Les processus inflammatoires cutanés présentent une grande variété d'aspects cliniques et étiopathogénétiques. Parmi ces affections, certaines sont particulièrement complexes en raison de leur nature chronique ou de leur relation avec d'autres troubles systémiques. Cela est le cas de certaines maladies comme la PLEVA (Pityriasis Lichenoïdes et Varicelliforme Acquis), la LP (Lichen Planus), et des dermatoses eczémateuses, qui nécessitent des stratégies de traitement adaptées pour prévenir la progression de la maladie et réduire le risque de complications à long terme, notamment la cicatrisation ou la transformation maligne.

Le traitement de la PLEVA repose principalement sur des traitements systémiques, en particulier le méthotrexate (MTX), qui permet de contrôler les poussées inflammatoires et d'empêcher la formation de cicatrices. L'un des principaux objectifs est d'éviter la survenue de nouvelles lésions ou de limiter leur impact en favorisant la résolution des lésions cutanées existantes. Dans les cas plus graves ou réfractaires, la prednisone peut être envisagée, mais son utilisation nécessite une surveillance étroite pour éviter les effets secondaires. L'utilisation de photothérapie peut également être utile, en particulier pour les formes de PLEVA résistantes au traitement classique. En parallèle, la prise en charge des ulcères nécessite une attention particulière, avec un suivi rigoureux pour éviter les complications secondaires.

Les antibiotiques anti-inflammatoires, comme les tétracyclines ou les macrolides, sont parfois utilisés dans certaines situations, bien que leur efficacité ne soit pas toujours évidente. La LyP (Lymphomatoïde Papulose), une affection cutanée rare, est un autre domaine de complexité. Bien que ce soit une maladie monoclonale de cellules CD30+, il est important de ne pas surestimer son association avec les lymphomes, bien que les patients présentant une LyP puissent développer des formes de lymphome à cellules T cutanées (CTCL), de lymphome de Hodgkin ou de lymphome B. Les lésions cutanées de LyP elles-mêmes ne sont pas malignes et ne se transforment généralement pas en CTCL.

Le lien entre la LyP et les formes cliniques de parapsoriasis, notamment le parapsoriasis à petites plaques et le parapsoriasis à grandes plaques, est un autre exemple d'une relation clinique complexe. Le parapsoriasis à petites plaques est extrêmement rare et ne se transforme jamais en CTCL, contrairement au parapsoriasis à grandes plaques, qui représente en fait une forme de CTCL dès le début.

Pour les maladies lichénoïdes comme le Lichen Planus (LP), les traitements systématiques comme le méthotrexate ou le mycophénolate mofétil (MMF) sont recommandés lorsque les formes locales ou résistantes se révèlent récalcitrantes. La photothérapie, bien que largement utilisée dans d'autres pathologies inflammatoires cutanées, est moins efficace dans le traitement du LP, nécessitant en moyenne un nombre beaucoup plus élevé de séances pour obtenir une rémission. En revanche, l'acitrétine peut offrir un soulagement pour les formes de LP qui deviennent hypertrophiques, et dans certains cas, des injections de 5-FU peuvent être utilisées pour traiter les lésions récalcitrantes. Cependant, l'une des préoccupations majeures pour les patients atteints de LP oral (OLP) reste le risque de cancer, notamment le carcinome épidermoïde, qui peut survenir chez environ 7 % des patients. Il est donc crucial d'éviter les érosions chroniques et de surveiller de près les lésions buccales.

Le traitement du LP génital et des lésions gingivales nécessite un suivi attentif, en raison du risque de perte dentaire et de la nécessité de traiter les lésions avec des corticostéroïdes topiques ou des injections locales de corticostéroïdes. Le tacrolimus est parfois recommandé en tant que traitement adjuvant, en particulier dans les formes résistantes aux autres options thérapeutiques.

Les affections eczémateuses, telles que l'eczéma atopique, le dermatite de contact et l'eczéma dyshidrosique, partagent un mécanisme immunologique commun, mais les facteurs déclencheurs peuvent varier. L'eczéma atopique, par exemple, est souvent associé à une hypersensibilité de type IV, tandis que des dermatoses comme l'eczéma dyshidrosique sont souvent responsables de symptômes de type spongiose. La spongiose est caractérisée par un œdème intra-épidermique, qui est une réponse aux lymphocytes T activés, et peut parfois mimicking le psoriasis chronique.

