Les semi-conducteurs ont traversé un chemin spectaculaire d’évolution depuis leurs débuts. Ce domaine, qui s’est d'abord limité à quelques milliers de transistors, a progressivement atteint des capacités prodigieuses avec près de 256 millions de transistors sur un seul circuit intégré. Cette miniaturisation a entraîné une réduction significative du coût par bit d'information, une évolution résumée par la célèbre loi de Gordon E. Moore formulée en 1965. Selon cette loi, tous les 5 à 6 ans, le prix par transistor chute d'environ 90 %.

Ce processus de miniaturisation, qui a conduit à une réduction continue de la taille des composants électroniques, se heurte néanmoins à un défi majeur. Les circuits semiconducteurs deviennent de plus en plus complexes, ce qui implique des coûts de fabrication élevés pour les usines qui produisent ces puces. Ce phénomène a conduit à ce que l’on appelle parfois la "Seconde loi de Moore", selon laquelle, bien que le coût des composants diminue, le coût des usines de fabrication augmente proportionnellement. En 2012, la taille des structures des dispositifs en fabrication a atteint environ 45 nanomètres, avec des perspectives d’atteindre une limite fondamentale en raison des conditions atomiques et moléculaires qui prévalent à des échelles aussi réduites.

Cependant, une autre voie inattendue a émergé ces dernières années. Tandis que la miniaturisation continue de repousser ses limites, les recherches en micromécanique ont ouvert de nouvelles possibilités. Contrairement aux semiconducteurs dopés, la micromécanique explore l'utilisation du silicium monocristallin pour la fabrication de systèmes mécaniques extrêmement miniaturisés. Ces systèmes, fabriqués par des techniques de gravure et d'autres méthodes de micro-fabrication, ont trouvé des applications dans des domaines aussi variés que la détection de la pression et de l'accélération, et même dans l'industrie automobile, où ils sont utilisés pour activer des airbags de manière contrôlée.

L'aspect le plus fascinant de cette technologie réside dans sa capacité à produire en masse des dispositifs à des coûts extrêmement bas, une caractéristique essentielle pour rendre ces innovations économiquement viables. Cette miniaturisation des systèmes mécaniques représente une avancée décisive, car elle permet de fabriquer des capteurs et des actionneurs de plus en plus performants et compacts, tout en réduisant leur coût de production.

L’une des applications les plus prometteuses des semiconducteurs dans ce contexte est la thermodynamique, en particulier à travers les phénomènes thermoélectriques, tels que les effets de Peltier et de Seebeck. Ces phénomènes, qui apparaissent lorsqu'un gradient de température et un gradient de potentiel électrique sont présents simultanément, sont beaucoup plus puissants dans les semi-conducteurs que dans les métaux, souvent par un facteur de cent ou plus. Cette particularité est due à la distribution Fermi des porteurs de charge dans les semi-conducteurs, qui diffère de celle des métaux. La répartition des électrons dans les semi-conducteurs favorise les effets thermoélectriques, rendant ces matériaux particulièrement intéressants pour des applications telles que le refroidissement par effet Peltier.

L’effet Peltier, découvert au XIXe siècle, permet de créer des différences de température en fonction du sens du courant électrique. Cette capacité a été exploitée dans des dispositifs de refroidissement de plus en plus performants. En particulier, les modules Peltier, qui combinent des semi-conducteurs dopés de type n et p, permettent de réaliser des refroidissements efficaces, comme dans les systèmes de cryogénie, avec des applications allant du refroidissement électronique à la gestion thermique dans l'industrie spatiale. Ces dispositifs ont trouvé un marché commercial avec des modules capables de baisser la température ambiante jusqu’à 60°C en dessous de la température ambiante. Grâce à des configurations en cascade, des refroidissements encore plus poussés sont désormais possibles, atteignant des températures aussi basses que 135 K.

Le chercheur russe Abram Fedorovich Ioffe a joué un rôle clé dans la compréhension et l'application de la thermodynamique dans les semi-conducteurs. Dans les années 1950, ses recherches sur la thermodynamique des semi-conducteurs ont ouvert la voie à des applications thermoélectriques de plus en plus sophistiquées. Son travail a lancé un renouveau dans la recherche sur les applications cryogéniques des semi-conducteurs, avec un intérêt croissant pour le refroidissement basé sur l’effet Peltier. Aujourd’hui, ces technologies sont utilisées dans des dispositifs modernes pour gérer des températures extrêmes dans diverses industries.

Il est essentiel de noter que, si la miniaturisation et les applications thermoélectriques continuent de progresser, des limites physiques se dessinent. La taille des dispositifs pourrait atteindre un seuil au-delà duquel de nouvelles technologies devront être envisagées, notamment des matériaux à propriétés quantiques ou d’autres paradigmes dans la fabrication des semi-conducteurs. Les innovations dans ce domaine ne cessent de transformer des industries entières, mais une compréhension approfondie des défis à venir est essentielle pour anticiper les futures évolutions et limitations.

