Les propriétés des déterminants sont essentielles pour l'analyse des matrices, en particulier lorsqu'on s'intéresse à leur rang et à leurs applications. Une proposition importante dans ce contexte est la Proposition 3.5.5, qui examine le produit de deux matrices AA et BB, avec des dimensions respectives i×mi \times m et m×im \times i, où imi \leq m. Selon cette proposition, le déterminant du produit ABAB est donné par le produit des déterminants de AA et BB, avec des termes supplémentaires impliquant les éléments de la matrice résultante. Ce résultat repose sur l'expansion par cofacteurs et l'utilisation de mineurs de matrices.

Prenons un exemple pour mieux comprendre cette théorie. Soit AA et BB les matrices suivantes :

A=(111233),B=(3323)A = \begin{pmatrix} 1 & 1 & 1 \\ 2 & 3 & 3 \end{pmatrix}, \quad B = \begin{pmatrix} 3 & 3 \\ 2 & 3 \end{pmatrix}

Le calcul du déterminant de ABAB s'effectue en vérifiant les produits des mineurs associés à chaque élément de la matrice produit. Après les calculs nécessaires, on constate que le déterminant de ABAB donne bien le même résultat que la somme des produits des déterminants des sous-matrices de AA et BB, validant ainsi la proposition. Cet exemple montre que le déterminant de ABAB peut être décomposé en une somme de termes impliquant les mineurs de AA et BB, ce qui est crucial pour des applications telles que le calcul du rang des matrices.

Induction sur le rang des matrices

La démonstration de la proposition 3.5.5 repose sur une méthode par induction sur le rang ii. Le cas de base, i=1i = 1, est facile à prouver en utilisant la définition du déterminant d'une matrice 1×11 \times 1. Si l'on suppose que la proposition est vraie pour un rang i1i-1, on montre alors qu'elle l'est aussi pour ii en utilisant l'expansion par cofacteurs et les propriétés des mineurs. La complexité de cette démonstration réside dans le traitement des multiples termes qui apparaissent lorsqu'on décompose le produit ABAB en somme de mineurs, mais grâce à l'induction, on peut prouver que cette décomposition est correcte pour tout ii.

La proposition 3.5.5 peut également être étendue aux cas où le produit ABAB a plus de lignes que de colonnes ou vice versa. Dans ces cas, la démonstration fait appel à l'extension de la matrice AA avec des zéros pour obtenir une forme plus simple qui permet de calculer le déterminant en utilisant des propriétés précédemment démontrées.

Applications au rang des matrices

Le concept de rang d'une matrice, introduit à travers l'idée des mineurs, est un autre élément central de la théorie des déterminants. Selon la Proposition 3.5.7, le rang de la matrice produit ABAB est lié aux rangs des matrices AA et BB, ce qui permet de définir et de comprendre la structure des matrices à travers leurs rangs. Par exemple, si AA et BB sont des matrices de rang rr, le produit ABAB ne peut avoir un rang supérieur à rr. Cette propriété est utile dans le cadre des transformations linéaires, des systèmes d'équations linéaires et dans d'autres domaines des mathématiques appliquées.

Le rôle des matrices inversibles

Il est également important de noter que les matrices inversibles jouent un rôle clé dans le calcul du rang et du déterminant. Selon la Corollaire 3.5.8, si AA est une matrice quelconque et UU, VV des matrices inversibles de taille appropriée, alors Ii(UAV)=Ii(A)Ii(UAV) = Ii(A), ce qui signifie que le rang et les mineurs de AA sont conservés sous les transformations par multiplication à gauche et à droite par des matrices inversibles. Cette propriété est cruciale pour des applications telles que la réduction de matrices et la simplification de systèmes d'équations.

Le calcul du rang d’une matrice

Le calcul du rang d’une matrice repose souvent sur des techniques telles que la forme échelonnée réduite (ou forme de Gauss) ou la réduction de la matrice par des opérations élémentaires. Cela permet de déterminer les mineurs non nuls d’une matrice, ce qui donne une idée du nombre de dimensions indépendantes dans l’espace que représente cette matrice.

Prenons un exemple pour mieux comprendre ce processus : soit la matrice AA suivante :

A=(012123234)A = \begin{pmatrix} 0 & 1 & 2 \\ 1 & 2 & 3 \\ 2 & 3 & 4 \end{pmatrix}

En utilisant la réduction par lignes, nous pouvons obtenir une forme échelonnée qui permet de déterminer rapidement que le rang de cette matrice est 2, car il y a deux lignes non nulles dans la forme réduite. Cela montre que les colonnes de la matrice ne sont pas indépendantes et que l’espace qu’elles engendrent a une dimension de 2.

Le rang d’une matrice sur un anneau ou un corps

Une autre dimension importante dans l’étude du rang est la possibilité de travailler avec des matrices dont les entrées appartiennent à un anneau RR ou à un corps FF. Le Corollaire 3.5.11 précise que si AA est une matrice dont les éléments sont dans un sous-anneau RR d’un anneau SS, alors le rang de AA sur RR et sur SS sont égaux. Cela implique que la structure du rang est préservée lorsqu’on change de sous-anneau, ce qui peut être utile dans des contextes où les matrices sont étudiées dans différents systèmes algébriques, comme les anneaux de polynômes ou les corps finis.

