L’étude des dynamiques environnementales implique souvent une attention particulière aux groupes marginalisés, ceux dont les voix sont cruciales pour comprendre les injustices environnementales. Pourtant, comme le souligne Bull (2015), pour saisir les véritables moteurs du changement social, il est essentiel d’examiner également les élites. Ce groupe, bien que relativement restreint, joue un rôle disproportionné dans la configuration des résultats environnementaux. Cela est particulièrement évident dans le contexte des émissions de gaz à effet de serre, où les élites économiques ont un impact global majeur, notamment aux États-Unis (Nielsen et al. 2021). Cependant, l’étude des élites doit être nuancée, car il existe une distinction importante entre les élites économiques, politiques et décisionnelles.
La recherche sur les politiques environnementales et la justice écologique doit donc se concentrer non seulement sur les populations vulnérables, mais aussi sur ceux qui détiennent un pouvoir de décision et d’influence, comme les membres des agences gouvernementales ou les hauts fonctionnaires. Par exemple, dans le cas des États-Unis, Jill Lindsey Harrison (2019) souligne qu’il est crucial de s’intéresser aux bureaucrates des agences comme l’Environmental Protection Agency (EPA) pour comprendre les obstacles à la mise en œuvre des réformes écologiques. Selon Harrison, ces dynamiques internes, souvent invisibles à l’extérieur, sont essentielles pour comprendre les blocages dans les processus de décision.
Pour aller plus loin, certaines théories socio-écologiques, comme celle des « dynamiques de pression et de pulsation » proposées par Collins et al. (2011), offrent un cadre utile pour analyser les systèmes socio-écologiques interconnectés. Les dynamiques de pression, telles que l’élévation du niveau de la mer ou les conversions des terres, modifient lentement mais de manière permanente les écosystèmes. Ces processus, bien que chroniques, passent souvent inaperçus tant qu’ils n’atteignent pas un seuil critique. Par contre, les dynamiques de pulsation, plus rapides et plus visibles, peuvent provoquer des changements abrupts et déstabiliser les systèmes. Dans le cas du Costa Rica, ce modèle théorique est particulièrement pertinent pour comprendre comment la politique climatique s’est développée et comment des changements internes peuvent perturber les équilibres politiques.
Les dynamiques de pression et de pulsation sont essentielles pour comprendre les moments où des décisions politiques sont prises, car elles reflètent des changements dans les priorités des élites en réponse à des défis écologiques immédiats. Ainsi, au-delà des dynamiques de long terme, il faut aussi s’intéresser à ces moments où l’action politique devient nécessaire. Dans le contexte costaricain, les membres de l’élite verte, qui possèdent une influence considérable sur la direction des politiques environnementales, ne sont pas seulement des acteurs institutionnels, mais ils font aussi partie d’un réseau d’interactions qui transcende les sphères gouvernementales. Leur pouvoir réside autant dans leur capacité à mobiliser des ressources intellectuelles que dans leur influence sur les stratégies politiques.
Au cœur de cette analyse se trouve l’étude de l’élite verte costaricaine, un groupe de personnes relativement unifiées, géographiquement concentrées autour de la capitale, San José. Après les crises des années 1930 et 1940, l’État a intégré la classe moyenne émergente, qui, au fil du temps, a formé une classe urbaine influente. Certains membres de cette élite transforment l’environnement politique, prenant des décisions cruciales pour l’élaboration des politiques climatiques. Pourtant, contrairement aux élites économiques traditionnelles, cette élite verte n’est pas nécessairement constituée de grandes fortunes. Nombre d’entre eux, comme l’indiquent certains chercheurs, tels que Pablo, un scientifique et membre de la société civile, ne se considèrent pas comme faisant partie de l’élite économique mais plutôt de l’élite intellectuelle. Cette distinction est importante, car elle souligne que l’élite verte n’est pas seulement une question de pouvoir économique, mais aussi de capacité à influencer les idées et les décisions qui façonneront les politiques écologiques.
Il est également essentiel de distinguer les différentes formes de pouvoir au sein de cette élite. Tandis que certains, comme les ministres et présidents, détiennent un pouvoir politique direct et peuvent faire pencher la balance en faveur de certaines politiques, d’autres, issus de l’élite intellectuelle, exercent leur influence dans les coulisses, contribuant à la formulation et à l’élargissement des débats sur la transition écologique. En effet, bien que leur pouvoir économique soit limité, ces individus possèdent une expertise et une capacité à mobiliser des acteurs multiples qui leur confèrent un rôle déterminant dans les processus décisionnels.
Ainsi, pour comprendre la dynamique des politiques de lutte contre le changement climatique au Costa Rica, il ne suffit pas de se concentrer uniquement sur les événements récents ou sur la structure de l’État. Il faut également explorer comment ces élites intellectuelles et politiques interagissent, se mobilisent et transforment la politique publique en fonction de leurs perceptions des enjeux environnementaux et des pressions internes et externes. Ce processus nécessite une attention particulière à la manière dont les membres de l’élite verte se connectent, travaillent ensemble et influencent les décisions dans des moments clés de l’histoire du pays.
Il est aussi crucial de prendre en compte que les décisions prises par cette élite sont rarement isolées des contextes globaux. Les processus de mondialisation, la pression internationale sur les politiques environnementales et les dynamiques économiques mondiales jouent un rôle central dans l’élaboration des politiques locales. Les décisions prises au Costa Rica ne sont pas seulement un reflet des dynamiques internes, mais sont également façonnées par des forces extérieures, telles que les accords internationaux sur le climat ou les fluctuations économiques mondiales. Cela renforce l'idée que pour comprendre les politiques écologiques d’un pays, il est indispensable de prendre en compte à la fois les acteurs locaux et les influences globales qui les façonnent.
