L’usage du discours négatif dans les campagnes électorales est un phénomène stratégique dont les candidats se servent pour susciter l’attention et influencer l’opinion publique. En 2018, cette dynamique s’est intensifiée, notamment dans le cadre des élections de mi-mandat aux États-Unis. L'analyse des messages publiés sur Twitter par les candidats à la Chambre des représentants révèle des tendances qui permettent d’examiner la fréquence et la nature du recours à la rhétorique négative.

La première hypothèse stipule que les challengers (les candidats non-incumbents, ou non-réélus) devraient utiliser plus de discours négatifs que les titulaires en place. En effet, les challengers, qui se battent pour un siège, ont tout intérêt à déstabiliser leurs adversaires, souvent en soulignant leurs échecs ou leurs erreurs passées. Par ailleurs, il est probable que dans des courses plus compétitives, les candidats (qu'ils soient challengers ou titulaires) aient tendance à adopter une rhétorique plus agressive et négative. Cette observation se fonde sur l’idée que, dans des contextes où l’issue de l’élection semble incertaine, chaque candidat cherche à mobiliser son électorat en exploitant les tensions et les peurs. Une troisième hypothèse suggère que les candidats ayant perdu leurs élections seraient plus enclins à adopter une rhétorique négative. Les perdants, ayant échoué à convaincre les électeurs, pourraient ainsi réagir par l’expression d’une colère ou d’une frustration accrue, comme s’ils cherchaient à justifier leur défaite ou à dénoncer les injustices perçues.

Un autre facteur à prendre en compte est l'influence du genre des candidats. Des recherches antérieures ont montré que les femmes, notamment celles issues du milieu politique, utilisent les réseaux sociaux d’une manière différente de leurs homologues masculins. La montée du mouvement #MeToo, qui a pris de l’ampleur au cours de l’année 2017, a particulièrement influencé la manière dont certaines femmes ont choisi d'exprimer leur mécontentement sur les réseaux sociaux, en abordant des sujets tels que le harcèlement sexuel et la violence à l’égard des femmes. Cette situation a conduit à un renouveau de l’expression de la colère chez les femmes politiques, dont beaucoup ont fait des déclarations publiques fortes à propos de ces questions.

Les résultats de l’analyse des messages publiés par les candidats lors des élections de 2018 montrent qu’il existe effectivement des différences notables entre les candidats en termes de ton émotionnel. En moyenne, les candidats ont utilisé environ trois mots anxieux, neuf mots en colère, et quatre mots tristes dans leurs messages. Il est intéressant de noter que, malgré la faible fréquence globale de l’utilisation de ces émotions négatives, certains candidats se distinguent par un recours beaucoup plus fréquent à des mots associant la colère, l’anxiété ou la tristesse.

Ce phénomène est particulièrement visible chez les candidats ayant perdu leur course électorale, comme Brian Leib, un républicain, qui a utilisé de nombreux termes anxieux et en colère dans ses messages. Parmi les candidats qui ont perdu, on trouve également Shawna Roberts, une démocrate, qui a abondamment recours à la colère dans ses publications, notamment en lien avec la nomination de Brett Kavanaugh à la Cour suprême et avec les sujets liés au mouvement #MeToo. Les messages de Roberts sont particulièrement empreints de colère et d’indignation face aux questions de justice sociale.

Le rôle des émotions négatives dans les stratégies électorales est donc complexe. Tandis que certains candidats semblent utiliser la colère pour galvaniser leurs partisans et répondre aux critiques, d’autres se servent de la tristesse ou de l’anxiété pour évoquer des injustices ou des tragédies, cherchant à susciter de la sympathie et à se positionner en défenseur des valeurs sociales et humaines. Par exemple, les tweets de Leib et de Dwight Evans, un démocrate élu, abordent des événements traumatiques comme la fusillade de la synagogue Tree of Life et les souffrances de Puerto Rico après l'ouragan Maria, exprimant ainsi un mélange de tristesse et de colère face à la gestion des crises.

En fin de compte, il apparaît que l’usage de la rhétorique négative sur les réseaux sociaux, et plus particulièrement sur Twitter, ne dépend pas seulement de la position politique d’un candidat (challenger ou titulaire), mais aussi de facteurs contextuels comme la compétitivité de la course électorale et les événements sociopolitiques marquants. Les candidats, selon qu’ils soient gagnants ou perdants, peuvent avoir des motivations très différentes pour choisir d’exprimer des émotions négatives.

Ainsi, pour comprendre pleinement les dynamiques de la rhétorique négative dans les campagnes modernes, il est essentiel de tenir compte des nuances liées à l’identité du candidat, au contexte électoral, mais aussi aux influences culturelles et sociales qui façonnent les messages qu'ils transmettent.

Comment comprendre la dynamique politique du Tennessee lors des élections sénatoriales de 2018 ?