Il est important de différencier l'eczéma des affections cutanées qui peuvent avoir des manifestations similaires, telles que les dermatophytes ou la gale, qui peuvent aussi produire des lésions eczémateuses. Une vigilance particulière doit être exercée face à l'infection par staphylocoque, un pathogène souvent retrouvé chez les patients atopiques. L'eczéma peut en effet servir de terrain fertile à des infections secondaires, ce qui nécessite un traitement antibiotique local ou systémique, comme la doxycycline, et l'application régulière de pommades antiseptiques.

Dans le cadre du traitement des formes aiguës d'eczéma, l'utilisation de corticostéroïdes topiques (TCS) reste l'une des approches les plus courantes. Dans les formes chroniques, les patients peuvent bénéficier de traitements systémiques, mais l'utilisation prolongée de corticoïdes oraux doit être réalisée avec prudence en raison du risque d'effets secondaires indésirables. Les patients présentant des formes récalcitrantes peuvent bénéficier d'un traitement par inhibiteurs de Janus Kinase (JAKi), qui cible directement les voies de signalisation impliquées dans l'inflammation de la peau.

Enfin, la prise en charge des troubles cutanés inflammatoires doit inclure une évaluation attentive de la présentation clinique et histologique, notamment en ce qui concerne la distinction entre eczémas chroniques et psoriasis. La biopsie cutanée, bien que parfois nécessaire pour établir un diagnostic différentiel, doit être réalisée avec discernement, en particulier dans les formes anciennes ou résistantes aux traitements, car les signes histologiques peuvent être trompeurs.

Comment les coiffures protectrices peuvent-elles nuire aux cheveux et au cuir chevelu ?

Certaines méthodes de coiffure, bien que popularisées comme « protectrices », peuvent entraîner des dommages sévères, souvent irréversibles, au cuir chevelu et aux follicules pileux. L’exemple le plus extrême reste les tissages sur rail (ou « linear track weaves »), qui impliquent de coller des mèches de cheveux supplémentaires sur les cheveux naturels du patient. Cette technique, particulièrement agressive, doit être renouvelée tous les deux ou trois mois. Son caractère délétère provient non seulement de la tension qu’elle exerce de manière chronique sur les follicules, mais aussi de l’impossibilité de la retirer chez soi sans intervention professionnelle. Or, ces mêmes professionnels, souvent motivés par des enjeux financiers, rassurent les clientes sur l’innocuité de ces pratiques, allant jusqu’à nier la perte de cheveux visible.

Dans les cas où la patiente tient particulièrement à un style capillaire spécifique, il est préférable de recommander une perruque – les modèles actuels sont esthétiquement très convaincants – qu’elle pourra retirer le soir afin de permettre l’application de traitements topiques. Les perruques à bordure frontale en dentelle (« lace-front wigs ») créent une illusion réaliste de cheveux qui poussent du cuir chevelu. Cependant, certaines jeunes femmes préfèrent les fixer avec de la colle directement sur la peau pour gagner du temps le matin. Cette pratique, bien qu’efficace d’un point de vue esthétique, favorise des dermatites de contact allergiques (ACD) et peut imiter l’apparence d’une alopécie frontale fibrosante à un stade avancé, notamment après retrait brutal. Ce traumatisme mécanique intense précipite l’apparition de la traction alopéciante, jadis progressive sur une décennie avec les tresses, mais désormais fulgurante, parfois en moins d’un an.

Il est crucial de ne pas suggérer l’usage de colle de manière biaisée. Il convient plutôt de demander, de façon ouverte, comment la perruque est maintenue. Les perruques sont également une solution transitoire pertinente pour les patientes atteintes d’alopécie de traction avancée ou ayant passé la majeure partie de leur vie à masquer la perte de cheveux par des techniques traumatiques telles que les tresses serrées ou les tissages.

