Dans l’étude des modèles financiers, une question centrale est la caractérisation des mesures de martingale minimales, qui jouent un rôle fondamental dans la valorisation et la couverture des actifs risqués. Une mesure de martingale minimale est une mesure équivalente à la mesure historique P, sous laquelle le prix du actif s’ajuste de manière à devenir un martingale, tout en minimisant certains critères d’erreur de couverture.

Le théorème fondamental stipule qu’une mesure équivalente de martingale P^\hat{P} dont la densité dP^dP\frac{d\hat{P}}{dP} est à densité quadratique (c’est-à-dire dans L2L^2) est minimale si et seulement si la martingale Λ\Lambda définie sous P admet une représentation comme intégrale stochastique par rapport à la martingale YY issue de la décomposition de Doob de la variable XX modélisant l’évolution du prix de l’actif :

Λt=1+s=1tλs(YsYs1),\Lambda_t = 1 + \sum_{s=1}^t \lambda_s \cdot (Y_s - Y_{s-1}),

pour un processus prévisible λ\lambda à valeurs dans Rd\mathbb{R}^d. Cette représentation exprime que la densité de la mesure minimale se construit à partir des variations de la martingale YY, reflétant ainsi une certaine forme d’orthogonalité entre le risque sous-jacent et le processus de prix.

La preuve repose sur l’analyse des propriétés orthogonales et l’application de la décomposition de Doob, avec un recours aux théorèmes classiques de convergence dominée et d’arrêt des martingales. En particulier, il est montré que toute martingale MM orthogonale à XX sous P conserve sa propriété de martingale sous P^\hat{P}, ce qui assure la minimalité de la mesure.

Dans le cas unidimensionnel, la situation se précise davantage : la prédictibilité λt\lambda_t s’exprime explicitement via la variance conditionnelle des incréments du processus XX et la moyenne conditionnelle de ces incréments. Plus précisément,

λt=E[XtXt1Ft1]Var(XtXt1Ft1),\lambda_t = -\frac{E[X_t - X_{t-1} | \mathcal{F}_{t-1}]}{\operatorname{Var}(X_t - X_{t-1} | \mathcal{F}_{t-1})},

lorsque la variance conditionnelle est non nulle. Cette formule met en lumière l’équilibre entre dérive conditionnelle et volatilité conditionnelle dans la construction de la mesure minimale.

Cependant, cette construction repose sur une condition restrictive qui lie la taille des incréments conditionnels du processus aux propriétés de variance, garantissant ainsi la positivation presque sûre de la densité et la non-explosion du processus de changement de mesure.

Sous une hypothèse de trade-off moyenne-variance borné, la densité de la mesure minimale s’écrit comme un produit stochastique exponentiel :

Zt=s=1t(1+λs(YsYs1)),Z_t = \prod_{s=1}^t \left(1 + \lambda_s \cdot (Y_s - Y_{s-1}) \right),

ce qui assure l’existence, l’unicité et la square-intégrabilité de cette mesure. Ce résultat donne un cadre rigoureux à la modélisation du risque en finance dans un cadre de martingales quadratiques.

La compréhension fine de cette construction est essentielle, car elle révèle comment le changement de mesure minimal encapsule les informations relatives au risque et à la structure dynamique des prix. La notion d’orthogonalité forte entre martingales, clé dans la preuve, traduit l’indépendance des composantes de risque résiduelles, garantissant une séparation nette entre risque "héritable" et risque "orthogonal".

Il importe également de saisir que la mesure minimale n’est pas seulement un objet théorique mais qu’elle fournit une base pour l’évaluation et la couverture dans des marchés incomplets où l’élimination totale du risque est impossible. Elle détermine ainsi une forme de prix "minimal" compatible avec la structure probabiliste du modèle, préservant la cohérence arbitrageuse.

Les implications pratiques sont nombreuses : la formulation explicite en dimension unidimensionnelle permet d’implémenter les modèles de façon numérique, tandis que la généralisation à plusieurs dimensions demande une manipulation attentive des intégrales stochastiques et de la structure des filtrations.

En somme, la théorie des mesures de martingale minimales éclaire la manière dont, sous certaines conditions, on peut passer de la mesure historique à une mesure de risque équivalente qui préserve la martingale tout en minimisant la complexité du changement de probabilité. Cette approche est fondamentale pour la gestion du risque, la tarification des produits dérivés, et l’analyse des marchés financiers incomplets.

Il est important de noter que la construction et l’unicité de la mesure minimale reposent sur des hypothèses techniques fortes, notamment la square-intégrabilité des densités et la borne sur le trade-off moyenne-variance, conditions non triviales à vérifier dans certains modèles. Par ailleurs, la notion d’orthogonalité forte entre martingales souligne une géométrie sous-jacente à l’espace des martingales, impliquant des concepts avancés de décomposition stochastique qui méritent une compréhension approfondie.

