Le pèlerinage a toujours été une métaphore pour la vie humaine, un voyage vers une destination ultime, souvent perçue comme Dieu. Dans l’Antiquité, les peuples d’Israël voyageaient à travers la terre promise, cherchant des signes divins, et les Évangiles dépeignent Jésus comme celui qui guide un cortège à travers la terre sainte, appelant ses disciples à suivre sa voie. Ainsi, le pèlerinage n'est pas seulement un voyage physique, mais un chemin spirituel vers la vérité ultime, parfois jalonné de distractions et de figures trompeuses qui tentent de détourner le pèlerin du chemin sacré.
L’écrivain John Bunyan, dans son œuvre Le Pèlerinage (1678), illustre cette quête de la vérité par l’histoire de Christian, un homme cherchant à échapper à la destruction de sa ville natale pour parvenir au Ciel. Ce voyage est semé d’embûches : des épreuves, des tentations et des rencontres avec des personnages qui tentent de l’égarer. Au XVIIe siècle, le pèlerinage était une image familière de la vie. La question n’était pas de savoir si l'on serait égaré, mais quand.
Aujourd'hui, au début du troisième millénaire, le concept même de pèlerinage spirituel semble moins évident. La modernité a parfois relégué l’idée d’une quête vers un sens ultime à une place secondaire, submergée par des préoccupations matérielles et des idéologies mondaines. Le philosophe Søren Kierkegaard parlait de la foi comme d'un "saut", un acte de croyance dans l’invisible et l’inconnu. Pascal, de son côté, affirmait que le sens de la vie réside dans le pari que Dieu existe et que tout est en jeu dans cette décision. Le message chrétien, selon Jésus, était clair : le Royaume de Dieu, tout comme un trésor caché dans un champ, doit être recherché à tout prix.
L'idée de pèlerinage se retrouve dans ces divers courants spirituels, mais la question demeure : vers où ce pèlerinage nous mène-t-il? À l’ère de l’après-Trump, certains se demandent si le christianisme américain peut être racheté et reconstruit sur des bases nouvelles, sociales et spirituelles, qui renouvellent le message de Jésus tout en s’opposant à l'individualisme capitaliste qui domine la société contemporaine.
Dans ce contexte, le pèlerinage spirituel n'est pas une simple marche vers une destination lointaine, mais un chemin à travers les réalités sociales et politiques. Jennifer McBride, dans Radical Discipleship, soutient que Jésus ne se trouve pas seulement dans les églises, mais dans les lieux de grande souffrance humaine : là où la pauvreté, l’isolement et l’injustice règnent. C’est dans ces endroits que le véritable disciple, selon elle, doit chercher la présence de Dieu, qui s’identifie aux opprimés et aux marginalisés. Un pèlerinage chrétien authentique vise à combler les fossés entre les différentes classes sociales, entre les oppresseurs et les opprimés, pour encourager un partage de paix et d’amour, tout particulièrement avant les moments sacrés de la communion.
Mais vers quel Dieu ces pèlerins se dirigent-ils? Aux États-Unis, la religion s’est souvent muée en un marché spirituel, où des narratifs divins se battent pour capter l'attention. Entre l’appel du Dieu libérateur de l’Exode et celui d’un Dieu providentiel qui bénit la marche du capitalisme, les Américains semblent divisés. Le marché religieux, libre et sans entrave, favorise cette diversité de croyances et de pratiques. Pourtant, quel Dieu représente réellement le cœur de la société américaine?
La religion américaine s’est construite autour de la liberté individuelle, une liberté qui a engendré des formes de spiritualité parfois contradictoires. Si certains cherchent un Dieu progressiste, celui de la libération et de la justice sociale, d’autres continuent à vénérer un Dieu conservateur, nationaliste et souvent associé à un patriotisme exacerbé. Cette tension entre les différentes visions de Dieu rend le pèlerinage chrétien complexe. Faut-il embrasser une religion qui épouse les valeurs de la société, ou faut-il, au contraire, revendiquer une foi subversive, critique et en opposition avec le système?
