Le prix Riksbank, souvent désigné comme le prix Nobel d'économie, récompense des travaux qui façonnent des perspectives nouvelles sur l'économie mondiale. Parmi les contributions majeures à l'économie écologique moderne, les travaux de Vatn (2005; 2015), ancien président de l'ESEE, se distinguent particulièrement. Dans son ouvrage de 2005, Vatn offre une synthèse éclairante des positions en économie institutionnelle et d'autres disciplines connexes, en apportant une définition claire des préoccupations de l'économie écologique. Selon Vatn, les institutions sont plus que de simples organisations; elles sont les conventions, les normes et les règles formellement sanctionnées d'une société. Elles fournissent des attentes, de la stabilité et du sens, essentiels à l'existence humaine et à la coordination sociale. Les institutions soutiennent certaines valeurs et protègent des intérêts spécifiques, en façonnant les interactions humaines.
Cette définition s'étend à tous les aspects des constructions sociales humaines, des coutumes et du langage à l'argent et aux marchés. Cependant, la seconde phrase de cette définition soulève un problème important : bien que ces institutions soient nécessaires, elles ne sont pas suffisantes. En effet, elles peuvent être manipulées par des régimes autoritaires ou dictatoriaux, comme l'ont démontré l'Histoire avec le fascisme et le nazisme. Vatn, bien sûr, est conscient des défaillances des institutions actuelles en matière d'environnement et de la nécessité de leur réforme. Comme il le souligne, elles génèrent des intérêts et des motivations largement irresponsables et insensibles aux limites environnementales. Il est devenu évident qu'une restructuration fondamentale de l'économie est nécessaire, une restructuration qui réduirait la dépendance à la croissance et aux intérêts qu'elle protège, et qui favoriserait des acteurs économiques responsables sur le plan social et écologique.
Loin de suggérer que les institutions déterminent l'action, Vatn met en avant l'idée que les institutions créent des attentes et fournissent des structures qui obligent les individus à interpréter et évaluer le contexte institutionnel (par exemple, le marché, l'entreprise, la famille, la communauté). Les organisations telles que les entreprises, les banques, les universités ou les syndicats sont constituées d'institutions – des conventions, des normes et des règles formellement établies. L'analyse institutionnelle vise à révéler cette structure et, dans le domaine de l'économie écologique, elle se concentre sur quatre aspects clés : les droits et responsabilités, les coûts de transaction, les perceptions, ainsi que les préférences et motivations.
Les travaux de Douai et Montalban (2012) offrent une critique constructive de l'œuvre de Vatn, suggérant d'intégrer les perspectives de l'École française de la régulation et du marxisme. Bien que certaines tentatives aient été faites, la première manque d'intégration systématique des relations société-environnement, tandis que la seconde est déjà implicitement présente dans la critique de la marchandisation que Vatn développe. Ce dernier se réfère également à Polanyi, qui a d'abord introduit la notion de marchandise, mais cette référence n'est pas explicitement marquée chez Vatn.
Une autre question essentielle abordée dans les travaux de Vatn concerne la valorisation dans le cadre de l'économie écologique. Cette approche a mis en avant la nécessité de créer des institutions permettant l'articulation des valeurs multiples et de proposer des délibérations participatives inclusives, comme les jurys citoyens. L'analyse coût-bénéfice, généralement menée par des experts, est largement rejetée, et l'on privilégie des méthodes comme le budget participatif ou l'évaluation monétaire délibérative. L'idée d'« obtenir les prix justes » est également rejetée, car les prix sont des artefacts issus des structures institutionnelles existantes et n'ont guère de signification en dehors de ce cadre.
En parallèle, l'économie féministe a fait son apparition comme un courant critique au sein de l'économie dominante. Ce n'est pas simplement une question de femmes exerçant l'économie, mais plutôt un mouvement intellectuel né il y a quarante ans pour dénoncer la discrimination manifeste à l'égard des femmes dans les économies capitalistes. L'économie féministe s'oppose aux fondements de l'économie néoclassique, qui soutient un système économique inefficace et inéquitable, et met en lumière des aspects du fonctionnement des systèmes économiques qui sont souvent ignorés par les autres courants, y compris les hétérodoxes.