Le défrisage thermique – fer à lisser, brushing ou peigne chauffant – agit par rupture des liaisons disulfures du cheveu via une chaleur intense. L’usage répétitif engendre un dommage cumulatif, qui, sur le long terme, s’avère plus délétère qu’un défrisage chimique ponctuel. Dans les cas où la patiente souhaite conserver des cheveux lisses de manière prolongée, un défrisage chimique contrôlé reste une option préférable.

Les traitements à la kératine, autre solution pour lisser les cheveux bouclés, fonctionnent via la création de ponts chimiques entre la kératine naturelle et des composés spécifiques, activés par la chaleur. Le cheveu reste raide pendant plusieurs semaines. Toutefois, ces mélanges contiennent du formaldéhyde, qui, une fois chauffé, libère un gaz cancérigène reconnu. Depuis avril 2024, la FDA a interdit l’usage du formaldéhyde, du formol et du méthylène glycol dans les produits cosmétiques. Pour les cheveux ondulés – mais non frisés – d'autres agents comme l’ammonium diglycolate, l’acide glycolique ou le glutaraldéhyde peuvent temporairement lisser sans formaldéhyde, bien que l’efficacité soit moindre.

Parmi les coiffures naturelles, les « sister locks » jouissent d’une grande popularité. Elles permettent une longueur apparente plus importante, car les cheveux en phase télogène restent emprisonnés dans la fibre capillaire au lieu de tomber. Cette technique est perçue comme « naturelle » par celles qui, par ailleurs, n’ont pu obtenir des longueurs significatives qu’avec des cheveux défrisés. Toutefois, les sister locks entraînent une alopécie de traction avancée bien plus rapidement que les tresses classiques. La perte de cheveux ne se limite pas à la ligne frontale – zone classiquement touchée en raison de la densité folliculaire moindre – mais s’étend souvent à l’ensemble du cuir chevelu central.

Contrairement aux idées reçues, les dreadlocks classiques provoquent généralement moins de dommages, car leurs sections sont plus larges. Les sister locks, plus petites et plus nombreuses, induisent une tension accrue. Dans certains cas, espacer les entretiens des locks à toutes les huit semaines et utiliser du minoxidil topique peut améliorer la situation, sans nécessiter d’injections de corticostéroïdes.

Ce qui est essentiel à comprendre, c’est que le type de coiffure adopté n’est pas anodin. Chaque méthode, même considérée comme protectrice, exerce des forces mécaniques, chimiques ou thermiques qui, cumulées au fil du temps, peuvent compromettre l’intégrité des follicules. La fréquence d’entretien, la méthode d’attache, l’usage de produits chimiques ou de colles, la nature du cuir chevelu, le contexte hormonal ou inflammatoire, ainsi que les attentes socioculturelles jouent tous un rôle dans le destin capillaire de chaque individu.

Il importe de déconstruire les récits esthétiques dominants qui associent cheveu sain à cheveu lisse ou coiffé, car ces représentations poussent à des pratiques délétères dès le plus jeune âge. Une approche thérapeutique et culturelle intégrée est nécessaire pour prévenir les formes irréversibles d’alopécie, en particulier chez les patientes ayant longtemps recouru à des techniques de camouflage.

Comment aborder la gestion des troubles dermatologiques complexes : une approche individualisée et ciblée

Les troubles cutanés complexes, tels que l’hidrosadénite suppurée (HS), ne se prêtent pas à des algorithmes de gestion rigides. Chaque présentation est unique, avec des déclencheurs multifactoriels, ce qui rend l'approche thérapeutique hautement individualisée. Il est essentiel de comprendre que la gestion de ces affections ne se limite pas uniquement à un traitement médicamenteux standard. Les stratégies doivent être ajustées en fonction des stades de la maladie et des comorbidités, et chaque étape de traitement doit être soigneusement adaptée au patient.

