Le contexte mondial des années 1990 a joué un rôle crucial dans la définition des politiques climatiques de Costa Rica, en particulier sous la présidence de José María Figueres. L'émergence des enjeux liés au développement durable, marquée par l'Accord de Rio de Janeiro de 1992, et la montée des préoccupations relatives aux changements climatiques, ont amplifié la nécessité d'une action politique forte. Cependant, c’est sous le leadership de Figueres et de son ministre René Castro que le pays a fait des avancées notables dans ses politiques climatiques, notamment par la mise en place du programme de Paiements pour les Services Environnementaux (PSE) et le développement du concept d'écotourisme.

Bien que Figueres, membre du Parti Libéral National (PLN), ne soit pas initialement considéré comme un fervent défenseur de l'environnement, il a compris l’importance stratégique des politiques climatiques pour le développement économique du pays. En effet, l'introduction de mécanismes de financement internationaux, comme ceux liés au PSE, a permis d'attirer des fonds étrangers tout en répondant à des enjeux environnementaux locaux. De plus, l'écotourisme, bien qu’il soit souvent associé à Costa Rica, a été largement façonné par l'administration Figueres. Ce programme a permis de concilier préservation de l’environnement et développement économique, en attirant des investissements tout en valorisant les ressources naturelles du pays.

L'approche de Figueres envers l'environnement s'est également traduite par des actions concrètes, telles que la mise en place de taxes sur les combustibles fossiles et un soutien aux projets de reforestation. Lors de la conférence COP de Kyoto, Figueres a fait de la question du changement climatique une priorité, en abordant ce sujet à un moment où Costa Rica n’en faisait pas encore une véritable politique publique. Cette vision a été cruciale pour établir le pays comme un modèle en matière de gouvernance environnementale à l'échelle mondiale.

Les éléments biographiques et familiaux de Figueres ont également joué un rôle fondamental dans son approche des politiques environnementales. Son expérience en tant que ministre de l'Agriculture avant de devenir président lui a permis d’acquérir une conscience profonde des réalités rurales et des défis auxquels faisaient face les agriculteurs du pays. L'héritage de son père, José Figueres Ferrer, ancien président et fervent défenseur de la réforme agraire et de l’équité sociale, a également marqué sa politique. Figueres a su mettre en avant des thèmes comme la production d'oxygène par les forêts, rendant les enjeux de la conservation des forêts compréhensibles et accessibles pour les communautés agricoles.

De plus, la situation socio-économique de Costa Rica, caractérisée par une relative égalité et une forte tradition démocratique, a facilité l’adoption de politiques progressistes en matière de durabilité. Contrairement à d’autres pays de la région, où les inégalités sociales et l’absence de stabilité politique ont souvent constitué des obstacles majeurs, Costa Rica jouissait d’un contexte interne favorable. L'absence de grandes propriétés terriennes, l’absence de militarisme et une société relativement égalitaire ont permis au pays de développer une politique environnementale cohérente et ambitieuse.

La famille Figueres, à travers ses générations, a montré un engagement sincère envers la démocratie et le bien-être social. José María Figueres et René Castro ont contribué à donner à Costa Rica une voix importante dans les forums internationaux, comme en témoigne leur participation active à la conférence COP de Berlin en 1995. Ce n’était pas un simple soutien aux initiatives internationales, mais un véritable leadership de la part du pays, assurant à Costa Rica une autonomie politique et un rôle de premier plan dans la lutte contre le changement climatique.

Les politiques mises en place dans ces années ont contribué à transformer Costa Rica en un exemple de durabilité et d'innovation climatique, en faisant la démonstration que des choix politiques éclairés peuvent concilier développement économique et préservation de l'environnement.

Au-delà des politiques publiques, il est important de comprendre que le succès de Costa Rica réside dans sa capacité à marier des valeurs culturelles profondes avec des actions concrètes. L'engagement des élites politiques, qui ne sont pas seulement orientées par des considérations économiques mais aussi par une vision de long terme pour le pays, a permis de surmonter de nombreux défis. Costa Rica a ainsi pu développer une approche de développement durable qui, tout en étant ancrée localement, s’est inscrite dans un cadre global, influençant de manière significative les débats internationaux sur le changement climatique.

Comment la présidence de Carlos Alvarado a redéfini les priorités environnementales et sociales du Costa Rica

L'espérance de vie des hommes au Costa Rica en 2018 était de 77 ans, mais il serait impossible d'associer cette statistique à l'image du jeune président récemment élu, Carlos Alvarado, né en 1980. Alvarado incarne un changement générationnel dans le pays, non seulement en raison de son jeune âge, mais aussi de son approche différente des idées conventionnelles de son époque. Selon Murillo (2018), Alvarado a pleinement intégré des concepts tels que « l'inclusivité » et « le changement climatique ». Ces idées se retrouvent au cœur des politiques publiques élaborées sous sa présidence. En effet, un intérêt accru pour les questions de justice environnementale s'est manifesté pendant son mandat, en contraste avec les périodes antérieures où la politique de lutte contre le changement climatique semblait moins prioritaire.