La question de savoir quelle direction prendre pour un nouveau "pèlerinage social" demeure d’actualité. Après l’ère de Trump, de nombreux individus se tournent vers une alternative chrétienne qui semble se développer dans les mouvements de gauche. Cependant, ces jeunes pèlerins se heurtent à un paradoxe : un besoin profond de rédemption spirituelle, mais aussi une résistance à tout ce qui est perçu comme institutionnel ou lié à une forme de pouvoir politique. Ces contradictions reflètent bien les défis contemporains, où les questions de foi, de justice sociale et de politique se croisent et s’entrelacent.
À la question de savoir où mène le pèlerinage, on pourrait répondre : vers une société plus équitable, mais aussi vers une spiritualité plus authentique, qui n’est pas seulement une quête individuelle mais un chemin collectif vers une humanité plus solidaire et fraternelle. Le pèlerinage chrétien moderne, bien qu’il prenne parfois des chemins inattendus, reste une invitation à transcender les divisions et à rechercher la vérité au-delà des apparences.
L'espoir chrétien et la transformation du monde : La théologie de l'exode et de la résurrection
L’espoir chrétien n’est pas une espérance isolée, nichée dans un repli intime de l’âme, mais un mouvement radical, une quête historique qui plonge ses racines dans la croix et la résurrection de Jésus-Christ. C’est un espoir ancré dans l’histoire, qui ne cherche pas à fuir la souffrance de ce monde mais à la transformer. L’espoir chrétien se veut un vecteur de changement, une promesse de renouvellement du monde, qui interpelle non seulement les individus mais les sociétés dans leur ensemble. L'Église, dans ce sens, doit dépasser la logique de l’isolement spirituel pour devenir une force active dans le monde, portée par l’appel de Dieu à faire advenir son règne.
L’un des apports majeurs de Jürgen Moltmann à la théologie moderne a été de montrer que l’espoir chrétien n’est pas simplement une attente pieuse du salut personnel, mais un engagement révolutionnaire pour un futur transformé. À travers sa théologie de l’espoir, Moltmann affirme que la souffrance et la mort de Jésus sur la croix ne sont pas seulement des événements de rédemption individuelle, mais des moments où Dieu lui-même entre dans le processus historique, dans l’histoire des hommes, et s’engage à la rénover de fond en comble. Dans cette perspective, Dieu ne se trouve pas seulement dans un sanctuaire spirituel, mais s’ouvre à la transformation du monde, partageant le destin de l’humanité.
Cela implique que l’espoir chrétien ne se satisfait pas d’un monde figé dans l’injustice et la souffrance. Il est une révolte contre la fatalité de l'ordre établi, une aspiration à un monde renouvelé où la bonne nouvelle est destinée en particulier aux pauvres et aux opprimés. La révolution intérieure qu’il appelle à la transformation personnelle doit aussi se manifester à l’échelle de la société. Une société fondée sur l’espérance chrétienne ne peut se contenter de la stagnation. Elle doit incarner une rupture avec les injustices du monde tel qu’il est, et c’est là que l’espoir devient une force politique. C’est ce que Jésus prêchait avec l’annonce du règne de Dieu, un règne qui ne se réduit pas à une dimension spirituelle, mais qui se déploie dans l’histoire et dans les relations humaines.
Dans ce contexte, la foi chrétienne trouve sa signification dans un espoir actif, un espoir qui ne se contente pas d’attendre un monde meilleur mais qui cherche à faire advenir ce monde à travers l’action. Ce n’est pas simplement un espoir passif mais une quête d’un avenir que l’on construit avec Dieu, un avenir qui fait basculer l’histoire vers la réconciliation et la justice. C’est dans cette lignée que le thème de l’exode, présent dans la tradition chrétienne, prend toute sa portée. L’Église est appelée à être une Église en exode, une communauté qui ne se contente pas de vivre dans le confort des certitudes, mais qui marche dans l’incertitude vers un avenir encore à construire, un avenir marqué par l’espoir et la transformation sociale.
