L'évaluation du niveau de maturité technologique (TRL) d'une technologie émergente repose en grande partie sur des conjectures informées et des approximations, puisque les informations disponibles sont souvent limitées. Ces évaluations permettent de prédire la capacité d'une technologie à franchir les différentes étapes de son développement et à parvenir à une commercialisation complète. Cependant, bien que certaines de ces technologies soient présentées comme étant prêtes à entrer en phase commerciale dans les années à venir, il est important de considérer ces affirmations avec prudence. En effet, aucune technologie émergente n'a encore atteint le niveau TRL 8, et encore moins le TRL 9, qui indique une pleine commercialisation. L'exemple de l'hydrogène, souvent mis en avant comme étant un pilier de la transition énergétique, est une illustration éclairante des défis auxquels ces technologies doivent faire face.
L'hydrogène, souvent désigné comme le carburant de demain, est censé remplacer l'économie des hydrocarbures et sauver la planète des catastrophes liées aux émissions anthropogéniques de gaz à effet de serre. Ce concept a vu le jour dans les années 1970 et, à cette époque, toutes les possibilités, avantages et défis liés à la production, au stockage, au transport et à l'utilisation de l'hydrogène étaient déjà connus. Cependant, le concept n'a pas pris racine à cette époque et a été relégué à l'arrière-plan pendant plusieurs décennies. Ce n'est qu'avec l'essor des préoccupations environnementales dans les années 2010 que l'hydrogène a retrouvé de l'intérêt, soutenu par des investissements croissants et des ambitions politiques fortes. Pourtant, les problèmes identifiés il y a plus de 50 ans demeurent largement inchangés.
L'idée d'une économie centralisée de l'hydrogène, avec de grandes installations de production, un réseau de transport étendu et des usages couvrant tous les secteurs du transport, de la production d'électricité et du chauffage, semble une utopie physique. En effet, une telle infrastructure imposerait des coûts et des défis techniques considérables, rendant son déploiement à grande échelle très peu probable. Une alternative plus réaliste pourrait être une approche décentralisée, combinant la production d’énergie solaire et éolienne avec l'hydrogène, en particulier pour le stockage de l'énergie et son utilisation dans les piles à combustible. Toutefois, bien que cette approche soit séduisante sur le papier, elle soulève des questions quant à la faisabilité technique et au coût d'une telle transformation systémique. Le simple fait de déployer cette technologie à une échelle significative ne suffira pas à réduire de manière substantielle les émissions de gaz à effet de serre (GES). La transition vers une économie de l’hydrogène ne peut être qu'un processus graduel et évolutif, qui doit s'appuyer sur les connaissances acquises lors des étapes précédentes et viser à développer une base d'application plus large pour parvenir à des économies d'échelle et à une acceptabilité mondiale.
Dans ce contexte, le degré de difficulté d’avancement (AD2) est un cadre précieux pour évaluer les défis techniques associés au développement d'une technologie émergente. L’AD2 repose sur l’évaluation systématique des risques inhérents à la progression d'une technologie d'un niveau TRL à un autre. Ces risques sont mesurés en fonction de leur probabilité d'occurrence et de leur impact sur le projet, notamment en termes de coûts et de délais. L’AD2 se concentre sur cinq domaines essentiels : la conception et l’analyse, la fabrication, le développement logiciel, les tests et l’exploitation. L’une des clés pour réussir cette progression est la capacité des équipes de développement à reproduire ou à améliorer la technologie existante et à l'adapter pour franchir les étapes suivantes.
Les technologies dont nous disposons aujourd'hui, même si elles sont techniquement viables, n'ont pas encore atteint leur pleine maturité commerciale. Par exemple, les technologies de capture et de stockage du carbone (CSC) font face à des défis considérables, malgré des décennies d'utilisation dans l'industrie chimique. Les pilotes et les projets démonstrateurs rencontrent des difficultés techniques qui soulignent la complexité du passage de la recherche à l’application commerciale. Un exemple concret est celui des usines pilotes de capture du carbone utilisant des solvants avancés, qui, loin d'optimiser l'efficacité, introduisent des incertitudes supplémentaires et compliquent l'adoption de la technologie. Dans de tels cas, une technologie moins sophistiquée mais plus fiable pourrait être plus bénéfique sur le plan économique et environnemental.
Ainsi, bien que nous ayons aujourd'hui les outils nécessaires pour entamer une lutte significative contre les émissions de GES liées à la production d'électricité, le chemin vers leur déploiement global et leur acceptation commerciale est semé d'embûches. Chaque étape de cette transition implique des risques et des défis, qui doivent être soigneusement évalués et gérés pour éviter des impasses. La maturité commerciale ne peut être atteinte par décret ; elle doit se construire progressivement, sur la base de chaque étape franchie et de chaque apprentissage tiré des défis rencontrés.