Détail important pour le lecteur

En abordant les matrices, il est fondamental de comprendre la relation entre les différents types de mineurs et le rang d’une matrice. Les propriétés des déterminants, comme celles exposées dans la proposition 3.5.5, sont la base sur laquelle repose l’analyse de matrices dans divers contextes algébriques et géométriques. Cela inclut la résolution de systèmes d’équations linéaires, l’étude des transformations linéaires, et la caractérisation de la dépendance linéaire entre les colonnes ou les lignes d’une matrice. Une bonne maîtrise de ces concepts permet de mieux appréhender des domaines avancés des mathématiques, tels que la théorie des modules, l’algèbre homologique, et les applications en géométrie algébrique.

Quelle est la forme canonique rationnelle d'un endomorphisme linéaire ?

Soit TT un endomorphisme linéaire sur un espace vectoriel VV sur un corps FF. La forme canonique rationnelle de TT est une représentation particulièrement utile de TT, qui permet de décrire la structure de l'endomorphisme en termes de ses facteurs invariants. Ces facteurs invariants sont des polynômes, et leur ordonnancement permet de comprendre de manière précise la décomposition de l'espace vectoriel sous l'action de TT.

En termes simples, on peut décomposer VV comme une somme directe de modules cycliques associés aux facteurs invariants de TT. La relation suivante, issue du théorème 4.5.13, formalise cette décomposition :

V=F[λ]z1F[λ]z2F[λ]zsV = F[\lambda]z_1 \oplus F[\lambda]z_2 \oplus \dots \oplus F[\lambda]z_s

ziz_i est un vecteur propre générant un sous-espace cyclique, et le polynôme invariant associé à ziz_i est di(λ)d_i(\lambda), avec didi+1d_i \mid d_{i+1} pour chaque ii. Cela signifie que chaque di(λ)d_i(\lambda) divise le suivant, et ces polynômes décrivent les actions de TT sur chaque sous-espace cyclique.

La matrice représentant TT par rapport à une base ordonnée (z1,λz1,,λn11z1;z2,λz2,,λn21z2;;zs,λzs,,λns1zs)(z_1, \lambda z_1, \dots, \lambda^{n_1-1}z_1; z_2, \lambda z_2, \dots, \lambda^{n_2-1}z_2; \dots; z_s, \lambda z_s, \dots, \lambda^{n_s-1}z_s) est sous la forme d'une matrice dite "forme canonique rationnelle", ou simplement la "forme rationnelle" de TT. Cette matrice est composée de matrices de compagnon associées à chaque facteur invariant di(λ)d_i(\lambda). Ces matrices sont généralement appelées matrices de compagnon, et elles incarnent la structure de TT dans une base particulière de VV.

Exemple pratique : Calcul de la forme canonique rationnelle

Supposons que TT soit un endomorphisme linéaire sur V=Q3V = \mathbb{Q}^3 défini par :

T(u1)=4u1u22u3,T(u2)=3u1+2u2+2u3,T(u3)=6u12u23u3T(u_1) = 4u_1 - u_2 - 2u_3, \quad T(u_2) = -3u_1 + 2u_2 + 2u_3, \quad T(u_3) = 6u_1 - 2u_2 - 3u_3

On peut commencer par calculer la matrice associée à TT dans la base (u1,u2,u3)(u_1, u_2, u_3), qui est la matrice AA suivante :

A=(436122223)A = \begin{pmatrix} 4 & -3 & 6 \\ -1 & 2 & -2 \\ -2 & 2 & -3 \end{pmatrix}

Ensuite, on cherche à obtenir la forme canonique rationnelle de cette matrice. En procédant par des opérations élémentaires sur les lignes et les colonnes, on peut transformer AA en une forme plus simple, qui peut être comparée à la forme rationnelle canonique. Les détails de cette procédure impliquent l'utilisation de polynômes invariants, la réduction de la matrice et la recherche de facteurs invariants, ce qui permet de déterminer la structure du module cyclique sous l'action de TT.

Facteurs invariants et matrices de compagnon

Les facteurs invariants de TT via AA sont des polynômes qui caractérisent l'endomorphisme linéaire. Ces polynômes sont nécessaires pour écrire VV comme une somme directe de modules cycliques. En termes pratiques, la réduction de la matrice λIA\lambda I - A est cruciale pour trouver ces facteurs invariants. La forme canonique rationnelle de AA, ou la rationalisation de la matrice AA, se fait en calculant une matrice de changement de base PP, de sorte que la relation B=P1APB = P^{ -1} A P tienne. Cette transformation permet de passer de la matrice originale AA à une forme simplifiée BB, qui reflète les facteurs invariants de TT.

Cas d'une matrice caractéristique

Prenons un exemple plus complexe, où AA est une matrice carrée de taille 55 sur Q\mathbb{Q} qui satisfait A54A2=0A^5 - 4A - 2 = 0. L'objectif ici est de déterminer la forme rationnelle de AA. Le polynôme minimal de AA est un diviseur du polynôme caractéristique g(λ)=λ54λ2g(\lambda) = \lambda^5 - 4\lambda - 2. Ce polynôme étant irréductible sur Q\mathbb{Q}, la forme rationnelle de AA sera constituée de matrices de compagnon associées à g(λ)g(\lambda), chacune ayant une taille égale à 5. La taille de AA sera donc un multiple de 5, et la matrice AA sera inversible, ce qui peut être vérifié en calculant son déterminant.

Conclusion

La forme canonique rationnelle d’un endomorphisme linéaire TT permet d’analyser la structure de l’espace vectoriel VV et de comprendre comment TT agit sur VV. Cette représentation met en évidence les facteurs invariants et simplifie les calculs, en particulier lorsque l’on travaille avec des matrices. En utilisant des matrices de compagnon et des polynômes invariants, on peut obtenir une vue claire de l’action de TT et de la structure de son espace propre associé.