Les pensées anxieuses, lorsqu'elles envahissent notre esprit, peuvent rapidement devenir accablantes. Elles s'enchaînent les unes après les autres, créant une spirale de préoccupations qui semblent souvent sans fin. Cette dynamique de pensée, où un simple soupçon d'inquiétude peut entraîner une cascade de pensées négatives, est un phénomène connu sous le nom de "train de pensées" ou "thought trains". Mais comment pouvons-nous sortir de ce tourbillon de pensées anxieuses ?

Le concept central ici est celui de la "défusion", un terme clé dans les thérapies de troisième vague comme l'ACT (Thérapie d'acceptation et d'engagement), qui aide à se détacher de ses pensées sans les juger ni les repousser. Contrairement aux approches traditionnelles comme la TCC (thérapie cognitive comportementale), qui met l'accent sur le défi direct des pensées négatives, la défusion consiste à observer les pensées de manière détachée. Cela permet de briser l'emprise qu'elles exercent sur nous.

Dans un état anxieux, le cerveau a tendance à s'alimenter des pensées et des souvenirs qui résonnent avec ce sentiment de peur. Il est donc courant que, lorsqu'une personne est anxieuse, elle se retrouve à rappeler d'autres moments d'anxiété, activant ainsi une série de pensées inquiétantes concernant l'avenir, sa vie ou son environnement. Cela peut rapidement devenir accablant, et il devient difficile d'entrer en contact avec des pensées plus rationnelles ou positives. À l'inverse, lorsqu'une personne est dans un état joyeux, son esprit s'ouvre à des pensées et souvenirs heureux, et une perturbation de cet état d'esprit, comme un événement stressant, pourrait la faire basculer dans un tourbillon de préoccupations.

Les clients qui viennent consulter un thérapeute pour de l'anxiété ne réalisent souvent pas que ce conflit interne est une bataille qu'ils mènent eux-mêmes. Ils se retrouvent à lutter contre leurs pensées anxieuses, cherchant à les repousser ou à les contrecarrer. Mais en faisant cela, ils renforcent paradoxalement le pouvoir de ces pensées. Le thérapeute, par le biais de la défusion, peut les aider à comprendre que ces pensées ne sont pas la réalité, mais qu’elles sont simplement des phénomènes mentaux, comme des nuages qui passent dans le ciel.

La défusion permet donc de se détacher de l'anxiété, de l'observer sans s'y laisser entraîner. Une fois qu'une personne réalise qu'elle n'est pas ses pensées, qu'elle peut les voir défiler sans y être absorbée, la lutte contre elles cesse. Ce processus peut apporter un soulagement immédiat et aider à réduire l'intensité de l'anxiété.

Par exemple, l'exercice des "trains de pensées" est une technique qui aide les clients à observer comment une pensée anxieuse peut mener à une autre, créant une spirale incontrôlable. Plutôt que de tenter de stopper ce flot de pensées, l'objectif est de simplement les observer. En s'exerçant à cela, les individus peuvent développer la capacité de "s'élever au-dessus" de leurs pensées et les voir défiler comme un train qui passe.

Il est essentiel de comprendre que, lorsqu'une personne vit un moment de grande anxiété, ses pensées ne reflètent pas toujours la réalité. Une pensée comme "Que faire si je perds mon emploi ?" peut enchaîner une série de pensées catastrophiques telles que "Je vais devenir sans-abri et ne jamais m'en remettre". Ce genre de pensée mène souvent à des "pensées de type 'et si'" (What if), qui alimentent la spirale anxieuse. Lorsque l'on se laisse emporter par ces pensées, l'anxiété devient intense. Mais si l'on apprend à s'en détacher, à les observer sans jugement, la situation change.

L'une des clés pour mettre en pratique la défusion est de se créer des moments de calme, où l'on peut exercer cette observation détachée. Commencer dans un endroit tranquille, prendre quelques respirations profondes et laisser les pensées surgir sans chercher à les contrôler. En prenant conscience de ces pensées, et en apprenant à les observer sans s'identifier à elles, on peut peu à peu diminuer leur pouvoir. L'important est de ne pas s'efforcer de supprimer ces pensées, mais plutôt de reconnaître qu'elles sont présentes et de les laisser passer.

Bien entendu, ce processus demande de la pratique. Plus on pratique cette observation détachée, plus cela devient naturel. Au début, il est utile de s’entraîner dans un environnement calme. Mais à mesure que la compétence se développe, il devient possible de l'appliquer dans des situations quotidiennes, même au milieu de moments stressants.

Les bénéfices de cet exercice sont nombreux : non seulement il permet de réduire l'anxiété, mais il ouvre également la voie à un plus grand espace intérieur. Cet espace permet d'examiner les pensées de manière plus rationnelle et moins réactive, et de prendre des décisions basées sur des valeurs plutôt que sur des craintes irrationnelles.

Ainsi, au lieu de lutter contre l’anxiété ou de se laisser submerger par elle, on peut apprendre à l’observer, à s’en détacher et à choisir les pensées sur lesquelles on veut se concentrer. Cette approche a le potentiel de transformer profondément la manière dont on vit l'anxiété et de rendre plus possible une vie centrée sur ce qui est vraiment important.