Les turbines à gaz dérivées de l’aéronautique : Performances et limites dans les applications industrielles
Les turbines à gaz industrielles, tout comme les turbines aéronautiques, exploitent des principes thermodynamiques similaires, bien que leurs applications et caractéristiques de conception diffèrent notablement. Parmi les turbines de petite taille utilisées dans les industries, on trouve des modèles dits « dérivés de l’aéronautique », qui sont principalement des machines à plusieurs axes inspirées des moteurs à réaction modifiés. Ces turbines sont généralement classées comme des unités de faible puissance, d’environ 50 à 60 MWe, bien que certaines puissent atteindre jusqu’à 100 MWe en conditions optimales. Un exemple classique est la turbine GE LM (Land and Marine), ainsi que la série FT de Pratt & Whitney (maintenant sous la direction de Mitsubishi Power).
La structure de ces turbines dérivées de l’aéronautique repose sur un compresseur axial associé à une turbine à haute pression (HP) qui constitue le cœur du générateur de gaz. Cet agencement est particulièrement adapté aux moteurs à réaction, où l’objectif est de maximiser l’efficience en termes de poids et de compacité. Dans une turbine industrielle dérivée, l’énergie thermique issue des gaz d’échappement est utilisée pour entraîner une turbine de puissance, produisant ainsi de l’énergie mécanique, qui peut ensuite être convertie en électricité à l’aide d’un générateur synchrone. Ce type de machine est particulièrement adapté aux applications de cogénération ou pour la propulsion de navires ou d’engins terrestres.
L’efficacité de ces turbines est élevée, avec des rendements dépassant 40%, notamment grâce à un taux de pression de cycle (PR) supérieur à 30:1, et jusqu’à 40:1 pour certains modèles comme les turbines Siemens/Rolls-Royce Trent. Cependant, cette haute performance est contrebalancée par un faible rendement en termes de puissance spécifique. En effet, ces turbines sont conçues pour des applications aéronautiques, où l’accent est mis sur une faible section transversale pour minimiser la traînée aérodynamique, ce qui conduit à un débit d’air réduit et à une vitesse de rotation élevée pour minimiser le diamètre du moteur.
Il est important de noter que, bien que ces turbines offrent un rendement exceptionnel en cycle simple, elles ne sont pas idéales pour des applications en cycle combiné, où l’efficacité globale dépasse les 60%. Cette limitation est liée à leur faible débit d’air et à la température relativement basse des gaz d’échappement, ce qui rend difficile la conception d’un cycle vapeur avancé qui soit rentable. Par exemple, une turbine GE LM6000 de 50 MWe avec une température d’échappement de 864°F (464°C) présente un rendement théorique maximal pour un cycle de basculement de 25,8 MW, soit seulement 15 MW dans des conditions réelles. Ce faible rendement en cycle combiné limite son application dans les centrales à haut rendement.
Le développement des turbines à gaz, en particulier des modèles dérivés de l’aéronautique, repose sur des matériaux et des technologies de pointe. La progression des températures de combustion (TIT) au cours des dernières décennies est un facteur clé dans l’amélioration des rendements. Depuis les années 1980, les températures de combustion ont considérablement augmenté, atteignant aujourd’hui des valeurs proches de 1700°C, contre environ 1200°C auparavant. Cette évolution a été rendue possible grâce à l’utilisation de superalliages à base de nickel, capables de résister à des températures extrêmes. Les composants de la turbine tels que les stators, les aubes et les roues sont maintenant fabriqués à partir de matériaux spéciaux, permettant une résistance accrue à l’usure thermique et à la fatigue.
La gestion thermique dans ces turbines est également essentielle pour garantir la durabilité des composants. Les systèmes de refroidissement, qu'ils soient à circuit ouvert (refroidissement par air) ou à circuit fermé (refroidissement par vapeur), permettent de maintenir les températures des matériaux en dessous de seuils critiques. Par exemple, dans les turbines de classe F, les températures des gaz peuvent atteindre jusqu'à 1650°C, et des techniques avancées de refroidissement sont employées pour préserver l'intégrité des composants en service.
Enfin, le revêtement thermique (TBC) est une autre innovation majeure qui contribue à améliorer les performances des turbines. Ce revêtement en céramique à faible conductivité thermique permet d’isoler les composants métalliques des températures extrêmes des gaz de combustion, augmentant ainsi leur durée de vie et permettant d’atteindre des températures de combustion plus élevées sans compromettre la fiabilité des machines. Cela permet également d'améliorer la performance des turbines en augmentant leur température d’échappement, ce qui entraîne des gains substantiels en efficacité.
En résumé, les turbines à gaz dérivées de l’aéronautique, avec leur efficacité élevée et leur conception robuste, sont idéales pour des applications industrielles de petite envergure, notamment la cogénération et la propulsion. Cependant, leur faible débit d'air et leur température d’échappement limitent leur performance dans des configurations de cycle combiné. Leur évolution technique repose sur des avancées en matière de matériaux et de refroidissement, permettant d’atteindre des rendements toujours plus élevés dans des conditions de fonctionnement extrêmes.

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