Alvarado, jeune et engagé, a marqué la politique du Costa Rica avec son soutien sans réserve à des initiatives ambitieuses concernant l'action climatique, notamment la décarbonisation de l'économie. Ce projet est devenu un pilier dès le premier jour de sa présidence. Lors de la cérémonie d'inauguration, il et son épouse Claudia Dobles sont arrivés à bord du premier bus à hydrogène d'Amérique centrale, accompagné d'un groupe de cyclistes. Le discours inaugural d'Alvarado soulignait l'importance de la décarbonisation, affirmant que « la décarbonisation est la mission la plus importante de notre génération, et le Costa Rica doit être parmi les premiers pays au monde à l’accomplir, voire le premier » (Gouvernement du Costa Rica, 2018). Ce projet allait bien au-delà des paroles : l'objectif était de faire du Costa Rica un « laboratoire » où les idées liées à la décarbonisation pourraient être testées avant d’être appliquées ailleurs.

Sous son mandat, une attention particulière a été portée à la représentation et à l'inclusivité. L'ascension d'Epsy Campbell à la vice-présidence, en tant que première femme d'origine africaine à occuper ce poste en Amérique latine, a été saluée internationalement. Le gouvernement Alvarado s’est également distingué par un cabinet ministériel où les femmes étaient plus nombreuses que les hommes. Cependant, c’est Carlos Manuel Rodríguez, un éminent avocat et défenseur de l'environnement, qui a été nommé ministre de l'Environnement. Son expertise a été déterminante pour l'avancement de l’agenda climatique de l'administration.

La présidence de Carlos Alvarado s'est donc distinguée par un changement notable dans l'attitude vis-à-vis du climat et des politiques publiques. Au-delà des actions visibles comme la promotion de l'hydrogène ou la réforme de l’économie en vue de la décarbonisation, il est essentiel de noter que cette période a été marquée par une véritable volonté de science et de politique fondée sur des données probantes. Alvarado, comme son ministre de l'Environnement, Carlos Manuel Rodríguez, a placé la politique climatique au cœur des priorités du gouvernement. L'adhésion à des objectifs de politique publique fondés sur la science a permis de faciliter les travaux au sein du Ministère de l'Environnement et du Changement Climatique (MINAE) ainsi que du Département de la Coordination du Changement Climatique (DCC).

L’élan donné à la décarbonisation s’est traduit par un plan d’action à mettre en place rapidement. Dès son discours inaugural, Alvarado avait exigé que le plan de décarbonisation soit rédigé en 90 jours, un défi ambitieux mais essentiel pour aligner les politiques nationales sur les objectifs climatiques. Bien que des rumeurs aient circulé selon lesquelles le Costa Rica envisageait une interdiction totale des combustibles fossiles, cela n’était pas à l’ordre du jour immédiat. Cependant, cette idée d’une interdiction future est réapparue en 2021, soulignant la persistance d’un débat autour de l’utilisation des ressources fossiles.

L'impact de la décarbonisation, en particulier la rapidité avec laquelle le gouvernement d'Alvarado a mis en place des stratégies concrètes, reflète une volonté claire de moderniser l'économie tout en répondant aux défis environnementaux mondiaux. Cette période de réformes n’a pas été sans friction. Le pays a connu de vastes grèves, principalement dans le secteur public, en réponse à des réformes fiscales visant à résoudre la dette nationale. Néanmoins, cette tension sociale a fait émerger des débats sur l’équilibre entre le développement économique, les réformes fiscales et l’engagement écologique.

Il est crucial de comprendre que les réformes proposées par Alvarado n'étaient pas seulement des ajustements techniques, mais s'inscrivaient dans une vision globale et inclusive de la société costaricienne. La décarbonisation de l'économie n'était qu'un aspect d'un changement plus profond, visant à moderniser les infrastructures et à transformer les priorités du pays sur des bases plus durables et équitables.

Le mandat de Carlos Alvarado a ainsi ouvert une nouvelle ère pour le Costa Rica, celle où la question environnementale n'est plus une option parmi d'autres, mais bien un impératif national, soutenu par des politiques audacieuses et une gouvernance participative.

Costa Rica : Une Lutte Continue pour la Déforestation et la Durabilité

Depuis plusieurs décennies, le Costa Rica se positionne en tant que modèle mondial de préservation environnementale, cherchant à concilier développement économique et gestion durable de ses ressources naturelles. Le pays, reconnu pour sa biodiversité exceptionnelle et sa politique de reforestation, a fait des progrès significatifs dans la réduction de la déforestation et la promotion d'une économie verte. Cependant, cette transition n’est pas sans défis.