L’un des premiers éléments à considérer est l’identification des manifestations associées. Par exemple, la recherche de psoriasis sur la peau peut fournir des options thérapeutiques supplémentaires, tandis que la présence de douleurs lombaires pourrait suggérer une spondyloarthropathie, influençant la gestion. Les symptômes gastro-intestinaux tels que la diarrhée sanglante doivent alerter sur la possibilité de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), et des investigations dans ce sens sont cruciales. De plus, la prise en charge des syndromes métaboliques, notamment le contrôle de l’hémoglobine glyquée (A1c) et une coopération avec un nutritionniste, peut influencer favorablement l’évolution de la maladie.

Une approche précoce est cruciale pour éviter la progression rapide de la maladie, mais il faut noter que certains cas évoluent rapidement malgré les traitements. Le traitement médical vise à stabiliser la maladie, tandis que les tunnels sinusaux, souvent sources d’activité pathologique, doivent être éliminés chirurgicalement une fois la maladie stabilisée. Toutefois, les résultats cliniques restent difficiles à interpréter, car les études manquent de données suffisamment claires pour caractériser les résultats à long terme de manière fiable.

L'objectif thérapeutique principal est de réduire le nombre de nodules et d'éviter leur progression grâce à un traitement médical, tout en réduisant les sinusites à travers des interventions chirurgicales plus remissives. Parmi les traitements médicamenteux, le Cosentyx, un inhibiteur de l’IL-17, a été approuvé pour l’Hidrosadénite suppurée, mais son utilisation présente certains défis, notamment en raison de l'éventuelle coexistence d'une maladie inflammatoire de l'intestin (MICI), qui pourrait ne pas répondre à l'IL-17. Avant d’entamer un tel traitement, il est donc recommandé de procéder à une évaluation approfondie des symptômes associés, en posant des questions sur les douleurs articulaires, les aphtes et les dermatoses neutrophiliques. Ces éléments peuvent orienter le choix thérapeutique, car l'IL-17, bien que prometteur, pourrait ne pas être la meilleure option pour les patients souffrant de MICI.

L’épilation, au début du traitement, peut être bénéfique pour prévenir la progression de la maladie, bien que la couverture par les assurances soit souvent limitée. Le sevrage tabagique, bien qu’efficace pour de nombreuses pathologies, ne montre pas toujours des effets significatifs sur l'Hidrosadénite suppurée. Les agonistes du GLP-1 et les chirurgies bariatriques peuvent être utiles, mais peuvent aussi entraîner des poussées sévères après une réduction significative du poids et des excès cutanés.

En ce qui concerne les traitements médicaux, plusieurs approches s’offrent au clinicien. Pour les formes légères à modérées, un traitement topique par clindamycine, accompagné d’un bain de peroxyde de benzoyle ou d’Hibiclens, est souvent recommandé. Des bains de javel hebdomadaires et l’utilisation de mupirocine pour éradiquer les porteurs de staphylocoques dans les narines peuvent également être utiles. En cas d’inefficacité de ces traitements, des antibiotiques oraux tels que la doxycycline ou la rifampicine peuvent être envisagés, avec des antibiotiques de maintenance sur une période de 3 à 12 mois.

Pour les formes plus sévères d’Hidrosadénite suppurée, des traitements biologiques tels que l’adalimumab et l'infliximab peuvent être utilisés. Cependant, ces traitements nécessitent une surveillance rigoureuse en raison du risque d’effets secondaires, notamment des réactions allergiques. Les traitements aux inhibiteurs de l’IL-1 et aux stéroïdes (comme la prednisone) peuvent également avoir un rôle dans la gestion des poussées sévères.

Si l’affection fait partie du « tétradome de l’occlusion folliculaire » (acné conglobata, cellulites disséquantes, kystes pilonidaux), la prise en charge implique un traitement antibactérien initial suivi d'un traitement isotréthinoïne ou biologique (comme l'adalimumab) pour l’Hidrosadénite suppurée.

La prise en charge de la douleur est un élément clé du traitement, en particulier lorsque la maladie atteint un stade avancé. Les analgésiques topiques, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et les opiacés légers peuvent être employés pour soulager la douleur. En cas de douleur sévère, des médicaments comme le gabapentin, la duloxétine ou des références à des cliniques de la douleur peuvent être nécessaires.

