Le concept de dérivée faible a été introduit par Jean Leray en 1934 dans le contexte des équations de Navier-Stokes. Ce type de dérivée, également appelé dérivée par transposition, est fondamental pour l’étude de l’existence de solutions aux équations différentielles partielles, particulièrement dans le cadre des espaces de Sobolev. Ce chapitre propose une introduction à cette notion, à la théorie des espaces de Sobolev et à l’utilisation de la mesure de Lebesgue dans ce contexte.

Nous considérons ici un domaine ouvert Ω dans ℝⁿ, où n ≥ 1, et D(Ω) désigne l'ensemble des fonctions infiniment dérivables à support compact dans Ω. Ces fonctions sont définies de manière que leur support se trouve dans un sous-ensemble compact K de Ω. Il est important de noter que dans cet espace, les fonctions sont munies de la mesure de Lebesgue, ce qui permet d'effectuer des intégrations selon cette mesure sur Ω.

Les espaces de Lebesgue, notés Lᵖ(Ω), où p ∈ [1, ∞), sont utilisés pour décrire les fonctions intégrables. La notion de fonction intégrable localement, ou L¹ₗᵒ𝑐(Ω), est un concept clé. Une fonction f appartient à L¹ₗᵒ𝑐(Ω) si, pour chaque sous-ensemble compact K de Ω, la restriction de f à K, prolongée par zéro, appartient à L¹(Ω).

Dans ce cadre, la dérivée faible ou dérivée par transposition est définie à travers une action linéaire sur les fonctions de D(Ω). Plus précisément, une fonction f ∈ L¹ₗᵒ𝑐(Ω) peut être associée à une forme linéaire Tₓ qui agit sur les éléments de D(Ω). Cette dérivée par transposition est un concept généralisant celui des dérivées classiques en analysant les fonctions de manière plus large et plus flexible, notamment lorsqu'elles ne sont pas nécessairement différentiables au sens classique.

La définition formelle de la dérivée faible repose sur l'extension de la notion de dérivée classique à des espaces plus généraux. Pour f ∈ L¹ₗᵒ𝑐(Ω), la dérivée faible par rapport à la variable i est définie comme suit : on associe à chaque fonction test 𝜑 ∈ D(Ω) une forme linéaire ⟨Dᵢf, 𝜑⟩ qui satisfait une relation d’intégration où l’intégrale de f multipliée par la dérivée partielle de 𝜑 est remplacée par l’opération de transposition sur la forme linéaire. Ce concept permet d'étendre la notion de dérivée aux fonctions qui, bien que non différentiables au sens classique, peuvent être différenciées de manière faible ou distributive.

La relation de convergence dans ces espaces de Sobolev est essentielle pour l’étude de l’existence de solutions des équations différentielles. La théorie des distributions, qui s’appuie sur cette forme de dérivée, permet de traiter des cas où les fonctions classiques de calcul différentiel échouent à fournir des résultats pertinents. En effet, les solutions à des équations différentielles partielles peuvent être interprétées à travers le prisme des distributions, ce qui ouvre un champ d’applications considérable, en particulier dans les domaines de la mécanique des fluides et de la physique théorique.

Un exemple concret de cette approche est le cas de la fonction de Heaviside H(x), définie comme étant 1 si x ≥ 0 et 0 si x < 0. Bien que cette fonction ne soit pas différentiable au sens classique, elle admet une dérivée par transposition, qui est la mesure de Dirac en 0, notée 𝛿₀. Cette dérivée ne peut pas être assimilée à une fonction de L¹ₗᵒ𝑐(ℝ) car 𝛿₀ n’est pas une fonction au sens traditionnel, mais plutôt une distribution. Cela démontre l’une des principales forces des dérivées faibles : elles permettent de traiter des objets qui échappent aux définitions classiques de la différentiabilité.

Les dérivées faibles et les espaces de Sobolev jouent également un rôle central dans la formulation des problèmes aux limites. Ces espaces permettent de décrire des solutions qui sont continues mais dont les dérivées peuvent ne pas être définies partout, ou qui peuvent présenter des comportements irréguliers. Par conséquent, il est important de comprendre comment ces solutions peuvent être interprétées dans un cadre mathématique rigoureux, notamment en ce qui concerne l’existence et l’unicité des solutions pour certaines classes d’équations différentielles.

Les dérivées faibles peuvent être généralisées à des dérivées d'ordre supérieur. Par exemple, pour un multi-indice 𝛼 ∈ ℕⁿ, la dérivée faible d'ordre |𝛼| est définie par la composition successive des dérivées faibles dans chaque direction. Cela permet de traiter des fonctions dont les dérivées de plus haut ordre existent au sens des distributions.

Il est crucial de souligner que les propriétés de ces dérivées faibles et leur lien avec les espaces de Sobolev permettent d’élargir le domaine des solutions possibles à des équations différentielles, surtout dans les cas où les solutions classiques n'existent pas. Cette généralisation des dérivées et des fonctions dans les espaces de Sobolev s'avère être un outil indispensable pour traiter des problèmes complexes en analyse et en physique mathématique.

La théorie des espaces de Sobolev ne se limite pas à une simple abstraction théorique : elle a des applications directes dans des domaines tels que la théorie des équations aux dérivées partielles, la mécanique des fluides, et l’analyse numérique, où elle fournit une base solide pour la modélisation et la résolution de problèmes pratiques.

Comment comprendre les solutions classiques et par semi-groupes pour les équations paraboliques ?