L’espoir chrétien doit se vivre dans la continuité de l’exode biblique, un exode qui n’est pas simplement historique mais eschatologique, qui oriente l’Église et ses membres vers une destination finale, celle d’un monde réconcilié et renouvelé par Dieu. Mais cet espoir ne se réduit pas à un projet individuel ou spirituel, il doit se traduire par une action concrète. Ce mouvement d’espoir n’est pas figé dans le passé, mais regarde vers l’avenir, vers ce qui est encore possible, ce qui est encore à construire avec Dieu. Dans cette vision, l’Église devient une communauté de pèlerins, engagée activement dans l’histoire, et non une institution repliée sur elle-même.
L’horizon eschatologique de l’espérance chrétienne, loin de signifier une évasion hors du monde, invite au contraire à une action historique radicale. L’espoir chrétien doit ainsi être incarné dans l’engagement pour la justice sociale, pour la libération des opprimés et la transformation des structures injustes. L’action chrétienne dans le monde ne consiste pas à attendre passivement la fin des temps, mais à agir pour que ce monde devienne le lieu d’une rencontre avec Dieu, pour qu’il devienne le lieu de l’accomplissement des promesses de Dieu.
Cela implique une redéfinition de la mission de l’Église. Il ne s’agit plus simplement de prêcher une théologie du salut personnel, mais de porter la bonne nouvelle de la réconciliation de l’humanité avec Dieu et avec elle-même. L’Église doit devenir une force de transformation, non seulement spirituelle, mais aussi sociale et politique, un acteur dans la construction d’un monde plus juste, plus fraternel, plus humain.
L'eschatologie chrétienne, qui envisage la fin des temps comme un accomplissement du règne de Dieu, doit être comprise comme une dynamique qui traverse l’histoire. L'espoir chrétien, loin d'être un espoir passif, est un espoir révolutionnaire qui cherche à réaliser le Royaume de Dieu ici et maintenant. Ainsi, ce n’est pas la fin du monde qui est envisagée dans cette vision, mais la transformation de ce monde, la création d’un nouveau ciel et d’une nouvelle terre, là où la justice et la paix de Dieu régneront sur toute la création.
L’Église, en tant que communauté de croyants, doit incarner cet espoir. Son rôle n’est pas d’attendre dans l’ombre, mais de se lever et de participer activement à la transformation du monde. La radicalité de l’espoir chrétien réside dans sa capacité à briser les chaînes du passé et à ouvrir des horizons nouveaux. L'Église est ainsi appelée à être une communauté qui, tout en marchant dans le désert de l’histoire, se souvient toujours de la promesse de la terre promise. Elle doit être le lieu où l’avenir de Dieu, incarné dans la résurrection du Christ, devient présent, et où chaque croyant peut participer à l’avènement d’un monde renouvelé.
Comment réconcilier le capitalisme de marché libre avec la justice sociale dans un monde post-Trump?
Le capitalisme de marché libre, souvent présenté comme la solution idéale pour le développement humain et économique, est loin d’être unanimement perçu comme une force bénéfique dans le monde. En particulier, des groupes évangéliques, notamment aux États-Unis, ont tenté de l’adapter à leur vision individualiste du salut personnel, transformant ainsi le marché en un reflet de la providence divine. Toutefois, un mouvement, celui des Sojourners, issu du néo-évangélisme américain ou du néo-anabaptisme, s’est fermement engagé en faveur de la justice sociale, offrant une alternative chrétienne au capitalisme. La question reste donc pertinente : sommes-nous prêts à proclamer et incarner un nouvel évangile social ? Ce sujet devrait être un thème récurrent dans les sermons et les études de formation chrétienne.