Enfin, la mesure minimale illustre un compromis entre réalisme économique et faisabilité mathématique, servant de référence dans le panorama des mesures équivalentes utilisées pour la modélisation financière, notamment en contexte de couverture sous incertitude partielle ou de marchés incomplets.

Comment s’assurer de l’absence d’arbitrage dans un marché à données initiales contingentes ?

Considérons un cadre probabiliste où la distribution μ d’un vecteur de prix actualisés aléatoires est donnée, et où Γ(μ) désigne l’enveloppe convexe du support de μ. L’analyse fondamentale révèle que l’ensemble des barycentres des mesures absolument continues par rapport à μ, noté M̃(μ), est contenu dans la clôture de Γ(μ). Plus précisément, si une mesure ν est absolument continue par rapport à μ et que son barycentre m = ∫ y ν(dy) n’appartient pas à Γ(μ), on arrive à une contradiction en construisant un vecteur ξ tel que ξ ⋅ y > 0 pour tous y ∈ Γ(μ). Cette contradiction s’appuie sur la quasi-positivité de ξ ⋅ y sur le support de μ et, par absolue continuité, sur celui de ν, ce qui implique ξ ⋅ m > 0 alors que m est supposé nul.

L’interprétation géométrique essentielle issue de ce raisonnement est que le système de prix π doit appartenir à l’intérieur relatif de Γ(μ) pour garantir l’absence d’opportunités d’arbitrage. Cette condition équivaut à l’exclusion de vecteurs ξ permettant de générer des gains strictement positifs sans coût initial, condition fondamentale dans la théorie des marchés sans arbitrage.

Le modèle se complexifie lorsque l’on introduit une structure temporelle discrète avec filtrations (F0, F1) décrivant l’information disponible aux instants 0 et 1. Les prix initiaux S0 sont alors des variables aléatoires mesurables par rapport à F0, tandis que les prix ultérieurs S1 le sont par rapport à F1, avec F0 ⊆ F1. Les portefeuilles ξ choisis à l’instant initial peuvent dépendre de l’information disponible en F0. Un arbitrage est défini par l’existence d’un vecteur ξ réalisant un gain net ξ ⋅ Y (où Y représente le vecteur des gains actualisés) presque sûrement non négatif, strictement positif avec probabilité positive, tout en ne nécessitant pas d’investissement initial positif.

Cette modélisation permet d’introduire un cône K des gains réalisables à partir de stratégies admissibles. L’absence d’arbitrage revient alors à la propriété K ∩ L0+ = {0}, où L0+ désigne le cône des variables aléatoires positives mesurables. L’utilisation des mesures martingales équivalentes, dites aussi mesures risques-neutres, s’impose naturellement : ce sont des probabilités sous lesquelles les prix actualisés forment un processus martingale conditionné à la filtration disponible. L’existence de telles mesures, avec densité bornée par rapport à la probabilité initiale, caractérise l’absence d’arbitrage via un théorème fondamental étendu dans ce cadre.

Cette approche met en lumière le lien intime entre la structure géométrique du support des prix, la mesure probabiliste sous-jacente, et la théorie des martingales dans la construction des modèles financiers sans arbitrage. La formulation en termes d’espérance conditionnelle et de mesures équivalentes martingales permet de formaliser rigoureusement l’absence d’opportunités d’arbitrage dans un cadre dynamique et incertain, en lien avec les informations accessibles aux investisseurs.

Il est essentiel de comprendre que la généralisation du modèle vers plusieurs périodes ou une filtration plus fine nécessite des outils plus sophistiqués, notamment la théorie des martingales en temps discret, qui sera abordée dans des développements ultérieurs. Le choix de la numéraire, ici souvent le premier actif à prix strictement positif, ainsi que la gestion rigoureuse des espaces de variables aléatoires (Lp, L0, et leurs cônes positifs) sont cruciaux pour formuler précisément les conditions d’absence d’arbitrage et assurer la validité des résultats.

Au-delà de la formalisation mathématique, la compréhension intuitive que l’absence d’arbitrage implique une cohérence entre les prix observés et les stratégies disponibles, sous toutes les informations initiales, est fondamentale. Cela garantit que les marchés ne permettent pas d’exploiter sans risque des opportunités de profit, condition sine qua non pour le bon fonctionnement des marchés financiers. La maîtrise des propriétés des supports des distributions, de la continuité absolue des mesures et de leur barycentre dans l’enveloppe convexe des prix est également primordiale pour appréhender finement la structure des prix et leurs implications en finance.

Comment la théorie de l'arbitrage dynamique et l'efficacité des marchés peuvent être appliquées aux stratégies d'investissement?