En 2017, Bob Corker, sénateur républicain du Tennessee, annonça sa retraite après avoir rempli sa promesse de servir deux mandats. Cette décision ouvrit la voie à une course électorale de grande envergure pour le Sénat en 2018, un événement majeur dans les élections de mi-mandat. L’ouverture du siège offrait aux démocrates une rare opportunité de renverser une position républicaine, de renforcer leurs chances de majorité au Sénat et de tester la domination géographique du Parti républicain dans le Sud. De leur côté, les républicains y voyaient une chance de maintenir leur hégémonie dans un état historiquement conservateur, en dépit des vagues politiques qui avaient secoué d’autres états du Sud, comme l’essor du mouvement Tea Party.

Pour les démocrates, l’option la plus logique fut de mettre en avant l'ex-gouverneur Phil Bredesen, figure respectée et populaire, seul démocrate à avoir remporté une élection à l’échelle de l’État depuis 1996. Son nom portait avec lui une certaine nostalgie de l'époque où le Tennessee n’était pas encore une forteresse républicaine. Mais en face, le Parti républicain présenta Marsha Blackburn, une figure incontournable de la politique conservatrice, issue de la septième circonscription du Tennessee. Députée depuis huit mandats, elle était l’une des plus ferventes partisans de Donald Trump et une voix résolument réactionnaire au sein du Parti républicain.

La campagne se caractérisa par une polarisation accrue, chaque candidat s’efforçant de s’imposer comme le champion d’une ligne idéologique plus dure que l’autre. Blackburn, fidèle à sa réputation, mit en avant sa loyauté envers Trump et ses positions fermes contre les politiques progressistes, tandis que Bredesen tenta de se positionner comme un modéré, cherchant à attirer à lui les électeurs centristes et ceux fatigués des excès de la politique partisane.

Cette course reflétait un véritable choc des cultures et des visions du monde. D’un côté, il y avait l’héritage d’un Tennessee démocrate modéré, qui semblait en déclin, et de l’autre, un état profondément redéfinie par l’influence de l’aile dure du Parti républicain. En fin de compte, Blackburn triompha avec 54,7 % des voix contre 43,9 % pour Bredesen, consolidant ainsi le Tennessee comme un bastion républicain dans le Sud des États-Unis.

Le résultat ne fut pas une surprise pour beaucoup, car le Tennessee, comme ses voisins du Sud, affichait une dominance républicaine incontestée. Le Parti républicain contrôlait l’ensemble du gouvernement de l’État, possédait les deux sièges du Sénat et dominait la majorité des districts congressionnels. En revanche, les démocrates étaient confinés aux grandes villes urbaines et aux districts majoritairement minoritaires, créant ainsi un paysage politique fortement fracturé.

Cependant, réduire la situation politique du Tennessee à une simple domination républicaine serait une erreur. L’État, comme beaucoup d’autres dans le Sud, présente une complexité qui échappe souvent à la simple analyse partisane. Par exemple, bien que la majorité des électeurs du Tennessee aient choisi Blackburn, il reste un nombre significatif d’électeurs qui, tout en étant membres du Parti démocrate, ne s’identifient plus à la direction progressiste du parti. Cette situation montre que les lignes politiques dans le Sud sont souvent plus nuancées qu’il n’y paraît. La présence de démocrates urbains et de districts à forte population minoritaire témoigne d’une dynamique complexe où des tensions internes peuvent fissurer un soutien électoral uniforme.

Au-delà des résultats électoraux, l’analyse du Tennessee permet de comprendre une réalité plus vaste : la fragmentation du paysage politique américain. Ce n’est pas simplement une question de partis, mais aussi de cultures politiques et de valeurs profondément ancrées dans les différentes régions du pays. Le Tennessee, tout comme d’autres états du Sud, illustre comment des identités locales et des préoccupations économiques peuvent influer sur la politique à une échelle plus globale, rendant chaque élection un microcosme des tensions qui traversent toute la nation.

Dans ce contexte, les élections de 2018 ne furent pas seulement une bataille pour un siège au Sénat, mais aussi un révélateur des fractures internes d’un pays où les lignes de division ne sont pas uniquement idéologiques, mais aussi géographiques et sociales. En analysant ces résultats, il devient évident que la politique américaine est marquée par des dynamiques qui vont bien au-delà des simples préférences partisanes et des choix des électeurs. Il s'agit d'une lutte constante pour la définition même de ce que signifie être américain dans un monde de plus en plus polarisé.

Comment les partis politiques à Tennessee ont redéfini les choix électoraux : Une analyse du déclin démocrate et de la montée républicaine

L’histoire politique du Tennessee au début du XXIe siècle reflète une dynamique de transformation significative, marquée par un basculement électoral qui a vu les républicains prendre une position dominante. Dès 2004, les républicains ont acquis une majorité au Sénat de l'État, et en 2010, ils ont également remporté la majorité à la Chambre des représentants. L’emprise républicaine sur la politique de l’État semblait alors complète, à l'exception notable du maire de Nashville, Phil Bredesen. Ce dernier, bien que démocrate, a réussi à se maintenir à la tête de la capitale de l'État après avoir battu le représentant républicain Van Hilleary avec une marge étroite lors des élections gouvernorales de 2002.