Pour beaucoup, l’année 1989 a non seulement marqué le début de la fin de l’empire soviétique, mais aussi la fin de la pertinence de la critique marxienne de la vie économique. Les penseurs capitalistes et conservateurs se sont réjouis en croyant que non seulement le communisme en tant que système économique dirigé par l’État était mort, mais que la critique marxiste de l’économie elle-même avait été reléguée aux oubliettes. L’idéologie capitaliste semblait triompher, considérée désormais comme une science objective, écartée de tout examen religieux et moral. Ce qui échappait à beaucoup, c’était que le consumérisme capitaliste était devenu le principal rival de la religion biblique en tant que vision du monde tout-en-compris.
Dans un monde marqué par cette victoire apparente du capitalisme, peu de voix se sont élevées pour dénoncer les dérives du système. Cependant, le catholicisme, notamment à travers la doctrine sociale, offre des ressources précieuses pour un retour aux principes de justice sociale. L’Église catholique, bien qu'ayant parfois pris des positions ambiguës, reste un phare pour ceux qui cherchent à remettre en question les excès du capitalisme. Cette tradition a ses racines dans la fin du XIXe siècle avec l’encyclique "Rerum Novarum" de Léon XIII, qui analysait la condition du travailleur. Les successeurs du pape ont continué à affiner et à étendre cette réflexion, avec des documents comme "Populorum Progressio" de Paul VI, "Sollicitudo Rei Socialis" de Jean-Paul II, et "Caritas in Veritate" de Benoît XVI. Plus récemment, le pape François a amplifié cette voix en se positionnant clairement en faveur des pauvres et en appelant à un retour à une Église proche des opprimés.
Le capitalisme tardif, tel qu’il s’est imposé au cours des dernières décennies, a transformé radicalement les relations entre l'État, le peuple et le marché. Les données récentes sur les écarts de rémunération entre les PDG et les travailleurs montrent une tendance inquiétante : le rapport salarial dans des pays comme les États-Unis a atteint des niveaux historiques, avec des écarts de rémunération d'un facteur 475:1. Cette concentration de richesse entre les mains d'une petite élite s’accompagne d’une précarisation croissante des classes moyennes et populaires. En 1965, un PDG gagnait en moyenne 20 fois plus qu’un travailleur moyen, mais aujourd'hui, les disparités sont devenues abyssales. Ce phénomène est au cœur de la critique de l'économie néolibérale, qui depuis l’ère Reagan a accéléré le transfert de richesse vers le sommet de la pyramide sociale.
Le néolibéralisme, qui s’est imposé après la révolution réaganienne, repose sur une vision radicalement différente de l’économie. Alors que les États-Unis ont fait l’expérience de ce qui semble être un coup d'État capitaliste, les réformes mises en place ont permis une redistribution massive de la richesse vers les plus riches, en détruisant les protections sociales et en démantelant les réglementations économiques. Ce tournant a été consolidé par l’idéologie néolibérale, qui prône la dérégulation des marchés et la réduction de l’intervention de l’État, une approche qui n’a fait qu’aggraver les inégalités. Le "capitalisme de marché libre" a été vendu comme une évolution naturelle, mais en réalité, il a permis l'émergence d’une forme d'économie où les plus puissants sont de plus en plus à l'abri des contraintes sociales.
Le phénomène de "capitalisme patrimonial", que l’économiste Thomas Piketty a mis en lumière dans "Le Capital au XXIe siècle", indique une tendance inquiétante : la concentration des richesses n’est plus seulement une question de gains liés à l’effort, mais également à l’héritage. Un petit groupe d'individus, héritiers de grandes fortunes, pourrait dominer de nouveau une société où la naissance compterait davantage que le talent ou le travail. Cette évolution marquerait un retour à une forme de société aristocratique où une poignée de rentiers vivrait dans l'opulence tandis que les masses peineraient à survivre. Le rêve d’une société juste, où la redistribution des richesses et l’égalité des chances étaient des valeurs partagées, semble de plus en plus lointain.