Parmi les ouvrages fondateurs, celui de Marilyn Waring (1988) critique l'absence du travail des femmes dans les comptes nationaux. Cependant, la montée de l'économie féministe s'inscrit dans un contexte plus large d'activisme féministe politique des décennies précédentes. Le mouvement, bien que souvent opposé au capitalisme de marché, présente une grande diversité, allant de courants plus libéraux et proches du marché à ceux qui favorisent une intervention publique et une planification économique.
Au-delà de la critique de la marginalisation des femmes dans les théories économiques traditionnelles, l'économie féministe soulève des questions fondamentales sur la valorisation du travail reproductif et de la nature. L'invisibilité de la contribution régénérative de la nature et du rôle reproductif des acteurs humains, qu'ils soient domestiques, paysans ou indigènes, reste un point central de la réflexion. Cette exclusion fait partie d'un système économique qui ne prend pas en compte des dimensions essentielles de la vie humaine et écologique, pourtant cruciales pour la durabilité des sociétés humaines.
Enfin, l'essor du néolibéralisme et de son alliance avec l'économie néoclassique a conduit à une réduction de la critique au sein de l'économie féministe. Cependant, cette économie, tout en restant hétérodoxe, continue d'affirmer l'importance de prendre en compte des valeurs et des préoccupations sociales, écologiques et féministes pour reconfigurer un système économique plus juste et plus responsable.
Comment le patriarcat, le colonialisme et l’industrialisation façonnent-ils le sens du travail et la vie humaine ?
L’analyse féministe de l’économie souligne que les rôles genrés ne sont pas une donnée naturelle, mais bien le produit d’une construction sociale profondément liée à la séparation entre les hommes et les fonctions de soin, de reproduction et de relation dans la société. La connexion traditionnelle de l’homme à la machine et à la technologie symbolise une coupure avec la nature, propre aux sociétés patriarcales industrialisées. L’industrialisation a donné naissance à des emplois mécanisés, à la chaîne de production, transformant l’humain en simple rouage automatique, effectuant des tâches répétitives et dénuées de sens. Le travail y est minutieusement contrôlé, mesuré, géré, et n’a de valeur qu’à travers ce qu’il permet d’acquérir matériellement, réduisant la condition humaine à un rapport utilitariste et consumériste.
Cette problématique n’est pas nouvelle, comme l’avait déjà signalé Morris au XIXe siècle, distinguant le travail utile de la peine inutile, et soulignant l’injustice dans la répartition même du travail. Sayer met en lumière la tension entre la justice considérée comme distribution des biens et la justice perçue comme participation à un travail intéressant et reconnu, source d’estime. Fellner élabore sur une conception du travail associée à la signification, à l’appartenance et à la jouissance, imaginant des institutions affranchies des relations d’exploitation. Ce changement de perspective remet en cause les oppositions classiques entre travail et loisir, production et consommation, en suggérant que le travail, selon les structures sociales et institutionnelles, pourrait participer à une vie plus riche et significative.
Ces réflexions s’inscrivent dans une critique plus large des approches dominantes de la pauvreté, notamment celles promues par les institutions post-seconde guerre mondiale. Le paradigme du développement, conduit sous l’égide des puissances impérialistes et relayé par des institutions telles que le FMI ou la Banque mondiale, s’est souvent traduit par la destruction des systèmes économiques traditionnels et des modes de vie durables dans les sociétés non industrialisées. Loin de résoudre la pauvreté, ces politiques ont souvent spolié les populations rurales de leurs ressources, dénigré leurs cultures, et provoqué une migration massive vers les bidonvilles urbains, générant une main-d’œuvre précaire soumise à l’exploitation industrielle.
