Le complexe d'Udayagiri-Khandagiri, situé à un peu plus de 16 km de Dhauli et à plus de 10 km de Sisupalgarh, se trouve dans une zone qui aurait pu être autrefois une des principales régions administratives de l'empire Maurya. Tandis que Dhauli pourrait représenter Tosali, un centre administratif de l'empire Maurya mentionné dans les édits d'Ashoka, d'autres théories font état de Radhanagar et Sisupalgarh comme possibles candidats pour cette même identification. Des fouilles menées sur ce dernier site ont révélé les vestiges d'une vaste ville de plan carré d'environ un kilomètre carré, protégée par un rempart, des portes fortifiées et un fossé. Le centre de la ville abritait une grande structure monumentale à piliers et plusieurs étangs en pierre, ainsi que des habitations résidentielles. Sisupalgarh pourrait bien avoir été Tosali, ou la capitale du roi Kharavela, Kalinganagari.
L'une des sources primaires les plus révélatrices sur le règne de Kharavela est l'inscription de Hathigumpha, qui peut être lue comme une chronique épigraphique d'une mémoire historique profonde. Contrairement à l'édicte de Roche n°13 d'Ashoka, qui décrit la guerre contre les Kalingas comme un événement terrible le poussant à abandonner la guerre en faveur de la propagation du dhamma, l'inscription de Hathigumpha omet toute référence à l'invasion Maurya. Cependant, il est évident que l'auteur de l'inscription avait une connaissance directe des édits d'Ashoka, notamment ceux de Dhauli et Jaugada. En effet, l'inscription de Kharavela semble être en dialogue direct avec celle d'Ashoka, dont le script était encore lisible à cette époque.
Il existe plusieurs différences notables entre les inscriptions d'Ashoka et celles de Kharavela, particulièrement en ce qui concerne leurs attitudes respectives vis-à-vis de la guerre. Tandis qu'Ashoka évoque la guerre de Kalinga de manière dramatique et insiste sur ses souffrances personnelles et celles de son peuple, Kharavela adopte un ton plus matériel et axé sur la prospérité de ses sujets. Tandis qu'Ashoka se présente comme un empereur et un prophète de la piété, détenant un pouvoir politique immense et une autorité morale universelle, Kharavela, lui, s'appuie davantage sur ses victoires militaires et sur son bienfait matériel envers ses sujets.
Les deux rois, cependant, se rejoignent sur certains points, comme l'importance de l'abhisheka (l'anointment royal), l'accent mis sur les vertus personnelles des souverains, ou encore l'usage de l'hyperbole dans leurs discours respectifs : Ashoka sur les pertes humaines pendant la guerre de Kalinga et la chute du dhamma avant lui, Kharavela sur les sommes colossales qu'il aurait dépensées pour des activités bienfaisantes. De même, tous deux mentionnent la soumission des Rathikas et des Bhojas, mais Ashoka critique les samajas (festivals populaires), tandis que Kharavela les utilise pour divertir sa capitale.
Un aspect crucial de cette comparaison réside dans la manière dont les deux souverains approchent la question religieuse. Bien que Kharavela et Ashoka aient tous deux exprimé leur soutien respectif pour le bouddhisme et le jaïnisme, ils ont aussi étendu leur bienveillance aux Brahmanes et ont respecté toutes les sectes religieuses (pasandas). Ashoka réduit les taxes à Lumbini, tandis que Kharavela accorde des exonérations fiscales (pariharas) aux Brahmanes. Les références à la paix et au dhamma dans l'inscription de Hathigumpha, qui pourraient bien être influencées par les enseignements jaïns, rappellent néanmoins la préoccupation obsédante d'Ashoka pour ces mêmes valeurs.