Comment la dynamique des quanta de flux et l'effet Josephson révolutionnent notre compréhension de la supraconductivité

Les travaux de Josephson, qui ont donné naissance à l'équation de Josephson, ont marqué un tournant dans la compréhension de la supraconductivité, en particulier dans le contexte des jonctions entre deux supraconducteurs faiblement couplés. Dès 1962, Josephson prédit des relations de courant-phase (relation (8.23)), qui furent d'abord accueillies avec scepticisme. Félix Bloch relate une discussion avec le physicien Chen Ning Yang, qui, tout comme lui, ne parvenait pas à saisir pleinement la portée de cette découverte révolutionnaire. Cependant, dès 1963, la théorie de Josephson était confirmée expérimentalement. Cette confirmation préfigurait un avenir dans lequel les paires de Cooper, responsables de la supraconductivité, jouaient un rôle fondamental.

Un aspect essentiel de l'équation de Josephson réside dans la manière dont les paires de Cooper, portant chacune deux charges élémentaires, gouvernent la supraconductivité. Cet effet se manifeste particulièrement dans des jonctions entre supraconducteurs faiblement couplés, où un tunnel quantique permet au courant de traverser la barrière isolante. C'est ce phénomène qui rend possible la continuité du courant sans résistance dans des conditions qui défient les lois classiques de l'électrodynamique.

L'intérêt historique de l'effet Josephson prend aussi racine dans un protocole d'une réunion tenue en mars 1926 au Bureau allemand des normes (Physikalisch-Technische Reichsanstalt) à Berlin-Charlottenburg. Albert Einstein, membre du comité, avait formulé une question restée célèbre : « Est-il possible que l'endroit de la jonction entre deux supraconducteurs devienne également supraconducteur ? ». Cette remarque anticipe des réflexions qui ne seront véritablement abordées que des décennies plus tard. Einstein avait alors émis l'hypothèse selon laquelle la supraconductivité pourrait être expliquée par des chaînes moléculaires conductrices, une idée qui sera rapidement infirmée par des expériences de Meissner et Holm en 1932. Ces derniers démontrèrent qu'une jonction supraconductrice pouvait exister sans fusionner les matériaux, invalidant ainsi la théorie des chaînes conductrices moléculaires.

Les recherches sur les supraconducteurs prenaient alors un tournant décisif avec l'arrivée des alliages de niobium Nb3Sn et NbZr, qui, dans les années 1960, ouvrirent la voie à des matériaux supraconducteurs plus robustes et plus performants. Il devint alors impératif de comprendre si les courants supraconducteurs pouvaient circuler indéfiniment ou s'ils se dissiperaient lentement. Cette question fut à la base de recherches menées aux laboratoires Bell, où Philip W. Anderson, à travers sa théorie des quanta de flux magnétique, expliqua la dynamique des courants dans les anneaux supraconducteurs. Selon cette théorie, les quanta de flux, lorsqu'ils se déplacent sous l'influence d'une force, génèrent un champ électrique proportionnel à leur vitesse et au nombre de lignes de flux en mouvement.

La dynamique des quanta de flux conduit à la formation de ce que l'on appelle la « résistance au flux » ou résistivité du flux, qui représente une limite fondamentale à l'écoulement des courants supraconducteurs. Cette résistance est liée à la motion des lignes de flux et à l'interaction avec le courant. Ce phénomène est décrit par l'équation simplifiée suivante :

j×ϕ0ηvϕ=0j \times \phi_0 - \eta v_{\phi} = 0

Dans cette équation, ηvϕ\eta v_{\phi} représente la contribution dissipative de la résistance, tandis que j×ϕ0j \times \phi_0 indique la force exercée par le courant sur les lignes de flux. La dissipation due à la motion des quanta de flux, et par extension la résistance au flux, est exprimée par :

ρf=ϕ0Bη\rho_f = \frac{\phi_0 B}{\eta}

Ce phénomène est essentiel pour comprendre les limites physiques de la supraconductivité, en particulier en ce qui concerne le courant sans résistance. L'un des grands défis est donc d'empêcher autant que possible cette motion des quanta de flux, afin de maintenir un état supraconducteur stable, libre de dissipation.

Dans le domaine de la supraconductivité, la recherche des moyens permettant de contrôler ce processus est devenue un axe central, car les quanta de flux sont responsables des pertes énergétiques. Si ces flux peuvent être contrôlés, cela pourrait ouvrir la voie à des applications nouvelles et révolutionnaires dans des domaines aussi divers que l'optique quantique, les systèmes de stockage d'énergie, ou même les ordinateurs quantiques.

La question reste donc ouverte : jusqu'où la maîtrise de ces phénomènes quantiques peut-elle mener à des découvertes imprévues et peut-être même à des révolutions technologiques dans des domaines allant au-delà de l'imagination actuelle ? L'interconnexion entre théorie et expérience dans le domaine de la supraconductivité promet encore bien des avancées dans la compréhension des propriétés fondamentales de la matière et de l'univers.