Le manuscrit mathématique le plus ancien découvert en sanskrit, le Bakhshali, semble appartenir à la période entre le VIIIe et le XIIe siècle, bien que l'œuvre elle-même soit vraisemblablement plus ancienne. La question de son origine précise reste débattue : certains chercheurs la datent entre 300 et 500 après J.-C., tandis que d'autres avancent le VIIe siècle. Les spécialistes s'accordent toutefois à reconnaître la difficulté de cette datation. Ce manuscrit, comme le souligne Hayashi (1995: 85), semble être une compilation de règles mathématiques et d'exemples. Ainsi, il est nécessaire de distinguer plusieurs rôles : l'auteur des règles originales, le compilateur, les commentateurs et le scribe. L'un des commentateurs se présente comme le fils de Chajaka, un Brahmane, et le roi des mathématiques (ganaka-raja).

Le manuscrit de Bakhshali traite de diverses notions mathématiques, telles que les fractions, les racines carrées, les progressions arithmétiques et géométriques, les équations simples, ainsi que l'approximation rationnelle des racines carrées d'un nombre non parfait. Il aborde également des sujets plus complexes comme la sommation de séries complexes et les équations linéaires simultanées. L'œuvre contient une notation décimale symbolique complète pour les nombres, avec une représentation du zéro, généralement sous forme de point.

L'astronome et mathématicien Brahmagupta, auteur du Brahmasputasiddhanta (628 apr. J.-C.) et du Khandakhadyaka (665 apr. J.-C.), a joué un rôle déterminant dans l'introduction de l'astronomie indienne au monde arabe par le biais de traductions arabes. Le Brahmasputasiddhanta est aussi le premier texte indien à offrir une discussion systématique sur les instruments astronomiques, ainsi que sur les méthodes de calcul des éléments astronomiques à partir des lectures prises à l'aide de ces instruments (Sarma, 1986). Parmi ces instruments figurent un certain nombre d'outils simples, fabriqués en bois ou en bambou, qui, bien qu'ayant une conception rudimentaire, suggèrent que les astronomes indiens comptaient sur leurs compétences en calcul plus que sur des instruments de haute précision.

Brahmagupta évoque également des dispositifs automatiques complexes appelés svayamvaha yantras, qui témoignent d'une prise de conscience de l'idée de mouvement perpétuel. Une des découvertes majeures des mathématiciens indiens anciens réside dans le système décimal de notation, fondé sur la valeur de position des premiers neuf chiffres et l'utilisation d'un symbole, appelé bindu, pour représenter le zéro. Le système de notation décimale repose sur l'idée que la valeur d'un chiffre dépend de sa position dans un nombre donné (par exemple, la valeur de 6 dans 160 et 106 diffère).

Le système de notation décimale a été utilisé par Varahamihira et mentionné par Aryabhata dans son Aryabhatiya. Cette méthode de calcul présuppose l'existence d'un système de valeur de position décimale. Cela montre que les mathématiciens indiens employaient ce système dès le Ve siècle apr. J.-C. En Europe, le vieux système complexe a été en vigueur jusqu'au XIIe siècle, lorsque les Européens ont appris ce nouveau système des Arabes, qui l'avaient eux-mêmes appris des Indiens. Les écrivains arabes comme Ibn Washiya, Al-Masudi et Al-Biruni attribuent même la découverte de ce système aux "Hindous", c'est-à-dire aux Indiens.

Il convient de noter que le zéro, bien que souvent représenté par un point dans le manuscrit de Bakhshali, n'apparaît pas dans les premières inscriptions en Brahmi. Ce n'est qu'à partir du VIIe siècle que le symbole circulaire du zéro commence à se manifester dans des inscriptions trouvées en Inde et en Asie du Sud-Est. Ce symbole, encore rudimentaire à cette époque, devient plus clairement défini dans une inscription de Gwalior en 876 apr. J.-C.

La progression vers l'idée de zéro en tant que chiffre distinct dans un système de valeur de position a été un processus complexe, qui n'a pas seulement impliqué des développements mathématiques, mais aussi des débats philosophiques et grammaticaux sur des concepts tels que l'absence, le vide, l'infini, et la perte. Ce contexte intellectuel a probablement influencé la naissance de l'idée du zéro comme nombre.

L’Aryabhatiya, œuvre fondamentale d'Aryabhata, traite de l'astronomie et comprend des discussions mathématiques sur des sujets tels que la progression arithmétique des nombres et leurs carrés et cubes. En géométrie, Aryabhata a décrit diverses propriétés du cercle et donné une valeur très précise de pi (π), correcte à quatre décimales : 3.1416. Aryabhata est souvent considéré comme le père de l'algèbre, car il a résolu des équations simultanées complexes. Il a également contribué au développement de la trigonométrie, en introduisant l'utilisation de la fonction sinus pour résoudre des problèmes astronomiques, comme en témoignent les tables trigonométriques qu'il a fournies pour des angles de 0 à 90 degrés à des intervalles de 3¾ degrés.

Le champ des mathématiques indiennes s’est divisé au VIIe siècle en deux domaines principaux : l’arithmétique avec la mensuration et l’algèbre. Bhaskara I, au début du VIIe siècle, a rédigé un commentaire sur l'Aryabhatiya, où il a approfondi certains aspects de l’œuvre d'Aryabhata, et a contribué à l'enrichissement de la compréhension des mathématiques de cette époque.

À travers ces travaux, les mathématiciens indiens ont non seulement développé des concepts novateurs, mais ont aussi influencé la progression des sciences mathématiques et astronomiques dans d'autres cultures, notamment en Europe et au Moyen-Orient.

