayant rempli un contrat implicite avec l’État et la société. Cela correspond à une vision néolibérale de la citoyenneté, selon laquelle celle-ci ne serait pas un droit universel, mais un privilège que l’on mérite.
Le modèle "de l'idéal citoyen" s'incarne dans l’idée que pour devenir citoyen, il faut prouver sa loyauté envers l’État, son respect des lois et ses capacités d’adaptation à la culture nationale. Cette perspective s'oppose à une vision plus inclusive, qui considère la citoyenneté comme un processus continu et évolutif, dans lequel l'intégration n'est pas un simple passage vers un statut, mais une transformation réciproque, tant de l’individu que de la société qui l’accueille.
Dans ce contexte, il est essentiel de souligner que la citoyenneté n’est pas un statut figé mais un concept dynamique, en constante redéfinition. Le modèle de "citoyenneté méritée" pourrait, à terme, renforcer des discriminations systémiques, rendant l’accès à la pleine appartenance citoyenne plus difficile pour certaines populations, en particulier celles issues de l’immigration ou des minorités. D’un autre côté, la reconnaissance de la citoyenneté comme un droit inaliénable, fondé sur l'égalité et la dignité humaine, demeure une valeur centrale pour préserver l'unité sociale et éviter les fractures qui surgissent de politiques trop restrictives.
La citoyenneté est-elle encore un droit inaliénable ?
La multiplication des dispositifs juridiques permettant la déchéance de nationalité dans les démocraties libérales modernes marque un glissement insidieux mais profond dans la conception même de la citoyenneté. Ce glissement transforme ce qui était jadis un droit inaliénable, fondé sur l’égalité et la permanence, en un statut conditionnel, révocable selon les comportements jugés déviants par l’État. L’émergence de lois comme l’Allegiance to Australia Act de 2015, ou les propositions américaines comme le Patriot II Act et l’Expatriate Terrorists Act, révèlent une tendance inquiétante : la citoyenneté devient un instrument de sanction politique et morale, davantage qu’une reconnaissance de l’appartenance politique.
Dans le cas australien, la perte automatique de citoyenneté en réponse à des actes perçus comme incompatibles avec les valeurs partagées de la communauté nationale s’opère sans qu’aucune autorité décisionnelle identifiable ne soit impliquée. Il s’agit là d’une fiction juridique puissante, où l’État s’efface pour faire croire que c’est le citoyen lui-même, par ses actes, qui se serait exclu de la communauté nationale. Ce même raisonnement imprègne les propositions législatives américaines, qui tentent de faire du soutien matériel au terrorisme une preuve irréfutable de la volonté de renoncer à la nationalité, en contradiction avec la jurisprudence de la Cour suprême des États-Unis, qui exige une intention explicite et verbale.
Cette rhétorique de la citoyenneté méritée, « earned citizenship », utilise le langage du libéralisme politique pour imposer des conditions comportementales à l’accès ou au maintien de la citoyenneté. Ainsi, sous couvert de responsabilisation individuelle, elle cache une logique de discipline, d’exclusion et de contrôle. Le citoyen n’est plus titulaire de droits imprescriptibles, mais porteur d’un statut fragile, potentiellement révocable.
Cette transformation ne renforce pas la citoyenneté, comme le prétendent certains, mais la fragilise. Selon Audrey Macklin, faire dépendre la citoyenneté de la performance ou du comportement, c’est la réduire au niveau d’un statut de résidence permanente, réversible et incertain. La déchéance de nationalité devient ainsi un outil parmi d’autres de la politique migratoire, intégrée aux logiques d’exclusion traditionnellement réservées aux non-citoyens. Le Royaume-Uni et le Canada en fournissent des exemples éloquents, ayant aligné les seuils de déchéance de nationalité sur ceux applicables à la perte de la résidence permanente, voire offrant encore moins de garanties procédurales dans le cas de la citoyenneté.
Cette fragilisation juridique est accentuée par l’inégalité de traitement entre les citoyens. En effet, la possibilité de retirer la nationalité est généralement limitée aux binationaux, pour éviter la création d’apatrides. Cette limitation, conforme au droit international, introduit toutefois une hiérarchie de fait : les citoyens exclusifs jouissent d’une sécurité juridique supérieure, tandis que les binationaux — souvent issus de l’immigration — sont exposés à une citoyenneté conditionnelle. Cela revient à instaurer une citoyenneté à deux vitesses, violant le principe d’égalité entre citoyens et légitimant des distinctions fondées sur l’origine ethnique, la race ou la religion, au mépris des principes fondamentaux du libéralisme politique.
La proposition du président François Hollande en 2015, visant à étendre la déchéance de nationalité aux Français de naissance, illustre à quel point cette dynamique peut être perçue comme une stigmatisation ciblée. Elle a été interprétée comme une attaque symbolique contre l’ensemble de la population musulmane française, majoritairement binationale, ravivant les divisions entre les « Français de souche » et les « immigrés », notion déjà instrumentalisée par l’extrême droite.
Parallèlement à l’affaiblissement des droits des citoyens, ces législations renforcent considérablement le pouvoir exécutif. Le paradigme sécuritaire post-11 septembre a permis aux États de légitimer l’extension de leurs prérogatives sous couvert de lutte contre le terrorisme. La Grande-Bretagne en est l’exemple le plus frappant, avec un arsenal juridique de déchéance de nationalité parmi les plus sévères, culminant sous l’ère de Theresa May et sa politique de « hostile environment ». Dans cette logique, l’État se donne la possibilité de réécrire les règles du droit lorsqu’elles l’empêchent de mener sa politique sécuritaire, faisant passer la souveraineté exécutive avant les droits fondamentaux.
Cette évolution met en lumière une tension structurelle : à mesure que la citoyenneté se précarise pour certains, l’État se renforce, non seulement dans sa capacité à punir, mais aussi à définir arbitrairement qui mérite de faire partie de la communauté politique. Le langage du mérite, de la loyauté et de la conduite devient ainsi un outil idéologique de normalisation, masquant une dynamique d’exclusion fondée sur des critères inavoués mais profondément enracinés dans l’histoire coloniale, les discriminations systémiques et la peur de l’« autre ».
Il est essentiel de comprendre que cette conditionnalisation de la citoyenneté ne s’opère pas dans un vide politique. Elle s’inscrit dans un contexte où les figures du terroriste, de l’immigré et du musulman sont souvent amalgamées, permettant de présenter certaines populations comme fondamentalement suspectes, voire indignes de la citoyenneté. Cette construction de l’indignité citoyenne justifie alors, aux yeux de certains, l’exception juridique et l’abandon des principes universels. Ce processus normalise une citoyenneté réversible, stratifiée, marquée par des apparten
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