Lorsqu'il s'agit de procédures chirurgicales, il est crucial de ne pas intervenir pendant une poussée active de la maladie. Les interventions telles que la dé-rosée (deroofing), où la peau qui recouvre les sinus est retirée, ou les excisions, peuvent être réalisées lorsque la maladie est stabilisée. Cependant, ces procédures ont un taux de récidive élevé, et il est important de les envisager avec prudence, en particulier chez les fumeurs, qui peuvent présenter des délais de guérison plus longs.

Enfin, la réduction des poils, par épilation laser, est une option à envisager pour les stades précoces de l’Hidrosadénite suppurée, avant que les follicules pileux et les glandes sébacées ne deviennent problématiques.

Dans cette gestion complexe des troubles dermatologiques, une approche multidisciplinaire est primordiale, impliquant non seulement des dermatologues mais aussi d’autres spécialistes, tels que des gastro-entérologues, des rhumatologues et des nutritionnistes, pour assurer une prise en charge optimale. Il est aussi important d’adopter une approche proactive, prenant en compte les facteurs de comorbidité et les impacts psychosociaux de la maladie, afin d’optimiser la qualité de vie du patient.

Comment obtenir une fermeture cutanée idéale en chirurgie dermatologique ?

Dans la quête d’une cicatrice discrète et d’un résultat esthétique optimal, l’attention aux moindres détails techniques est primordiale. L’art de la suture ne se résume pas à rapprocher deux bords de peau ; il s’agit d’une chorégraphie précise entre angle d’entrée, profondeur de passage, gestion des tensions et choix du fil et du nœud.

Il est essentiel d’entrer et de sortir perpendiculairement aux bords de la plaie, surtout dans les zones à forte visibilité comme les lèvres ou les paupières, où la moindre imperfection devient évidente. Une entrée oblique compromet la rectitude de la cicatrice et augmente le risque de décalage des bords. Cette approche peut sembler contre-intuitive sur des ellipses plus épaisses, mais c’est justement là qu’elle devient cruciale. Il faut parfois courber légèrement son geste pour rester fidèle à cette perpendiculaire idéale.

La prise du tissu suit une logique tridimensionnelle. Pour obtenir une forme en cœur lors du nœud, l’aiguille doit pénétrer dans la surface sous-minée du côté proche, se diriger vers l’épiderme jusqu’à frôler sa transparence, puis replonger dans le derme réticulaire en s’éloignant de la surface cutanée. La symétrie de ce trajet sur le côté opposé est impérative. La manipulation de la peau avec la pince, plutôt qu’un simple contrôle à la pince porte-aiguille, facilite cette trajectoire en arc. Le fait de pouvoir presque éverser la peau lors de la prise du côté opposé permet une pénétration plus profonde sans désaxer le geste.

Chaque point doit être réalisé avec constance : l’endroit où l’on saisit l’aiguille influence directement la courbe qu’elle décrit. Classiquement, on la prend à un tiers de sa longueur depuis la pointe. Trop haut, elle risque de se détacher ; trop bas, elle devient difficile à manœuvrer. L’art réside dans cette constance mécanique. Avant de piquer, simuler l’apposition des berges en les rapprochant avec les doigts ou les pinces aide à visualiser la tension et les zones de divergence. Une ouverture douce de la plaie avec les pinces peut révéler le point le plus large à traiter.

Les sutures ne doivent pas traverser la plaie de manière trop superficielle ; elles risqueraient de « cracher ». Les extrémités du fil doivent se retrouver du même côté par rapport à la suture traversant la plaie, avant de nouer. La séquence des nœuds, bien que souvent sujette à variation selon les praticiens, repose sur quelques principes simples. Les nœuds « granny » glissent mais sont plus faciles à ajuster. Les carrés offrent une stabilité immédiate. Une séquence efficace dans les zones à haute tension consiste en deux nœuds granny suivis de deux carrés. En cas de glissement, le fait de ne tirer que sur le brin court permet d’ajuster le second nœud sans verrouiller prématurément le montage.

Dans les zones à forte tension, si les fils cassent, il faut considérer une dissection sous-cutanée plus large. L’assistant joue ici un rôle essentiel : maintenir la peau rapprochée ou stabiliser le nœud au bon moment peut faire la différence. La formation passe aussi par la répétition hors du champ opératoire — les cordons de pantalon, par exemple, offrent un bon support d'entraînement pour comprendre la mécanique des nœuds.