À travers cette dynamique, il devient évident que le capitalisme contemporain a des effets dévastateurs pour la majorité des citoyens. L'inégalité sociale croissante, la concentration du pouvoir économique entre les mains de quelques multinationales et l’érosion des droits des travailleurs sont des symptômes d'un système devenu inique. Pourtant, alors que l’Église catholique et d’autres voix religieuses appellent à une justice sociale radicale, l’indifférence des institutions politiques et économiques rend la situation encore plus désespérante. L’alternative, incarnée par la réémergence d’une droite économique ultralibérale, consacre la victoire du marché libre sur les principes d'équité, de solidarité et de partage.
Ainsi, dans ce contexte où les inégalités se creusent et où la logique du marché prime, il devient impératif de réexaminer les structures économiques et sociales au cœur de nos sociétés. La question se pose : comment, dans un monde aussi déséquilibré, revendiquer une nouvelle forme de solidarité ? Un nouvel évangile social pourrait-il renaître de ces cendres ? Et qui portera cette voix dans la sphère publique, pour défendre une économie plus juste et humaine ?
Pourquoi le baptême est-il un acte de renoncement et de résistance ?
Le baptême, dans sa forme ancienne et originelle, n’est pas seulement un rite d’initiation ou une simple formalité religieuse, mais un acte profondément symbolique et politique. Dès les premiers temps du christianisme, il constituait un passage solennel marquant la rupture avec l’ancien monde et l’entrée dans une nouvelle vie sous le règne de Dieu. L’eau baptismale, versée en abondance – parfois par immersion – rappelle non seulement la purification mais évoque aussi la délivrance, comme celle de Noé et son arche, témoignant d’un sauvetage radical du péché et de la mort. L’emplacement même du baptistère, à l’ouest de l’église, face à l’autel à l’est, situait le baptisé entre la symbolique de l’ombre et de la lumière, du passé et de l’avenir, dans un espace de transformation profonde.
Cette tradition ancienne s’est perdue ou affaiblie au fil des siècles, mais le XXe siècle a vu un renouveau liturgique cherchant à réinscrire le baptême dans sa dynamique originelle de renonciation et d’adhésion. Le baptême, dans sa double dimension, implique la renonciation à Satan et à ses puissances, un rejet explicite des forces du mal, et l’adhésion joyeuse au royaume de Dieu. Cette tension dialectique entre rejet et engagement était vécue comme un passage fondamental pour tout chrétien. Pourtant, à l’ère moderne, marquée par le confort et la sécularisation, le rappel de cette renonciation peut sembler anachronique, voire inutile.
Or, ce serait méconnaître les réalités actuelles : les « démons » du monde contemporain ne sont pas moins puissants ni moins réels que ceux de l’Antiquité. Ils se manifestent sous forme d’injustices systémiques, telles que l’accumulation extrême des richesses par une minorité, la manipulation des pouvoirs politiques, la destruction écologique, le racisme enraciné et l’idéologie nationaliste qui justifie les violences envers les autres peuples. Ces forces agissent comme des puissances cosmiques d’oppression, et la liturgie baptismale, en invitant à les nommer et à les rejeter, forme un peuple de résistance. Ce renouvellement ne concerne pas seulement l’individu, mais toute la communauté chrétienne appelée à être contre-culture, à refuser la soumission aux idéologies du monde.
L’histoire des Anabaptistes du XVIe siècle illustre ce combat : par leur pratique de la « rebaptême », ils affirmaient une opposition radicale à l’allégeance automatique à l’État et à la société civile, considérant le baptême non pas comme un simple rite d’intégration sociale, mais comme une décision consciente et résistante, un choix politique risqué, souvent puni de mort. Leur exemple reste un rappel puissant de ce que le baptême implique : une prise de position dans un monde divisé entre pouvoirs divins et terrestres, une insurrection spirituelle et sociale.