Quel rôle la diplomatie de la paix de José María Figueres et d'Oscar Arias a-t-elle joué dans l'orientation de la politique étrangère du Costa Rica ?
Oscar Arias, une figure centrale de la politique costaricienne, incarne le parcours complexe d'un homme qui a su naviguer entre les idéaux sociaux-démocrates de son pays et les pressions internationales. Son engagement pour la paix en Amérique centrale, notamment avec l'accord de paix de 1987 qui lui valut le prix Nobel de la paix, est sans doute l'élément le plus marquant de sa carrière. Toutefois, pour comprendre l'impact de sa diplomatie, il faut d’abord explorer ses influences et ses premiers pas en politique.
Arias est né dans une famille conservatrice, mais il s’est progressivement éloigné de ces valeurs pour s’engager dans les rangs du Parti de la Libération nationale (PLN), héritier des idées de José "Don Pepe" Figueres Ferrer. Ce dernier, architecte de la démocratie moderne du Costa Rica, a profondément marqué la trajectoire d’Arias, non seulement en tant que mentor mais aussi en tant que modèle. Figueres, l’homme qui avait réussi à transformer le Costa Rica en une société démocratique stable après la guerre civile de 1948, représentait un idéal auquel Arias aspirait. Leur relation, basée sur une admiration réciproque, a façonné le parcours d’Arias, qui a fait ses premiers pas en politique dans les années 1960, alors qu’il était encore étudiant à l’Université du Costa Rica.
Le passage d’Arias de la médecine au droit et à l’économie n’est pas simplement une évolution personnelle, mais également une réponse à l’inspiration qu’il tirait de la politique. Son séjour à Londres et ses interactions avec des figures politiques internationales ont renforcé sa vision d'un Costa Rica capable de jouer un rôle de leader dans la diplomatie régionale. Lorsqu’il est revenu au pays à la fin des années 1960, le climat politique du Costa Rica était propice à un changement. Il s’engage dans la campagne de José Figueres et, une fois ce dernier élu pour la deuxième fois, il rejoint son gouvernement en tant que ministre de la planification économique.
Sous sa direction, le Costa Rica amorce une phase de croissance économique, avec une attention particulière à l'environnement, notamment avec l’extension des parcs nationaux. Toutefois, c’est dans les années 1980, avec le tournant néolibéral que prend son pays, qu’Arias se distingue. Son ascension à la présidence en 1986 se fait sous le signe de la paix. Dans un contexte de guerre civile dans les pays voisins, notamment au Nicaragua, et face à une intensification des tensions entre les États-Unis et l’Amérique centrale, Arias se positionne comme le candidat de la paix, en opposition avec son rival, Calderón, perçu comme un partisan du réarmement et de l’intervention militaire.
Une fois élu, son programme de réformes intérieures se heurte parfois à ses engagements passés. Bien qu’Arias ait tenté de se positionner comme un leader de la vieille école figueriste, il s’allie avec les économistes néolibéraux qui prônent des réformes économiques de grande envergure. Ce paradoxe n’empêche pas son image d’être celle d’un réformateur progressiste, soucieux du bien-être de son pays. Cependant, c’est à l’international que son influence se déploie véritablement, notamment à travers l’accord de paix qu’il réussit à faire adopter en 1987.
L’initiative "A Time for Peace", proposée par Arias, cherche à mettre fin aux conflits armés en Amérique centrale. Ce plan de paix visait à instaurer une amnistie pour les groupes rebelles, suspendre l’aide militaire étrangère, et mettre fin à l’asile politique pour les combattants insurgés. Ce projet, soutenu par tous les chefs d'État d'Amérique centrale, marque un tournant historique. L'originalité de la proposition réside dans le fait qu’elle impliquait tous les gouvernements de la région, y compris les Sandinistes du Nicaragua, et non seulement ceux qui étaient alliés aux États-Unis.
Cet accord représente l’une des plus grandes réussites de la diplomatie d'Arias et s’inscrit dans la continuité de la vision de José Figueres. Figueres avait toujours prôné une autonomie accrue pour les nations d’Amérique centrale, loin des ingérences extérieures, une idée que partageait Arias. C’est dans ce contexte que le Costa Rica, déjà connu pour son absence d’armée, s’affirma comme un modèle de stabilité et de démocratie dans une région dévastée par les conflits.
En recevant le prix Nobel de la paix en 1987, Arias consacra son rôle d’acteur clé dans les négociations de paix en Amérique centrale. Mais cette distinction eut également des répercussions sur le Costa Rica lui-même, renforçant le mythe de la "démocratie rurale", qui devient un pilier de l’identité nationale costaricienne. Cette image d'exceptionnalité démocratique se nourrit de l'idée que le pays, par ses choix politiques pacifistes et par son engagement constant pour la diplomatie régionale, incarne un modèle pour l'Amérique latine et au-delà.
Les répercussions de la victoire d’Arias au prix Nobel vont au-delà des frontières du Costa Rica. Son plan pour la paix a non seulement consolidé sa position sur la scène internationale, mais a aussi jeté les bases de la politique environnementale du pays. En conciliant ses ambitions de paix avec des préoccupations écologiques, il a contribué à faire du Costa Rica un pionnier en matière de conservation et de tourisme durable.
Pour les lecteurs, il est essentiel de comprendre que l'impact de José María Figueres et d'Oscar Arias ne réside pas seulement dans leurs politiques économiques ou sociales, mais dans leur capacité à incarner les idéaux d'une Amérique centrale autonome, pacifique et démocratique. Cette vision a été essentielle pour maintenir la stabilité dans une région marquée par des conflits internes et par les interventions étrangères, notamment celles des États-Unis.
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