Les variations récentes du profil génétique de base des parents sont appelées mutations. Bien que le terme "mutation" ait des connotations négatives dans le langage courant, en biologie, il désigne simplement une nouveauté, un changement dans l'ADN. D'un point de vue génétique, les mutations peuvent être négatives (non bénéfiques pour l'individu), positives (bénéfiques pour l'individu) ou neutres (sans conséquence significative, ni négative, ni positive). Ces changements génétiques sont fondamentaux pour comprendre non seulement l'évolution des populations humaines, mais aussi leur histoire migratoire.

Une des découvertes les plus intéressantes pour l'anthropologue moléculaire réside dans le fait que l'ADN mitochondrial, celui que l'on hérite uniquement de la mère, diffère entre le parent et la progéniture en raison de l'accumulation lente de mutations. Cela se produit simplement en raison du passage du temps et des erreurs qui surviennent lors de la réplication de l'ADN. Il en va de même pour l'ADN du chromosome Y, qui est transmis uniquement par le père aux garçons. Là encore, des mutations s’accumulent lentement, à mesure que des erreurs se produisent lors de la réplication de l'ADN. Ces différences génétiques, causées par des mutations successives, offrent aux anthropologues une fenêtre unique sur l'évolution humaine et les migrations anciennes.

L'une des utilisations les plus intéressantes de ces données génétiques est la capacité de déterminer la distance génétique entre individus ou de savoir à quel groupe génétique une population ancienne pourrait appartenir. Par exemple, en extrayant de l'ADN de squelettes anciens ou de racines de dents, les anthropologues peuvent le comparer aux génomes modernes et identifier à quel groupe humain général ces restes appartenaient. De cette manière, l'ADN permet de retracer les migrations anciennes. Cette même technique est utilisée dans les tests de généalogie modernes, où des entreprises comme Ancestry.com et 23andMe utilisent des échantillons de salive pour retracer les ancêtres d'une personne jusqu'à plusieurs milliers d’années.

Un autre outil crucial est l'horloge moléculaire, qui permet aux anthropologues de déterminer depuis combien de temps deux populations se sont séparées. En effet, certains types d'ADN, comme l'ADN mitochondrial, accumulent des différences à un rythme relativement stable au fil du temps. Connaissant ce taux de mutation constant, il est possible de quantifier les différences génétiques entre deux individus et d'estimer le nombre d'années écoulées depuis qu'ils faisaient partie de la même population génétique. Plus les différences génétiques sont grandes, plus le moment de leur séparation dans le temps est ancien.

Les études génétiques utilisées par les anthropologues moléculaires incluent principalement l'ADN mitochondrial (ADNmt), l'ADN du chromosome Y, le séquençage de l'ADN et les études des antigènes leucocytaires humains (HLA). L'ADN mitochondrial est particulièrement précieux car il permet d'explorer les lignées maternelles et de suivre les migrations anciennes. De même, l’ADN du chromosome Y permet de retracer l’histoire des lignées paternelles et d’étudier les différences génétiques entre les hommes.

Ces techniques modernes ont permis des avancées significatives dans la compréhension des migrations humaines et de l’évolution. Par exemple, des chercheurs italiens ont découvert que la population de Sicile est génétiquement si homogène qu’elle semble provenir d’une seule population fondatrice. De même, des études sur l'ADN des populations amérindiennes ont montré que les premiers colons des Amériques venaient probablement d’Asie de l'Est et sont arrivés il y a entre 20 000 et 14 000 ans, une découverte qui s’accorde bien avec les preuves archéologiques. Une autre étude sur les îles Aléoutiennes a révélé que les premiers habitants étaient génétiquement plus proches des habitants de la péninsule du Kamchatka, suggérant des migrations anciennes inattendues à partir de l’Est.

Les avancées dans l’étude de l’ADN ont également eu un impact majeur en anthropologie judiciaire et en généalogie. Aujourd’hui, pour moins de 200 dollars, les laboratoires commerciaux permettent à toute personne de découvrir où se trouvent ses ancêtres génétiques, parfois jusqu’à des milliers d'années. Les applications forensiques de l’ADN sont également incontournables : des enquêtes criminelles aux catastrophes aériennes, l'ADN joue un rôle central dans l’identification des victimes.

Cependant, malgré les nombreux succès de l'anthropologie moléculaire, certaines questions demeurent. La principale critique concerne la stabilité du taux de mutation. Certains chercheurs remettent en question l'idée que ce taux soit constant au fil du temps et dans différentes populations humaines. Cette variabilité pourrait altérer la précision des calculs relatifs à l'horloge moléculaire. Par conséquent, il est nécessaire de continuer à affiner ces modèles pour améliorer notre compréhension des migrations humaines et de l’évolution génétique.

Comment les premières civilisations ont-elles domestiqué les plantes et les animaux ?