L’urbanisation et l’industrialisation agricole imposées par ce modèle s’accompagnent d’une substitution des économies de subsistance par le travail salarié dans des conditions souvent dégradantes. Ces transformations brisent le sens même de la vie pour les communautés concernées, comme en témoignent les taux élevés de suicide chez les agriculteurs traditionnels confrontés à la modernisation. Par ailleurs, la logique de croissance productiviste exige des ressources toujours plus nombreuses et bon marché, extraites au prix d’une appropriation violente des terres, de la nature et des peuples, souvent loin des regards des consommateurs finaux. Cette dynamique s’accompagne d’un déni ou d’une ignorance volontaire des liens entre richesse, exploitation internationale, et domination politique militaire, souvent incarnée par les grandes puissances, notamment les États-Unis.
Le commerce international et les relations économiques globales, loin d’être neutres, sont marqués par des échanges écologiquement inégaux et des rapports de force militaro-politiques. L’exploitation de la main-d’œuvre dans les pays en développement, permise par la délocalisation, est justifiée par la recherche d’efficacité économique, occultant les violations des normes sociales et environnementales. Cette réalité reste souvent absente de la conscience collective des consommateurs, malgré les scandales médiatisés des ateliers clandestins et du travail infantile.
Le courant décolonial s’inscrit dans ce cadre comme une résistance à la suppression des cultures non occidentales, des savoirs indigènes et des modes de vie alternatifs. Il ne rejette pas la connaissance scientifique en soi, mais dénonce la classification impérialiste qui a disqualifié les savoirs locaux en les assimilant à des superstitions. Le colonialisme a ainsi imposé des dichotomies rigides telles que moderne/traditionnel ou civilisé/primitive, servant à légitimer la domination culturelle et politique. Le défi est donc de refuser l’impérialisme culturel sans pour autant renier la valeur universelle de la recherche et de la production de savoir.
Il importe de comprendre que la construction sociale des rôles, l’organisation du travail et les relations internationales s’enracinent dans des systèmes complexes d’exploitation qui affectent profondément la signification que les individus peuvent donner à leur vie. Cette dynamique appelle une réévaluation des modes de production et des relations sociales pour favoriser des formes de travail et de vie qui soient à la fois justes, autonomes et porteurs de sens. Il est essentiel de saisir que la quête d’une existence signifiante ne peut être dissociée des luttes contre l’exploitation écologique, économique et culturelle, et que la réhabilitation des savoirs locaux et des relations sociales alternatives joue un rôle clé dans ce processus.
La validité de la connaissance autochtone et l’avenir des structures économiques : perspectives alternatives et enjeux contemporains
Dans les débats contemporains sur la place de la nature et de l'humanité dans nos sociétés, un aspect fondamental reste celui de la reconnaissance de formes de savoir et de modes de vie alternatifs. La validation préalable des connaissances autochtones, en particulier, ouvre la voie à une critique des approches dominantes et à la remise en question des paradigmes économiques et écologiques actuels. Ces savoirs, souvent considérés comme marginaux, révèlent en réalité des manières de vivre en harmonie avec les structures naturelles, contribuant ainsi à la promotion de modes de vie plus durables. Cette perspective s'inscrit dans une logique de réalisme critique, où la validation du savoir s'effectue non pas seulement sur la base de critères abstraits mais selon une adéquation pratique à la réalité naturelle, tel que l'expose Sayer (2010).
Il est en effet erroné de recourir à une rhétorique anti-scientifique qui, loin de favoriser la compréhension, ne fait que renforcer une dichotomie artificielle entre la science et les savoirs dits "traditionnels". En fin de compte, la survie humaine dépend avant tout de la capacité à comprendre correctement les mécanismes de la nature, ce que la science cherche justement à dévoiler. Il ne s'agit pas d'un rejet de la science, mais de sa complémentarité avec d'autres formes de connaissance.