L'Administration et la Politique dans l'Inde Ancienne: Un Aperçu du Règne de Harsha et des Dynasties Contemporaines

L’histoire de l’Inde ancienne, particulièrement à l’époque du roi Harsha, illustre non seulement un modèle de gouvernance mais aussi un phénomène où la politique, la religion et la culture se mêlaient profondément. Le récit du moine chinois Xuanzang, qui visita l'Inde au VIIe siècle, présente un tableau d'une administration royalement structurée, même si certains aspects de son témoignage doivent être pris avec précaution. Bien que Xuanzang ait loué Harsha et ses qualités de roi bouddhiste pour plaire à l'empereur Tang, il a néanmoins fourni des détails sur l’organisation politique et les institutions sous ce règne.

Le royaume d'Harsha, selon les inscriptions, était divisé en bhuktis, qui à leur tour étaient subdivisés en vishayas. Ces divisions administratives rappellent fortement celles des Gupta, soulignant la continuité dans les structures de gouvernance de l’époque. Les inscriptions de Banskhera et Madhuban mentionnent divers fonctionnaires de haut niveau impliqués dans la gestion des terres et des contributions fiscales. Harsha lui-même, selon Xuanzang, perçait des taxes modérées, se contentant d'une portion d'un sixième de la production agricole comme impôt. En plus de cela, des termes comme bhaga, bhoga, kara et hiranya utilisés dans les inscriptions rappellent les anciennes pratiques fiscales de l'époque Gupta. Ce système semblait harmonieux, les taxes n'étant pas excessives, et la structure militaire comprenant infanterie, cavalerie, chars et éléphants.

Le règne de Harsha est aussi marqué par un soutien important à la culture, à l’apprentissage et aux arts. Il s'entoura de talents littéraires, comme Bana, Mayura, et Matanga Divakara, et écrivit lui-même plusieurs œuvres, dont des pièces de théâtre telles que Ratnavali, Priyadarshika et Nagananda. Le Nagananda est particulièrement intéressant, racontant l’histoire du bodhisattva Jimutavahana, tandis que les deux autres pièces sont des romans. Ces œuvres témoignent de l'engagement personnel du roi envers la littérature et la dramaturgie. En outre, Harsha est reconnu pour avoir fait de grandes distributions de cadeaux, et pour avoir organisé des assemblées religieuses, dans lesquelles il vénérait à la fois le Bouddha, Shiva et le Soleil. Cette volonté d’harmoniser différentes religions dans un cadre royal est remarquable.

Le déclin politique de l’Inde septentrionale après la mort d'Harsha en 648 CE marque un tournant dans l’histoire politique de la région. La période qui suivit fut marquée par une lutte acharnée pour le pouvoir, d’abord entre les Rashtrakutas, les Palas et les Gurjara-Pratiharas. L'ascension de Yashovarman à Kannauj en 715, puis l'établissement de dynasties comme les Pala, a redéfini la géopolitique de l’Inde orientale et septentrionale. Le règne de Gopala et de son successeur Dharmapala a vu la consolidation d’un empire puissant, avec la revendication de suzeraineté sur une vaste portion de l'Inde, allant des montagnes de l’Himalaya aux rives de l’océan. Cependant, malgré cette expansion, le royaume des Palas dut faire face à des défaites et à des tensions internes qui marquèrent leur déclin au IXe siècle.

Il est également intéressant de noter la place occupée par le bouddhisme dans l’évolution politique de la région. Les Palas, grands patrons du bouddhisme, ont soutenu la construction de monastères importants comme Vikramashila et Somapura. Ces monastères étaient des centres d’apprentissage et d’influence religieuse, attirant des érudits de toute l’Asie, y compris de Chine et du Tibet. Le soutien royal au bouddhisme était non seulement un acte de dévotion religieuse, mais aussi une stratégie politique visant à renforcer la légitimité du pouvoir royal en s’appuyant sur un mouvement religieux de plus en plus influent.

La période des dynasties régionales, telles que les Shailodbhavas et les Gangas en Odisha, montre également l’émergence de nouveaux pouvoirs régionaux dans un contexte de fragmentation politique. Le rôle des mythes d’origine des dynasties dans l’Inde orientale devient significatif à partir du VIIe siècle. Ces récits, bien que ne devant pas être pris au pied de la lettre comme des vérités historiques, sont essentiels pour comprendre la manière dont les élites royales se sont légitimées. Ces mythes ont été une des nombreuses stratégies utilisées par les lignées régnantes pour ancrer leur pouvoir dans un passé sacré et légendaire, tout en légitimant leurs actions politiques.

Les guerres et les rivalités entre les grandes dynasties, telles que les Rashtrakutas, les Palas et les Gurjara-Pratiharas, illustrent les dynamiques politiques complexes de l'Inde médiévale. La bataille pour Kannauj, en particulier, est emblématique de l’intensité de cette lutte pour la suprématie. Les conflits militaires entre ces puissances ont non seulement redéfini les frontières politiques, mais ont aussi eu un impact durable sur le développement culturel et religieux de l'Inde. Les guerres et les invasions successives ont provoqué des changements dans les structures administratives et ont remodelé les alliances politiques au sein des diverses régions du sous-continent.

La période de transition entre la chute de Harsha et la montée des dynasties ultérieures soulève également une question plus large sur la stabilité et la fragilité des empires en Inde. Si certains royaumes ont réussi à s’imposer sur une vaste région, d’autres, comme les Palas après la mort de Dharmapala, ont dû lutter pour maintenir leur emprise sur le pouvoir. Il est également important de souligner que la gestion des régions périphériques, comme le Kamarupa, la Bhagalpur, et le Gujarat, n'a jamais été simple. Ces territoires étaient souvent le théâtre de luttes internes et de résistances locales contre les pouvoirs centraux.