Dans ce contexte, le baptême ne peut être un acte isolé, mais doit s’inscrire dans une vie continue de renonciation, de résistance et d’adhésion au règne de Dieu, un appel à se désolidariser des pouvoirs séculiers qui usurpent la place du sacré et à reconstruire une identité chrétienne capable de contester la domination étatique et culturelle. Le déplacement du sacré vers l’État, analysé par des penseurs contemporains, révèle la nécessité pour l’Église de reconquérir son rôle public, non pas en s’alignant sur le nationalisme ou l’individualisme, mais en offrant une alternative radicale à ces « dieux » modernes.
Cette lecture politique et sociale du baptême révèle combien l’affirmation de Jésus comme Seigneur (Kyrios) fut une revendication politique contre l’empire romain, un rejet du culte impérial. Pourtant, de nombreux chrétiens contemporains semblent ignorer cette dimension, s’abritant derrière une prétendue neutralité politique de la foi. Or, toute parole est politique, toute appartenance a un enjeu de pouvoir. La vocation chrétienne est de se faire mouvement insurgé, incarnant un humanisme distinctif qui affirme l’allégeance au Dieu de justice, de paix et d’amour, au-delà des frontières étatiques et idéologiques.
Il est essentiel de comprendre que le baptême est une invitation à une existence radicalement nouvelle, exigeant de chaque croyant une conscience critique face aux pouvoirs du monde et une volonté de ne pas se conformer à leurs logiques. Cette pratique sacramentelle est un socle pour un engagement éthique et politique, une formation spirituelle à la contre-culture et à la résistance. Elle rappelle que la foi chrétienne n’est jamais un refuge confortable mais un appel à transformer le monde, à réinventer l’espace public, à vivre en témoins d’une alternative eschatologique.
Comment l'Exode et le Covenant façonnent un nouveau modèle social
L'Exode n'est pas simplement une histoire ancienne, mais une invitation à repenser la relation entre l'humain, la société et la transcendance divine. C'est un appel à sortir de la condition de servitude et à imaginer un nouvel ordre social guidé par des principes divins, où la communauté humaine, sans cesse appelée à se réinventer, répond à un projet plus grand. L'Exode, tel que raconté dans la Bible, résonne à travers les âges, non seulement comme un récit de libération mais aussi comme un modèle pour comprendre la transformation sociale.
À l'origine, le jardin d'Éden représentait une relation harmonieuse entre Dieu et l'humanité, un lieu où la création se déployait dans sa beauté originelle. Cependant, l'humanité a vite perdu ce paradis, et un nouveau chapitre devait s'écrire. Ce fut celui du peuple d'Israël, un peuple choisi pour incarner la lumière d'un idéal de justice et de fraternité. Ce peuple se voit confier une mission divine : s'extraire de l'esclavage égyptien pour traverser le désert et arriver dans la Terre Promise. Ce n'est pas un chemin facile, car, bien que guidés par la divine providence, ils seront constamment testés, perdus et déroutés, mais ce parcours devient le fondement d'un nouvel ordre, une "société divine".
L'Exode n'est pas simplement une sortie physique d'Égypte, mais une libération spirituelle et politique. Chaque étape du voyage à travers le désert est une manière de réorganiser les relations humaines, de purifier la communauté et de préparer un nouveau modèle social. Ce parcours n'est pas linéaire : les Israélites errent, se révoltent parfois, oublient leur vocation divine, mais à chaque étape, Dieu leur envoie des prophètes pour les ramener à leur mission originelle. Ce processus de purification et de réconciliation s'accompagne de la notion de "Covenant" ou "Alliance", un engagement mutuel entre Dieu et son peuple.