Lorsque l’on aborde des zones larges, il est souvent judicieux de commencer par les extrémités, ce qui permet de prévenir la formation de cônes de tissus mous. Chaque nœud doit être tiré parallèlement à la plaie. Dans les points profonds (deeps), le premier nœud doit être particulièrement serré ; sur les points superficiels (tops), cette tension initiale n’a pas besoin d’être aussi marquée. Une fermeture réussie ne laisse pas de vide où glisser un instrument. S’il reste un espace, un point interrompu simple doit être ajouté au sommet, sans quoi des agents externes — Dermabond, bactéries — peuvent y pénétrer, avec un risque infectieux élevé.

Il est crucial de vérifier l’absence de tissu épidermique surplombant après la pose des points profonds. Toute projection de derme exposée doit être réséquée à l’aide de ciseaux fins, car elle entrave une cicatrisation nette et favorise le saignement.

La question du choix des nœuds s’étend également à la profondeur. Les points enfouis simples présentent peu d’éversion et une tendance à la suppuration. Le point continu sous-cutané, quant à lui, limite les marques mais peut cracher si mal positionné. Son usage optimal se fait dans le derme superficiel, jamais à la surface épidermique. Ne jamais chevaucher ces points — rester toujours en avant — sous peine de rendre leur retrait douloureux et difficile. Le point en bourse est réservé aux zones comme les joues ou les lèvres, où il permet une cicatrice ponctiforme, mais requiert une surveillance accrue du patient. Il faut avertir celui-ci de la cicatrice circulaire et temporairement bombée.

En surface, si tout est bien fait en profondeur, l’importance des points diminue. Toutefois, leur qualité doit rester irréprochable, car ce sont eux que voit le patient. Les fils résorbables sont préférés par la plupart des patients pour éviter le retrait et minimiser les marques. Il faut éviter de couper les points profonds en plaçant les points superficiels — toute résistance inhabituelle lors de la coupe en est un signe.

Dans les zones de forte tension ou de difficulté d’accès, le point interrompu reste une valeur sûre. Sur le visage, les morsures doivent être fines ; sur le dos ou les avant-bras, plus larges. Les paupières requièrent des morsures superficielles et rapprochées — ici, une éversion excessive est délétère. Il ne faut jamais inclure de tissu graisseux dans les points superficiels : il nécrose et s’infecte rapidement.

Chaque technique de nœud répond à une indication précise. Le point interrompu simple est robuste et favorise une éversion modérée. Le point continu simple (type « baseball ») est rapide mais fragile. Le point continu verrouillé, qui passe dans la boucle précédente, permet une hémostase accrue au prix d’un risque d’étranglement. Le point vertical en U est idéal pour combler un espace mort et augmenter l’éversion. Le point horizontal en U, quant à lui, est utile dans les zones très vascularisées comme le cuir chevelu, avec un bon contrôle hémostatique, mais attention à l’étranglement.

Le Dermabond, bien qu’attrayant, donne souvent de moins bons résultats esthétiques que les fils résorbables, du moins sur le visage. Sur le corps, son usage peut se justifier, en particulier sur les mains ou le périnée. Il est pratique pour les sujets âgés : inutile de retirer les fils, et leur derme plus fin limite les cicatrices.

Enfin, en matière d’hémostase, la proactivité surpasse la réactivité. L’utilisation de la lidocaïne avec épinéphrine doit être optimisée. La connaissance de l’anatomie et la compréhension des outils (électrocoagulation, électro-dessiccation) sont indispensables pour un contrôle efficace du saignement. Savoir comment fonctionnent réellement les instruments électrochirurgicaux est un prérequis, pas un luxe.

Ce qu’il faut aussi comprendre, c’est que chaque geste influence la cicatrisation finale bien plus que la simple pose d’un fil. L’angle, la tension, la symétrie, la profondeur et la logique du point participent tous à créer ou éviter une cicatrice visible. La beauté du résultat réside dans la rigueur invisible du geste.