L'inscription de Hathigumpha occupe une place essentielle dans l'histoire de l'idéologie politique de l'Inde ancienne. Elle peut être vue comme un moyen pour Kharavela de se positionner en opposition à Ashoka, tout en tentant de surpasser les réalisations de ce dernier. Le centre jaïn d'Udayagiri-Khandagiri, qui abrite des caves décorées d'une manière distincte, semble avoir été conçu dans cet esprit de compétition avec Ashoka, cherchant à revendiquer un héritage religieux et politique propre. L’ornementation sculpturale de ces cavernes dépasse ainsi de loin celle des complexes de Barabar-Nagarjuni en matière de style et de raffinement.
Dans un contexte plus large, les inscriptions de Kharavela témoignent de la consolidation d'une idéologie politique et religieuse particulière, où la richesse et la gloire personnelles se mélangent avec un soutien tangible aux pratiques religieuses. Ces inscriptions, en équilibrant et en exposant les différentes facettes du pouvoir royal, ont joué un rôle central dans l'évolution de la pensée politique de l'Inde ancienne. Le contraste entre les actions et les idéologies de Kharavela et d'Ashoka met en lumière des dynamiques complexes entre la guerre, la paix, la piété et le patronage religieux qui ont marqué cette époque.
Les cavernes de Bandhavgarh : lieux de repos, commerce et intersections culturelles
Les grottes de Bandhavgarh, particulièrement les cavernes telles que la Gupha Badi ou Rani ki Jhiriya, représentent bien plus que de simples espaces d'habitation. Ces structures troglodytes, disséminées à travers la forêt, étaient des refuges pour les commerçants et les voyageurs qui, lors de leurs périples à travers les terres indiennes, s’arrêtaient pour se reposer et récupérer avant de poursuivre leur voyage. Ces espaces, à la fois utilitaires et témoins d'une époque de circulation intense de personnes et de biens, incarnent une facette essentielle de l’histoire ancienne de l’Inde, où les dynamiques sociales, religieuses et commerciales s'entrelacent.
Les descriptions de ces grottes révèlent la diversité des espaces : certaines étaient de petites pièces, suffisantes pour qu'une seule personne puisse y séjourner, tandis que d’autres étaient plus spacieuses, comprenant des bancs en pierre ou même des lits rudimentaires. Certaines grottes étaient composées de deux chambres séparées par des entrées distinctes, souvent reliées par des vérandas ouvertes. Ces caractéristiques suggèrent des constructions destinées non seulement à la protection des voyageurs contre les intempéries mais aussi à une organisation sociale plus complexe qui répondait aux besoins d'un large éventail de personnes en transit.
L’une des caractéristiques les plus fascinantes de ces cavernes est leur usage non religieux, contrairement à d'autres monuments de l’époque. Les inscriptions de dons présentes dans les grottes de Bandhavgarh suggèrent que ces lieux étaient financés par des membres d’une ‘goshthi’, ou comité, ainsi que par des marchands, des artisans et même des membres de la royauté. Parmi les donateurs figuraient des orfèvres, des menuisiers, des forgerons, des ministres, et un roi, Vaisravana de Kausambi. Ces contributions révèlent l'importance de ces cavernes non seulement comme refuges, mais aussi comme symboles de statut social et de pouvoir économique. De plus, certaines inscriptions mentionnent des dons pour des installations spécifiques telles que des réservoirs d’eau et des salles d’entraînement, illustrant l'étendue des besoins physiques et sociaux des voyageurs.
Les grottes de Bandhavgarh étaient également un centre névralgique pour le commerce. Des marques circulaires gravées sur le sol des cavernes pourraient avoir servi à moudre des céréales, un détail qui montre l'aspect pratique de ces lieux en tant que lieux de ravitaillement pour les voyageurs. Ces cavernes n'étaient pas seulement des points de passage, mais des lieux où se croisaient différentes cultures, modes de vie et pratiques commerciales. Les interactions entre ces différentes populations – commerçants, voyageurs, mais aussi les autorités locales – étaient au cœur de cette dynamique de circulation.