Comment surmonter l'évitement et briser le cycle du PTSD

Il est courant de vivre des expériences qui nous perturbent profondément, des événements qui déclenchent en nous des réactions émotionnelles et physiques puissantes. Parfois, ces événements peuvent être si bouleversants que, pour survivre, nous apprenons à les éviter. Cela semble logique, non ? Ne pas penser à ce qui fait mal, ne pas revivre ce qui nous fait souffrir. Mais bien souvent, cette solution temporaire devient un piège. Éviter les pensées, les images et les émotions difficiles peut nous sembler rassurant au début, mais à long terme, ce mécanisme renforce un cycle qui est de plus en plus difficile à briser.

Prenons l'exemple de cette expérience personnelle. Un jour, lors d'un de mes nombreux voyages pour des conférences à travers les États-Unis, un orage particulièrement violent a perturbé mon vol. J'avais quitté Cincinnati et, après une escale à Chicago, je devais me rendre à Kansas City pour une présentation. Cependant, la météo avait retardé mon vol et, à notre arrivée à Chicago, le temps était si mauvais que nous avons dû faire des cercles dans l'air en attendant une accalmie. Je suis arrivé à peine à temps pour mon vol de correspondance, mais celui-ci avait été annulé. Après plusieurs options, j'ai fini par prendre un vol vers le Texas, puis un autre pour le Kansas. Pendant ce trajet, un éclair a frappé l'aile de l'avion juste devant mes yeux. La peur était palpable dans l'avion, le bruit assourdissant du tonnerre, la lumière aveuglante. J’étais parfaitement conscient que les avions sont conçus pour supporter de telles frappes, mais l’image de cet éclair était brûlée dans mon esprit.

Ce qui s'est passé ensuite est encore plus révélateur. Alors que le vol vers le Kansas se poursuivait, nous avons traversé une poche d'air descendante. L'avion a plongé brutalement, un choc puissant secouant l'appareil, suivi de plusieurs secondes d'une chute vertigineuse. La sensation de mon estomac qui se soulevait était si forte qu'elle m’a fait penser, un instant, à la possibilité d’une catastrophe imminente. Heureusement, l'avion a retrouvé sa stabilité, mais ces secousses et cette peur intense ont laissé une empreinte durable dans mon esprit. En arrivant à l'hôtel, très tard dans la nuit, avant ma présentation du lendemain matin, les images de la foudre et la peur de la chute étaient encore présentes dans mon esprit. Le corps réagit de manière quasi instinctive, mais dans ce cas, il est important de comprendre que ces pensées et images sont les premières manifestations du stress post-traumatique (PTSD).

Les symptômes de PTSD peuvent se manifester immédiatement après un traumatisme, mais ils persistent souvent bien après l’événement. Ce n'est pas rare d’avoir des flashbacks, des pensées envahissantes ou des réactions physiques liées à un souvenir traumatique. Cependant, ce n'est pas tout le monde qui développe un PTSD, et il est crucial de ne pas minimiser l'impact de ces symptômes. Parfois, face à ces souvenirs inconfortables, l'envie de s'en détourner est forte. Mais c’est là que réside le piège. L’évitement des pensées, des émotions et des situations liées au traumatisme peut initialement soulager, mais à long terme, il alimente le cycle de la souffrance.

Dans mon cas, même si ces souvenirs étaient intenses, j'ai fait un effort conscient pour les observer sans chercher à les éviter. Plutôt que de détourner mon attention, j’ai accepté de ressentir ces émotions, sans lutter contre elles. En permettant à mes pensées et émotions de s’épanouir sans les juger, sans tenter de les contrôler, j’ai trouvé un moyen de m'endormir, bien que ce ne fût pas facile. C'est important de comprendre que, même si ces réactions sont normales et temporaires, elles ne devraient pas durer indéfiniment. L’évitement de ces expériences peut engendrer un cercle vicieux, un piège dans lequel nous risquons de rester coincés, nourrissant une souffrance invisible mais persistante.

L’un des plus grands défis dans le traitement du PTSD est de lâcher prise sur les stratégies d’évitement. À court terme, l’évitement semble efficace : il nous protège de la douleur. Mais à long terme, que nous coûte cette stratégie ? Que devons-nous sacrifier pour maintenir cette illusion de sécurité ? C’est là qu’il est nécessaire de changer de perspective et de remettre en question cette réponse de fuite. L’idée est d'apprendre à accueillir les pensées et les émotions difficiles, non pas pour les faire disparaître, mais pour les laisser se dissiper d’elles-mêmes.

Heureusement, la recherche et la pratique thérapeutique ont fait d'énormes progrès dans le traitement du PTSD. Des approches comme la thérapie comportementale et cognitive (TCC) ont montré leur efficacité pour aider les individus à gérer l'anxiété et les souvenirs traumatiques. Il est important de souligner que le soutien d’un thérapeute qualifié est souvent nécessaire pour surmonter les effets du PTSD. Un professionnel peut vous guider dans la compréhension de vos réactions émotionnelles et vous aider à trouver des moyens plus sains de les gérer. En parallèle, consulter un médecin pour éliminer d’éventuels facteurs biologiques sous-jacents est également essentiel.

Ainsi, bien que l’évitement soit une réaction naturelle et compréhensible, c’est en confrontant les souvenirs et les émotions sans leur accorder trop de pouvoir que l’on commence à se libérer du PTSD. La route est difficile, mais elle est aussi porteuse de guérison et de possibilités de croissance.