La mise en œuvre des politiques environnementales de Costa Rica repose en grande partie sur le principe des paiements pour services environnementaux (PSE). Ce système, introduit dans les années 1990, a permis aux propriétaires fonciers de recevoir une compensation financière pour la préservation de leurs forêts, contribuant ainsi à un renversement notable de la tendance à la déforestation. Toutefois, les récentes difficultés économiques, accentuées par la pandémie de COVID-19, ont mis à mal la stabilité de ce modèle. Les recettes fiscales liées aux carburants, essentielles pour financer la protection des forêts, ont diminué, freinant ainsi l’efficacité de ces politiques. Le gouvernement a également rencontré des obstacles politiques dans la mise en œuvre d’autres initiatives environnementales ambitieuses, notamment la réduction de l’exploitation des énergies fossiles et la phase de sortie du pétrole.

Costa Rica a également pris des engagements internationaux forts, notamment dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat, et a été un leader dans la promotion de l'initiative de décarbonisation mondiale. Le pays est devenu l’un des premiers à intégrer des objectifs de zéro émission nette, visant à devenir une nation complètement décarbonée d'ici 2050. Cependant, bien que ces objectifs soient louables, leur réalisation demeure incertaine, notamment en raison de la lenteur de la transition énergétique et de la dépendance continue aux combustibles fossiles pour la production d'électricité et les transports. Par ailleurs, des tensions internes apparaissent entre la nécessité de protéger l'environnement et les exigences de croissance économique, particulièrement dans le secteur du tourisme, pilier fondamental de l'économie nationale.

Les défis sont également sociaux. Costa Rica, tout en étant une nation qui se distingue par sa stabilité politique, se trouve confronté à une inégalité croissante qui semble contredire ses ambitions écologiques. La montée des inégalités économiques, exacerbée par des tensions géopolitiques et une économie mondiale de plus en plus incertaine, crée des fractures sociales qui rendent plus difficile la mise en place de politiques environnementales inclusives et accessibles à tous. Les communautés rurales, souvent dépendantes de l’agriculture intensive, peinent à concilier leurs modes de vie traditionnels avec les exigences modernes de durabilité.

En outre, le Costa Rica se heurte à un paradoxe écologique. Alors que le pays s'efforce de promouvoir des pratiques agricoles durables et de restaurer ses forêts, il doit également faire face à l'exploitation illégale des ressources naturelles, notamment dans le secteur minier. Les politiques de régulation, bien qu’ambitieuses, sont parfois insuffisantes pour répondre aux pressions exercées par les industries extractives et les pratiques agricoles non durables.

Un aspect fondamental de la politique environnementale de Costa Rica est la reconnaissance croissante de la nécessité de combiner l'action environnementale avec des politiques sociales et économiques plus globales. Par exemple, les programmes de compensation pour les services environnementaux ne peuvent pas fonctionner efficacement sans une inclusion totale des communautés locales, particulièrement celles qui dépendent directement des ressources naturelles pour leur subsistance. La création d'emplois verts, par la promotion d'activités agricoles durables ou par le renforcement de l'industrie touristique responsable, représente une voie vers une plus grande équité sociale.

De plus, la mise en place d'un marché du carbone à l’échelle nationale, initié dans les années 2010, offre une opportunité pour le pays d'intégrer des mécanismes économiques dans ses efforts de réduction des émissions. Cependant, malgré ces initiatives, le marché des crédits carbone reste limité par l'inefficacité de certains mécanismes de régulation et une vigilance insuffisante contre le "greenwashing" de certaines entreprises. Les réformes nécessaires pour en faire un outil réellement efficace doivent être soutenues par un renforcement des institutions nationales et une collaboration plus forte avec des acteurs internationaux.

Il est aussi essentiel de noter que la gestion durable de l'environnement au Costa Rica ne repose pas uniquement sur des actions politiques ou économiques, mais implique également une prise de conscience collective et une mobilisation citoyenne. L’éducation à la durabilité et la participation active des jeunes générations sont cruciales pour assurer la pérennité des avancées écologiques du pays. Les initiatives locales de conservation, telles que celles menées par des communautés autochtones ou des ONG, montrent la voie d’une coopération réussie entre l'État, le secteur privé et la société civile.

Ainsi, bien que le Costa Rica ait accompli des progrès impressionnants dans sa quête d’un avenir plus vert, le chemin reste semé d’embûches. Les efforts pour atteindre des objectifs climatiques ambitieux nécessitent une convergence d’actions dans différents domaines : politique, économique, social et culturel. L'avenir écologique du Costa Rica dépendra de sa capacité à surmonter les contradictions internes et à renforcer sa résilience face aux défis mondiaux qui se profilent.