La notion de "nature" elle-même est polysémique et se décline de diverses manières, comme l'illustre Soper (1995). Elle est abordée tantôt comme une distinction philosophique, tantôt comme un terme ontologique renvoyant à la structure de la réalité, ou encore comme un jugement commun de "naturel". Ce dernier aspect correspond à la manière dont la nature est perçue comme indépendante de l'influence humaine, une idée qui, tout en étant largement acceptée, n'est pas dénuée de paradoxes. D'une part, la nature est fréquemment considérée comme "dégradée" par les actions humaines, notamment à travers l'introduction des animaux domestiqués, la contamination des sols, de l'air et de l'eau, ainsi que la manipulation des écosystèmes. D'autre part, il est crucial de ne pas considérer la nature et la société humaines comme deux entités séparées. L'homme fait partie intégrante de la nature, à la fois en tant qu'entité biologique, chimique et physique, et par ses interactions avec les structures naturelles. Le défi consiste à comprendre que les progrès réalisés par l'homme dans sa compréhension de la nature ne doivent pas être confondus avec la capacité de la dominer entièrement. Certes, les actions humaines ont un impact sur la biosphère, contribuant à la crise écologique actuelle, mais l'homme demeure soumis aux lois naturelles et aux mécanismes écologiques.
Dans cette dynamique, il existe trois perspectives principales concernant la relation entre l'humanité et la nature, comme l'expliquent Spash et Smith (2022). La première prône la valorisation des relations non humaines, avec l'idée de respecter et de préserver l'autonomie de la nature, un principe qui se traduit par la protection des zones sauvages et la réintroduction d'espèces perdues. La deuxième position se concentre sur les relations symbiotiques entre l'homme et la nature, telles que celles qui caractérisent les pratiques de gestion traditionnelles, comme l'écologie du feu chez les Aborigènes ou l'agriculture biologique. La troisième, celle de la modernité, place l'homme au centre, en dominé absolu de la nature par l’intermédiaire des technologies invasives et des constructions humaines. Aucune de ces positions ne doit être adoptée de manière exclusive, car elles risquent de négliger soit les besoins humains, soit ceux de la nature.
Les critiques contemporaines de l’économie classique, notamment par l’écologie sociale et l'économie sociale, contestent les deux paradigmes dominants : la croissance économique et les marchés fondés sur la fixation des prix. Selon Spash (2020c), ces systèmes échouent à allouer les ressources de manière juste et efficace, car ils dissimulent souvent les véritables mécanismes de pouvoir politique et de transfert de coûts sociaux. En revanche, une approche régulée et planifiée de la provision sociale devient cruciale, en opposition aux marchés où les puissants intérêts industriels et financiers orientent les décisions économiques à leur profit. Le modèle du marché de la concurrence, dans lequel la redistribution et la réciprocité sont négligées, s'avère ainsi profondément défaillant. Ces relations anciennes et vitales, qui préexistaient à l’échange marchand, doivent être réintégrées dans une compréhension renouvelée de l’économie, qui ne se limite pas à l’accumulation de capital mais qui respecte les besoins humains et la préservation des biens communs.
Un des fondements de cette critique réside dans la remise en question de la logique de croissance, qui, loin d'être universellement bénéfique, nourrit une concentration des ressources et un écroulement des structures sociales locales. Pour construire une alternative viable, il est nécessaire d'examiner les multiples formes d'économie qui existent à travers le monde et de redéfinir les institutions économiques en fonction de principes de justice sociale et de durabilité environnementale. Cela implique de repenser le modèle économique actuel, notamment en explorant des alternatives telles que le socialisme de marché ou les systèmes de provision sociale en nature, tels que le logement social, la santé publique, ou l’éducation gratuite. Ces alternatives sont cohérentes avec une conception de l'économie qui place les besoins humains au centre des préoccupations, tout en rejetant la logique capitaliste de profit et de destruction des biens communs. En outre, des pratiques comme l'agriculture durable ou l'écologie sociale se rejoignent dans la proposition d'un monde où l’économie de marché est remplacée par une logique de solidarité et de coopération.
Dans le cadre de cette réflexion, l’avenir des sociétés humaines dépend de la manière dont elles réussiront à intégrer ces valeurs, à reconnaître la nécessité d’un équilibre entre l’humain et la nature, et à faire face aux défis écologiques mondiaux tout en respectant les savoirs et les pratiques ancestrales qui ont toujours existé, mais qui sont aujourd'hui souvent ignorées ou sous-estimées.
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