Le concept d'Alliance est central. Il symbolise une relation réciproque, où l'humanité est appelée à vivre selon des lois divines, non pas par soumission mais par une participation active à la construction d'un monde juste et équitable. Cet idéal s'exprime à travers des préceptes clairs, comme la protection des plus vulnérables : l'immigrant, le pauvre, l'esclave. Le commandement divin est explicite : "Tu ne maltraiteras pas l'étranger, car vous avez vous-mêmes été étrangers en Égypte" (Exode 23:9). Ce principe de justice sociale est une valeur incontournable du "Covenant", et devient un modèle pour toute société qui désire voir ses membres vivre en harmonie.
L'Exode et l'Alliance ne se contentent pas de raconter une histoire ancienne ; ils proposent un projet à vivre dans l'ici et maintenant. En Amérique, par exemple, les esclaves noirs ont vu dans cette histoire un modèle de résistance, une légitimité pour leur propre quête de liberté. Dans l'hymne "Lift Every Voice and Sing", la résonance de l'Exode se fait entendre comme un cri de résistance et d'espoir : "Sing a song full of the faith that the dark past has taught us". Ce n’est pas simplement un appel à la révolte, mais un projet d’émancipation, un désir d’une société fondée sur la justice, l’égalité et la dignité humaine.
Dans cette perspective, le passage de l'Exode devient une performance liturgique et un appel à l'action sociale. Ce n'est pas un simple souvenir religieux, mais un acte vivant qui interroge nos sociétés modernes. En effet, l'Exode est une invitation à imaginer une nouvelle économie divine qui pourrait se dresser contre le capitalisme tardif. Il nous pousse à envisager un modèle où l'interdépendance humaine et la solidarité priment sur les forces du marché et de l'exploitation.
Le chemin de l'Exode est aussi un processus de formation spirituelle et politique. En traversant le désert, le peuple d'Israël apprend à comprendre l’essence même de l’action divine dans l’histoire humaine. La révélation sur le mont Sinaï, la remise des Dix Commandements, sont des actes fondateurs d’un ordre social où l’individu se trouve à la fois libéré et contraint par les lois divines. Ce n’est pas un chemin de facilité, mais un chemin de purification et de renouveau, comme le montrent les multiples recommencements de l’histoire d'Israël.
Enfin, ce qui est essentiel à comprendre, c'est que l'Exode n'est pas un événement figé dans le passé. Il se poursuit à chaque génération, et les générations futures sont invitées à reprendre le flambeau de cette histoire de libération. En ce sens, l'Exode est un récit sans fin, une "chaîne" qui se tisse et se reconstitue à chaque époque, à chaque lutte sociale. L'appel à l'Exode n’est donc pas seulement un appel à la liberté individuelle mais aussi un projet communautaire, un appel à l’action collective pour construire une société plus juste.
Ce livre, en présentant une "nouvelle évangile social", invite à une réappropriation de cet idéal d’Alliance, et à un renouvellement de l'engagement humain face aux défis modernes. La question n’est pas simplement celle de la foi ou de la théologie, mais celle de la société dans son ensemble, de l’organisation de la vie commune. Repenser l'Exode aujourd'hui, c'est repenser la manière dont nous vivons ensemble, comment nous partageons les ressources, comment nous établissons une justice qui respecte la dignité humaine et celle de la Création.
Comment gérer les données dans une application Android : Utilisation du stockage interne et des préférences partagées
Comment l'humour de campagne façonne la perception des candidats à la présidence : L'impact des blagues de Trump et Clinton en 2016
Comment Trump a réussi à lier l'élite ultra-riches et les classes populaires par la polarisation
La Tyrannie comme Problème Théologique
Comment augmenter le traitement des données des instruments optiques ?

Deutsch
Francais
Nederlands
Svenska
Norsk
Dansk
Suomi
Espanol
Italiano
Portugues
Magyar
Polski
Cestina
Русский