Cependant, deux tendances majeures viennent souligner les difficultés croissantes rencontrées par les démocrates dans le Tennessee. D'une part, le soutien des électeurs du Tennessee pour le Parti Démocrate a considérablement diminué au fil des ans, comme l'indiquent les résultats des sondages de sortie des élections (Tableau 14.1). D’autre part, la part du vote présidentiel républicain a continuellement augmenté depuis 1992, démontrant une solidification du pouvoir républicain à l’échelle nationale et locale (Tableau 14.2).

Face à cette réalité, les démocrates ont décidé de se tourner vers l'un de leurs derniers représentants capables de remporter une victoire à l’échelle de l’État : l'ancien gouverneur Phil Bredesen. Bredesen, un homme politique pragmatique au parcours singulier, incarne un modèle rare de succès démocrate dans un contexte largement dominé par les républicains. Né dans le New Jersey et ayant grandi dans l'État de New York, Bredesen est diplômé de l’Université de Harvard, où il obtient un diplôme en physique en 1967. Bien que ses premières tentatives politiques aient été infructueuses, notamment sa défaite pour le poste de maire de Nashville en 1987, il a finalement réussi à se faire une place sur la scène politique locale. Son élection en 1991 au poste de maire de Nashville fut un tournant, marquée par des succès économiques significatifs, notamment la création de franchises sportives et l'attirance de grandes entreprises.

C’est en 2002, dans un climat politique hostile aux républicains, que Bredesen se lance à nouveau dans la course pour le poste de gouverneur. En période de mécontentement généralisé envers le gouverneur républicain sortant Ned McWherter, en raison de l’échec de son programme de privatisation de Medicaid, Bredesen parvient à séduire une large portion de l’électorat, notamment en adoptant une position modérée, se distinguant ainsi des positions plus radicales du Parti Démocrate national. Cette stratégie lui permet de remporter une victoire étroite contre Van Hilleary, malgré une nette domination républicaine dans certaines régions de l'État, notamment dans l'Est du Tennessee. Ce succès est attribuable à sa capacité à regagner la confiance des électeurs ruraux et suburbains, tout en conservant un soutien substantiel dans les grandes zones urbaines comme Memphis.

Les résultats électoraux de Bredesen montrent un phénomène intrigant : alors que la population du Tennessee se déplaçait massivement vers le camp républicain, un ancien gouverneur démocrate réussissait à faire basculer une majorité de comtés dans sa colonne. Une des raisons principales de sa popularité résidait dans son approche fiscale conservatrice et dans sa gestion pragmatique des problèmes locaux, qu'il s'agisse de la gestion du programme TennCare ou de la création de la loterie du Tennessee.

Au contraire, la montée en puissance de figures comme Marsha Blackburn, issue du Parti républicain, montre la radicalisation de la politique dans l'État. Blackburn, issue de la 7e circonscription du Tennessee, a progressivement consolidé son pouvoir, devenant l'une des figures les plus conservatrices du Congrès. Née à Laurel, dans le Mississippi, et diplômée de l'université d'État du Mississippi en 1974, Blackburn a commencé sa carrière politique dans les années 1990. Son ascension fulgurante, passant de dirigeante du Parti républicain du comté de Williamson à représentante des États-Unis en 2002, témoigne de son soutien croissant parmi les électeurs républicains. Sa position farouchement conservatrice et ses liens avec le Tea Party ont consolidé son rôle de leader de la droite dans un paysage politique de plus en plus polarisé.

Alors que les républicains renforçaient leur domination, la fracture entre les partis politiques s'est élargie, rendant plus difficile toute forme de compromis ou d'accord bipartite. Ce phénomène a exacerbé la polarisation politique dans l'État et a laissé peu de place à une gouvernance équilibrée. Le climat politique actuel du Tennessee, dominé par une majorité républicaine, a ainsi fait naître des tensions qui ont redéfini la nature des élections, avec des candidats comme Bredesen tentant de se distinguer par leur approche modérée, tandis que des figures comme Blackburn ont renforcé l’aile la plus conservatrice du Parti républicain.

Les résultats électoraux du Tennessee, marqués par une forte progression du vote républicain, témoignent de la consolidation d'une politique de droite au niveau national, mais aussi de la montée des conservateurs modérés comme Bredesen, dont la popularité pourrait potentiellement jouer un rôle crucial dans l’avenir de l'État. Les dynamiques locales et les stratégies des candidats républicains et démocrates auront des répercussions importantes sur les élections futures et pourraient bien façonner le paysage politique du Tennessee pour les années à venir.