Les interactions commerciales à Bandhavgarh s'inscrivent dans un contexte plus large d'urbanisation et de formation des États à partir de 200 avant notre ère jusqu'à 300 de notre ère. Cette période, marquée par l'influence de vagues d'invasions en provenance du Nord-Ouest, a vu une augmentation des échanges commerciaux, des mouvements de population, et l'émergence de nouveaux types de structures politiques. Ces changements ont eu un impact majeur sur la circulation des idées, des biens et des croyances à travers le sous-continent indien. C'est durant cette période que les premiers signes d'une infrastructure religieuse permanente se développent, reflétant l'institutionnalisation de différentes sectes religieuses.
Cette époque fut également marquée par une expansion du commerce spécialisé et des réseaux commerciaux qui ne se limitaient pas aux frontières de l'Inde, mais s'étendaient également vers l’Asie centrale et la Méditerranée orientale. Le rôle des marchands et des commerçants dans cette dynamique était essentiel, car ils jouaient non seulement un rôle économique, mais aussi un rôle de médiateurs culturels, facilitant les échanges non seulement de biens matériels mais aussi d'idées.
L'essor des villes et des centres commerciaux a coïncidé avec des débats doctrinaux et des pratiques religieuses de plus en plus diversifiées. Les donations effectuées pour des bâtiments religieux permanents et des structures civiles telles que celles observées à Bandhavgarh étaient souvent motivées par un désir de validation sociale et politique. Les grottes elles-mêmes, dans leur simplicité fonctionnelle et leur côté utilitaire, s’intègrent parfaitement dans ce contexte : elles sont à la fois des lieux de repos et des espaces de rencontre, où se jouaient les échanges sociaux, commerciaux et culturels entre les différentes strates de la société.
Il est crucial de comprendre que, bien que ces grottes aient servi de lieux de passage, leur présence et leur entretien témoignent également de la profondeur des réseaux sociaux et commerciaux qui traversaient l'Inde ancienne. Le rôle de ces structures dans la facilitation des échanges ne doit pas être sous-estimé, car elles étaient des points d’ancrage où se mêlaient les besoins physiques immédiats des voyageurs et la structuration plus vaste des relations économiques et sociales. Ces cavernes ne doivent donc pas être vues uniquement comme des constructions religieuses ou simplement utilitaires, mais comme des témoins d'un processus dynamique d'interconnexion et d'échanges entre différentes cultures et sociétés.
Lothal et Dholavira : Les Sites Maritimes et Leur Rôle dans la Civilisation de l'Indus
Lothal est l'un des sites les plus fascinants de la civilisation de l'Indus, situé dans la région de Saurashtra, au Gujarat, entre le fleuve Sabarmati et son tributaire, le Bhogavo. Ce site portuaire était relié autrefois à la mer, à environ 16-19 km de distance aujourd'hui. L'importance de Lothal réside non seulement dans son rôle en tant que centre commercial majeur, mais aussi dans ses infrastructures innovantes, telles que son dockyard, véritable précurseur des installations portuaires modernes.
Lothal, d'une taille modeste de 280 x 225 m, présente une organisation urbaine remarquable. Entourée de murs de briques crues et brûlées, l'entrée se trouvait au sud. À l'intérieur, plusieurs structures résidentielles ont été découvertes, dont des maisons spacieuses comprenant plusieurs chambres, des bains, des cours intérieures et des vérandas. L'une des particularités du site réside dans la présence de foyers de feu, constitués de petits fossés recouverts de terracotta et de cendres, suggérant des pratiques rituelles ou domestiques. En outre, Lothal abritait également un quartier commercial ou « bazar », où des artefacts en cuivre, en os, en pierre et en terre cuite ont été retrouvés.
Le dockyard de Lothal, qui se trouve sur le côté oriental du site, est l'une des structures les plus emblématiques de la civilisation de l'Indus. De forme trapézoïdale, le bassin était protégé par des murs de briques cuites et disposait de systèmes permettant de maintenir un niveau constant d'eau, notamment grâce à des vannes et des canaux de déversement. Des installations en briques sur les berges ont pu servir de quais pour le chargement et le déchargement des marchandises. L'importance de ce dockyard est primordiale, car il témoigne de la sophistication des échanges maritimes et de la maîtrise de la gestion de l'eau, un élément vital dans la région.