La théorie de l'arbitrage dynamique se base sur une compréhension profonde des fluctuations stochastiques des prix des actifs financiers. Dans un cadre multi-périodes, chaque actif est décrit par un processus stochastique évoluant de manière discrète au fil du temps, et les stratégies de portefeuille sont ajustées de manière successive en fonction de l'information disponible à chaque instant. Une telle stratégie de trading dynamique peut engendrer un gain attendu positif. Toutefois, si ce gain ne comporte aucun risque à la baisse, elle est qualifiée d'opportunité d'arbitrage. En effet, un modèle d'arbitrage sans risque implique l'absence d'opportunités d'arbitrage, ce qui est une condition minimale de l'efficacité des marchés.

L'absence d'arbitrage dans un modèle est étroitement liée à l'existence d'une mesure de martingale équivalente, c'est-à-dire que sous cette mesure, les processus de prix actualisés des actifs deviennent des martingales. Autrement dit, l'évolution des prix dans ce cadre suit une structure mathématique qui reflète un jeu équitable. Il en découle que, pour évaluer des instruments financiers complexes, comme les options européennes, sans générer d'opportunités d'arbitrage, il est crucial de bien comprendre cette dynamique entre les actifs sous-jacents et les instruments dérivés. Le prix d'un tel instrument doit être calculé de manière à éviter toute possibilité d'arbitrage, ce qui exige une stratégie de couverture dynamique impliquant un ajustement continu du portefeuille.

Dans un modèle complet, un tel processus de couverture permet de répliquer parfaitement le résultat final de l'instrument dérivé. Le modèle complet est rare, et souvent la réalité des marchés financiers est bien plus complexe, notamment lorsque les modèles sont incomplets. Cela implique que les prix des dérivés ne sont pas toujours aussi simples à calculer que dans des modèles idéaux. Le modèle binomial de Cox, Ross et Rubinstein est un exemple pratique où des formules explicites peuvent être dérivées pour des options exotiques, telles que les options à regard en arrière, ou encore les options « up-and-in » et « up-and-out ». La formule de Black-Scholes, qui repose sur le mouvement brownien géométrique, en est une autre application courante pour évaluer les options européennes.

Le modèle de marché multi-périodes introduit dans cette théorie comprend d+1d + 1 actifs, dont les prix sont définis comme des variables aléatoires positives à chaque instant t=0,1,,Tt = 0, 1, \dots, T, et sont mesurables par rapport à une filtration FtF_t, qui représente les informations disponibles à chaque moment. La filtration est donc un outil essentiel pour modéliser l’évolution de l’information au fil du temps. Un processus stochastique est dit « adapté » si chaque instant de ce processus est mesurable par rapport à la filtration associée, ce qui garantit que les décisions de trading sont basées sur l’information disponible à chaque moment donné.

Les stratégies de trading peuvent être définies comme des processus prévisibles, c’est-à-dire des décisions prises avant chaque période de trading, sans anticipation des mouvements futurs des prix. La stratégie idéale, dite « auto-financée », signifie que l'évolution de la valeur du portefeuille entre deux périodes successives résulte uniquement des variations des prix des actifs sous-jacents, sans ajout ou retrait de fonds externes. Une telle stratégie est la plus représentative de l'évolution naturelle d'un portefeuille dans un cadre dynamique. Il est à noter qu'une stratégie auto-financée permet de relier l’évolution des gains à la fluctuation des prix des actifs sous-jacents, en offrant une vue précise des profits ou des pertes réalisés.

Un autre aspect important est l'utilisation d'un actif sans risque, comme un bond, dans un cadre dynamique. Lorsqu'un actif S0S_0 évolue selon un taux d'intérêt prévisible, il représente un investissement localement sans risque. Ce processus de taux d’intérêt prévisible permet de comparer les actifs en les actualisant selon un taux donné. En utilisant un tel actif comme numéraire, on peut exprimer la valeur des autres actifs sous forme de prix actualisés, facilitant ainsi les comparaisons entre les actifs financiers à différents moments.

Il est également essentiel de comprendre le processus de valeur actualisée d’un portefeuille VtV_t, qui représente la valeur à un instant tt d’une stratégie de trading donnée. Cette valeur, calculée en fonction des prix actualisés des actifs, fournit une mesure de l’efficacité d'une stratégie de couverture dynamique et de l'arbitrage. Le processus de gains GtG_t, quant à lui, suit l'évolution des valeurs du portefeuille, permettant d'évaluer les performances d'une stratégie par rapport à l'évolution des prix des actifs sous-jacents.

Enfin, bien que la théorie de l'arbitrage dynamique puisse sembler idéale dans un cadre théorique, la plupart des modèles sur les marchés réels sont incomplets, ce qui complexifie considérablement les stratégies d'investissement. Les modèles de marché multi-périodes offrent néanmoins un cadre précieux pour comprendre et appréhender les principes d'efficience et d'arbitrage, qui sous-tendent les décisions d'investissement dans un environnement complexe et en constante évolution.