L'origine de l'agriculture remonte à plusieurs milliers d'années, marquant un tournant dans l'histoire de l'humanité. Ce processus, lent et progressif, a modifié non seulement l'environnement mais aussi la structure des sociétés humaines. Bien avant la naissance des grandes civilisations, certaines populations ont commencé à domestiquer des plantes et des animaux, jetant les bases des sociétés agricoles qui allaient suivre.

Dans le Pacifique occidental, les premiers signes de domestication remontent à plus de 6 500 ans. Les habitants de cette région ont commencé à défricher des terres et à construire des parcelles horticoles destinées à cultiver des plantes comme le taro et la banane. Vers 4 500 ans avant notre ère, des canaux simples étaient creusés pour diriger l'eau, témoignant de l'ingéniosité de ces premiers agriculteurs. Environ 3 000 ans avant notre ère, certains de ces peuples se sont aventurés en mer, emportant avec eux des plantes, des animaux domestiqués et des graines pour peupler de nouvelles terres. Parmi les plantes domestiquées du Pacifique occidental figurent des espèces telles que le pain de pain (artocarpus), l'igname, la noix de coco et la banane, ainsi que des animaux comme les chiens, les porcs et les poules.

De l'autre côté de l'Atlantique, dans les Amériques, les découvertes archéologiques récentes ont repoussé de plusieurs millénaires la date de la domestication des plantes. L'idée que l'agriculture n'a débuté qu'il y a 5 000 à 7 000 ans dans le centre du Mexique a été remise en question. Des preuves indiquent désormais que des cultures comme le maïs et la courge existaient il y a environ 10 000 ans. La domestication des herbes sauvages, telles que le teosinte, qui a donné naissance au maïs, et des animaux comme les lamas et les dindes, a transformé les sociétés de cette région. Ces domestications ont donné naissance à une agriculture diversifiée, incluant des cultures comme le haricot, la pomme de terre, le piment, l'avocat, la papaye, et bien d'autres. Leurs produits, tels que le maïs et la pomme de terre, ont été largement diffusés après la découverte des Amériques par les conquistadors au XVIe siècle.

Un autre exemple fascinant de la domestication dans les Amériques est la ville de Tenochtitlan, capitale des Aztèques, où Hernán Cortés, au début du XVIe siècle, décrivit une agriculture florissante. Les Aztèques cultivaient une large gamme de plantes, allant des légumes verts comme l'oignon et l'ail, aux fruits comme les cerises et les prunes, en passant par le miel extrait des abeilles et du maguey, une plante qui fournissait aussi du sucre et du vin. Cette diversité agricole soutenait une société complexe, où les produits alimentaires étaient abondants et variés.

Il est important de noter que, bien que de nombreuses civilisations aient vu le jour grâce à l'agriculture, la transition de la chasse et cueillette à l'agriculture ne fut pas immédiate. Dans certaines régions du monde, ce changement a eu lieu progressivement sur une période de 10 000 ans. Les premiers villages agricoles étaient généralement petits et indépendants, fondés sur des systèmes de culture autonomes, où chaque famille cultivait ses propres ressources. Ces communautés, bien que disposant parfois de liens commerciaux avec d'autres villages, étaient loin d'être hiérarchisées ou centralisées. Les structures de ces villages étaient souvent simples, composées de maisons de tailles similaires, et les outils et ressources étaient fabriqués localement. Les villages, bien qu'ayant des échanges limités, étaient suffisamment indépendants pour ne pas dépendre du commerce extérieur pour leur survie. Cette indépendance économique et la faible spécialisation des métiers sont des caractéristiques notables des premières sociétés agricoles.

Les animaux domestiqués, comme le chien, jouent également un rôle clé dans l'évolution des sociétés agricoles. Des recherches récentes en génomique ont permis de retracer l'histoire du chien, montrant qu'il descend probablement du loup gris, domestiqué entre 15 000 et 40 000 ans en Asie. Le chien a été l'un des premiers animaux domestiqués par l'homme, servant à la fois de compagnon et de travailleur. Ce lien entre l'homme et l'animal a renforcé les sociétés humaines, notamment dans leur capacité à chasser, à protéger les récoltes et à servir de guide.

Ces premières pratiques agricoles et la domestication des animaux ne sont pas seulement un chapitre de l'histoire ancienne, mais elles ont jeté les bases des sociétés modernes. La manière dont les humains ont adapté leur environnement à leurs besoins, tout en créant des réseaux d'échanges et de communication, reste une référence pour comprendre l'évolution des sociétés humaines. Les premières sociétés agricoles ont non seulement permis de nourrir des populations de plus en plus nombreuses, mais elles ont aussi préparé le terrain pour la complexification des structures sociales et politiques, menant, des milliers d'années plus tard, à l'émergence des grandes civilisations.