Dholavira, situé sur l'île de Kadir dans le Rann de Kutch, est un autre site majeur de la civilisation de l'Indus, qui se distingue par une architecture de grande échelle et un système avancé de gestion de l'eau. L'agencement de Dholavira, bien que similaire à d'autres sites de l'Indus en termes d'urbanisme, se caractérise par son utilisation extensive de la pierre, un matériau rare dans la région. La citadelle, située au centre du site, est entourée d'une grande muraille en briques crues avec des éléments de pierre en façade. Plusieurs sections ont été identifiées, incluant un « château » central, un « bailey » à l'ouest et une ville centrale au nord. Cette organisation indique une division fonctionnelle du site, possiblement entre zones administratives, commerciales et résidentielles.
Ce qui distingue Dholavira des autres sites de la civilisation de l'Indus est son impressionnant système de gestion de l'eau. En raison des faibles précipitations annuelles et de la propension à la sécheresse dans la région, Dholavira a mis en place un réseau de réservoirs et de citernes, qui comprenait au moins 16 réservoirs de grande taille. Les ruisseaux Manhar et Mandsar, qui entourent le site, ont été canalisés pour alimenter ces réservoirs, permettant ainsi à la ville de stocker et de gérer les eaux de pluie de manière efficace, un aspect essentiel pour la survie dans cette région aride. Des fosses profondes et des réservoirs dans la citadelle et la ville basse ont permis de conserver l'eau pendant les périodes de sécheresse.
Un autre élément fascinant de Dholavira est l'utilisation de la pierre pour la construction, qui va bien au-delà des techniques habituelles en mud-brick observées ailleurs dans la vallée de l'Indus. Le site présente des vestiges de piliers en pierre polie et de bases de piliers, témoignant d'une architecture monumentale et d'une maîtrise technique des matériaux.
L'exploration des pratiques funéraires à Dholavira et dans les autres sites de la région de Kutch a également révélé des informations intéressantes. À Dholavira, des tombes rectangulaires en pierre, sans restes humains, suggèrent des rituels commémoratifs ou des mémoriaux plutôt que des sépultures traditionnelles. Cela pourrait indiquer une conception particulière de la mort et de l'hommage aux défunts, où l'accent était mis sur le souvenir symbolique plutôt que sur l'inhumation des corps.
À Kanmer, un autre site de la région de Kutch, des vestiges d'une grande enceinte fortifiée et d'activités artisanales ont été découverts, incluant des ateliers pour la fabrication de perles de faïence. La présence d'objets en terre cuite avec des impressions d'animaux mythiques, comme la licorne, renforce l'idée que la culture matérielle de la civilisation de l'Indus était riche et variée.
Les découvertes archéologiques à ces sites, notamment à Allahdino, un petit village situé à 40 km de Karachi, confirment la diversité des pratiques architecturales et des modes de vie. Les maisons en briques crues, souvent reposant sur des fondations en pierre, révèlent une organisation sociale et économique bien développée. La présence de puits, bien que de petite taille, suggère des stratégies de gestion de l'eau adaptées aux conditions locales.
Il est important de noter que les découvertes à Lothal, Dholavira et d'autres sites ne se limitent pas seulement à l'archéologie matérielle. Elles fournissent des indices cruciaux sur les réseaux commerciaux de la civilisation de l'Indus. Ces sites, en particulier ceux reliés aux routes maritimes, montrent une civilisation interconnectée qui utilisait des voies maritimes pour échanger des biens, de la technologie et des idées. La présence de sceaux en terre cuite avec des impressions, notamment des symboles harappéens, témoigne de l'échange d'informations et de l'organisation économique des communautés.
En explorant ces sites, il devient clair que la civilisation de l'Indus, loin d'être une société isolée, était une société dynamique avec des infrastructures complexes, une gestion avancée des ressources et une organisation urbaine étonnamment sophistiquée.

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