Si une fonction u0u_0 satisfait la condition (4.3a), alors u0L1(RN)u_0 \in L^1(\mathbb{R}^N). Dans ce cas, pour t>0t > 0 et xRNx \in \mathbb{R}^N tel que xδ/2|x| \leq \delta/2, on peut estimer u(x,t)|u(x, t)| par :

u(x,t)ε+eδ216tu0L1(RN)(14πt)N/2.|u(x, t)| \leq \varepsilon + e^{ -\frac{\delta^2}{16t}} \|u_0\|_{L^1(\mathbb{R}^N)} \left( \frac{1}{4\pi t} \right)^{N/2}.

On remarque que lorsque t0t \to 0 (avec t>0t > 0), l'expression eδ216te^{ -\frac{\delta^2}{16t}} tend vers 0. Il existe donc un η>0\eta > 0 tel que pour 0<t<η0 < t < \eta et xδ/2|x| \leq \delta/2, on a u(x,t)2ε|u(x, t)| \leq 2\varepsilon. Cela prouve que u(t,x)0u(t, x) \to 0 lorsque (x,t)(0,0)(x, t) \to (0, 0) avec t>0t > 0.

Si u0u_0 satisfait la condition (4.3b), alors il existe une constante CR+C \in \mathbb{R}^+ et un entier pNp \in \mathbb{N} tels que :

u0(x)C(1+xp),xRN.|u_0(x)| \leq C(1 + |x|^p), \quad \forall x \in \mathbb{R}^N.

Dans ce cas, on peut réécrire u(x,t)|u(x, t)| sous la forme suivante, après un changement de variable y=zty = z t pour 0<t<10 < t < 1 :

u(x,t)ε+C(4πt)N/2y>δey216t(1+yp)dy.\int |u(x, t)| \leq \varepsilon + C \left(4\pi t\right)^{N/2} \int_{|y| > \delta} e^{ -\frac{|y|^2}{16t}} (1 + |y|^p) \, dy.

Cela donne une estimation similaire, où l'on conclut également qu'il existe un η>0\eta > 0 tel que pour 0<t<η0 < t < \eta et xδ/2|x| \leq \delta/2, on ait u(x,t)2ε|u(x, t)| \leq 2\varepsilon, ce qui montre aussi que u(t,x)0u(t, x) \to 0 lorsque (x,t)(0,0)(x, t) \to (0, 0).

Sous les hypothèses du théorème 4.2, il n'y a pas d'unicité de la solution classique au problème (4.1) au sens de la définition 4.1. En effet, il est possible de construire une solution classique non nulle au problème (4.1) avec u0=0u_0 = 0. Un exemple de telle fonction est donné dans le livre de Smoller. Cependant, en ajoutant une hypothèse de croissance sur la solution (comme dans le livre d'Evans), on peut obtenir un résultat d'unicité, permettant d'énoncer le théorème d'existence et d'unicité pour l'équation de la chaleur.

Théorème 4.3 (Existence et unicité pour l'équation de la chaleur) : Soit u0C(RN,R)u_0 \in C(\mathbb{R}^N, \mathbb{R}) satisfaisant (4.3b). Il existe alors une unique fonction uu qui satisfait les conditions suivantes :

  1. uu est une solution classique au problème (4.1) au sens de la définition 4.1.

  2. Pour tout T>0T > 0, il existe des constantes CTR+C_T \in \mathbb{R}^+ et PTNP_T \in \mathbb{N} telles que :

u(x,t)CT(1+xPT),xRN,t[0,T].|u(x, t)| \leq C_T (1 + |x|^{P_T}), \quad \forall x \in \mathbb{R}^N, \forall t \in [0, T].

Preuve de l'existence : Le théorème 4.2 montre que la fonction uu définie par la formule (4.2) pour t>0t > 0 et u0u_0 pour t=0t = 0 est une solution classique au problème (4.1). Il reste à montrer que cette fonction satisfait la deuxième condition du théorème. Remarquons que l'hypothèse de croissance sur u0u_0 donnée par (4.3b) est équivalente à la condition d'existence d'une constante CC et d'un entier qNq \in \mathbb{N} tels que u0(x)C(1+xq)|u_0(x)| \leq C (1 + |x|^q) pour tout xRNx \in \mathbb{R}^N. Il suffit alors de montrer que si u0(x)=xqu_0(x) = x^q pour tout xRNx \in \mathbb{R}^N, avec qNq \in \mathbb{N}, alors uu satisfait la deuxième condition.

Preuve de l'unicité : L'unicité peut être démontrée en utilisant le principe du maximum pour les équations paraboliques. Ce principe n'est pas détaillé ici, mais nous reviendrons dessus lors de l'étude des solutions faibles sur un sous-ensemble ouvert borné de RN\mathbb{R}^N. En appliquant ce principe, on obtient l'unicité de la solution classique au problème (4.1) sous la condition suivante (plus faible que la condition 2) : pour tout T>0T > 0, il existe des constantes aT,CTRa_T, C_T \in \mathbb{R} telles que :

u(x,t)CTeaTx2,xRN,t[0,T].|u(x, t)| \leq C_T e^{a_T |x|^2}, \quad \forall x \in \mathbb{R}^N, \forall t \in [0, T].

Cela conclut la démonstration du théorème 4.3.

La compréhension des solutions classiques et par semi-groupes pour les équations paraboliques repose sur des résultats clés, tels que l'existence, l'unicité et la régularité des solutions en fonction des conditions initiales et des hypothèses de croissance. Il est important de noter que ces résultats sont fondés sur des techniques avancées d'analyse fonctionnelle et de théorie des opérateurs, comme la théorie des bases d'eigenfonctions et les principes de maximum.